Une occlusion chez une femme enceinte

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ARTICLE IN PRESS

Journal de Chirurgie Viscérale (2016) xxx, xxx—xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

STAFF PUBLIC

Une occlusion chez une femme enceinte Occlusion in a pregnant woman T. Furderer ∗, O. Idelcadi , G. Mantion , B. Heyd Unité de transplantation hépatique, service de chirurgie viscérale et digestive, hôpital Jean-Minjoz, CHU de Besanc¸on, centre hospitalier régional universitaire, 2, boulevard Fleming, 25030 Besanc¸on, France

Il s’agit d’une patiente de 21 ans qui était enceinte de 26 semaines d’aménorrhée, qui n’avait aucun antécédent personnel ou familial médical connu. Elle a été hospitalisée un peu plus de deux semaines dans le service de gynécologie obstétrique pour menace d’accouchement prématuré avec des douleurs abdominales diffuses, des vomissements de manière épisodique et deux selles liquides par jour. Fait marquant, elle n’avait pas pris de poids pendant l’ensemble de sa grossesse et les examens cliniques retrouvaient une patiente apyrétique avec un abdomen météorisé, sensible de manière modérée mais de manière diffuse. Il n’y avait pas de signe d’irritation péritonéale. Au bout de 15 jours, l’évolution se fait vers un syndrome occlusif complet avec arrêt du transit et majoration des vomissements. À ce moment-là, nos collègues demandent notre avis. Voilà les résultats de la dernière biologie : globules blancs 9700/L, CRP 150 mg/L, Hb 10,1 g/dL. Je rappelle juste que les globules blancs au troisième trimestre peuvent monter jusqu’à 14—15 000/L sans que ce soit suspect, et 10,1 g/dL d’hémoglobine c’est pareil, pas très surprenant en cours de grossesse ; par contre une CRP à 150 mg/L quand même, malgré tout, c’est anormal. Une bandelette urinaire était normale, la coproculture négative, le gastroentérologue avait préconisé une recherche de maladie cœliaque qui était également négative. Une première échographie avait été faite qui retrouvait des anses digestives dilatées avec un contenu liquidien, une très fine lame d’épanchement intra-péritonéal, une vésicule biliaire avec du sludge mais sans signe de cholécystite et l’appendice n’était pas vue du fait de l’utérus gravide. Donc au total, nous étions face à une patiente de 22 ans, à 26 semaines d’aménorrhée, sans aucun antécédent avec un syndrome occlusif. Donc la première question est, comment avance-t-on, que fait-on de plus ? Dr Goere : Donc patiente jeune, elle a 22 ans, 26 semaines d’aménorrhée, enceinte 2e trimestre, aucun antécédent et un syndrome occlusif complet. Est-ce que quelqu’un a déjà un diagnostic à nous proposer ou est-ce que vous demandez des examens complémentaires ? Docteur Sauvanet : C’est la problématique des examens complémentaires radiologiques chez la femme enceinte. Je crois qu’à 26 semaines, on peut faire un scanner en réglant la machine de telle fac ¸on que l’on ne puisse peut-être pas trop irradier la maman et l’enfant et j’ai envie de dire appendicite aiguë avec forme occlusive.



Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (T. Furderer).

http://dx.doi.org/10.1016/j.jchirv.2015.12.003 1878-786X/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

JCHIRV-606; No. of Pages 5

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2 Docteur Kianmanesh : il y a du sludge vésiculaire, je demanderais donc une lipasémie et comme ¸ ca dure depuis longtemps, peut-être une IRM, qu’on a plus facilement pendant la grossesse, pour apprécier la vitalité du grêle. Je pisterais également une cholécystite. Docteur Furderer : Au total, cela faisait 15 jours qu’elle était hospitalisée, ce qui est quand même relativement long, elle était apyrétique, n’avait jamais rec¸u d’antibiothérapie tout cela ne nous a pas paru en faveur d’une cause infectieuse. Donc se pose la question de l’imagerie complémentaire puisqu’on n’a pas forcément d’étiologie évidente. Pour revenir sur la biologie et notamment sur l’hyperleucocytose qu’il faut interpréter en fonction du terme, à l’opposé la CRP est un facteur qui varie quand même très peu pendant la grossesse, tout au plus la valeur maximale qui est de l’ordre de 3, 4, 5 mg/L en fonction des laboratoires, on peut passer à 10 mg/L mais rarement au-delà donc ici, on a une CRP à 150 mg/L, ce qui est quand même pour nos collègues gynécologues un marqueur indépendant de risque d’accouchement prématuré, et plus la CRP est élevée, plus le risque est important [1,2]. Il y a donc un critère de gravité. L’absence de prise de poids également est un facteur de risque de gravité à la fois pour la mère et pour l’enfant avec notamment un accouchement prématuré et un petit poids de naissance. Donc face à ce syndrome occlusif sans étiologie, nous avons préconisé un scanner thoraco-abdomino pelvien non injecté. Est-ce que tout le monde aurait demandé un scanner, si oui lequel ? Injecté ? Non injecté ? Docteur Sauvanet : Je ne comprends pas le non injecté. Je comprends bien les inconvénients de ne pas en mettre mais je ne comprends pas le danger de mettre de l’iode. Docteur Mabrut : C’est quand même la majorité de la salle, qui demande pour un syndrome occlusif, un scanner, même si cette femme est enceinte. Est-ce qu’il y a des conditions particulières, des demandes spécifiques, c’est la discussion. Docteur X. : Est-ce qu’on s’encadre de précautions particulières ? Un protocole low-dose ? Le tablier de plomb n’est pas nécessaire puisque c’est la région à explorer. Docteur Furderer : Ne pas oublier que nous sommes dans le cadre de l’urgence. L’IRM, chez nous, on pouvait l’oublier. Docteur Goere : On aurait pu se donner quelques heures. Docteur Furderer : En reprenant les dernières recommandations car il y a eu une session de la Société franc¸aise de la radiologie cette année sur grossesse et exposition aux irradiations qui s’intitulait « Réalité des risques et conduite à tenir », le message à la fin de cette session, c’est que si indispensable, on peut faire cet examen à n’importe quel moment du terme. Les principaux risques généralement retrouvés sont : retard mental, malformation et risque de cancer chez l’enfant. La décision est pluridisciplinaire (médecin en charge du dossier, obstétricien, radiologue). Il faut faire la balance bénéfice—risque (après 12 SA). Avant 12 semaines d’aménorrhée on a un risque de fausse couche, au-delà, on s’en éloigne. Pareil, à partir de 12 semaines d’aménorrhée, la thyroïde du fœtus fonctionne et on essaye d’éviter le plus souvent possible l’utilisation de produit de contraste. Il faut prouver l’information et obtenir le consentement écrit de la patiente. Il faut faire une demande écrite au radiologue. On peut utiliser un tablier de plomb selon la région explorée. Il faut favoriser les protocoles « low-dose » [3—5]. La question qui se posait sur l’IRM, au premier trimestre, l’IRM est contre-indiquée par principe de précaution, les études notamment chez l’animal et chez l’humain n’ont

T. Furderer et al. pas trouvé d’effet nocif évident, mais on l’évite au premier trimestre. Particularité par contre, cela nécessite la sédation du fœtus pour pouvoir faire des acquisitions puisque ce sont quand même des séquences sur plusieurs minutes, donc il faut à la fois sédater la mère et le fœtus, ce qui n’est pas anodin. Les produits de contraste gadolinés sont contre-indiqués, tératogènes chez l’animal [5]. Voici un certain nombre d’images du scanner abdominopelvien non injecté que nous avons fait. Docteur X. : Donc en pratique, un scanner avec ou sans injection ? Docteur Furderer : Sans injection. Les radiologues n’ont pas voulu l’injecter à cause de la thyroïde du bébé. En fait, les radiologues et nous avons refusé l’injection de même que l’obstétricien si on pouvait s’en passer. Docteur Perniceni : Dans la discussion, la patiente est informée des risques ? Docteur Furderer : La patiente est informée, encore une fois il vaut mieux que le gynécologue soit présent et le radiologue au moment de la discussion avec la patiente notamment pour lui exposer ce très faible risque de malformation, de retard mental, et surtout de la nécessité dans son cas d’avoir une imagerie afin d’avancer dans la prise en charge. C’est une histoire qui traîne depuis deux semaines, qui s’aggrave le jour de notre arrivée, on lui fait comprendre l’urgence d’avancer dans sa prise en charge. Docteur Regimbeau : Et en pratique ? On doit obtenir un accord de la patiente ? Oral ? Écrit ? Une trac ¸abilité ? Docteur Furderer : Idéalement le radiologue souhaite un accord écrit par la patiente. Voici les images du scanner non injecté (Fig. 1) : sur une coupe abdominale haute, on retrouve des signes classiques en cours de grossesse, c’est-à-dire des dilatations pyélo-urétrales, bilatérales, et prédominant à droite, ce sont des choses habituelles au troisième trimestre par compression par l’utérus gravide ; en revanche, on retrouve des structures dilatées avec des niveaux hydro-aériques, qui correspondent à du grêle, dilaté à plus de 8 cm, avec une jonction grêle plat-grêle dilaté. Donc on a une zone transitionnelle a priori évidente, avec une zone sténosée dont l’étiologie reste un peu suspecte. Docteur Goere : Au total, un scanner avec une zone jonctionnelle, une occlusion du grêle, pas d’autre signe visible, quel est votre diagnostic chez une femme enceinte à 26 semaines d’aménorrhée ? Docteur Furderer : Je précise jamais opérée. Docteur Panis : Occlusion du grêle avec du grêle plat en dessous, il y a un obstacle organique et je pense que, plus que le diagnostic, ce serait la conduite à tenir qui se discute maintenant. Est-ce qu’elle est douloureuse ? Quels sont les symptômes car je guiderais plus la prise en charge sur la clinique que sur le scanner. Docteur Furderer : Alors elle est en occlusion complète mais elle n’a pas de douleur, elle est soulagée par le traitement symptomatique. Docteur Goere : Ce que vous évoquez c’est l’attitude que l’on aurait classiquement face à une occlusion du grêle que la patiente soit enceinte ou non. On ne modifie pas notre attitude parce qu’elle est à 26 semaines d’aménorrhée, c’est cela ? Docteur Sauvanet : On a l’impression de voir du grêle non dilaté du côté gauche. On voit l’angle colique gauche sous la rate qui est de calibre normal avec des matières dedans mais en dessous, on a l’impression de voir plusieurs anses qui ressemblent à des anses grêles ou alors tout ¸ ca c’est le côlon gauche ?

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Figure 1. Scanner abdomino-pelvien non injecté. Syndrome occlusif grêlique : grêle dilaté à 8 cm, zone transitionnelle au niveau de l’iléon terminal, pas de pneumopéritoine, pas de signe de souffrance digestive (mais non injecté).

Docteur Furderer : C’est du côlon gauche, mais effectivement j’aurais dû faire défiler l’intégralité du scanner mais comme on a passé beaucoup de temps à le lire je voulais aller droit au but. C’est son côlon gauche. Son transverse est plein et le gauche est relativement avec peu de matières. Juste sous l’angle dilaté c’est le cæcum que l’on voit apparaître avec des matières ensuite c’est uniquement du grêle. Docteur Sauvanet : Donc il y a zéro doute sur la localisation de l’obstacle ? Donc on part sur un obstacle du grêle distal avec 150 mg/L de CRP ? Docteur Furderer : Oui. Docteur Sauvanet : Moi j’aurais dit appendicite. Docteur X. : Au niveau de la région cæcale, il n’y a pas d’infiltration ? Autour de la région cæcale est-ce qu’on a une coupe ? Docteur Furderer : Sur la coupe où on voit la zone transitionnelle (la patiente encore une fois est très maigre) il y a peu de graisse péri-viscérale et pas d’infiltration de graisse évidente. Docteur Delucon : Sur les scanners que vous avez mis avant, on avait l’impression qu’il y avait une anse pas très dilatée, mais à paroi épaissie en plein milieu. Elle vient d’où ? C’est quoi ? Docteur Furderer : Je dirais que c’est plus du grêle proximal, c’est une dame qui a une sonde naso-gastrique donc ¸ca a dû un peu probablement vider son estomac. Comme ¸ca je dirais du duodénum. Docteur Panis : Il y a la fossette cæcale mais aussi para-duodénale. Comme c’est assez haut situé on pourrait imaginer aussi qu’il y a du grêle qui se coince derrière le duodénum qui est une cause d’occlusion. Docteur Goere : Est-ce que le risque n’est pas plus augmenté chez la femme enceinte ? Docteur Furderer : Justement, les occlusions spontanées chez la femme enceinte sont plus fréquentes du fait de l’effet de refoulement par l’utérus ; comme les hernies internes dans les fossettes para-duodénales, latérocæcales. Docteur Muscari : Est-ce que cette patiente a des antécédents thromboemboliques elle-même ou dans sa famille ? Parce qu’on peut imaginer, on a eu le cas récemment d’une patiente en occlusion progressive et qui avait en fait une

ischémie veineuse d’une portion de grêle qu’on a été amené à opérer au moment de l’accouchement. Docteur Furderer : Elle n’a pas d’antécédent, et au scanner, on n’a pas de temps portal donc c’est difficile à explorer. Docteur Dousset : On a beaucoup d’urgences abdominales avec une maternité de niveau 3, les 2 messages devant ces syndromes occlusifs avec CRP élevée c’est qu’on est plus payé à être attentifs qu’interventionnistes. Je rejoins ce qui a été dit sur les hernies internes qui sont plus fréquentes. Notre attitude à Cochin aurait été de dire qu’il y a toujours une place pour une cœlioscopie exploratrice chez ces patients y compris à 26 semaines d’aménorrhée. Docteur Sauvanet : Faudrait peut-être revoir les antécédents familiaux car j’ai cru comprendre que la grossesse favorise un peu la progression du cancer et j’ai déjà vu des cancers révélés en urgence chez la femme enceinte et pourquoi pas un cancer de la région de la valvule ? Docteur Furderer : C’est un interrogatoire au milieu de la nuit, mais rien n’a été signalé dans ce sens. Pour notre prise en charge, on n’a pas voulu tout de suite pousser cette femme enceinte au bloc opératoire dans la mesure où la clinique était un syndrome occlusif mais avec une douleur relativement bien contrôlée. On l’a transférée dans notre service, et on l’a surveillée. Effectivement à 26 semaines d’aménorrhée c’est une maternité de niveau 3 qui est exigée, on s’expose à un très grand risque de naissance prématurée et il faut une réanimation néonatale adaptée. On a mis en place un traitement médical de syndrome occlusif standard avec une sonde naso-gastrique et un traitement symptomatique. Mais après 6 heures de surveillance dans le service, les douleurs se sont majorées avec installation d’un tableau de défense généralisée et une sonde naso-gastrique productive à 150 mL. Nous avons posé l’indication chirurgicale. Quelle voie d’abord proposez-vous ? Et quelles précautions prenez-vous ? Docteur Mabrut : On a évoqué la cœlioscopie. La patiente a un grêle très dilaté, une stase gastrique, qui fait une cœlioscopie ? Qui fait une laparotomie ? La majorité est pour la cœlioscopie exploratrice. Docteur Goere : On est dans un centre spécialisé, la prise en charge est encadrée avec l’obstétricien, l’anesthésiste

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Figure 2.

T. Furderer et al.

Imagerie en urgence chez la femme enceinte.

averti, à heure ouvrable, dans les meilleures conditions possibles. Docteur Furferer : Donc précautions à prendre chez la femme enceinte [6—8], on en a pris certaines j’avoue, mais pas toutes. En préopératoire : évidemment prévenir l’obstétricien et un réanimateur adapté car il existe un risque élevé d’accouchement d’un grand prématuré ou de césarienne en urgence ; instaurer une corticothérapie de maturation pulmonaire fœtale ; prévention de l’alloimmunisation materno-fœtale (RAI). En peropératoire : anesthésie et grossesse = estomac plein, pas d’halogénés, attention à l’antibioprohylaxie ; décubitus dorsal avec roulis gauche (favorise retour cave) ; si cœlioscopie, open cœlioscopie (et pas d’insufflation à l’aiguille de Verress) mais ici plutôt laparotomie d’emblée (hauteur utérine) ; monitoring fœtal peropératoire ? ; tocolytiques ? Un petit rappel, on est à 26 semaines, cette vue anatomique (Fig. 2) avec un utérus gravide en place montre bien que les structures digestives sont refoulées vers le haut et vers l’arrière, ce qui rend l’exploration pas forcément évidente. Il faut donc en tenir compte pour la mise en place des trocarts et pour la hauteur de la laparotomie. La pratique de la cœlioscopie a montré son innocuité au cours du premier trimestre et même du deuxième trimestre de la grossesse, même si l’utilisation du CO2 pour le pneumopéritoine a été présentée comme dangereuse pour le fœtus justifiant son remplacement par le protoxyde d’azote. De nombreuses équipes utilisent le CO2 sans inconvénient. Il est recommandé d’utiliser la pression de pneumopéritoine la plus basse possible [8] pour éviter la compression de la veine cave inférieure, éviter quand même les pneumopéritoines prolongés et excessifs du fait du risque d’absorption du CO2 par le fœtus, l’augmentation de la pression intra-utérine et la compression cave qui du coup se répercute aussi sur le débit utérin. Donc il y a des risques d’hypoxie, d’acidose fœtale, encore une fois elle n’est pas contre-indiquée mais il faut être rapide et pas non plus augmenter l’insufflation à des valeurs trop excessives [8]. Nous avons fait une cœlioscopie première, l’exploration était compliquée, on a vu ce que le scanner nous avait montré c’est-à-dire qu’il y avait une zone suspecte adhérente en fosse iliaque droite avec du grêle dilaté, du grêle plat donc on a fait une conversion en laparotomie médiane. Ce que l’on a retrouvé, une occlusion du grêle sur une sténose serrée sur 20 cm au niveau de la dernière anse, une fistule iléo-iléale iléo-sigmoïdienne qui faisait évoquer une

maladie de Crohn. Quel geste feriez-vous, maintenant, au vu de ces constatations chez cette patiente. Docteur Goere : La patiente est enceinte, il y a une maladie de Crohn qu’on découvre en peropératoire, elle n’a pas rec ¸u de traitement avant et donc décision prise en urgence. Docteur X. : Fistule mais pas de péritonite ? Docteur Furderer : Pas de péritonite. Il faut réséquer le moins d’intestin grêle possible et commencer par le côlon d’aval, on sait qu’il y a une fistule sigmoïdienne, il est coupable ou victime. Il faut faire la résection la plus limitée possible, même si on a l’impression qu’il y a 2 m d’intestin grêle malade, et une stomie. Docteur Furderer : Donc personne ne fait une anastomose chez cette femme de 22 ans ? Docteur Penna : Je me place dans l’optique de cette patiente, qui n’a jamais rec ¸u de traitement corticoïde ni d’immuno-suppresseurs, qui est jeune et pas dénutrie, on l’opère pour une sténose serrée fibreuse responsable d’une occlusion, je ne vois pas bien les arguments qui doivent conduire dans le contexte à ne pas rétablir la continuité en dehors de la fistule iléo-sigmoïdienne. Mais on va considérer que le sigmoïde est victime et donc on va le suturer. Je conc ¸ois qu’on puisse faire une double stomie mais je ne vois pas d’argument formel comme la dénutrition, les immunosuppresseurs ou la présence d’un sepsis abdominal qui seraient des arguments formels pour un non-rétablissement. Docteur Bigand : Docteur Penna, je suis désolée mais cette dame n’a pas pris un gramme en 26 semaines. Docteur Furderer : Nous avons réséqué 20 cm d’intestin grêle, en emportant la fistule entre deux anses iléales et une résection suture sur le versant sigmoïdien. C’est effectivement un grêle de Crohn (Fig. 3), avec un grêle rigide et une paroi épaissie, des ulcérations et une jonction avec du grêle sain qui était assez évidente. Nous n’avons pas rétabli, et nous avons fait une iléostomie terminale. Le côlon a été laissé en place et on a drainé au contact en fosse iliaque droite. J’ai retrouvé cet article récent, de 2014, qui préconisait de ne pas effectuer d’anastomose digestive en cours de grossesse, du fait du risque fœtal et maternel en cas de fistule [9]. En postopératoire, on a poursuivi le monitoring fœtal, instauré une anticoagulation à visée préventive. Nous n’avons pas prescrit d’antibiothérapie puisqu’il n’y avait

Figure 3. Pièce anatomopathologique de la résection iléale de 20 cm emportant la fistule iléo-iléale, la fistule iléo-sigmoïdienne : grêle rigide, épaississement pariétal, ulcérations muqueuses, sténose de la lumière digestive, jonction grêle sain-grêle atteint.

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Une occlusion chez une femme enceinte pas de sepsis évident et la patiente a été suivie deux fois par jour. Elle a repris son transit, elle a été réalimentée, l’anatomopathologie confirmait une maladie de Crohn. Est-ce que vous préconisez un traitement médical pour la maladie de Crohn ? Docteur Dousset : Vous avez dit iléostomie terminale ? Qu’avez-vous fait du côlon droit ? Docteur Furderer : On l’a agrafé et abandonné dans le ventre. C’est le choix qui a été pris. Docteur Sabbagh : Je n’ai pas compris quel était l’intérêt de laisser le côlon fermé dans le ventre plutôt que de le mettre en double stomie. La deuxième chose, pour le traitement, on ne sait pas si elle a d’autres facteurs de risques de récidive en dehors de sa maladie fistulisante. Mais là de toute fac ¸on elle est enceinte, on va attendre qu’elle finisse sa grossesse et on espère que l’accouchement se passe bien et je pense qu’on va plutôt lui faire une endoscopie à six mois et en fonction des données de l’endoscopie, voir si on va lui mettre un traitement après plutôt que de lui instaurer maintenant puisque la discussion du traitement en postopératoire, ce serait un traitement par Imurel® ou anti-TNF mais je ne pense pas qu’il faut le faire le temps que la grossesse est en cours. Docteur Furderer : Avec les gastro-entérologues nous avons eu la même réflexion. Pas de traitement de fond au moins jusqu’à la fin de la grossesse ; il a été fait une endoscopie en post-partum et il n’y avait pas d’atteinte de Crohn à ce moment-là sur le cadre colique. Elle a pris 10 kg sur le dernier trimestre, elle a accouché par voie basse à terme d’un enfant en bon état général. Elle a eu un prolapsus stomial assez classique et a été rétablie à trois mois avec des suites simples. Pour conclure, il y a un article sur maladie de Crohn et grossesse qui est sorti dans Journal of Surgical Research en 2014 [10] qui reprend un registre national américain sur plus de 92 000 patientes avec maladie de Crohn dont 235 femmes enceintes : le mode de révélation de maladie de Crohn au cours de la grossesse se faisait plus par des suppurations ano-rectales et plus par des fistules intestinales ou génitourinaires, mais moins par des syndromes occlusifs (il y avait moins d’occlusion que dans la population générale de maladie de Crohn dans ce registre) [10]. Lorsqu’on analyse les cas similaires de la littérature, le message clé est qu’il y a un retard trop important à la prise en charge. Effectivement la clinique est asymptomatique, on n’a pas envie d’opérer une femme enceinte, on est réticent à faire des examens d’imagerie donc globalement on prend du retard. On est alors confronté dans 50 % des cas à une péritonite, avec des taux de mort fœtale très élevés et une morbidité postopératoire maternelle très élevée également.

5 La grossesse n’augmente pas le risque de poussée de maladie de Crohn. Ce qui est important, c’est l’activité de la maladie au moment de la conception : il faut que la maladie soit contrôlée au moment de la conception et à ce moment-là, on ne s’expose pas à un sur-risque de poussée. En revanche, une maladie active au moment de la conception est à plus haut risque d’accouchement prématuré et de petit poids de naissance. Donc le message clé c’est de programmer la grossesse. Le traitement médical en cours de grossesse fait appel aux aminosalycylés, aux corticoïdes ou à l’Imurel® [11].

Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références [1] Najat Nakishbandy BM, Barawi SA. Level of C-reactive protein as an indicator for prognosis of premature uterine contractions. J Prenat Med 2014;8:25—30. [2] Ferguson KK, McElrath TF, Chen YH, Mukherjee B, Meeker JD. Longitudinal profiling of inflammatory cytokines and C-reactive protein during uncomplicated and preterm pregnancy. Am J Reprod Immunol 2014;72:326—36. [3] http://www.sfrnet.org/sfr/societe/5-groupes-de-travail/ qualite-securite-gestion-des-risques/agents-de-contrastecirtaci/fiches-pratiques/index.phtml. [4] http://www.sfrnet.org/data/upload/files/4 effets pathologiques-sto.pdf. [5] http://www.sfrnet.org/rc/org/sfrnet/htm/Article/2013/ 20130222-140219813/src/htm fullText/fr/055 076 Contreindica.pdf. [6] Nørgård B, Fonager K, Sørensen HT, Olsen J. Birth outcomes of women with ulcerative colitis: a nationwide Danish cohort study. Am J Gastroenterol 2000;95:3165—70. [7] Hudson M, Flett G, Sinclair TS, Brunt PW, Templeton A, Mowat NA. Fertility and pregnancy in inflammatory bowel disease. Int J Gynaecol Obstet 1997;58:229—37. [8] Slim K, Canis M. Laparoscopic surgery and pregnancy. J Chir 1998;135:261—6. [9] Seifarth C, Ritz JP, Pohlen U, et al. Therapy of complicated Crohn’s disease during pregnancy — an interdisciplinary challenge. Int J Colorectal Dis 2014;29:645—51. [10] Hatch Q, Champagne BJ, Maykel JA, et al. The impact of pregnancy on surgical Crohn disease: an analysis of the Nationwide Inpatient Sample. J Surg Res 2014;190:41—6. [11] Van Assche G, Dignass A, Reinisch W, van der Woude CJ, Sturm A, European Crohn’s and Colitis Organisation (ECCO). The second European evidence-based consensus on the diagnosis and management of Crohn’s disease: special situations. J Crohns Colitis 2010;4:63—101.