MÉMOIRE ORIGINAL
Efficacité d’un programme de prévention des habitudes de jeu chez les jeunes : résultats de l’évaluation pilote F. FERLAND (1), R. LADOUCEUR (1), F. VITARO (2)
Résumé. Depuis une dizaine d’années, des chercheurs s’intéressent aux habitudes de jeu des jeunes et les résultats de leurs travaux démontrent que la majorité des adolescents ont déjà participé à des activités de jeux de hasard et d’argent. La présente étude a pour but d’évaluer l’efficacité d’un programme de prévention des habitudes de jeu chez les adolescents. Les buts du programme de prévention étaient d’améliorer la compréhension de la notion de hasard et de permettre aux jeunes de développer une attitude plus réaliste à l’égard des jeux de hasard et d’argent. L’intervention, présentée en classe par des intervenantes spécialisées dans le domaine des jeux, a duré 3 heures. Un protocole de recherche expérimental (prétest, post-test et tests de rappel avec groupe témoin) a servi à vérifier les hypothèses. Les résultats démontrent l’efficacité du programme pour améliorer les attitudes et les connaissances des jeunes. De plus, la participation au programme ne provoque aucun effet iatrogénique sur les habitudes de jeu. Les retombées possibles du programme de prévention, de même que la pertinence d’inclure un volet visant l’enseignement d’une démarche de résolution de problème dans un programme de prévention des habitudes de jeu sont discutées. Mots clés : Attitude ; Connaissance ; Évaluation de programme ; Jeu ; Jeunes ; Prévention.
Efficiency of a gambling prevention program for youths : results from the pilot study Summary. A meta-analysis of North American studies indicates that the prevalence rate of pathological gambling varies between 4.4 % and 7.4 % among adolescents (28). Pathological gambling is thus not a phenomenon that suddenly appears once youths reach an adult age (3). On the contrary, first significant contact with gambling occurs in childhood (23, 29, 34) or adolescence (16, 20). For this reason, it is important to develop an effective gambling prevention program that will reduce the risk that youths will develop gambling problems.
The information promoted in the prevention program our research team created and evaluated here teaches youths to recognize the traps of gambling activities, while enabling them to make an informed decision as to their eventual participation in those activities. The program is based on knowledge and recognition of key indices that can be easily identified as warning signs of a loss of control. It is predicted tthat youths who participate in this prevention program will improve their knowledge of gambling activities and will develop a more realistic attitude towards those activities than youths from a control group. The experimental group’s problem-solving skills are also expected to improve. An experimental design (pre-test, post-test and follow-ups with control group) was used to evaluate the program’s effectiveness. Overall, 1 193 youths participated in this study. The prevention program involves three 60-minute meetings. The objectives of these meetings are the following : meeting #1) improve youths’ knowledge of gambling activities and help them acquire a more realistic attitude towards these activities ; meeting #2) teach a structured problem-solving approach to resist to peer-pressure ; meeting #3) inform youths of the consequences that may be associated with abusive participation in gambling and teach them to recognize warning signs of a loss of control over gambling habits. Dependent variables : (a) knowledge of and attitudes towards gambling and gambling activities ; (b) problem-solving skills ; (c) frequency of participation in gambling activities ; (d) discussion with relatives, friends and teachers regarding gambling activities and attention paid towards gambling habits among close friends and family. Participation in the gambling prevention program significantly improves youths' knowledge of the real probabilities of winning and the pitfalls included in gambling activv ities and favours the development of a more realistic attitude towards these activities. However, the participation in the prevention program does not help to improve their problem-solving skills. Nonetheless, it leads more youths to talk about gambling with their parents and teachers, and enables them to be more aware of the gambling habits of their friends and
(1) É École l de d Psychologie, P h l i U Université i ité Laval, L l Québec, Q éb Canada, C d G1K 7P4. 7P4 (2) École de Psycho-éducation, Université de Montréal, Québec. Travail reçu le 22 août 2003 et accepté le 23 septembre 2004. Tirés à part : F. Ferland (à l’adresse ci-dessus). L’Encéphale, 2005 ; 31 : 427-36, cahier 1
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family. Finally, note that it was impossible to verify any decrease in gambling habits as the majority of participants (62 %) were non or very occasional gamblers. However, no iatrogenic effect was observed on the frequency of participation in gambling activities. Aside the positive impact of the program on the attitudes and knowledge of students, participation in the preventive sessions contributed to create a dialogue with adults and increased youths' interest in the gambling habits of their friends and family. These discussions enabled the youths to validate the information they received during class, to consolidate what they learned during the prevention sessions, and favour the dissemination of this knowledge beyond the scope of the academic environment.The results obtained regarding youths' attitudes and knowledge demonstrate that attitude modification takes place progressively. However, once well assimilated, these new attitudes seem to take hold in a fairly durable way. On the other hand, acquisition of knowledge seems to take place immediately after the theoretical concepts are taught. Yet, they slightly decreased before stabilising a few months later. This suggests that assimilation of new knowledge may be optimized by the addition of an intervention session a couple of months after the end of the intervention. Even if it was impossible to verify any decrease in participants' gambling habits, it is possible to think that the impact of participation in the gambling prevention program could be observable and measurable within a few years. However, only a long-term follow-up study would make it possible to assess whether participation in the program does indeed contribute to decreasing gambling habits and the number of youths who regularly participate in gambling activities. Despite the non-significant results observed for problem-solving skills, it seems nonetheless important to include this component, which benefits from great theoretical support, especially within the framework of prevention programs targeting youths (6, 7, 9, 19). However, the teaching method must be changed in order to maximize the intervention’s effectiveness. Despite some methodological limitations observed during the evaluation of this program, the results obtained clearly demonstrate that participation in the prevention program significantly improves youths' attitudes and knowledge regarding gambling activities. The teaching of accurate knowledge and realistic attitudes towards gambling should help youths to recognize the cognitive traps inherent to gambling activities and thus contribute, over the long run, to decrease the number of youths with gambling problems. Key words : Evaluation ; Gambling ; Knowledge ; Misconception ; Prevention ; Youth.
INTRODUCTION Les recherches concernant les habitudes de jeu des jeunes ont cours depuis seulement une dizaine d’années (30). Au Canada, Ladouceur et al. se sont intéressés pour la première fois aux comportements de jeu des jeunes en 1988 alors que près de 1 600 jeunes de niveau secondaire ont complété un questionnaire en classe (22). Les résultats de cette étude indiquent que 76 % des jeunes avaient 428
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déjà parié au moins une fois au cours de leur vie alors que 65 % avaient joué au cours de l’année précédant le sondage. Dix ans plus tard, une étude similaire menée par Ladouceur, Boudreault, Jacques et Vitaro (20) révèle une augmentation de la fréquence de participation aux activités de jeux chez les jeunes. Effectuée auprès de plus de 3 000 adolescents, cette étude démontre que 87 % des participants ont déjà participé à une activité de jeu au cours de leur vie alors que 77 % l’ont fait au cours de l’année précédant l’étude. Ainsi, de 1988 à 1998, le taux de prévalence du jeu pathologique chez les adolescents est passé de 1,7 % à 2,6 % (20, 22). Par ailleurs, une méta-analyse regroupant la plupart des études de prévalence nord-américaines révèle un taux de prévalence du jeu pathologique variant de 4,4 % à 7,4 % chez les adolescents (25). Bien que les taux de prévalence du jeu pathologique chez les jeunes varient légèrement d’une étude à l’autre, toutes ces études démontrent que certains jeunes jouent avec excès et éprouvent des problèmes en raison de leur participation aux activités de jeu de hasard et d’argent. Malgré qu’il soit encore difficile aujourd’hui de prédire quels jeunes développeront des problèmes de jeu et quels jeunes ne développeront pas ces problèmes, certaines caractéristiques ont pu être dégagées des différents travaux de recherche. En effet, les résultats de recherche actuellement disponibles semblent démontrer que les garçons seraient plus à risque que les filles de développer un problème de jeu (16, 19, 26, 29). Les jeunes ayant des difficultés scolaires et ceux ayant des comportements délinquants (20) seraient eux aussi plus à risque de développer un problème de jeu pendant leur adolescence ou une fois atteint l’âge adulte (5, 13, 15, 26). Il semble qu’une initiation précoce aux activités de jeu serait également associée à un plus grand risque de développer un problème de jeu (18, 31). Toutefois, comme aucune étude longitudinale n’a encore été menée chez les joueurs (jeunes ou adultes) ces caractéristiques demeurent des indices intéressants mais ne peuvent être considérées comme des facteurs de risque. Il est important de noter que le jeu pathologique n’est pas un phénomène instantané apparaissant soudainement lorsque le jeune atteint sa majorité (3). Au contraire, le jeu pathologique se développe habituellement lentement sur une période de temps plus ou moins longue selon les individus. Toutefois, bien que la plupart des joueurs adolescents sont et demeureront des joueurs occasionnels toute leur vie, certains d’entre eux développeront des problèmes de jeu pouvant entraîner des conséquences négatives importantes dans différents domaines de leur vie. Les études menées auprès des joueurs pathologiques adultes démontrent d’ailleurs que ceux-ci ont eu un premier contact significatif avec le jeu pendant leur enfance (21, 26, 31) ou pendant leur adolescence (14, 18). Il semble donc que cette période soit propice à l’acquisition des habitudes de jeu et, ce faisant, cette période semble être la meilleure pour initier des actions préventives. En revanche, avant de penser prévenir le développement de problèmes de jeu, il est important d’élaborer et de s’assurer
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de l’efficacité d’un programme de prévention spécifique à la thématique du jeu. Un tel programme doit avoir pour but de diminuer les risques que des jeunes ne développent des problèmes de jeu. Il doit enseigner aux jeunes à reconnaître les pièges que renferme le jeu et leur permettre de développer une attitude plus réaliste face à ces activités. Encore peu d’études concernant la prévention des habitudes de jeu ont été menées jusqu’à maintenant. Heureusement, des similitudes importantes notées entre le comportement de jeu et les autres formes de dépendance permettent de tirer profit des expériences de prévention menées dans ces domaines (21, 24, 29). Ainsi, les programmes de prévention menés dans les domaines du tabagisme, de la consommation de drogue et de la consommation d’alcool accordent une place importante à l’influence que peuvent exercer les pairs. Selon Oetting et Beauvais (23), c’est d’ailleurs le groupe d’amis qui a l’influence la plus directe sur la consommation des adolescents. D’autres chercheurs ajoutent même que la sensibilité des jeunes aux influences sociales, et plus particulièrement leur sensibilité à l’influence exercée par leur groupe d’amis, pourrait expliquer pourquoi les programmes de prévention visant à contrer ces influences obtiennent un certain succès (6, 17). Les études de prévention menées dans les domaines de la dépendance nous indiquent également qu’une intervention préventive auprès des jeunes devrait comprendre la transmission d’informations pertinentes à la problématique (17). Il est également important de bien choisir le type de programme et le mode d’intervention car ces derniers influencent l’efficacité du programme. Ainsi, les programmes à caractère uniquement informatif et les campagnes de dissuasion centrées sur les effets négatifs du comportement cible semblent avoir une portée limitée (7, 27, 28). Jusqu’à maintenant une seule étude de prévention des habitudes de jeu impliquant plus d’une rencontre a été publiée (14). Les résultats de cette étude démontrent que l’intervention préventive a permis d’améliorer significativement tant les attitudes que les connaissances des jeunes en matière de jeux de hasard et d’argent. Cependant, l’intervention n’a pas permis de modifier les habitudes de jeu des participants. Les chercheurs postulent que les jeunes rencontrés dans le cadre de leur étude (16, 17 ans) avaient déjà des habitudes de jeu trop bien ancrées pour qu’on puisse les modifier par une intervention préventive de quelques rencontres. Ainsi, de manière à favoriser l’impact de notre programme sur les habitudes de jeu des jeunes, les participants seront au tout début de leur adolescence, soit en « secondaires » I, II ou III* (entre 12 et 14 ans). Notre intervention se fera donc dans un cadre de prévention primaire car la très grande majorité des jeunes qui participeront à ce projet seront des non-joueurs ou des joueurs très occasionnels. De plus, de manière à tirer profit des expériences de prévention précédemment citées, toute l’information véhiculée dans notre programme de prévention sera transmise de manière interactive et portera sur la connaissance et la reconnaissance d’indices clés pouvant être identifiés comme des signaux d’alarme par les jeunes. Un volet sup-
Prévention des habitudes de jeu chez les jeunes
plémentaire ayant pour but de contrer l’influence des pairs sera également inclus dans le programme de prévention. Il est prédit que les jeunes qui recevront le programme de prévention, soit les jeunes du groupe expérimental, amélioreront leurs connaissances à l’égard des jeux de hasard et d’argent et développeront une attitude plus réaliste à l’égard de ces activités que les jeunes faisant partie du groupe contrôle. Il est également prévu qu’ils diminueront leurs habitudes de jeu et qu’ils amélioreront leurs habiletés de résolution de problèmes dans des situations de pression sociale.
MÉTHODE Participants Quarante-quatre classes provenant de huit écoles secondaires ont été choisies au hasard à partir d’une liste des écoles de la région de Québec (Canada). Toutes les écoles sont situées en milieu urbain et aucune d’entre elles n’est située dans un quartier reconnu comme étant défavorisé. De plus, les huit écoles sont de confessionnalité catholique et l’enseignement s’y fait en français. En dernier lieu, il est important de noter que la région de Québec regroupe principalement des personnes d’origine canadienne française, donc les participants à cette étude démontrent très peu de diversité ethnique et/ou culturelle. Après avoir accepté de participer, les écoles ont été réparties aléatoirement dans les groupes contrôle et expérimental. La répartition des écoles entre les deux conditions expérimentales a été privilégiée à la répartition des classes afin de diminuer les risques de contamination expérimentale. Au total, 1 361 jeunes ont participé à l’évaluation préexpérimentale. De ce nombre, 1 193 (88 %) ont pu être appariés pour les trois évaluations post-expérimentales. Ce sont les résultats obtenus auprès des jeunes ayant participé à toutes les étapes d’évaluation qui ont été retenus pour les analyses présentées ici. Le groupe expérimental comprend 571 élèves alors que le groupe contrôle est quant à lui composé de 622 jeunes. Les moyennes d’âge des groupes expérimental et contrôle sont respectivement de 13,3 ans (ET T = 1,05) et de 13,8 ans (ET T = 1,09). Le groupe expérimental compte 44 % de garçons alors que le groupe contrôle en compte 56 %. Des tests de χ2 effectués sur chacune des variables sociodémographiques ne révèlent aucune différence significative entre les groupes tant pour l’âge que pour le sexe et le statut d’emploi des parents. Une différence significative est toutefois notée pour la répartition des niveaux scolaires (élèves de secondaires I, II ou III*) entre les conditions expérimentales [χ2 (2, N = 1 193) = 173,28 ; p < 0,05]. Cette variable sera donc utilisée comme covariable dans les analyses.
* En fait, secondaire I correspond à Collège 6e, secondaire II correspond à Collège 5e et secondaire III correspond à Collège 4e en France. 429
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Protocole expérimental Un protocole expérimental (prétest, post-test et tests de rappel avec groupe témoin) sert à vérifier les hypothèses. Les relances ont lieu 3 et 6 mois après la dernière rencontre de prévention, ce qui permet d’évaluer l’efficacité du programme de prévention sur une année scolaire entière. Les questionnaires sont complétés aux mêmes intervalles de temps par les jeunes du groupe expérimental et les jeunes du groupe contrôle. Seule l’implantation du programme de prévention distingue les deux groupes : le groupe expérimental participe à 3 rencontres d’intervention de 60 minutes chacune, alors que le groupe contrôle ne reçoit aucune information sur les jeux de hasard et d’argent. Consentement Un formulaire de consentement a été adressé aux parents de chaque élève. Les parents préférant que leur enfant ne participe pas à l’étude devaient téléphoner à la responsable de l’étude pour signifier leur décision. En l’absence d’un appel, les jeunes pouvaient participer à l’évaluation du programme de prévention s’ils le désiraient. Le taux de participation a été de 100 % pour les étudiants du groupe expérimental et de 96 % pour les étudiants du groupe contrôle. Ceci représente 24 refus de la part des parents des jeunes faisant partie du groupe contrôle. Les principales raisons invoquées par les parents pour refuser que leur enfant participe à l’étude étaient : a) mon enfant n’a jamais joué ; b) je préfère que mon enfant se concentre sur son travail académique. Transmission du programme L’intervention prend la forme d’un programme de prévention à transmission universelle. Ce mode d’intervention a été retenu parce qu’il facilite la mise en place du projet dans le milieu scolaire, qu’il diminue les risques de stigmatisation des jeunes du groupe expérimental et qu’il permet de joindre une plus grande clientèle. L’utilisation d’activités de sensibilisation et de jeux de rôle donne l’opportunité aux élèves de tester et de mettre en pratique les concepts enseignés pendant les rencontres de prévention. Cahier de l’élève Chaque jeune faisant partie du groupe expérimental reçoit un cahier dans lequel sont présentées toutes les activités du programme. Le cahier reprend également les grandes lignes du programme et contient les feuillesréponses nécessaires pour participer aux activités. Il se veut un outil important pour assurer une continuité tout au long des trois rencontres d’intervention. Contenu du programme
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permettre d’acquérir un regard critique sur leurs habitudes de jeu actuelles ou futures. Quatre activités de sensibilisation font partie de cette rencontre. 1) Types de jeux : cette activité démontre qu’il existe plusieurs types de jeux et enseigne aux jeunes à reconnaître les principales caractéristiques de ceux-ci. 2) Loterie/pile ou face : cette activité illustre le fait qu’on ne peut prévoir l’issue d’un jeu de hasard et d’argent. 3) Illusion de contrôle : cette activité permet de démontrer aux jeunes qu’on ne peut influencer d’aucune façon l’issue d’un jeu de hasard et d’argent. 4) Superstitions : cette activité permet aux jeunes de connaître et de reconnaître les superstitions entourant la pratique des jeux de hasard et d’argent tout en leur permettant de mieux comprendre l’inutilité de celles-ci pour influencer l’issue du jeu. Rencontre # 2 Une démarche structurée de résolution de problèmes est enseignée lors de cette rencontre. Des bandes dessinées ciblant spécifiquement la thématique de pression des pairs en situation de jeu servent à enseigner et à mettre en pratique la démarche. Rencontre # 3 Cette dernière rencontre d’intervention informe les jeunes des conséquences pouvant être associées à une participation abusive aux jeux. Elle a également pour but de leur enseigner à reconnaître les indices de perte de contrôle des habitudes de jeu. Trois activités font partie de cette rencontre. 1) Qui est le joueur ? : cette activité montre que seuls les comportements du joueur peuvent permettre de savoir si une personne joue avec excès. Elle sert également à introduire les indices comportementaux permettant de détecter une perte de contrôle des habitudes de jeu. 2) Indices : cette activité permet aux jeunes de connaître et de reconnaître les indices de perte de contrôle des habitudes de jeu. 3) Vidéo « Lucky, le hasard on ne peut rien y changer » : la vidéo permet de faire un retour sur les concepts présentés lors des rencontres 1 et 3 et conclut le programme de prévention. Instruments Tous ces instruments de mesure sont utilisés lors du prétest, du post-test et lors des 2 évaluations de suivi.
Rencontre #1
Connaissances et attitudes envers les jeux de hasard et d’argent
Cette rencontre vise à améliorer les connaissances des jeunes en matière de jeux de hasard et d’argent et à leur
Ce questionnaire compte 15 items mesurant les attitudes (9 items) et les connaissances (6 items) des jeu-
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nes envers les jeux de hasard et d’argent. Il a été élaboré pour répondre aux objectifs de la présente étude et n’a pas fait l’objet d’une validation empirique. Toutefois, nous nous sommes assurés de la compréhension des items auprès de jeunes moins âgés et nous sommes également assurés de la structure factorielle du questionnaire avant de l’utiliser dans le cadre de cette étude. L’analyse factorielle a révélé une structure à 2 facteurs. Le premier facteur correspond aux connaissances qu’ont les jeunes des jeux de hasard et d’argent (eigen values = 3,54, pour 18,6 % de la variance) et le second facteur correspond aux attitudes que les jeunes entretiennent envers le jeu (eigen valuess = 2,44, pour 12,9 % de la variance). La validité des échelles de Connaissance (alpha de Cronbach = 0,74) et d’Attitude (alpha de Cronbach = 0,58) est bonne. Pour répondre au questionnaire les répondants doivent indiquer leur degré d’accord avec chaque énoncé en utilisant une échelle en quatre points variant de « Tout à fait d’accord » à « Tout à fait en désaccord ». Le nombre d’erreurs obtenu à chacune des échelles est utilisé comme variable dépendante. Pour calculer le nombre d’erreurs commises, les réponses à chaque item sont transformées sous forme de « vrai ou faux » en ne conservant que les deux extrémités de l’échelle comme bonne réponse (« Tout à fait d’accord » ou « Tout à fait en désaccord »). Par exemple, à l’énoncé « Les joueurs n’ont aucun contrôle sur les gains et les pertes à un jeu de hasard et d’argent », seule la réponse « Tout à fait d’accord » est considérée comme une bonne réponse. Toutes les autres réponses correspondent à une erreur de connaissance. DSM IV-MR-J (12) Ce questionnaire permet d’évaluer la présence de jeu pathologique chez les jeunes de 11 à 16 ans. Il est basé sur les critères diagnostiques du jeu pathologique tels qu’ils sont définis dans le DSM IV (1). Le DSM IV-MR-J (Multiple Response for Juvenile)) contient 12 questions évaluant 9 critères. Une étude menée auprès de 9 774 adolescents révèle une bonne consistance interne (alpha de Chronbach = 0,75) et une bonne validité du questionnaire. Ce questionnaire démontre également une bonne validité de construit puisque les items qui le composent permettent de bien discriminer les joueurs sociaux des joueurs pathologiques. Inventaire de résolution de problèmes sociaux révisé (IRPS-R) (8) Seule l’échelle abrégée de résolution de problèmes est utilisée dans cette étude. Celle-ci compte 5 items et elle est fortement corrélée au score total du questionnaire (rr = 0,92). La consistance interne de l’échelle abrégée est très bonne (entre 0,74 et 0,85). De plus, la version française utilisée pour cette étude est très fortement corrélée à la version originale (entre 0,91 et 0,98).
Prévention des habitudes de jeu chez les jeunes
Les cinq items utilisés sont : a) Lorsque j’ai à prendre une décision, j’essaie de prédire les conséquences positives et négatives de chaque option ; b) Lorsque j’ai un problème à résoudre, une des premières choses que je fais est d’aller chercher autant d’informations que possible au sujet de ce problème ; c) Avant d’essayer de résoudre un problème, je me fixe un objectif spécifique qui précise exactement ce que je veux accomplir ; d) Après avoir appliqué une solution à un problème, j’essaie d’évaluer aussi soigneusement que possible à quel point la situation s’est améliorée ; e) Lorsque je tente de résoudre un problème, je pense à autant de solutions que possible jusqu’à ce que je ne puisse plus générer d’autres idées. Le participant doit indiquer son degré d’accord avec chaque énoncé en utilisant une échelle de type « Likert » en 5 points variant de « Pas du tout vrai dans mon cas » à « Extrêmement vrai dans mon cas ». Habitudes de jeu de hasard et d’argent La fréquence de participation à 4 activités de jeu de hasard et d’argent est également évaluée. Les activités de jeu ciblées dans cette étude sont : a) jouer aux cartes pour de l’argent ; b) faire des paris sportifs pour de l’argent ; c) faire des paris sur des jeux d’adresse pour de l’argent ; d) acheter des billets de loterie. Le répondant doit indiquer à quelle fréquence il pratique ces 4 activités de jeu en se référant toujours à ses expériences de jeu des 3 derniers mois. Les fréquences possibles sont : a) chaque jour ; b) une fois par semaine ; c) deux fois par mois ; d) une fois par mois ; e) moins d’une fois par mois ; f) jamais. Discussion à propos des jeux de hasard et d’argent et attention portée aux habitudes de jeu de l’entourage Ces 2 variables ont été évaluées seulement lors des évaluations post-expérimentales. Trois questions servent à vérifier si la participation à l’évaluation du programme de prévention amène les élèves à parler du jeu avec leurs parents, avec leurs ami(e)s et avec leurs professeurs. Par ailleurs, une seule question est utilisée pour vérifier si les élèves se disent plus attentifs aux habitudes de jeu de leur entourage suite à leur participation à l’évaluation du programme de prévention. Données sociodémographiques Les variables (a) sexe, (b) âge, (c) niveau scolaire, (d) occupation du père et (e) occupation de la mère sont évaluées pour déterminer le profil sociodémographique des participants. 431
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Standardisation de l’intervention et mesure d’intégrité Le programme de prévention se déroule pendant les heures de classe. L’intervention est présentée par 4 psychologues spécialisées dans le domaine des jeux de hasard et d’argent et formées à l’animation des activités de prévention. Un guide d’animation expliquant en détail toutes les activités incluses dans le programme est remis à chacune des intervenantes. De plus, celles-ci doivent compléter une liste à cocher (check list)) après chaque rencontre qu’elles animent. Ces listes à cocher servent à s’assurer que tous les éléments d’animation et tous les éléments théoriques ont été abordés pendant la rencontre. Les taux de standardisation des 3 rencontres de prévention sont respectivement de 93 %, 92 % et 99 %. Les analyses ne démontrent aucune différence d’efficacité de l’intervention, que les trois rencontres ait été animées par des intervenantes différentes ou par le chercheur principal.
RÉSULTATS Le taux de signification a été fixé à 0,05 pour toutes les analyses. Des corrections de Bonferonni sont effectuées pour les analyses de contraste a posteriorii (0,05/2) ainsi que pour les analyses effectuées sur la variable de discussion à propos des jeux de hasard et d’argent (0,05/3). Il est également à noter que toutes les analyses de variance à mesures répétées utilisent le niveau scolaire comme covariable. Connaissances et attitudes envers les jeux de hasard et d’argent Une ANCOVA à mesures répétées effectuée sur le nombre d’erreurs aux échelles Connaissance et Attitude démontre des effets significatifs pour le groupe [F F (2, 1 189) = 37,83 ; p < 0,0001], le temps [F (6, 7 140) = 18,78 ; p < 0,0001] et l’interaction temps × groupe [F F (6, 7 140) = 17,60 ; p < 0,0001]. Hypothèse 1 : amélioration des connaissances envers les jeux L’ANCOVA effectuée sur le nombre d’erreurs obtenu à l’échelle Connaissance démontre des effets significatifs du programme de prévention pour le groupe [F F (1, 1 190) = 74,98 ; p < 0,0001], le temps [F (3, 3 570) = 16,62 ; p < 0,0001] et pour l’interaction temps × groupe [F F (3, 3 570) = 23,56 ; p < 0,0001]. Les analyses de contraste effectuées sur l’interaction temps × groupe révèlent des contrastes significatifs pour T1 vss T2* [F (1, 1 190) * T1 = évaluation pré-expérimentale ; T2 = évaluation post-expérimentale ; T3 = évaluation suivi 3 mois ; T4 = évaluation suivi 6 mois. 432
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= 65,68 ; p < 0,0001], T1 vss T2, T3, T4 [F (1, 1 190) = 34,03 ; p < 0,0001], T2 vss T3, T4 [F (1, 1 190) = 28,73 ; p < 0,05] et pour T3 vss T4, [F (1, 1 190) = 4,38 ; p < 0,04]. Ces résultats démontrent que le programme de prévention contribue significativement à diminuer le nombre d’erreurs de connaissances commises par les jeunes et contribue donc à améliorer significativement leurs connaissances des jeux de hasard et d’argent. Il est à noter que les connaissances se dissipent légèrement lors du suivi de 3 mois mais celles-ci se stabilisent lors du suivi de 6 mois. Hypothèse 2 : développement d’une attitude plus réaliste envers les jeux L’ANCOVA à mesures répétées effectuée sur le nombre d’erreurs obtenu à l’échelle Attitude démontre des effets significatifs pour le groupe [F F (1, 1 190) = 40,79 ; p < 0,0001], le temps [F (3, 3 570) = 31,44 ; p < 0,0001] et pour l’interaction temps × groupe [F F (3, 3 570) = 21,79 ; p < 0,0001]. Quant à elles, les analyses de contraste effectuées sur l’interaction temps × groupe révèlent des contrastes significatifs pour T1 vss T2 [F (1, 1 190) = 62,86 ; p < 0,0001], T1 vss T2, T3, T4 [F (1, 1 190) = 50,78 ; p < 0,0001] et pour T2 vss T3, T4 [F (1, 1 190) = 6,45 ; p < 0,01]. Encore une fois, les résultats de ces analyses démontrent que la participation au programme de prévention produit un effet positif sur les attitudes des jeunes car elle permet de diminuer significativement le nombre d’erreurs commises. Ce faisant, la participation au programme de prévention favorise le développement d’une attitude plus réaliste envers les jeux de hasard et d’argent. Hypothèse 3 : diminution des habitudes de jeu Un score total de participation aux activités de jeu a été créé en tenant compte de la fréquence de participation aux 4 activités de jeux retenues pour l’étude. Ce score de participation totale peut varier de 0 (« aucune participation ») à 20 (« participation quotidienne aux quatre activités »). Le score moyen de participation des jeunes du groupe T = 0,11) alors que celui des expérimental est de 1,65 (ET jeunes du groupe contrôle est de 1,93 (ET T = 0,11). Comme l’indiquent les fréquences de participation moyennes, les jeunes ayant participé à ce protocole de recherche sont des jeunes ayant très peu de comportement de jeu. En fait, lors de l’évaluation pré-expérimentale, 62 % des jeunes ont affirmé ne jamais avoir participé (23 %) ou participer moins d’une fois par mois (39 %) à une des 4 activités de jeu. Considérant que la majorité des participants ne pouvaient diminuer leurs habitudes de jeu et considérant que nous sommes dans un cadre de prévention primaire, soit avant l’acquisition des habitudes de jeu, il s’avère impossible d’évaluer l’efficacité du programme pour diminuer les habitudes de jeu des jeunes.
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Prévention des habitudes de jeu chez les jeunes
Une ANCOVA à mesures répétées a tout de même été effectuée pour s’assurer que les jeunes n’avaient pas augmenté leur fréquence de participation aux activités de jeu. Cette analyse ne révèle aucun effet significatif pour cette variable.
Discussion à propos des jeux de hasard et d’argent et attention portée aux habitudes de jeu de l’entourage Les tests de χ2 effectués sur cette variable démontrent que les jeunes du groupe expérimental sont significativement plus nombreux que ceux du groupe contrôle à avoir parlé des jeux de hasard et d’argent avec leurs parents [31 % versuss 15 % ; χ2 (1, N = 1 193) = 45,43 ; p < 0,05/ , 3] et avec leurs professeurs [24 % versuss 10 % ; χ2 (1, N = 1 193) = 39,02 ; p < 0,05/3]. Les jeunes du groupe expérimental (46 %) sont également significativement plus nombreux que ceux du groupe contrôle (20 %) à se dire plus attentifs aux habitudes de jeu de leur entourage (parents et/ou ami(e)s) suite à leur participation à cette étude [χ2 (1, N = 1 193) = 94,33 ; p < 0,05]. Le nombre d’erreurs aux échelles Connaissance et Attitude, de même que la participation aux activités de jeu et les résultats obtenus à l’échelle de résolution de problèmes, sont présentés au tableau I. Quant à eux, les pourcentages d’utilisation de la démarche de résolution de problèmes sont présentés au tableau III et les fréquences de discussions à propos des jeux sont présentées au tableau III.
Hypothèse 4 : amélioration des habiletés de résolution de problèmes L’ANCOVA à mesures répétées effectuée sur le résultat obtenu à l’échelle de résolution de problèmes révèle un effet temps [F F (3, 3 570) = 3,02 ; p < 0,05] et une interaction temps × groupe significatifs [F F (3, 3 570) = 3,32 ; p < 0,05]. Les analyses de contraste effectuées sur l’interaction temps × groupe démontrent une différence significative uniquement entre les deux périodes de suivi [F F (1, 1 190) = 6,37 ; p = 0,049]. Il est à noter que seulement 8,5 % des étudiants du groupe expérimental disent ne jamais utiliser la démarche de résolution de problèmes qui leur a été enseignée en classe.
TABLEAU I. — Résultats obtenus par les participants des deux groupes pour les quatre variables principales. Temps Évaluation pré-expérimentale (T1)
Variables
Connaissances (0 – 6) – expérimental (n n = 571) – contrôle (n n = 622) Attitudes (0 – 9) – expérimental (n n = 571) – contrôle (n n = 622) Habitudes de jeu (0 – 20) – expérimental (n n = 571) – contrôle (n n = 622) Résolution de problèmes (0 – 20) – expérimental (n n = 571) – contrôle (n n = 622)
Évaluation post-expérimentale (T2)
Évaluation suivi 3 mois (T3)
Évaluation suivi 6 mois (T4)
M
ET
M
ET
M
ET
M
ET
2,91 3,17
0,08 0,07
1,88 3,07
0,07 0,07
1,97 2,78
0,07 0,07
2,41 3,00
0,08 0,08
4,91 5,03
0,12 0,12
3,00 4,43
0,12 0,12
2,68 3,79
0,12 0,12
2,73 3,75
0,12 0,13
1,65 1,93
0,11 0,11
1,64 1,80
0,13 0,12
1,29 1,67
0,12 0,12
1,23 1,38
0,12 0,12
10,60 10,40
0,19 0,18
9,66 9,84
0,21 0,20
9,78 9,13
0,21 0,20
9,86 9,94
0,21 0,21
Note : les moyennes sont ajustées pour la scolarité.
TABLEAU II. — Pourcentages de jeunes disant utiliser la démarche de résolution de problèmes enseignée en classe. Évaluation post-expérimentale Condition
Expérimental (n n = 571)
Utilise Utilise Utilise la N’utilise toujours la souvent la démarche à jamais démarche démarche l’occasion la démarche 16,2 %
30,4 %
45,0 %
8,5 %
DISCUSSION Cette étude avait pour but d’évaluer un programme pilote de prévention des habitudes de jeu chez les jeunes en début de cycle secondaire (12-14 ans). L’évaluation du programme a démontré l’efficacité de celui-ci pour améliorer les connaissances des élèves et pour les aider à développer une attitude plus réaliste envers les jeux. Les attitudes s’améliorent tout au long du processus 433
F. Ferland et al.
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TABLEAU III. — Pourcentages de jeunes ayant parlé du jeu avec leurs proches (parents, ami(e)s et professeurs) et pourcentages de jeunes disant porter une attention particulière aux habitudes de jeu de leurs proches suite à l’implantation du programme de prévention. Conditions Variables
Discussions à propos du jeu avec les proches – avec les parents – avec les ami(e)s – avec les professeurs Jeunes disant porter une attention particulière aux habitudes de jeu de leurs proches (parents et/ou ami(e)s)
Expérimentale (n n = 622)
Contrôle (n n = 571)
31,3 %** 41,3 % 23,8 %**
14,9 % 43,5 % 10,3 %
46,3 %*
19,9 %
* p < 0,05 ; ** p < 0,05.
d’évaluation (d’une durée de 9 mois) alors que les nouvelles connaissances acquises suite à l’intervention préventive demeurent toujours significativement supérieures à celles mesurées au moment de l’évaluation pré-expérimentale. Ainsi, le programme de prévention évalué ici démontre une efficacité supérieure au seul autre programme de prévention des habitudes de jeu (14) évalué jusqu’à maintenant. En effet, contrairement à ce dernier, la participation au présent programme de prévention permet une amélioration croissante des attitudes jusqu’à 6 mois après l’intervention préventive. L’ajout de cette évaluation de suivi 6 mois après l’intervention démontre également que les connaissances acquises suite à l’intervention se stabilisent au fil du temps. Les présents résultats confirment donc l’hypothèse de Gaboury et Ladouceur (14) voulant qu’un programme de prévention obtiendrait de meilleurs résultats s’il était implanté auprès d’une population plus jeune. Les résultats obtenus sur les attitudes et les connaissances démontrent que le changement des attitudes se fait progressivement suite à l’intégration graduelle des nouveaux concepts. Toutefois, une fois bien assimilées, ces nouvelles attitudes semblent être installées de manière plutôt durable. À l’opposé, l’acquisition des connaissances semble se faire immédiatement après l’enseignement des concepts théoriques. En revanche, ces connaissances s’estompent légèrement au fil du temps, pour finalement se stabiliser à un niveau supérieur à celui mesuré lors de l’évaluation pré-expérimentale. Ceci laisse croire que l’assimilation des nouvelles connaissances pourrait être optimisée par l’ajout d’une rencontre d’intervention quelques mois après l’intervention de base. Ce type de rencontre (booster session) est d’ailleurs souvent privilégié dans les programmes de prévention de la toxicomanie, car cette rencontre supplémentaire permet de faire un retour sur les concepts théoriques les plus importants et semble favoriser leur assimilation (4). 434
Pour sa part, l’hypothèse postulant la diminution des comportements de jeu n’a pu être vérifiée lors de cette étude, car la plupart des jeunes était des non-joueurs ou des joueurs très occasionnels chez qui la diminution des habitudes de jeu était pratiquement impossible. Seule une étude longitudinale pourrait permettre de vérifier l’hypothèse de la diminution des habitudes de jeu. En effet, selon Bangert-Drowns (2), les changements de comportement peuvent apparaître seulement quelques années après la modification des attitudes et des connaissances. Comme les habitudes de jeu sont habituellement plus fréquentes vers la fin du cycle secondaire (16-17 ans) (20), il est possible que l’impact de l’intervention préventive sur le comportement de jeu ne soit observable et mesurable que quelques années après l’intervention. En revanche, même si la diminution des comportements de jeu n’a pu être mesurée, il est important de noter que le présent programme de prévention n’a produit aucune augmentation du comportement de jeu des jeunes participants. La principale innovation du présent programme de prévention réside dans l’intégration d’une composante de résistance à la pression sociale. Pour bien intégrer cette composante, nous avons enseigné une démarche de résolution de problèmes en utilisant des bandes dessinées illustrant des situations dans lesquelles des jeunes subissaient une pression de leurs pairs pour participer à des activités de jeu. L’apprentissage de cette démarche avait pour but d’améliorer les habiletés de résolution de problèmes dans des situations de pression des pairs. Cet objectif n’a pas été atteint, et ce bien que la très grande majorité des jeunes du groupe expérimental (91,5 %) a dit utiliser au moins à l’occasion la démarche de résolution de problèmes. Considérant le nombre de jeunes disant utiliser la démarche et le peu d’impact obtenu sur les habiletés de résolution de problèmes, il y a tout lieu de s’interroger sur la nécessité de conserver cette composante dans un programme de prévention des habitudes de jeu destiné aux jeunes. En fait, plusieurs chercheurs s’entendent pour dire qu’il est important d’inclure une composante de résistance à la pression sociale dans un programme de prévention destiné aux jeunes (7, 6, 9, 17). Toutefois, la meilleure méthode pour intégrer et évaluer celle-ci reste toujours à préciser. Notre programme de prévention ayant été implanté dans un cadre scolaire sur le temps de classe régulier, nous avons dû apporter plusieurs modifications au mode d’enseignement habituellement recommandé pour enseigner une démarche de résolution de problèmes. En effet, au lieu d’un enseignement en petit groupe (6 à 8 personnes) fait par deux animatrices et enseigné en utilisant 14 à 16 rencontres (11), une seule animatrice a enseigné la démarche en 1 heure à des groupes de 25 à 30 personnes. Il est donc fort possible que le mode d’enseignement que nous avons privilégié ait contribué à diminuer l’impact sur les habiletés de résolution de problèmes. Ainsi, considérant ce possible impact négatif du mode d’enseignement utilisé et l’important support théorique favorisant la présence d’une composante de résolution de problèmes dans un programme de prévention
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destiné aux jeunes (6, 7, 9, 17), il nous apparaît important de conserver cette composante et de travailler à maximiser l’efficacité de l’intervention. Pour ce faire, les conditions dans lesquelles la démarche est enseignée devraient se rapprocher le plus possible des conditions optimales. Un programme de prévention de type universel ne semble donc pas être le type de programme idéal. Il serait sans doute préférable d’enseigner la démarche dans le cadre d’un programme de prévention de type ciblé, ce qui permettrait de prolonger le temps accordé à l’enseignement et d’utiliser un enseignement en plus petits groupes. Outre l’impact positif du programme sur les attitudes et les connaissances des élèves, la participation aux rencontres préventives a également contribué à amorcer le dialogue avec les adultes et à augmenter l’intérêt que les jeunes portent aux habitudes de jeu de leur entourage. En fait, significativement plus d’élèves du groupe expérimental que d’élèves du groupe contrôle ont abordé la question des activités de jeu avec leurs enseignants et leurs parents. Ces discussions ont pu permettre aux jeunes de valider les informations reçues en classe et de consolider les apprentissages faits lors des rencontres de prévention tout en favorisant une dissémination de l’information à l’extérieur du cadre scolaire. Par ailleurs, l’intérêt accru des jeunes pour les habitudes de jeu de leur entourage, associé à l’ouverture à la discussion, pourraient éventuellement permettre un dépistage plus précoce des comportements de jeu excessifs.
CONCLUSION Malgré le caractère « pilote » de cette étude et les quelques limites méthodologiques observées lors de l’évaluation de ce programme de prévention, les résultats obtenus ici démontrent bien que la participation au programme de prévention permet d’améliorer significativement les attitudes et les connaissances des jeunes. L’efficacité de ce programme de prévention repose sur plusieurs éléments. Tout d’abord, le contenu des rencontres d’intervention a été élaboré à partir de connaissances théoriques validées par des études fondamentales et cliniques. Les rencontres d’intervention ont été animées par des psychologues spécialisées dans le domaine des jeux de hasard et d’argent et toutes les animatrices ont reçu une formation à l’animation des activités de prévention incluses dans le programme. En plus de cette formation, elles avaient en mains un guide d’animation détaillé expliquant comment présenter chacune des activités de prévention et décrivant avec précision le contenu théorique à enseigner à l’intérieur de chaque rencontre. Il est toutefois à noter que les présents résultats ont été obtenus auprès d’une population homogène de jeunes et qu’il est donc difficile de généraliser ces résultats à une population plus diversifiée. Il serait important de répliquer cette étude auprès de différentes communautés culturelles pour s’assurer de l’efficacité du programme à une plus grande échelle. De la même manière, l’efficacité du pro-
Prévention des habitudes de jeu chez les jeunes
gramme de prévention ayant été évaluée sur une période de temps relativement courte, il serait important de procéder à un suivi à long terme pour s’assurer que la participation au programme de prévention contribue réellement à diminuer les comportements de jeu et le nombre de jeunes participant régulièrement à des activités de jeu. Malgré tout, les connaissances et les attitudes acquises par l’intermédiaire de ce programme de prévention devraient contribuer à prévenir le développement de problèmes de jeu chez les jeunes tout en leur permettant de reconnaître les indices indiquant une éventuelle perte de contrôle de leurs habitudes de jeu. Remerciements. Cette étude a été réalisée dans le cadre d’une subvention accordée par Loto-Québec et le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec.
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