Kinesither Rev 2012;12(132):49–56
Savoirs / Contribution originale
Effet d'un programme de réhabilitation respiratoire sur la distension dynamique selon la sévérité de la BPCO d'après l'index BODE Service de réhabilitation respiratoire, centre hospitalier des Pays-de-Morlaix, Kersaint-Gilly, BP 97237, 29672 Morlaix cedex, France
Loic Péran Chantal Lochon Marc Beaumont Romain Pichon
Reçu le 8 décembre 2011 ; reçu sous la forme révisée le 14 février 2012 ; accepté le 12 juillet 2012
RÉSUMÉ Introduction. – L'objectif de cette étude est d'évaluer l'effet de la réhabilitation respiratoire (RR) sur la distension dynamique (DD), en fonction de l'index BODE. Méthode. – Étude prospective à propos de 74 patients BPCO, hospitalisés pour un programme de RR de quatre semaines. L'outil de mesure de la DD est la capacité inspiratoire (CI) mesurée au repos et en fin d'effort ; en début et en fin de programme. Résultats. – Tous stades confondus, l'augmentation de la CI est statistiquement significative : au repos et à l'effort (p < 0,05). Il n'y a pas de différence significative dans l'évolution de la CI entre quartiles. Elle évolue de façon significative à l'effort selon les quartiles de l'index BODE en fonction du type d'entraînement. Conclusion. – La RR améliore significativement la DD mais il n'existe pas de différence significative dans son évolution en fonction de l'index BODE. Les résultats amènent à réfléchir sur le réentraînement le mieux adapté en fonction de la sévérité de la BPCO. Niveau de preuve. – II.
Mots clés BPCO Distension dynamique Index BODE Réhabilitation respiratoire
Keywords COPD Dynamic hyperinflation BODE index Pulmonary rehabilitation
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
SUMMARY Introduction. – The present study aims to evaluate the effects of pulmonary rehabilitation (PR) on dynamic hyperinflation (DH), according to the BODE index. Method. – Prospective study from 74 patients COPD for a 4-week-period of PR program. The inspiratory capacity (IC) is the parameter chosen to evaluate the DH: at rest and at the end of training, at the beginning and the end of program. Results. – All results joined together, the improvement of IC is statistically significant: at rest and with exercise (P < 0.05). There is no statistically significant difference in the evolution of IC between quartiles. It improves significantly with exercise relating to the quartiles of the BODE index according to the type of activity. Conclusion. – The PR improves the DH significantly but there does not exist significant differences in its evolution according to the BODE index. The result lead to think about the best fitting training related to COPD severity. Level of evidence. – II. © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
INTRODUCTION « La réhabilitation respiratoire (RR) a pour objectif principal de maintenir dans la durée © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2012.07.029
un niveau d'activités physiques quotidiennes jugé nécessaire à la santé physique et psychique du patient, de façon à diminuer les conséquences systémiques de la maladie et
Auteur correspondant. L Péran, Service de réhabilitation respiratoire, centre hospitalier des Pays-deMorlaix, Kersaint-Gilly, BP 97237, 29672 Morlaix cedex, France. Adresse e-mail : respi-guervenan@ch-mor laix.fr (L Péran)
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L. Péran et al.
Savoirs / Contribution originale les coûts de santé ». Elle permet d'améliorer la qualité de vie, la tolérance à l'exercice et soulage les symptômes chez les patients atteints de BPCO [1] dont les effets extrarespiratoires contribuent à sa sévérité chez certains patients. Dans 80 % des cas, c'est le tabac qui est à l'origine de la BPCO. La classification de sa sévérité peut se faire de deux façons, d'une part, avec la classification GOLD (Chronic Obstructive Lung Disease) [2] qui tient compte du volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) et du rapport de Tiffeneau et, d'autre part, avec l'index BODE (Body Mass Index, Airflow Obstruction, Functional Dyspnea, Exercise Capacity) qui est un outil d'évaluation qui permet de pronostiquer le risque de mortalité à 52 mois, et donc la sévérité de la maladie [3]. Ce dernier peut être utilisé dans le cadre de la prescription [1] et de l'évaluation de l'efficacité [4] d'un programme de RR. Les éléments considérés pour calculer l'index BODE sont les suivants : l'indice de masse corporelle (IMC), le VEMS, la dyspnée, le test de marche de six minutes (TDM6). Comme le préconise la SPLF [1], un programme de RR doit comporter les éléments suivants : les traitements physiques, l'éducation thérapeutique, une prise en charge sociale, un suivi nutritionnel, l'aide au sevrage tabagique et enfin une prise en charge psychologique. Le programme peut être mené de plusieurs façons, mais dans tous les cas, il doit être évalué. Les dysfonctionnements de la mécanique ventilatoire interne chez les sujets atteints de BPCO sont liés au caractère obstructif de la maladie qui augmente les résistances à l'écoulement de l'air et diminue les débits gazeux dans les voies aériennes [5]. La distension pulmonaire, qu'elle soit statique ou dynamique, en est une conséquence. Elle est caractérisée par un volume excessif de gaz dans le parenchyme pulmonaire (alvéoles et bronchioles terminales). La technique la plus utilisée pour mesurer ce volume est la pléthysmographie. Cependant, pour des raisons pratiques, notamment lors d'un exercice, la distension dynamique (DD) peut s'évaluer de manière indirecte par l'évaluation de la capacité inspiratoire (CI), à l'aide d'un spiromètre portable [6]. D'après une étude d'O'Donnell en 2008, les interventions thérapeutiques qui réduisent la distension devraient diminuer la dyspnée d'effort et améliorer la tolérance à l'exercice au cours de la BPCO [7]. La réhabilitation dans son ensemble et le réentraînement musculaire des membres inférieurs en particulier agissent sur la DD [8] à l'effort en diminuant les besoins ventilatoires [9] qui s'accompagne d'une diminution de la fréquence respiratoire [10]. Dans ce contexte, la mesure de la CI semble être intéressante pour évaluer : d'une part, l'évolution de la distension au repos, puisqu'il existe une forte corrélation entre la CI de repos et la tolérance à l'effort [11] et, d'autre part, l'évolution de la DD à l'effort, à l'origine en grande partie de la dyspnée [12] et de l'intolérance à l'exercice [13]. Sa mesure semble également intéressante en raison du lien existant entre la CI et la qualité de vie chez le patient atteint de BPCO [14], mais aussi pour son caractère prédictif de la mortalité des patients atteints de BPCO [15]. L'objectif de cet article est d'évaluer si les effets de la RR sur la DD sont différents en fonction de la sévérité de la maladie (BPCO) selon l'index BODE et le type d'activités.
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PROGRAMME DE KINÉSITHÉRAPIE Il est biquotidien, cinq fois par semaine, pendant quatre semaines. Le matin chaque patient réalise un entraînement en endurance sur cyclo-ergomètre ou tapis de marche, une séance de gymnastique collective (quatre fois par semaine), une séance de relaxation (hebdomadaire) et enfin du renforcement musculaire. L'après-midi, il réalise à nouveau un entraînement en endurance, de la kinésithérapie respiratoire individuelle ou une séance individuelle d'éducation thérapeutique si nécessaire. Enfin, pour finir la journée il participe aux séances collectives d'éducation thérapeutique. Il effectue une pause entre chaque prise en charge.
Entraînement en endurance L'entraînement en endurance concerne le réentraînement des membres inférieurs. La durée de l'entraînement est de 30 mn. Sur cyclo-ergomètre, le seuil de dyspnée déterminé lors du test d'effort [16] est utilisé pour déterminer l'intensité cible d'entraînement [1]. Sur tapis de marche, la fréquence cardiaque cible déterminée au TDM6 sert de référence. Les paramètres de surveillance indiquant une intensité d'entraînement adéquate sont les suivants : la fréquence cardiaque (entre 65 et 85 % de la FC maximale), l'oxymétrie de pouls (supérieure ou égale à 90 %), la dyspnée (4 à 6 sur une échelle visuelle analogique).
Gymnastique collective quotidienne La gymnastique collective quotidienne, d'une durée de 30 minutes comporte des exercices visant à renforcer les muscles des membres supérieurs, des exercices d'assouplissement thoracique, des exercices ventilatoires visant à synchroniser le rythme ventilatoire par rapport à l'effort demandé, des exercices d'équilibre et enfin des exercices de renforcement des membres inférieurs.
Relaxation hebdomadaire La relaxation hebdomadaire permet au patient de diminuer le niveau de tension musculaire et d'obtenir une sensation d'apaisement.
Renforcement musculaire analytique Le renforcement musculaire analytique : il concerne les quadriceps mais aussi, si nécessaire les muscles inspirateurs.
Techniques de désencombrement Les techniques de désencombrement, de type modulation du flux expiratoire sont utilisées en cas de nécessité et dans tous les cas enseignées.
Éducation thérapeutique Éducation thérapeutique : elle se décompose en plusieurs étapes. Le diagnostic éducatif en début de programme permet de déterminer une ou plusieurs problématiques spécifiques au patient. Le programme est personnalisé et réalisé lors de séances individuelles et collectives à partir des objectifs qui émergent du diagnostic éducatif. Enfin, le programme se finalisera par une évaluation. L'éducation thérapeutique a pour
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Savoirs / Contribution originale
objectif d'autonomiser le patient et de le rendre acteur de sa santé en lui donnant les moyens de mieux contrôler sa maladie. D'autres programmes peuvent être proposés de façon individuelle en fonction des besoins : le suivi nutritionnel, la prise en charge psychologique ou sociale et enfin l'aide au sevrage tabagique.
qui permet d'évaluer la DD. Trois mesures sont effectuées en début et en fin de programme, après quatre semaines de réentrainement : la CI au repos, la CI après 30 minutes sur cyclo-ergomètre, et enfin, la CI sur tapis de marche dans les mêmes conditions.
La réalisation du test de la mesure de la capacité inspiratoire avec le Spirobank II®
Soixante-quatorze patients atteints de BPCO sont inclus dans cette étude, selon les critères GOLD. Soixante-six patients ont réalisé le programme.
Comme pour tout paramètre spirométrique, l'obtention de trois mesures techniquement acceptables et reproductibles est indispensable, en tout cas au repos. Il faut répéter la manœuvre si la différence entre la valeur la plus élevée et la suivante est de plus de 150 mL avec un temps de repos d'une minute entre chaque mesure [17]. À l'effort, la mesure, unique, s'effectue directement sur le cyclo-ergomètre ou sur le tapis en fin d'exercice. Elle est réalisée lors de la première et dernière séance, au même niveau d'entraînement.
Modalités de sélection
Analyse statistique
Les critères d'inclusion : sont inclus les patients atteints de BPCO, volontaires, hospitalisés dans le service de RR du centre hospitalier des Pays-de-Morlaix. Les critères de non inclusion : les patients atteints de BPCO, hospitalisés suite à une chirurgie thoracique. Les critères d'exclusion : sont exclus les patients qui subissent un changement de débit d'oxygène entre le début et la fin du programme et un évènement médical intercurrent empêchant la réalisation du programme dans son intégralité. L'outil de mesure utilisé, le Spirobank II®, est un spiromètre multifonctionnel, portable, produit par la société MIR. Les valeurs de normalité utilisées sont celles recommandées par l'European Respiratory Society (ERS).
Le test de Kolmogorov-Smirnov est utilisé pour évaluer la normalité de la distribution des différents paramètres. L'évolution des paramètres mesurés au sein de chaque quartile selon BODE est évaluée à l'aide du test de Student pairé ou du test des rangs signés de Wilcoxon. L'évolution des paramètres de chacun des quatre groupes selon l'index BODE est comparée grâce à une analyse de la variance ou du test de Kruskal-Wallis. Le seuil de significativité a été fixé pour une valeur p < 0,05.
PATIENTS ET MÉTHODE Matériel Population
Méthode Déroulement de l'étude C'est une étude prospective sur 13 mois de janvier 2010 à février 2011, incluant 74 patients atteints de BPCO à tout stade de sévérité selon l'index BODE et selon la classification GOLD. Le plus grand nombre est retraité, certains sont en invalidité de deuxième ou troisième catégorie, enfin une minorité exerce une profession à temps partiel ou plein. Les modalités de cette étude sont expliquées aux patients par écrit, une signature de leur part validant leur consentement, toutefois le protocole n'a pas été validé par un conseil d'éthique. L'objectif principal de ce travail est de répondre à l'interrogation suivante : l'évolution de la CI est-elle identique dans les différents quartiles de l'index BODE ? La CI est le paramètre de mesure
RÉSULTATS Caractéristiques de la population selon la sévérité de la BPCO d'après les quartiles de l'index BODE Soixante-six patients atteints de BPCO en état stable ont réalisé un programme de RR (Tableau I). Les caractéristiques des patients sont mentionnées dans le Tableau II. Le VEMS moyen est de 42,1 %, traduisant une sévère limitation de débit expiratoire. Les différentes valeurs du rapport VR/CPT, supérieures à 120 % des valeurs prédites, prouvent l'existence de distension pulmonaire statique dans tous les quartiles de l'index BODE, avec des différences significatives entre les quartiles I et III (p < 0,01), I et IV (p < 0,001) et enfin II et IV (p < 0,05). Des différences significatives de poids existent entre les quartiles I et IV (p < 0,05) et il en est de même pour l'IMC et ces mêmes quartiles I et IV (p < 0,05). Il existe une différence significative de la pression inspiratoire maximale (PI max) (p < 0,04) entre les quartiles I et III. De nombreuses différences significatives sont présentes dans les résultats du
Tableau I. Index BODE. Points sur l'index BODE
0
1
2
3
VEMS (% de la théorique)
65 350
50–64 250–349
36–49 150–249
35 149
Échelle de dyspnée MMRC
0–1
2
3
4
IMC
> 21
21
Distance parcourue au TDM6
VEMS : volume expiratoire maximal à la seconde ; TDM6 : test de marche de six minutes ; MMRC : Modified Medical Research Council ; IMC : indice de masse corporelle.
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L. Péran et al.
Savoirs / Contribution originale Tableau II. Classification des patients selon les quartiles de l'index BODE. Quartiles
Tous quartiles
Quartile I : score de 0 à 2
Quartile II : score de 3 à 4
Quartile III : score de 5 à 6
Quartile IV : score de 7 à 10
Effectif (n) Sex-ratio homme/femme (en %)
66 72/28
18 (27 %) 77/22
21 (31 %) 71/28
18 (27 %) 72/27
9 (13 %) 66/33
ns
Âge (année)
63,2 9,4
62,5 9,3
64,7 10,9
62,4 8,9
63,7 8,2
ns
Taille (cm)
167 8
169 8
166 7
167 8
166 9
ns
Poids (kg)
76,5 18,9
84 19
73 13
78 22
64 14
0,024
27,1 6,1
29,0 5,1
26,3 4,3
28,3 8,52
22,9 4,5
0,029
GOLD I/II/III/IV
2/15/26/23
2/9/7/0
0/4/11/6
0/2/5/11
0/0/3/6
VEMS (% théorique)
42,1 14,9
55 10
41 12
32 10
29 6
0,0001
VR/CPT (% théorique)
154 31
132 20
154 35
167 20
188 19
0,0001
CI de repos (en litre)
1,878 0,591
2,185 0,587
1,798 0,595
1,800 0,596
1,600 0,315
ns
PI max (en cmH20)
65 21
76 18
63 20
56 23
64 14
0,04
Force quadriceps (en newton)
244 102
249 97
255 112
251 93
186 96
ns
Périmètre de marche au TDM6 (en mètre)
346 84
412 45
366 60
317 71
213 50
0,0001
MMRC
2,19 1,1
1,22 09
1,85 0,9
3,05 0,8
3,22 0,7
0,0001
Index BODE
4,16 2,1
1,61 0,6
3,61 0,4
5,66 0,4
7,55 0,8
2
IMC (kg/m )
Valeur de p
Les résultats sont exprimés en nombre n ou en moyenne DS. VEMS : volume expiratoire maximal à la seconde ; VR : volume résiduel ; CPT : capacité pulmonaire totale ; ns : non significatif ; IMC : indice de masse corporelle ; TDM6 : test de marche de six minutes ; MMRC : Modified Medical Research Council ; CI : capacité inspiratoire ; PI max : pression inspiratoire maximale.
TDM6 selon les quartiles, entre les quartiles I et III (p < 0,001), I et IV (p < 0,001), II et IV (p < 0,001) et enfin III et IV (p < 0,001). Les scores de l'échelle Modified Medical Research Council (MMRC) présentent aussi plusieurs différences significatives notamment entre les quartiles I et III (p < 0,001), I et IV (p < 0,001), II et III (p < 0,01), II et IV (p < 0,05).
Évolution globale des critères mesurés L'ensemble des critères mesurés évolue de manière statistiquement significative (Tableau III).
Évolution globale de la capacité inspiratoire La CI au repos, tous quartiles de l'index BODE confondus, a évolué de façon significative au cours du programme de RR (p = 0,0056) de 137 mL en moyenne (Fig. 1). La CI sur cycloergomètre, tous quartiles de l'index BODE confondus, a évolué de façon significative au cours du programme de RR (p = 0,0024) de 265 mL en moyenne (Fig. 2). La CI sur tapis de marche, tous quartiles de l'index BODE confondus, a évolué de façon significative au cours du programme de RR (p = 0,0012) de 224 mL en moyenne (Fig. 3).
Tableau III. Évolution des critères mesurés tous stades confondus. D Médiane et moyenne
Médiane
Moyenne
Valeur de p
D CI repos (mL) D CI sur cyclo-ergomètre (mL)
+125 388 +165 472
+137 +265
0,0056 0,0024
D CI sur tapis de marche (mL)
+295 441
+224
0,0012
D Périmètre de marche au TDM6 (m)
+12,5 43
+43
0,0001
D Puissance max (watt)
0 43,69
+8
0,0001
D Force quadriceps (newton)
+56 74
+35
0,0003
D PI max (cm d'H20)
+7 17
+9
0,0001
CI : capacité inspiratoire ; PI max : pression inspiratoire maximale ; TDM6 : test de marche de six minutes.
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Kinesither Rev 2012;12(132):49–56
Savoirs / Contribution originale
4
4
3
litres
litres
3 2
2 1
1
0 ci tapis debut
0
ci repos debut
ci repos fin
ci tapis fin
Figure 3. Évolution globale de la capacité inspiratoire sur tapis de marche.
Figure 1. Évolution globale de la capacité inspiratoire au repos.
Évolution des critères mesurés en fonction des quartiles de l'index BODE L'évolution de PI max dans les quartiles II et III est significative (p = 0,0126 et p = 0,0186) avec respectivement un gain moyen de 12,86 cm d'H2O et 9,61 cm d'H2O (Tableau IV). L'évolution de la force du quadriceps dans les quartiles I et II est significative (p = 0,0054 et p = 0,0134) avec respectivement un gain moyen de 58 et 39,48 newton. L'évolution de la distance au TDM6 est significative dans tous les quartiles avec respectivement une évolution moyenne de 41 m (p = 0,0006) ; 22 m (p = 0,0188), 45 m (p = 0,0019) et 35 m (p = 0,0214). L'évolution de la puissance maximale lors de l'épreuve d'effort est significative dans les quartiles I (p = 0,0049) et III (p = 0,0488) avec respectivement un gain moyen de 13,37 et 6,42 watts. À l'effort sur cyclo-ergomètre, il
3.5 3.0
litres
2.5 2.0 1.5 1.0 0.5 0.0
ci ve lo debut
ci ve lo fin
Figure 2. Évolution globale de la capacité inspiratoire sur cycloergomètre.
existe une évolution de la CI significative dans le quartile II (p = 0,0095) avec un gain moyen de 407 mL. Il en est de même à l'effort sur tapis de marche dans le quartile IV (p = 0,0017) avec un gain moyen de 550 mL.
Comparaison de l'évolution de la capacité inspiratoire entre les quartiles de l'index BODE Au repos, sur cyclo-ergomètre et tapis de marche, il n'existe pas de différence significative dans l'évolution de la CI entre les quartiles de l'index BODE.
DISCUSSION La CI au repos a évolué, sur l'ensemble de la population, de façon statistiquement significative (p = 0,0056) avec un gain moyen de 137 mL (7 %). L'intérêt de cette mesure réside dans le fait qu'il existe une corrélation entre la CI au repos et la capacité à l'exercice chez les patients atteints de BPCO modérée à sévère [11]. D'après O'Donnell, aux stades GOLD 3 et 4 de la BPCO, une augmentation de 10 % de la CI au repos, conduit à une amélioration cliniquement significative de la tolérance à l'effort [7]. Parallèlement, les résultats de cette étude montrent dans tous les quartiles une amélioration de la capacité d'exercice, par l'augmentation du périmètre de marche (au moins 25 mètres) au TDM6. Cette distance représente, d'après une étude récente, la valeur minimale cliniquement significative [18]. De plus, dans cette étude, l'augmentation de la capacité d'exercice à l'épreuve d'effort est en moyenne de 8 watts quand Puhan et al. [19] citent comme différence minimale cliniquement significative, une amélioration de 4 watts chez les patients atteints de BPCO sévère. Il existe une corrélation entre la PI max et la CI repos (r = 0,55) en début et en fin de programme, en adéquation avec l'étude de DIAZ [11]. Parallèlement, dans une revue de la littérature Geddes et al. concluent que la force des muscles inspiratoires évolue de façon significative lors d'un programme de réhabilitation, avec un gain de 11,6 cm H2O [20]. Il existe plusieurs explications à l'évolution de la CI au repos. Les mécanismes sont surtout passifs, liés à l'élasticité thoraco-pulmonaire [7]. Par ailleurs, l'augmentation de la force
53
L. Péran et al.
Savoirs / Contribution originale Tableau IV. Évolution des critères mesurés par quartile de l'index BODE (médiane). Quartiles
Q1
Q2
Q3
D CI repos (mL) D CI sur cyclo-ergomètre (mL)
+150 348 +320 443
+30 391 +320 502**
+230 406 +200 552
+170 425 0 304
D CI sur tapis de marche (mL)
0 432
+120 272
+500 605
+450 196**
D Périmètre de marche au TDM6 (m)
+60 41***
D Puissance max (watt) D Force quadriceps (newton)
+1 17,72
+6 21,48
D PI max (cm d'H20) *
Q4
+25 121*
+30 52**
+10 14,99
+10 15,43
+10 10,08
+10 8,16
+45 74,32**
+69 66,6*
+27 89,87
+12 42,72
+14 15,91
+2 13,87
**
*
+57,5 36* *
*
p < 0,05 ; p < 0,01 ; p < 0,001. CI : capacité inspiratoire ; PI max : pression inspiratoire maximale ; TDM6 : test de marche de six minutes. **
***
des muscles inspirateurs semble pouvoir expliquer en partie l'évolution de la CI au repos. Le renforcement des muscles inspirateurs limite la faiblesse fonctionnelle du diaphragme. Les afférences mécaniques jouent aussi un rôle dans le contrôle du volume télé expiratoire en modifiant la ventilation, les résistances des voies aériennes et certains paramètres cardiovasculaires. L'effet anti-inflammatoire de l'activité physique peut être une autre explication à cette augmentation [21,22]. L'évolution globale de la CI à l'effort, statistiquement significative sur cyclo-ergomètre est en moyenne de 265 mL. Porszasz et al. [10], indiquent un gain moyen de 133 mL. Il n'y a pas de différence statistiquement significative entre quartiles. En revanche, l'évolution dans le quartile II est statistiquement significative. Dans ce quartile, l'entraînement en endurance sur cyclo-ergomètre, diminue la DD liée en grande partie à la sollicitation des quadriceps qui augmentent leur force de façon statistiquement significative. Cela explique certainement l'évolution de la CI sur cyclo-ergomètre dans ce quartile. En effet, le réentraînement en endurance des membres inférieurs agit sur le rythme respiratoire en diminuant les besoins ventilatoires et l'allongement du temps expiratoire permet alors de mieux vider les poumons et de diminuer ainsi la DD [10]. Il semble que pour les patients du quartile IV, lors de l'entraînement sur cycloergomètre, la DD varie peu entre le début et la fin du séjour. Parallèlement, dans ce quartile, le gain de force musculaire du quadriceps est beaucoup moins important. La part musculaire de la dyspnée, lors du réentraînement sur cyclo-ergomètre, pour les patients du quartile IV, reste sans doute identique. La fréquence respiratoire ne variant pas, la DD ne change pas. La CI à l'effort sur tapis de marche a évolué, sur l'ensemble de la population de l'étude, de façon statistiquement significative de 224 mL en moyenne. Cette augmentation paraît comparable à celle constatée sur cyclo-ergomètre. Il n'y a pas de différence statistiquement significative entre quartiles, en revanche l'évolution dans le quartile IV est statistiquement significative. Le tapis de marche, en réduisant la perception de fatigue des jambes, permet vraisemblablement la manifestation des changements au niveau de la mécanique ventilatoire [23]. La durée du programme, de quatre semaines, ne semble pas assez importante pour modifier de façon significative la force des quadriceps (principaux muscles sollicités lors du pédalage) chez les patients les plus sévères. Un programme de sept semaines apporte plus de résultats à ce niveau [24]. La BPCO est considérée comme sévère à très sévère selon la classification GOLD pour 73 % des patients qui ont un VEMS
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inférieur à 50 %. Cela peut expliquer le fait qu'il n'y a pas de différence significative entre les quartiles. Si les effets bénéfiques de quatre semaines de réhabilitation intensive sur la capacité à l'exercice, sur la force musculaire, sur la dyspnée et sur la qualité de vie sont bien établis [25], ils semblent différents en fonction des quartiles de l'index BODE. L'amélioration fonctionnelle se traduit par une augmentation plus ou moins importante du périmètre de marche au TDM6. L'évolution de l'EFX est statistiquement et cliniquement significative. Le faible nombre d'EFX réalisé dans le quartile IV ne permet pas de tirer de conclusions statistiques. Lors d'une étude précédente, réalisée dans ce même service, Beaumont [4] conclut que l'augmentation de la capacité à l'exercice à l'EFX est moins marquée dans le quartile IV. Les réponses perçues et physiologiques sont différentes à l'effort sur cyclo-ergomètre et tapis de marche. À consommation égale d'oxygène, la perception de l'essoufflement est plus importante sur cyclo-ergomètre [26]. Si la CI au repos est un test simple à réaliser, il n'en est pas de même pour la CI à l'effort, où un nombre important de tests n'a pu être réalisé dans des conditions correctes. Le spiromètre a alors des difficultés à se calibrer. Il n'est pas possible de réaliser plusieurs mesures à l'effort, car afin d'être fiable, celle ci doit être réalisée immédiatement en fin d'effort. Les tests sont plus difficiles à réaliser chez les patients des quartiles III et IV qui sont souvent aussi les plus distendus à l'effort. Le réentraînement à l'effort devra donc, pour les patients des quartiles IV, se poursuivre sur un rythme soutenu en comprenant des exercices d'endurance et des exercices de renforcement musculaire afin de lutter contre une mortalité prématurée [16]. Le maintien des acquis à terme pour les patients des quartiles I et II, suppose la pratique d'une activité physique soutenue, adaptée et plaisante d'une demi heure, trois fois par semaine [27]. Pour les patients du quartile IV, lorsque le réentrainement sur cyclo-ergomètre semble très difficile à réaliser à des intensités bénéfiques, l'électrostimulation musculaire (ESM) peut permettre une amélioration de la force musculaire. D'après Crépon et Dupuis [28], l'ESM associée au programme de réhabilitation, améliore significativement la force du quadriceps, l'IMC, le périmètre de marche et la dyspnée, davantage que le programme de RR sans ESM. Cette technique est compatible avec la fatigabilité générale des patients atteints de BPCO sévère à très sévère. Elle est simple à mettre en œuvre et non dyspnéisante, malgré une sollicitation musculaire de longue durée
Kinesither Rev 2012;12(132):49–56
(30 mn). La stimulation est réalisée en position semi-assise, le courant est biphasique, sa fréquence de 50 hz et sa durée d'impulsion de 400 ms. Le temps de contraction est de six secondes et le temps de repos de dix secondes. L'intensité doit générer une contraction musculaire visible et doit être bien supportée par le patient.
CONCLUSION L'étude a pour objectif d'évaluer, en fonction de la sévérité de la maladie BPCO, selon l'index BODE, les effets de la RR sur la DD, par la mesure indirecte de la CI au repos, à l'effort sous maximal sur cyclo-ergomètre et sur tapis de marche. Tous stades confondus selon l'index BODE, la RR améliore de manière statistiquement significative la CI au repos et à l'effort, mais il n'y a pas d'évolution significative entre les quartiles au repos comme à l'effort. Toutefois à l'effort des évolutions statistiquement significatives existent dans certains quartiles. Les mécanismes de cette évolution ne sont pas clairement identifiés. De plus, les résultats des patients sont différents selon l'activité, en fonction des quartiles de l'index BODE. Les résultats de cette étude démontrent l'intérêt de la participation des patients à un programme de RR, quel que soit le degré de sévérité de la maladie BPCO. Ils amènent aussi à réfléchir sur la façon de mener le renforcement musculaire pour les patients dans le quartile IV de l'index BODE, avec la question suivante : faut-il systématiser l'électrostimulation musculaire des quadriceps dans ce quartile ?
Points à retenir La réhabilitation dans son ensemble, et le réen-
traînement musculaire des membres inférieurs en particulier, diminuent la DD. La mesure de la CI est une mesure qui permet d'évaluer la DD dans la pratique quotidienne. Les résultats conduisent à réfléchir sur la façon de mener le renforcement musculaire pour les patients les plus sévères. La RR améliore de manière significative la DD. L'évolution de la CI à l'effort varie selon le type d'entraînement, en fonction des quartiles de l'index BODE : dans le quartile II, la CI évolue de façon significative (p = 0,0095) lors de l'entraînement sur cyclo-ergomètre, dans le quartile IV, la CI évolue de façon significative (p = 0,0017) sur tapis de marche.
Savoirs / Contribution originale Déclaration d'intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d'intérêts en relation avec cet article.
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