Dossier thématique Divers regards sur les maladies chroniques
Éducation thérapeutique du patient et clinique transculturelle Patient therapeutic education and transcultural clinic S. Bouznah
Résumé
Médecin de Santé publique, spécialiste en clinique transculturelle. Directeur du Centre Babel – Centre Ressource européen en clinique transculturelle, Paris.
Confrontés aux maladies chroniques, les migrants payent un tribut particulièrement lourd. En matière d’éducation thérapeutique du patient (ETP), les actions tournées vers ce public spécifique restent marginales. Comment agir auprès de ces populations vulnérables ? La clinique transculturelle peut-elle contribuer à ouvrir des pistes de réflexion ? Cette approche vise à promouvoir les compétences transculturelles des soignants. Elle prend toute sa place dans le courant d’empowerment, et rejoint ainsi la démarche d’ETP, pour que les patients deviennent des acteurs dans la gestion de leur maladie chronique et puissent, in fine, en être (co)responsables. Mais, pour cela, les patients doivent s’approprier, en même temps que les techniques de soins, la théorie des médecins sur sa maladie. En retour, le corps médical doit avoir accès aux représentations du patient, à sa manière de penser la maladie, et à la façon dont celle-ci a transformée sa vie. Cet échange implique la nécessaire articulation entre savoirs experts et savoirs profanes. En croisant, sans les disqualifier, théorie scientifique et discours profanes sur la maladie, la clinique transculturelle ouvre une voie, en particulier dans les dispositifs techniques de médiation. Elle montre que la diversité culturelle, habituellement considérée comme un obstacle, peut, au contraire, s’avérer un catalyseur formidablement actif de la relation de soins. En ETP, des expérimentations novatrices associant des groupes de patients partageant la même langue maternelle doivent pouvoir être menées. Ces actions doivent être associées à des programmes de formation des acteurs professionnels de l’ETP. Mots-clés : Médiation – clinique transculturelle – migrants – maladie chronique – langue maternelle.
Summary
Correspondance Serge Bouznah Centre Babel Maison de Solenn 97, bd de Port-Royal 75014 Paris
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The experience of chronic disease takes a particular heavy toll on immigrants. Therapeutic patient education (TPE) programs rarely address this population category specifically. How to reach out to these vulnerable groups? Can a transcultural clinic contribute to opening avenues for reflection? This approach aims at promoting healthcare professionals’ cultural competences. It is rooted in the empowerment perspective and thus directly relates to TPE’s efforts to make patients actors and share responsibilities in the management of chronic disease. But in order to achieve this, patients need to acquire knowledge not only on care techniques, but also on medical theories of their disease. In return, medical professionals must be able to access patients’ representations of his/her disease and the ways it transformed his/her life. This exchange is dependent upon the necessary articulation between lay knowledge and expert knowledge. By having scientific theories of disease intersect with lay discourses without one disqualifying the other, the transcultural clinic opens up a new avenue, especially by establishing mediation technical units. It shows how cultural diversity -which is usually construed as an obstacle to care- may in fact play a catalytic role in improving the healthcare relationship. Pioneering experiments in the context of TPE should be led by associating patient groups sharing the same language. Such actions must be associated to training programs for TPE professionals. Key-words: Mediation – transcultural clinic – immigrant – chronic disease – native language.
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Introduction Confrontés aux maladies chroniques, les migrants payent un tribut particulièrement lourd, qui ne s’explique que partiellement par des facteurs socioéconomiques. On note, dans certaines pathologies, des retards importants de dépistage ou de prise en charge après diagnostic, avec un impact sur la morbidité. La situation de certains de ces patients est aggravée par les difficultés d’accès aux soins, par des problèmes de communication tenant à la fois de l’obstacle linguistique et de la distance culturelle, et parfois même à des phénomènes de discrimination [1]. On pourrait donc s’attendre à ce que les programmes d’éducation thérapeutique du patient (ETP) ciblent particulièrement ces populations vulnérables. Or, une revue de la littérature montre que les actions dirigées vers ce public spécifique restent marginales [2], la plupart des programmes d’ETP n’étant pas accessibles aux patients non francophones. De surcroit, l’enquête OBSIDIA1 (Observatoire de l’Information et de l’éducation des patients diabétiques) indiquait que, selon les soignants interrogés, un quart des patients diabétiques ne seraient pas « éducables », essentiellement en raison de la barrière linguistique.
Quel rôle pour la clinique transculturelle ? • Face à ces constats et aux résistances professionnelles parfois présentes, la clinique transculturelle pourraitelle contribuer à ouvrir des pistes de réflexion ? En effet, pour cette discipline, la prise en compte de la langue maternelle du patient, de son histoire migratoire, ainsi que de ses affiliations
1 Observatoire de l’information et de l’éducation des patients diabétiques. Cette enquête, portant sur 75 services hospitaliers, a été lancée en 2007 par LifeScan, en collaboration avec l’Association de langue française pour l’étude du diabète et des maladies métaboliques (ALFEDIAM) et le groupe Diabète éducation de langue française (DELF), pour dresser un panorama de l’éducation thérapeutique dans la pratique quotidienne de services hospitaliers.
culturelles, est nécessaire dans toute démarche de prise en charge [3]. Cette approche, qui s’est développée en France depuis une trentaine d’années, vise à promouvoir les compétences transculturelles des soignants [4], c’est à dire leur capacité à acquérir des connaissances et un savoir-faire afin de prodiguer des soins de qualité à des patients d’origines socioculturelles et linguistiques diverses. Ces compétences reposent sur une capacité d’interaction avec autrui dans le contexte de la migration. • La clinique transculturelle s’est ainsi construite au carrefour de différentes théories. Naturellement, l’ethnopsychiatrie clinique [5], mais aussi l’anthropologie médicale [6], ainsi que les pratiques narratives [7]. Elle prend toute sa place dans le courant d’empowerment [8] qui se donne pour objet de développer le pouvoir d’agir des personnes en situation de vulnérabilité. Sur ce dernier point, elle rejoint la démarche d’ETP, afin que les patients deviennent des acteurs dans la gestion de leur maladie chronique et à en être, in fine, (co)responsables. Dans le langage commun, un patient est toujours celui sur qui on agit, par opposition à celui qui agit. Il est celui qui subit l’intervention médicale et le traitement. En ce sens, patient et acteur sont deux termes a priori antinomiques. Passer de l’un à l’autre, véritable transgression sémantique, implique que le patient soit autorisé à le faire [9]. Habituellement passif dans une situation de maladie aiguë, le patient est confronté, dans le cas d’une maladie chronique, à la nécessité de jouer un rôle actif quasi-permanent. Ce changement contraint à une modification des rôles habituels médecins-patients, et incite à passer d’une relation paternaliste, souvent directive, à la recherche d’un véritable partenariat. Il faut être conscient que cela génère des tensions fortes sur le modèle médical classique. Jusque-là, la médecine moderne, dans son exigence d’objectivation avait progressivement écarté le malade en tant que sujet de son champ d’investigation, considérant la parole et la subjectivité de ce dernier comme des écrans à la démarche diagnostique.
Ainsi, dans le modèle de la médecine fondée sur les preuves, la quête des médecins est uniquement basée sur l’interprétation des éléments objectifs. Or, l’identification des déterminants sociaux de la maladie, la problématique de l’observance [10], sont autant d’éléments qui, dans le contexte des pathologies chroniques, imposent désormais que le patient devienne un acteur dans la démarche de soin. Mais pour cela, ce dernier doit s’approprier, en même temps que les techniques de soins, la théorie des médecins sur sa maladie. En retour, le corps médical doit avoir accès aux représentations du patient sur sa maladie et aux transformations qu’elle implique dans sa vie. Cet échange implique la nécessaire articulation entre savoirs experts et savoirs profanes, une question qui renvoie aux fondements même de la clinique transculturelle. En effet, depuis longtemps, les migrants ont été les révélateurs des limites d’une médecine cartésienne, technicienne des corps, centrée sur la cure, et guidée par la recherche des preuves qui fondent la vérité scientifique. En croisant, sans les disqualifier, théorie scientifique et discours profanes sur la maladie, la clinique transculturelle a ouvert une voie, en particulier dans les dispositifs techniques de médiation [11]. • Autour de la maladie, deux récits cheminent, le plus souvent sans se croiser : – le premier est celui que le médecin construit à partir des symptômes du malade. Son objectif est essentiellement diagnostique et thérapeutique. Il s’appuie sur des preuves qui fondent la vérité scientifique ; – le second récit est celui du patient. De type existentiel, il l’aide à donner du sens à une effraction qui met en péril sa vie. Pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ? Cette quête de sens face à la maladie grave est universellement partagée par les êtres humains où qu’ils se trouvent. Elle va au-delà de la recherche des causes, objet de toute l’attention du médecin. À la fois individuelle et collective, elle tisse sa trame narrative dans l’expérience de vie de chacun d’entre nous, puisant à la source des interprétations collectivement admises
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de la maladie et du malheur, propres à chaque communauté. Ces deux récits sont de nature différente et, en général, ils s’ignorent. Pour la médecine occidentale, la maladie est Une et universelle. Le récit du patient, quant à lui, est toujours singulier et exceptionnel. Il ne cherche pas à établir la Vérité, mais à construire un sens dont la portée est toujours locale. Ce second récit n’est pas forcément délié de la pensée médicale avec laquelle il entretient des rapports complexes, pouvant aller de l’adhésion totale à la concurrence assumée. Ainsi, dans nos services, aux interprétations de la maladie proposées par le corps médical répondent souvent, de manière souterraine, d’autres modèles explicatifs, à partir desquelles les patients et leurs proches vont organiser leurs propres réseaux de soins, et cela en parallèle au circuit de soins hospitalier. Ces pratiques restent souvent méconnues par les soignants. Le patient peut alors se retrouver en porte à faux entre deux systèmes thérapeutiques qui s’ignorent. On a longtemps pensé qu’il y a forcément compétition entre l’interprétation médicale et celle que le patient adopte, très souvent tirée de son univers culturel. En fait, on a constaté que dans la plupart des situations, il y a coexistence des deux interprétations sans neutralisation de l’une par l’autre [5]. À la lumière de ces observations, expliciter les non-dits sur l’origine et le sens possible de la maladie est une des conditions préalables dans la construction d’une alliance contre la maladie. • La consultation-médiation interculturelle, à ses débuts, en 1998, avait été mise à la disposition des soignants confrontés à une grave difficulté ou à une impasse dans l’accompagnement de patients issus de la migration et souffrant d’une pathologie chronique douloureuse [12]. Puis, le champ d’intervention s’est ouvert progressivement à l’ensemble des pathologies chroniques. Aujourd’hui, ce type d’action fait l’objet d’un partenariat conventionnel avec l’Hôpital Necker (AP-HP, Paris), et à vocation à être élargi à d’autres structures hospitalières.
d’un diabète, mais il y a certainement une prédisposition génétique. Le patient prend la parole – Moi, je pense que je l’ai attrapé à cause de l’intervention. Je faisais confiance à mon chirurgien, mais j’avais très peur quand même. Je me souviens avec terreur de mon réveil. On m’a dit que je n’avais pas eu de chance car je me suis réveillé trop tôt. J’étais encore en salle d’opération. Il frissonne – et j’ai cru que j’étais mort et que je me retrouvais en enfer. En enfer, on dit qu’il y a le feu, mais autour de moi, il n’y avait que du sang ! Il hésite sur les mots : Comment vous dire… ? La médiatrice interculturelle lui vient en aide – Au Maroc, pour dire de ce que Monsieur a ressenti, on évoquerait sans doute la khal’a. Moncef acquiesce – Voilà, c’est ça ! La médiatrice – Chez nous, ce mot est encore bien plus fort que la frayeur. C’est une forme d’agression terriblement redoutée, car elle est imprévisible et imparable. Moncef – C’est exactement comme ça que j’ai ressenti les choses. Serge B. précise en se tournant vers le médecin hospitalier – C’est comme si la khal’a provoquait l’effraction de l’enveloppe du sujet et permettait au désordre de s’installer, qu’il s’agisse d’une maladie, d’un djinn2 ou encore de l’aïn, ce qu’on appelle le mauvais œil.
La consultation-médiation se donne pour objectif de modifier une situation problématique. Il ne s’agit pas simplement de faciliter la communication entre médecins et patients, mais de créer un espace de négociations à la recherche de solutions originales au blocage repéré par le soignant. L’intervention se déroule dans les locaux habituels de la consultation hospitalière. Elle associe autour du patient et de ses proches, le médecin hospitalier qui garde la pleine responsabilité du suivi médical, le médiateur interculturel – souvent un psychologue clinicien formé à la médiation et maîtrisant les codes culturels et la langue maternelle du patient – ainsi que le médecin animateur du dispositif et spécialiste en clinique transculturelle. Ce dernier est garant de la circulation de la parole, et veille à ce que chacun puisse s’exprimer. Il va poser les questions nécessaires qui, dans un premier temps, portent sur les données complexes concernant la maladie. Dans un second temps, la parole est donnée aux patients et à leurs proches. Avec précision, ils dévoilent la connaissance intime qu’ils ont de leur souffrance, et leur expertise enrichit l’événement maladie. Grâce au soutien du médiateur interculturel, ils ont souvent, pour la première fois, l’opportunité de révéler dans l’espace médical le sens profond qu’ils donnent aux événements qui les frappent. Vignette clinique • Extrait de la consultation-médiation d’un patient marocain, pris en charge au Centre d’évaluation et de traitement de la douleur de la Fondation Rothschild (Paris), pour des douleurs très invalidantes des membres inférieurs suite à une intervention chirurgicale pour une myélopathie cervico-arthrosique. Le médecin hospitalier évoque alors la découverte inopinée d’un diabète lors de l’hospitalisation. Serge Bouznah, médecin responsable de la consultation-médiation – Nous aurions besoin de mieux comprendre comment les médecins expliquent la survenue brutale du diabète. Le médecin hospitalier – Le stress peut être responsable de la survenue
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• Deux théories du désordre se croisent au carrefour de l’interprétation traumatique. Celle du médecin, fait référence au stress ; celle de la médiatrice, à la khal’a. Ces deux théories sont fondées sur une conception spécifique de la personne, de sa nature, de ses liens au monde, et, par conséquent, des désordres susceptibles de l’affecter. Derrière une similitude de façade, les chemins empruntés par la médecine occidentale pour rendre compte de la survenue brutale du diabète et ceux
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Créatures surnaturelles dans les traditions sémitiques. Ils habitent les endroits déserts, les points d’eau, les cimetières et les forêts. Ils sont en général invisibles, pouvant prendre différentes formes. Ils ont la capacité d’entrer en lien avec le genre humain.
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Dossier thématique Divers regards sur les maladies chroniques du modèle explicatif marocain sont complètement hétérogènes. • Une fois ces points de vues exprimés, le médecin animateur propose un nouveau récit où l’intervention médicale est resituée dans l’histoire de vie du patient. Auparavant, les deux récits s’opposaient dans l’ombre, et parfois se neutralisaient. À présent, sans jamais les réduire l’un à l’autre, voire même en pointant leur hétérogénéité, ils agissent en synergie, mobilisant l’ensemble des ressources disponibles, naturellement celles proposées par le médecin, mais également les potentialités du patient et de ses proches. • La compréhension du point de vue du patient, l’accès à ses ressentis les plus intimes, nécessite de faire appel, chaque fois que cela est nécessaire, à sa langue maternelle. Ce recours est toujours possible dans notre dispositif, même lorsque le patient est complètement francophone. En effet, si la langue française est souvent utilisée par le migrant de manière instrumentale, c’est le lexique de la langue maternelle qui
est porteur des signifiants culturels. En effet, il nous offre la clef pour accéder au monde de significations et au sens que le sujet attribue aux événements comme la maladie, la souffrance, ou la mort. Il s’agit non seulement de traduire, mais également de discuter des mots choisis dans la langue maternelle, de leurs nuances, des groupes d’appartenance auxquelles ils renvoient. Cette dynamique permet au patient d’occuper une place de partenaire obligé, allié de fait dans l’exploration des significations soulevées par la traduction [13]. • La co-contruction avec le patient de la définition du problème qui le concerne est un élément central de la démarche en clinique transculturelle. L’enjeu est capital, car il détermine la légitimité des acteurs en action. En effet, si cette définition reste exclusivement biomédicale, le médecin est le seul expert habilité. Si, par contre, sans réfuter l’interprétation médicale, nous parvenons à construire avec le patient et ses proches une définition plus large de la maladie, de nouveaux acteurs entrent en scène.
Au terme d’un processus interactif impulsé par le médecin animateur, cette définition s’appuiera sur l’expertise professionnelle et celle tirée de l’expérience du patient. Dans une dynamique nouvelle, se fondant sur une reconnaissance réciproque de la légitimité de leur expertise et de leur point de vue, soignants et patients s’associent pour affronter la maladie. En agissant ainsi, nous cherchons à mobiliser toutes les ressources possibles, et pas seulement celles de la science médicale qui, nous le savons, ne représentent qu’une fraction des moyens disponibles. • Les deux discours sur la maladie doivent rester complémentaires pour éviter un double écueil : – celui de la dérive d’une médecine techniciste qui, en centrant uniquement son approche sur l’objectivation de la maladie, prend le risque de faire disparaître le patient qui la porte ; – mais, également, celui d’un discours culturaliste sur la maladie, qui lui, nous empêcherait d’avoir accès aux ressources médicales.
Pour résumer • L’identification des déterminants sociaux de la maladie, la problématique de l’observance sont des éléments qui, dans le contexte des pathologies chroniques, imposent désormais que le patient devienne un acteur dans la démarche de soin. • La diversité culturelle habituellement considérée comme un obstacle, peut au contraire s’avérer un catalyseur formidablement actif de la relation de soins.
• Dans nos services, aux interprétations de la maladie proposées par le corps médical répondent souvent, de manière souterraine, d’autres modèles explicatifs, à partir desquelles les patients et leurs proches vont organiser leurs propres réseaux de soins, et cela en parallèle au circuit de soins hospitalier.
• La co-contruction avec le patient de la définition du problème qui le concerne est un élément central de la démarche en clinique transculturelle. L’enjeu est capital car il détermine la légitimité des acteurs en action.
• L’accompagnement des patients migrants non francophones est un enjeu essentiel de Santé publique. La mise en place d’actions adaptées, tenant compte de l’obstacle culturel et utilisant les outils disponibles en termes d’interprétariat et de médiations interculturelles est nécessaire.
Conclusion L’ETP, discipline nouvelle dans le panorama médical, est aujourd’hui en plein essor. Elle se doit de cibler les patients les plus vulnérables. L’accompagnement des patients migrants non francophones est, de ce fait, un enjeu essentiel de Santé Publique. La mise en place d’actions adaptées, tenant compte de l’obstacle culturel et utilisant les outils disponibles en termes d’interprétariat et de médiations interculturelles, est nécessaire. Des expérimentations novatrices associant des groupes de patients partageant la même langue maternelle doivent pouvoir être menées. Ces actions doivent être associées à des programmes ambitieux de formation des acteurs professionnels de l’ETP visant à acquérir des compétences transculturelles. L’expérience clinique montre que la diversité culturelle, habituellement considérée comme un obstacle, peut, au contraire, s’avérer un catalyseur formidablement actif de la relation de soins. De surcroit, les enseignements tirés auprès des migrants, grâce notamment aux recherches sur l’alliance thérapeutique, pourraient se révéler d’une utilité considérable pour l’ensemble des patients, migrants ou non.
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Éducation thérapeutique du patient et clinique transculturelle
Déclaration d’intérêt L’auteur déclare n‘avoir aucun conflit d’intérêt en lien avec le contenu de cet article.
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