Dysphagie après radiothérapie : état des lieux et moyens de prévention

Dysphagie après radiothérapie : état des lieux et moyens de prévention

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Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale 132 (2015) 23–27

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Mise au point

Dysphagie après radiothérapie : état des lieux et moyens de prévention夽 S. Servagi-Vernat a,∗ , D. Ali b , C. Roubieu c , C. Durdux b , O. Laccourreye d , P. Giraud b a

Service d’oncologie radiothérapie, centre hospitalier universitaire, boulevard Fleming, 25000 Besanc¸on cedex, France Service d’oncologie radiothérapie, université Paris Descartes, Paris Sorbonne Cité, hôpital européen Georges-Pompidou, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, France c Service ORL, unité voix, hôpital européen Georges-Pompidou, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, France d Service d’ORL, université Paris Descartes, Paris Sorbonne Cité, hôpital européen Georges-Pompidou, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, France b

i n f o

a r t i c l e

Mots clés : Dysphagie Radiothérapie Toxicités

r é s u m é La radiothérapie complémentaire à une chirurgie ou exclusive, associée ou non à une chimiothérapie concomitante représente un axe thérapeutique essentiel intéressant une grande majorité de patients porteurs d’un cancer des voies aérodigestives supérieures. Les récents progrès techniques de la radiothérapie ont permis de diminuer l’incidence de la xérostomie. Une autre toxicité fréquente secondaire à la radiothérapie est la dysphagie qui altère à la fois l’état général et la qualité de vie des patients en rémission. L’objectif de cette revue est de décrire la physiologie de la déglutition, la physiopathologie de la dysphagie post-radique et les différents moyens disponibles à l’heure actuelle pour la prévenir. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

1. Introduction Les nouvelles techniques de radiothérapie dans les cancers des voies aérodigestives supérieures (VADS) permettent de délivrer une dose curative au volume tumoral tout en préservant les tissus sains, diminuant ainsi les séquelles liées à la radiothérapie et donc, la qualité de vie des patients en rémission. Les tissus sains inclus ou à proximité des volumes tumoraux irradiés parmi lesquels se trouvent la peau, les muqueuses, les pièces osseuses et cartilagineuses, les dents et les glandes salivaires, constituent la principale limite de la radiothérapie. Toutefois, pour que les structures anatomiques responsables d’un dommage radio-induit soient épargnées, il faut connaître l’ensemble des structures impliquées dans la fonction étudiée. L’incidence de la xérostomie a ainsi été diminuée en épargnant principalement les glandes parotides ou la glande parotide controlatérale à la tumeur. Le processus de déglutition étant beaucoup plus complexe (intervention de 30 paires de muscles et 6 paires crâniennes), l’incidence des dysphagies ne pourra diminuer que lorsque l’ensemble de structures impliquées sera connu

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.anorl.2013.09.006. 夽 Ne pas utiliser pour citation la référence franc¸aise de cet article mais celle de l’article original paru dans European Annals of Otorhinolaryngology Head and Neck Diseases en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Servagi-Vernat). http://dx.doi.org/10.1016/j.aforl.2014.05.004 1879-7261/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

pour tenter de les épargner. Dans cette revue, après avoir rappelé la physiologie de la déglutition, nous analyserons la physiopathologie des troubles de la déglutition après radiothérapie et les moyens disponibles pour la prévenir.

2. Physiologie de la déglutition Le phénomène de déglutition est généralement défini comme l’ensemble des mécanismes qui permet la progression des aliments de la cavité buccale jusqu’au sphincter supérieur de l’œsophage. Elle est associée à la protection des voies respiratoires et met en jeu des mécanismes volontaires et réflexes.

2.1. Phase orale préparatoire La phase orale préparatoire consiste à préparer les aliments en les mastiquant et en les imprégnant de salive pour les transformer en bolus alimentaire homogène. Cette phase est à la fois volontaire et involontaire et fait intervenir les muscles masticateurs, les dents, la langue, les glandes salivaires, les récepteurs sensitifs de la muqueuse orale et des arcs réflexes qui permettent à la langue de disposer correctement les aliments dans la cavité orale afin qu’ils soient broyés par les dents sans se retrouver elle-même concernée par le processus de mastication. Elle est sous la dépendance des nerfs des paires crâniennes V, VII et XII.

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2.2. Phase orale Ce bolus est ensuite rassemblé sur la face dorsale de la langue, au niveau de la ligne médiane et plaqué par la langue contre le palais, puis propulsé vers l’arrière par la base de langue qui vient se placer contre la paroi pharyngée postérieure pendant que le voile du palais s’élève et vient se plaquer contre la paroi pharyngée postérieure pour éviter le passage du bolus vers le rhinopharynx. 2.3. Phases pharyngée et œsophagienne Le bolus se retrouve ensuite dans le pharynx dans les vallécules entre la base de langue, l’épiglotte et la paroi pharyngée postérieure. Les vallécules jouent pendant cette phase un rôle de stockage provisoire du bolus alimentaire. L’épiglotte va ensuite basculer en arrière pour protéger l’orifice du larynx. Les replis aryépiglottiques, les aryténoïdes et les vraies et fausses cordes vocales forment le sphincter laryngé qui va se fermer pour éviter les fausses routes. Simultanément, le larynx et le pharynx sont ascensionnés et tirés vers l’avant par les muscles pharyngés longitudinaux pendant que la contraction successive des muscles constricteurs circulaires va permettre la progression du bol alimentaire vers le bas puis l’ouverture du sphincter inférieur de l’œsophage va permettre sa descente vers l’estomac poussé par le péristaltisme de la paroi œsophagienne [1]. Les 2 premières phases sont essentiellement volontaires. Les phases pharyngées et œsophagiennes sont sous la dépendance d’un arc réflexe impliquant, pour ce qui est des afférences sensitives, les paires crâniennes V, VII, IX et X (notamment via le nerf laryngé supérieur et le nerf récurrent laryngé) et XII. L’ensemble de ces stimuli sensitifs est intégré dans le tronc cérébral dans un centre appelé centre réflexe de la déglutition dont les deux principaux noyaux sont situés dans le noyau du tractus solitaire et dans la moelle allongée au niveau du noyau ambigu. Ce centre de la déglutition est lui-même soumis à des afférences corticales et souscorticales. Les efférences de ces centres transitent via les paires crâniennes V, VII, X et XII jusqu’au pharynx [2,3]. En cas de défaut de ces mécanismes qui conduirait au passage d’une partie du bolus au niveau ou en dessous du plan vestibulaire (fausses routes), des récepteurs sensitifs de la muqueuse pharyngée vont être stimulés et déclencher via un arc réflexe impliquant les paires crâniennes X, IX, V et le tronc cérébral, le phénomène de toux destiné à expulser le bolus du larynx [4]. En cas d’échec ou de non déclenchement de cette « procédure de secours », une partie du bolus va passer en dessous du plan glottique (inhalation). 3. Physiopathologie de la dysphagie post-radique tardive L’ensemble des modifications post-radiques des structures impliquées dans la déglutition est encore pas mal compris. De plus, la xérostomie peut venir aggraver la dysphagie. 3.1. Modifications fonctionnelles après radiothérapie L’analyse en vidéoscopie du processus de déglutition après radiothérapie retrouve [5–7] : • une diminution du péristaltisme pharyngien et défaut de synchronisation entre les contractions pharyngiennes, l’ouverture de l’œsophage supérieur et la fermeture du larynx ; • une diminution ou un défaut de la bascule postérieure de la base de langue contre le mur pharyngé postérieur ; • une fermeture incomplète et/ou retardée du larynx avec diminution de son abduction lors de la déglutition ;

• une diminution de l’ascension de l’os hyoïde et du larynx et diminution de la bascule de l’épiglotte ; • et un retard à l’ouverture du sphincter supérieur de l’œsophage. Toutes ces anomalies sont responsables d’une dysphagie, d’un risque de fausses routes et/ou d’un résidu de bolus alimentaire dans l’oropharynx, les vallécules et l’hypopharynx après la fin de la phase de déglutition qui est susceptible d’être secondairement inhalé. De plus, après une radiothérapie, le réflexe de toux est souvent déficient, voire inexistant [8]. 3.2. Modifications histologiques après radiothérapie Les lésions radio-induites répondent schématiquement à deux grands processus physiopathologiques qui touchent tous les tissus : l’inflammation (et l’œdème qu’elle entraîne) et la fibrose [9,10]. S’ajoutent également des altérations microvasculaires, des atrophies des myofilaments et des vaisseaux, et des dépôts de collagène. 3.2.1. Les muqueuses La mucite radio-induite tardive associe une décoloration, un amincissement, une diminution de la souplesse de la muqueuse et une induration des tissus sous-cutanés. Elle peut se compliquer d’ulcération et de nécrose. Ces troubles sont dus à l’ischémie secondaire à la fibrose et à l’obturation des petits vaisseaux. Ces effets sont progressifs et irréversibles et peuvent s’installer entre 6 mois et 5 ans après radiothérapie. 3.2.2. Les muscles Dans une étude prospective portant sur 26 patients, des scanners pré- et post-radiothérapie ont été réalisés afin de rechercher les structures atteintes après radiothérapie. Les muscles constricteurs du pharynx, d’une épaisseur moyenne de 2 mm avant la radiothérapie, s’épaississent après l’irradiation pour atteindre une épaisseur moyenne de 7 mm [6]. Dans une autre étude portant sur 12 patients, Popovtzer et al. [11] ont étudié les variations de signal en IRM en séquences T1 et T2 ainsi que la variation d’épaisseur des muscles constricteurs du pharynx 3 mois après une radiothérapie L’épaisseur moyenne des muscles constricteurs du pharynx passait de 2,9 mm avant à 5,4 mm après la radiothérapie. Ils ont aussi comparé les résultats observés sur les muscles constricteurs du pharynx avec ceux mesurés sur les muscles sternocléido-mastoïdiens (SCM). Ils ont constaté une diminution du signal T1 après radiothérapie que ce soit sur les muscles constricteurs du pharynx, ou sur les SCM. En ce qui concerne le signal T2, celui-ci était nettement augmenté après l’irradiation au niveau des muscles constricteurs du pharynx, mais très modérément au niveau des SCM. Cette augmentation du signal était dose-dépendante pour les muscles constricteurs, mais pas pour les SCM. En ce qui concerne les modifications d’épaisseur, celle des muscles constricteurs a été en moyenne doublée après la radiothérapie, alors que l’épaisseur des SCM a plutôt diminué. Ces données suggèrent que les muscles constricteurs semblent être plus sujet à l’inflammation radioinduite que les SCM, l’hypersignal T2 étant le reflet de l’œdème et de l’inflammation. De plus, cette inflammation serait secondaire à l’inflammation aiguë de la muqueuse pharyngée qui les recouvre et dont l’inflammation se propagerait par contiguïté aux muscles constricteurs sous-jacents. D’autres muscles peuvent être atteints comme les muscles ptérygoïdiens et les muscles massetériens qui accompagnent l’atteinte de l’articulation temporo-mandibulaire par amincissement cartilagineuse et raréfaction du liquide synovial, responsable du trismus post-radique [12]. Des sténoses du muscle cricopharyngien peuvent également être rapportées [13].

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3.2.3. Les nerfs Il est difficile de déterminer si le dysfonctionnement des muscles constricteurs du pharynx est dû uniquement à des lésions musculaires, ou s’il existe des lésions nerveuses associées. Fajardo et al. [14] ne retrouvaient pas de lésions morphologiques des ganglions nerveux de l’œsophage et du pharynx après radiothérapie. Néanmoins, des altérations nerveuses fonctionnelles sans traduction clinique ne peuvent être écartées. L’innervation terminale du pharynx est essentiellement assurée par le plexus pharyngé, sous la dépendance des paires crâniennes V, VII, IX et X situées dans le tissu conjonctif externe en périphérie des muscles pharyngés et dont les fibres terminales percent la couche musculaire pour aller se terminer dans la muqueuse et la sous-muqueuse [15]. Des altérations de la muqueuse peuvent avoir des répercussions sur des fibres terminales afférentes et efférentes qu’elle contient, altérations qui sont à l’origine de troubles de la sensibilité et de la motricité comme par exemple la dénervation de l’hémilangue par sténose fibreuse tardive engainant le nerf XII [16]. 4. Conséquences de la dysphagie post-radique En fonction de la localisation tumorale et du stade de la maladie initiale, des troubles de la déglutition peuvent déjà exister avant mise en place des traitements ce qui rend difficile l’évaluation de la dysphagie purement post-radique. Dans la méta-analyse de Machtay et al., 43 % des patients en rémission présentaient comme toxicité tardive une dysphagie de grade 3–4 [17]. 4.1. Conséquences sur la qualité de vie La dysphagie après radiothérapie est à l’origine d’une modification du type d’alimentation et d’un allongement du temps de repas, ce qui participent à l’anorexie et à la dénutrition latente posttraitement. L’alimentation étant une activité sociale essentielle, les troubles alimentaires peuvent entraîner un véritable isolement du patient, facteur supplémentaire de dégradation de la qualité de vie [18,19]. Dans une étude portant sur 72 patients porteurs d’un cancer de l’oropharynx de stade III et IV, traités par radiochimiothérapie concomitante avec une technique de radiothérapie par conformation d’intensité, la qualité de vie évaluée à 6 et 12 mois après les traitements est fortement corrélée avec la dysphagie évaluée par le CTCAE version 2. Les autres toxicités comme la xérostomie ou les fibroses post-radiques influencent moins la qualité de vie [20]. L’utilisation d’une sonde d’alimentation entérale justifiée par l’état nutritionnel du patient altère également la qualité de vie [21,22]. Dans une étude portant sur 570 patients, les auteurs ont cherché les éléments cliniques les plus délétères sur la qualité de vie des patients évaluée par SF36 et HN comme la localisation du cancer, le stade tumoral, la présence d’une trachéotomie, la présence d’une sonde d’alimentation entérale, la laryngectomie, le curage, la radiothérapie, la chimiothérapie, d’autres comorbidités et le temps après le diagnostic. La présence d’une sonde d’alimentation entérale est le facteur influenc¸ant le plus la qualité de vie avec une différence jusqu’à –30 par rapport à une population témoin [21]. Par opposition, l’utilisation d’une gastrostomie à long terme altère moins la qualité de vie des patients [22]. 4.2. Pneumopathie d’inhalation La fréquence des inhalations après radiochimiothérapie est estimée entre 40 et 80 % dans les études récentes évaluant les troubles de déglutition par vidéoscopie [5,23,24]. Ces fausses routes peuvent conduire à une pneumopathie d’inhalation qui est une cause de morbidité, voire de mortalité importante chez ces patients. Dans une étude portant sur 22 patients évalués par fluoroscopie avant, à la fin, et à 6–12 mois après irradiation, des fausses routes ont été

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retrouvées respectivement chez 14 % des patients avant, 62 % à la fin, et 65 % entre six à douze mois après la radiothérapie. Six patients (28 %) ont présenté dans le suivi une pneumopathie d’inhalation dont 2 ont été la cause du décès (10 %). Parmi ces 6 pneumopathies d’inhalation, 5 étaient associées à des fausses routes prouvées par la fibroscopie [5]. Par ailleurs, la pose d’une sonde d’alimentation entérale diminue le risque de fausses routes et d’inhalations mais ne le fait pas disparaître [25]. 5. Comment réduire le risque de dysphagie post-radiothérapie ? 5.1. Par l’utilisation des nouvelles techniques de radiothérapie externe Le développement des collimateurs multilames (MLC : multileaf collimator) a d’abord permis le remplacement des caches plombés pour la conformation de faisceaux « statiques ». Avec les techniques multifaisceaux statiques successifs définis par le MLC (step and shoot), ou en utilisant une approche de mouvement continu de lames (« MLC dynamique » ou sliding window), il est maintenant possible d’implémenter des faisceaux d’intensité non homogène. Cette notion de radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité (RCMI), permet d’obtenir par combinaison de plusieurs faisceaux ayant chacun une inhomogénéité contrôlée, une distribution de dose parfaitement adaptée au volume cible tout en épargnant les organes à risque. L’arcthérapie dynamique est une nouvelle technique de RCMI qui permet de délivrer une radiothérapie modulée rotationnelle et volumétrique à la différence de la RCMI « classique » en faisant varier la vitesse de rotation du bras de l’accélérateur, la vitesse de déplacement des lames du collimateur et la fluence (débit de dose). Deux machines sont commercialisées sous le nom de RapidArc® (Varian Medical System) et VMAT® (Elekta). L’arcthérapie dynamique permet encore une meilleure homogénéité de la couverture tumorale et une meilleure épargne des tissus sains. L’utilisation de la RCMI puis de l’arcthérapie ont permis de diminuer l’incidence de la xérostomie [26,27]. Enfin, une troisième machine permet de délivrer une modulation d’intensité. Il s’agit de Tomotherapy® (Accuray), permettant une irradiation hélicoïdale avec modulation d’intensité. Quelle que soit la machine utilisée pour la délivrance de la dose, la prescription par l’optimisation des faisceaux se fait par l’intermédiaire d’algorithmes de calcul (TPS, Treatment Planning System) dans lequel les volumes d’intérêt (volumes cibles tumoraux et organes à risque), les contraintes de dose et les priorités pour chaque volume sont entrés. Le TPS optimise alors le profil d’intensité de chaque faisceau pour respecter ces paramètres. 5.2. Par les contraintes de doses utilisées dans le TPS De nombreuses études ont recherché une corrélation entre la dose délivrée aux organes impliqués dans la déglutition et la diminution de cette fonction après la radiothérapie [1,9,23,28–36]. Les résultats de ces différentes études sont assez concordants pour montrer une forte corrélation entre la dose rec¸ue par les muscles constricteurs du pharynx, le larynx et l’œsophage et les troubles de la déglutition. En ce qui concerne le larynx, les indices de doses décrits comme les plus prédictifs étaient la dose moyenne (Dmoy ) [1,28,31,33–35,37] le volume recevant une dose de 50 Gy (V50 ) [28,31,37] et le volume recevant une dose de 60 Gy (V60 ) [34]. Pour les muscles constricteurs, les indices dosimétriques les plus prédictifs sont la Dmoy [1,9,28,30,31,33,36,37], le V50 [37], le V55 [23] le V60 [38], le V65 [1,5,28,34,38] et le V70 [39]. Les contraintes de dose pour l’œsophage ont été décrites par de nombreux auteurs

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comme un facteur de risque important de troubles de la déglutition mais toutes ces études n’ont pas défini le volume de l’œsophage de la même fac¸on [28,30,31,35,38]. Certains auteurs considèrent l’œsophage cervical en totalité [31,35], d’autres le muscle cricopharyngien [30,33,38] ou encore le sphincter supérieur de l’œsophage (défini comme le premier centimètre de l’œsophage sous le muscle cricopharyngien) uniquement [33]. Ainsi, l’utilisation de ces recommandations de dose à ne pas dépasser pour les organes impliqués dans la déglutition permet de diminuer le risque de dysphagie, en fonction de la localisation tumorale, le but n’étant pas de dégrader la couverture tumorale. 5.3. Par l’évaluation pour prévenir les conséquences Il convient de proposer un conseil diététique personnalisé lors d’une radiothérapie exclusive ou d’une radiochimiothérapie ainsi qu’un suivi à moyen terme. La gastrostomie d’alimentation reste recommandée en cas de dénutrition. Chez un patient non dénutri, la gastrostomie peut être proposée cas d’irradiation de la sphère oro-pharyngée. Chez un patient non dénutri et sans irradiation de la sphère oro-pharyngée, des compléments nutritionnels oraux peuvent être envisagés alors qu’une sonde nasogastrique sera recommandée si les apports oraux sont insuffisants [40]. Lors des suivis des patients en rémission, il est important d’évaluer la dysphagie pour mettre en place des moyens d’alimentation adaptés et une rééducation en fonction de la gravité de la dysphagie : • l’interrogatoire peut permettre au clinicien de quantifier la dysphagie. Celle-ci peut être rapportée à l’aide d’échelle : CTCAE v4.0 [41], RTOG/EORTC, Performance Status Scale for Head and Neck cancer (PSS-H&N) [42] ; • la perte de poids en cours de traitement est un élément objectif, et facilement mesurable. Toutefois un patient peut diminuer ses apports alimentaires pour d’autres raisons que la dysphagie (notamment l’anorexie, la dysgueusie et les douleurs endobuccales liées à une mucite) ; • vidéofluoroscopie. Le patient doit avaler des éléments de volumes et de densités différentes marqués au baryum afin d’être opaque lors de la scopie. La scopie est intégralement enregistrée et chacune des phases de la déglutition (orale, pharyngienne et œsophagienne) est analysée et chronométrée. Un résidu de bolus alimentaire après la fin de la déglutition est recherché. La fausse route est définie comme une partie du bolus alimentaire arrivant au plan du vestibule. L’inhalation est définie comme une partie du bolus alimentaire arrivant dans le plan sous-glottique. La réaction du patient lors de la fausse route est également analysée : toux avec éjection du bolus, toux insuffisante ne permettant pas l’éjection de l’ensemble du bolus et absence de réflexe de toux [18,43–45]. Les données issues de cet examen peuvent être combinées avec les données cliniques pour être rassemblée dans un score, le Swallowing Performance Scale qui combine les résultats radiologiques avec le type d’alimentation, la présence de fausses routes à l’examen clinique, les moyens d’adaptation mis en place (compléments alimentaires, sonde d’alimentation entérale). Cet examen peut également être combiné avec la réalisation d’une manométrie qui mesure les pressions dans le pharynx, le sphincter supérieur de l’œsophage et l’œsophage pendant la déglutition [13]. La réalisation concomitante de la vidéofluoroscopie avec la manométrie permet de corréler les mouvements des structures anatomiques avec la pression endoluminale de la structure ; l’endoscopie. L’évaluation de la déglutition par l’utilisation de l’endoscope par voie transnasale en suspension juste en arrière du palais mou permet d’évaluer pendant la phonation, la déglutition spontanée et la déglutition volontaire de substances de

différentes viscosités. La sensibilité du pharynx est évaluée par la pression de l’endoscope contre la muqueuse. Des résidus du bolus après la fin de la déglutition sont également recherchés dans les vallécules et le sinus piriforme. Cet examen permet de rechercher la présence de fausses routes et la réaction du patient à celles-ci, ainsi que la présence d’une sténose [13,46,47]. 5.4. Par la rééducation fonctionnelle En fonction du degré de dysphagie, une alimentation adaptée et une réeducation fonctionnelle peuvent être proposées. De nombreux exercices de déglutition pour les patients traités par radiothérapie ont été décrits [48–51]. Une étude randomisée portant sur 58 patients traités par radiochimiothérapie concomitante avec 3 bras : un bras standard où les précautions contre la dysphagie étaient celles habituellement pratiquées par l’équipe médicale, un bras où une rééducation légère était proposée avec une alimentation appropriée et un bras intensif avec une rééducation plus intense, a montré l’impact de ces exercices sur les muscles impliqués dans la déglutition. Les muscles génioglosse, hyoglosse et mylo-hyoidien montrent moins d’altérations à l’IRM (épaisseur du muscle et signal T2) dans le bras intensif à 6 mois. De même, la déglutition, la salivation et l’ouverture de bouche sont de meilleure qualité avec le programme de rééducation intensive [52]. 6. Conclusion Du fait de la complexité des structures anatomiques dans les cancers des VADS et/ou de la proximité des tissus sains (glandes salivaires, structures impliquées dans les troubles de la déglutition), la radiothérapie de ces cancers reste un défi pour le radiothérapeute. Les nouvelles techniques de radiothérapie ont déjà permis de diminuer certaines toxicités tardives sans compromettre la stérilisation tumorale. L’utilisation systématique de contraintes de dose au niveau des structures impliquées dans la déglutition, en fonction de la localisation tumorale, permettra de diminuer l’incidence de la dysphagie. La multidisciplinarité chez ces patients est le garant d’une prise en charge optimale permettant la prévention de ces troubles et la mise en place de soins de support comme la rééducation fonctionnelle, peu encore être proposée. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Eisbruch A, Levendag PC, Feng FY, et al. Can IMRT or brachytherapy reduce dysphagia associated with chemoradiotherapy of head and neck cancer? The Michigan and Rotterdam experiences. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2007;69:S40–2. [2] Ertekin C. Voluntary versus spontaneous swallowing in man. Dysphagia 2011;26:183–92. [3] Yamamura K, Kitagawa J, Kurose M, et al. Neural mechanisms of swallowing and effects of taste and other stimuli on swallow initiation. Biol Pharm Bull 2010;33:1786–90. [4] Canning BJ. Anatomy and neurophysiology of the cough reflex: ACCP evidencebased clinical practice guidelines. Chest 2006;129:33S–47S. [5] Eisbruch A, Lyden T, Bradford CR, et al. Objective assessment of swallowing dysfunction and aspiration after radiation concurrent with chemotherapy for head-and-neck cancer. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2002;53:23–8. [6] Eisbruch A, Schwartz M, Rasch C, et al. Dysphagia and aspiration after chemoradiotherapy for head-and-neck cancer: which anatomic structures are affected and can they be spared by IMRT? Int J Radiat Oncol Biol Phys 2004;60:1425–39. [7] Kotz T, Costello R, Li Y, Posner MR. Swallowing dysfunction after chemoradiation for advanced squamous cell carcinoma of the head and neck. Head neck 2004;26:365–72. [8] Langerman A, Maccracken E, Kasza K, et al. Aspiration in chemoradiated patients with head and neck cancer. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 2007;133:1289–95.

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