Dyspnée révélant une hypertension artérielle pulmonaire chez une malade ayant une métaplasie myéloïde de la rate

Dyspnée révélant une hypertension artérielle pulmonaire chez une malade ayant une métaplasie myéloïde de la rate

La Revue de médecine interne 30 (2009) 803–805 Cas clinique Dyspnée révélant une hypertension artérielle pulmonaire chez une malade ayant une métapl...

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La Revue de médecine interne 30 (2009) 803–805

Cas clinique

Dyspnée révélant une hypertension artérielle pulmonaire chez une malade ayant une métaplasie myéloïde de la rate Dyspnea secondary to pulmonary hypertension in a patient with splenic myeloid metaplasia F. Haddad a,∗ , S. Anouti a , G. Maalouly a , M. Jammal a , R. Nemnoum a , A. Kettaneh b a

Département de médecine interne, Hôtel-Dieu de France, boulevard Alfred Naccache, Ashrafieh, Beyrouth, Liban b Service de médecine interne, hôpital Saint-Antoine, Paris, France Disponible sur Internet le 11 aoˆut 2009

Résumé Divers mécanismes physiopathologiques peuvent contribuer à l’apparition d’une hypertension artérielle pulmonaire. Certaines études ont discuté la présence d’un lien entre l’hypertension artérielle pulmonaire et les maladies myéloprolifératives. Nous rapportons l’observation d’une femme ayant une myélofibrose avec métaplasie myéloïde de la rate hospitalisée pour dyspnée et splénomégalie massive, douloureuse. Un cathétérisme droit confirmait la présence d’une hypertension artérielle pulmonaire. La patiente était traitée par sildénafil et irradiation splénique. L’apparition d’une dyspnée au cours d’une myélofibrose avec métaplasie myéloïde peut révéler une hypertension artérielle pulmonaire. Réciproquement, le diagnostic d’une hypertension artérielle pulmonaire sans étiologie identifiée doit faire rechercher la présence d’un syndrome myéloprolifératif. © 2009 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Myélofibrose ; Métaplasie myéloïde ; Dyspnée ; Hypertension artérielle pulmonaire

Abstract There are several possible pathophysiological links between the development of pulmonary hypertension and myelofibrosis with myeloid metaplasia. We report a woman with myelofibrosis and myeloid metaplasia who presented with dyspnea and massive, painful splenomegaly. Right heart catheterization evidenced pulmonary hypertension. Her management consisted of splenic irradiation associated to sildenafil. Dyspnea in patients with myelofibrosis and myeloid metaplasia can be secondary to pulmonary hypertension and conversely the differential diagnosis of pulmonary hypertension should include a myeloproliferative syndrome. © 2009 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Myelofibrosis; Myeloid metaplasia; Dyspnea; Pulmonary arterial hypertension

1. Introduction L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), au cours de la myélofibrose avec métaplasie myéloïde (MMM), a déjà été rapportée dans la littérature. Son incidence réelle n’est pas connue mais il est établi que l’incidence annuelle de l’HTAP est de 0,2 cas pour 100 000 personnes tandis que celle de l’HTAP associée aux syndromes myéloprolifératifs est d’un à huit cas pour 100 000 personnes [1–3]. Nous rapportons l’observation d’une patiente ayant une MMM de la rate qui s’est présentée



Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Haddad).

pour dyspnée secondaire à une hypertension pulmonaire (HTP) d’origine multifactorielle, sans stigmate d’hématopoïèse extramédullaire pulmonaire. 2. Observation Une femme, âgée de 48 ans, était hospitalisée pour une dyspnée d’aggravation récente et progressive, une douleur de l’hypochondre gauche et œdème des membres inférieurs. Dans ses antécédents, on notait un diabète traité par insuline, une insuffisance rénale chronique par néphropathie diabétique, une hypertension artérielle traitée par furosémide et hydralazine, une hypercholestoléromie traitée par atorvastatine et une MMM de la rate diagnostiquée en 2002, traitée par hydroxyurée.

0248-8663/$ – see front matter © 2009 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.revmed.2009.01.008

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• le débit cardiaque (DC) à 8,4 l/min (N = 5–6 l/min) ; • l’index cardiaque à 3,2 l/min/m2 (N = 3–4 l/min/m2 ).

Tableau 1 Cathétérisme cardiaque droit. Paramètres

Valeurs observées

Valeurs normales

Débit cardiaque (l/min) Fréquence cardiaque (battements par minute) Pression artérielle moyenne (mmHg) Pression veineuse centrale (mmHg) Pression artérielle pulmonaire moyenne (mmHg) Pression artérielle pulmonaire d’occlusion (mmHg) Résistance vasculaire systémique (dynes.s/cm5 ) Résistance artérielle pulmonaire (dynes.s/cm5 )

8,43 95 72 13 35 14

5–6 70–75 90–100 3–8 9–16 6–15

980 318

900–1300 120–150

L’examen clinique révélait des crépitants bilatéraux à l’auscultation pulmonaire, une hépatomégalie, une splénomégalie importante dépassant l’ombilic et sensible à la palpation et des œdèmes des membres inférieurs. À l’admission, l’hémoglobine était à 9,7 g/dl, l’urée à 32 mmol/l (N = 2,5–10 mmol/l), la créatininémie à 205 ␮mol/l (N = 62–106 ␮mol/l), la ␥Gt à 140 U/l (N = 12–43 U/l) et les phosphatases alcalines à 325 U/l (N = 38–126 U/l). Quarante-huit heures plus tard, la patiente développait une détresse respiratoire aiguë et était admise en unité de réanimation médicale. Les gaz du sang montraient un pH à 7,22, une PaCO2 à 76 mmHg et PaO2 à 60 mmHg. Les plaquettes étaient à 70 000 par microlitre, le temps de prothrombine à 29 % et le fibrinogène à 0,5 g/l, l’ensemble évoquant une coagulation intravasculaire disséminée. L’électrocardiogramme montrait un bas voltage et un aplatissement diffus de l’onde T. La radiographie thoracique montrait une importante cardiomégalie avec surcharge pulmonaire apicale et basale inférieure droite. La tomodensitométrie thoracique montrait des images en verre dépoli des deux poumons avec un épanchement pleural gauche, sans image de fibrose pulmonaire. L’exploration fonctionnelle respiratoire était normale. L’angioscanner thoracique ne visualisait pas de thrombus au niveau des troncs artériels pulmonaires proximaux ou segmentaires. L’échographie abdominopelvienne confirmait la présence d’une hépatomégalie avec splénomégalie de 24 cm. L’échocardiographie montrait une oreillette gauche dilatée, un ventricule gauche hypertrophié avec une fraction d’éjection (FE) à 50 %, une pression artérielle pulmonaire systolique à 75 mmHg avec une dilatation des cavités droites et un minime épanchement péricardique. Le cathétérisme droit (Tableau 1) confirmait le diagnostic d’une HTAP précapillaire : • la pression auriculaire droite (POD) à 11 mmHg (N = 0– 8 mmHg) ; • la pression artérielle pulmonaire moyenne (PAPm) à 38 mmHg (N = 9–16 mmHg) ; • la pression artérielle pulmonaire diastolique (PAPd) à 25 mmHg (N = 6–14 mmHg) ; • la pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) à 14 mmHg (N = 6–15 mmHg) ; • la résistance vasculaire artérielle pulmonaire (RVP) à 318 dynes.s/cm5 (N < 120–150 dynes.s/cm5 ) ;

Au cours de l’épreuve de remplissage par des macromolécules, on enregistrait les résultats suivants : POD à 13 mmHg, PAPm à 40 mmHg, PAPd à 28 mmHg, PAPO à 14 mmHg, RVP à 350 dynes.s/cm5 , DC à 9,l L/min et IC à 3,6 l/min/m2 . Le test au monoxyde d’azote inhalé était négatif. La patiente était traitée par furosémide, héparine de bas poids moléculaire et sildénafil, associés à une radiothérapie splénique à visée palliative pour la splénomégalie symptomatique. La dyspnée d’aggravation récente était finalement attribuée à l’HTAP secondaire à sa maladie myéloproliférative. 3. Discussion La survenue d’une dyspnée, au cours de la MMM, est un symptôme fréquent surtout due à des causes extrapulmonaires comme l’anémie ou la dysfonction ventriculaire gauche et plus rarement à une atteinte pulmonaire, comme l’HTAP et la maladie thromboembolique [4,5]. Le cathétérisme cardiaque droit doit être effectué non seulement pour confirmer le diagnostic d’une HTP mais aussi pour permettre une évaluation hémodynamique. Plusieurs facteurs contribuent à l’apparition d’une HTAP au cours de la MMM, à savoir l’infiltration hématopoïétique du parenchyme pulmonaire, l’hypertension portale (HP) avec ou sans splénomégalie massive et la maladie veino-occlusive [1,5,6]. Dans notre observation, l’HTP estimée par doppleréchocardiographie cardiaque, mesurée par cathétérisme droit et confirmée après remplissage volémique est une HTP précapillaire comme l’atteste l’association d’une PAPO normale, d’une PAP moyenne et de RVP élevées avec un gradient PAPdPAPO supérieur à 10 mmHg [7,8]. La présence d’une HTAP précapillaire associée à l’absence de thrombus artériels pulmonaires visibles à l’angioscanner thoracique rend l’origine thromboembolique de l’HTP peu probable. À noter cependant que la scintigraphie pulmonaire et l’angiographie pulmonaire n’ont pu être réalisés. L’hématopoïèse pulmonaire a été considérée comme peu probable sur l’absence d’épaississement des septas alvéolaires et de fibrose pulmonaire à la tomodensitométrie thoracique [4,9,10]. L’HP au cours de la MMM est secondaire à plusieurs facteurs comme l’augmentation du flux sanguin splénique, l’hématopoïèse extramédullaire hépatique, la thrombose des veines hépatiques ou de la veine porte [6]. Dans le cas présenté, la présence d’une hépatosplénomégalie à l’échographie abdominale ne permettait pas d’exclure un certain rôle de l’HP dans la pathogénie de l’HTAP. Très souvent, les patients ayant une MMM présentent une coagulation intravasculaire disséminée avec comme conséquence des microthrombus au niveau de la circulation pulmonaire responsable d’HTP [1,2]. Tel était le cas de notre patiente. L’échographie cardiaque et le cathétérisme cardiaque droit confirmaient la présence d’un haut débit cardiaque, ce dernier étant une conséquence classique de l’état hypermétabolique qui

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accompagne les maladies myéloprolifératives et qui peut se compliquer d’une HTP [5]. La splénomégalie massive peut conduire à des pressions intrathoraciques élevées, une compliance pulmonaire diminuée, une élévation du diaphragme et une hypoxémie due à une atélectasie pulmonaire. Ces perturbations peuvent en elle-même élever la pression artérielle pulmonaire ; mais quand la splénomégalie est le facteur principal déclenchant de l’HTP, la PAPO est élevée [5]. Enfin la chimiothérapie utilisée dans le traitement de la MMM peut conduire à une maladie veino-occlusive avec comme conséquence une HTAP [2]. Cette étiologie est peu probable dans notre observation, l’exploration fonctionnelle respiratoire étant normale. 4. Conclusion L’apparition d’une dyspnée au cours d’une MMM peut révéler une HTAP. Le cathétérisme droit est essentiel pour confirmer le diagnostic. L’HTP peut être d’origine multifactorielle comme dans le cas présenté. Réciproquement, il nous semble qu’il existe aussi un intérêt de rechercher un syndrome myéloprolifératif devant une HTAP d’étiologie non connue, vu la présence d’un lien pathophysiologique confirmé entre les deux.

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