Grossesse chez une femme ayant une maladie auto-immune : une prise en charge bien codifiée

Grossesse chez une femme ayant une maladie auto-immune : une prise en charge bien codifiée

Éditorial Maladies auto-immunes et grossesse en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com Presse Med. 2008; 37: 16...

51KB Sizes 0 Downloads 137 Views

Éditorial

Maladies auto-immunes et grossesse

en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com

Presse Med. 2008; 37: 1610–1611 ß 2008 Publié par Elsevier Masson SAS.

Dossier thématique

Grossesse chez une femme ayant une maladie auto-immune : une prise en charge bien codifiée Loïc Guillevin

Pôle de médecine interne, Centre de référence Maladies auto-immunes et systémiques rares-Vascularites nécrosantes et sclérodermie systémique, Hôpital Cochin, Assistance publique des hôpitaux de Paris, Université Paris Descartes, F-75679 Paris Cedex 14, France

Correspondance : Disponible sur internet le : 9 octobre 2008

Loïc Guillevin, Pôle de médecine interne, Hôpital Cochin, 27 rue du faubourg Saint-Jacques, F-75679 Paris Cedex 14, France. [email protected]

Pregnancy in a woman with autoimmun disease: a well codified care plan

L

1610

a grossesse chez les femmes ayant une maladie auto-immune est un sujet d’importance et la lecture des articles publiés dans ce numéro de La Presse Médicale montre à quel point des progrès majeurs ont été accomplis [1–9]. Il y a 40 ans, la grossesse était contre-indiquée dans la plupart des maladies auto-immunes, à l’exception de la polyarthrite rhumatoïde dont le déroulement s’améliorait durant la grossesse. Ce fut d’ailleurs, à un moment, une voie de recherche pour de nouveaux traitements de cette maladie. À l’inverse, il était exclu « d’autoriser » une grossesse chez une patiente atteinte de lupus systémique ou de syndrome des antiphospholipides dont on n’avait d’ailleurs pas vraiment défini les contours. C’était l’expérience clinique qui avait permis d’observer que les fausses couches étaient nombreuses chez les patientes atteintes de lupus et tous les cliniciens étaient également confrontés à des catastrophes obstétricales entraînant souvent la mort de la mère et de l’enfant. Aujourd’hui, tout a changé. À l’exception de la phase aiguë de la maladie et de la prise d’un traitement immunosuppresseur connu pour être responsable de malformations foetales, une grossesse peut se dérouler normalement si elle est bien surveillée et si des mesures appropriées sont prises, le moment venu. L’exercice clinique quotidien montre d’ailleurs à quel point les enjeux ont changé : par le passé, l’objectif thérapeutique du médecin était d’assurer la survie de la patiente. Aujourd’hui, la rémission est obtenue dans la majorité des cas et il convient de prendre en charge les patientes en privilégiant leur qualité de la vie, en mettant en place des mesures préventives vis-à-vis des infections, des maladies métaboliques induites par les traitements, en prévenant l’ostéoporose etc. et, bien entendu, en accompagnant les grossesses des patientes afin qu’elles ne se compliquent pas et conduisent à la naissance d’enfants en bonne santé. tome 37 > n811 > novembre 2008 doi: 10.1016/j.lpm.2008.08.005

Grossesse chez une femme ayant une maladie auto-immune : une prise en charge bien codifiée

C’est au cours du lupus et du syndrome des antiphospholipides que les progrès les plus importants ont été obtenus. Tout d’abord, nous avons appris à connaître ces maladies et à les considérer comme des entités distinctes qui peuvent chez certains patients être associées. C’est pourquoi ce dossier propose deux articles différents [4,8] analysant la pathogénie, la surveillance et détaillant les mesures thérapeutiques nécessaires. Le mécanisme des fausses couches a été élucidé et leur prévention passe aujourd’hui par un traitement héparinique durant la grossesse et par une antivitamine K en dehors de celle-ci. L’aspirine a également trouvé sa place : il suffit souvent à prévenir les fausses couches précoces ou tardives observées chez certaines patientes porteuses d’anticorps antiphospholipides mais n’ayant pas eu auparavant d’accident thrombotique, ni de première fausse couche. Toutefois, toutes les questions posées n’ont pas leur réponse : héparine à dose iso- ou hypocoagulante ? association à de l’aspirine ? doses recommandées ? Des essais thérapeutiques prospectifs devraient permettre de répondre à ces questions. Nous comprenons aussi mieux le maniement des corticoïdes et des immunosuppresseurs et d’autres médicaments au cours de la grossesse. Certains immunosuppresseurs peuvent être prescrits au cours de la grossesse (azathioprine) mais d’autres sont contre-indiqués (cyclophosphamide méthotrexate, mycophénolate mofétil). Le risque de stérilité lors d’un traitement immunosuppresseur est aussi mieux maîtrisé et le choix des médicaments, l’optimisation de leur durée de prescription, les mesures de prevention, médicamenteuse ou non, ont permis de réduire le risque de stérilité définitive. Au cours des autres maladies systémiques, les enjeux sont différents. Dans la plupart des cas, la maladie elle-même n’est pas intrinsèquement une cause de complications de la grossesse. À l’inverse, leur sévérité et les traitements indispensables, sont autant d’obstacles au déroulement normal de la

grossesse. Au cours des maladies musculaires, il peut s’y ajouter des problèmes obstétricaux liés au déficit musculaire lui-même. Au cours des vascularites, une poussée de la maladie requérant un traitement intensifié peut avoir des conséquences sur la grossesse. La bonne utilisation des médicaments est donc devenue indispensable à la prise en charge des malades enceintes. L’article d’E. Éléfant et al [2] fait parfaitement le point sur ce qui est possible et sur ce qui ne l’est pas. Il est essentiel que les cliniciens connaissent les règles d’utilisation des médicaments au cours des maladies systémiques, y compris pour les médicaments les plus courants : K Stankovic et al [7] soulignent notamment la bonne tolérance de la colchicine et démystifient son utilisation. La malade et son médecin doivent planifier la grossesse, meilleure garantie de l’absence de complications obstétricales. Le post-partum justifie aussi une surveillance attentive. L’allaitement reste en général contre-indiqué chez les patientes soumises à des médicaments immunosuppresseurs. À l’inverse certains médicaments, comme la colchicine, peuvent être prescrits sans danger en période d’allaitement [5,7]. Les articles que nous publions, vont de l’immunologie de la grossesse à la description des complications qui peuvent être observées dans un certain nombre de maladies qui posent problème aux cliniciens. Si les approches thérapeutiques actuelles ont considérablement changé le cours évolutif des grossesses survenant au cours des maladies systémiques, il faut insister aussi sur la nécessité d’un travail d’équipe associant les cliniciens prenant en charge ces maladies et les obstétriciens. Les maternités spécialisées ayant une expérience fondée sur de larges cohortes de patientes sont les lieux les mieux adaptés à leur prise en charge.

Éditorial

Maladies auto-immunes et grossesse

Conflits d’intérêts : aucun

Références [2]

[3] [4]

Kayem G, Batteux F. Immunologie de la grossesse. Presse Med 2008;37:1612-9. Éléfant E, Cournot MP, Assari F, Vauzelle C. Immunosuppresseurs utilisés dans les maladies systémiques : que faire en cas de grossesse ? Presse Med 2008;37:1620-6. Florea A, Job-Deslandre C. Polyathrite rhumatoïde et grossesse. Presse Med 2008;37:1644-51. Le Guern V, Pannier E, Goffinet F. Lupus érythémateux systémique et grossesse. Presse Med 2008;37:1627-35.

tome 37 > n811 > novembre 2008

[5] [6] [7] [8] [9]

Pagnoux C. Grossesse et vascularites. Presse Med 2008;37:1657-65. Dimitri D, Pagnoux C. Grossesse et myopathies inflammatoires. Presse Med 2008;37:1652-6. Stankovic K, Hentgen V, Grateau G. Syndromes auto-inflammatoires et grossesse. Presse Med 2008;37:1676-82. Le Guern V, Goffinet F. Grossesse et anticorps anti-phospholipides. Presse Med 2008;37:1666-75. Bérezné A, Mouthon L. Sclérodermie systémique et grossesse. PresseMed 2008;37:1636-43.

1611

[1]