80e Congrès de médecine interne – Limoges du 11 au 13 décembre 2019 / La Revue de médecine interne 40 (2019) A105–A214 ∗
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (P. Bielefeld)
Introduction La panphotocoagulation laser est utilisée en ophtalmologie pour traiter les lésions rétiniennes vasculaires qui ne répondent pas au traitement anti-inflammatoire et immunosuppresseur. Nous rapportons les observations de trois patients dont le syndrome de Behc¸et oculaire s’aggrave après cette procédure alors que leur maladie était calme. Patients et méthodes Trois patients atteints de syndrome de Behc¸et oculaire grave, répondant aux critères internationaux, ont subi une panphotocoagulation rétinienne. Résultats Le patient 1 était une femme de 54 ans présentant une uvéite de Behc¸et stable traitée par méthotrexate seul depuis 2 ans après inefficacité de la colchicine. Elle a subi une photocoagulation laser en raison de zones de séquelles rétiniennes à type de néovascularisation. Un épisode grave d’uvéite antérieure avec hypopion se produisit, nécessitant de la prednisone par voie orale à forte dose pendant 3 mois, et une augmentation des doses de méthotrexate. Le patient 2 était un homme de 63 ans qui avait subi une opération de la cataracte deux ans auparavant, malgré une uvéite de Behc¸et active sous prednisone et méthotrexate. Un an de traitement par infliximab avait été ensuite nécessaire pour obtenir une maladie stable. Un an plus tard, le patient présentait une néovascularisation rétinienne sous méthotrexate nécessitant une panphotocoagulation. Suite à cette procédure, l’uvéite du patient a rechuté et de l’infliximab associé à de l’azathioprine et de la prednisone à 1 mg/kg/j ont été nécessaires pour obtenir à nouveau une maladie stable. Le patient 3 était un homme de 48 ans souffrant de pansclérite et d’uvéite. Un an plus tard, le diagnostic a été posé lorsqu’il a présenté une aphtose bipolaire. Incidemment, il avait une arthrite touchant les grosses articulations. Une association prednisone, méthotrexate et infliximab étaient nécessaires pour obtenir une rémission de la sclérite et de l’uvéite. Malheureusement, la maladie étant calme, une procédure de panphotocoagulation a été décidée pour les anévrismes rétiniens séquellaires. L’uvéite récidivait et un switch du remicade pour du tocilizumab fut nécessaire. Discussion L’agression chirurgicale de l’œil est connue pour induire potentiellement des rechutes d’uvéite chez des patients prédisposés. Une rechute d’uvéite après une opération de la cataracte est bien connue et décrite. Dans cette série de Zhang et al. [1] de quatre-vingts patients atteints d’uvéite, l’inflammation récidivait en postopératoire chez 34 sur 74 yeux évaluables et le résultat visuel était moins bon chez les 10 patients atteints de syndrome de Behc¸et que chez les autres uvéites inflammatoires. De la même fac¸on, la survenue d’une uvéite après photocoagulation au laser, procédure moins agressive que la chirurgie de la cataracte, a déjà été décrite auparavant de fac¸on très ponctuelle. Il n’y avait pas de patients atteints de syndrome de Behc¸et, mais 3 cas de diabète dont un avait une uvéite préexistante [2]. Un autre cas a été rapporté chez un patient qui avait subi une rétinopexie au laser sans autre maladie oculaire [3]. La photocoagulation peut provoquer des dommages structurels rétiniens et choroïdiens. Ainsi, la barrière hémato-rétinienne ou hémato-acqueuse peut être endommagée et produire des cytokines pro-inflammatoires et donc induire une rechute d’uvéite, appelée hypopion induit par le laser. Le mécanisme impliqué pourrait correspondre à un « test de pathergie oculaire » chez les patients atteints de syndrome de Behc¸et. Conclusion Les patients atteints d’uvéite de Behc¸et doivent être surveillés avec soin et les traitements de ceux qui ont de longs antécédents inflammatoires doivent sans doute être intensifiés au moment de la procédure de panphotocoagulation rétinienne. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Pour en savoir plus [1] Zhang Y, et al. Medicine 2017;96(30):e7353.
A199
[2] Tyagi M, et al. BMJ Case Rep 2016:2016, http://dx.doi.org/10. 1136/bcr-2016-215949. [3] Chan DFF, et al. J Ophthalmic Inflamm Infect 2017;7:21. https://doi.org/10.1016/j.revmed.2019.10.301
Médecine interne et maladies infectieuses CA175
Évaluation des connaissances des femmes enceintes sur leur statut vaccinal contre la rougeole O. Souchaud-Debouverie 1,∗ , C. Elsendoorn 2 , A. Brossard 2 , F. Pierre 2 1 Service de médecine interne, CHU la Milétrie, Poitiers 2 Service de gynécologie-obstétrique, CHU la Milétrie, Poitiers ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (O. Souchaud-Debouverie) Introduction Depuis 2017, une épidémie de rougeole est observée en France, responsable de 3 décès en 2018. Une couverture vaccinale optimale, supérieure à 95 % de la population, pourrait éradiquer la maladie. Les femmes enceintes et leurs enfants de moins d’un an sont exposés à des complications graves voir mortelles lorsqu’ils sont atteints. L’objectif de ce travail est d’évaluer les connaissances des femmes enceintes sur leur statut vaccinal contre la rougeole. Patients et méthodes Un questionnaire a été remis aux femmes enceintes consultant de fac¸on programmée dans une maternité de niveau III ou hospitalisées dans le service de grossesses pathologiques. Cette étude descriptive a été réalisée sur une période de 1 mois en mai 2019. Résultats Parmi les 211 participantes, la majorité (64,9 %) ignorait leur statut vaccinal contre la rougeole. Seules 26,5 % étaient certaines d’avoir rec¸u 2 doses du vaccin ROR alors que la gravité de cette maladie était connue pour 3/4 d’entre elles. Dans la population étudiée, 65,4 % des patientes déclaraient ne pas avoir rec¸u d’informations concernant la rougeole et/ou sa vaccination avant ou pendant leur grossesse. Seules 5,2 % disaient avoir été informées pendant leur grossesse. Conclusion Bien que la gravité de la rougeole soit connue par la population, les femmes enceintes ne savent pas si leur statut vaccinal est à jour, notamment par un manque d’informations pendant leur suivi médical. La formation des professionnels de la périnatalité est une priorité pour promouvoir la vaccination et pour une prévention optimale contre la rougeole. Pendant la grossesse, la vérification du carnet de santé ou de vaccination devrait devenir systématique par tous les professionnels de santé afin d’améliorer la protection de la femme enceinte et de son entourage contre la rougeole. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. https://doi.org/10.1016/j.revmed.2019.10.302 CA176
Emergence d’un agent aquatique pathogène : Leclercia adecarboxylata, à propos de 6 cas
S. Lang , S. Zayet ∗ , L. Toko , P.Y. Royer , O. Ruyer , V. Gendrin Service des maladies infectieuses et tropicales, hôpital Nord Franche-Comté, Trévenans ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (S. Zayet)
A200
80e Congrès de médecine interne – Limoges du 11 au 13 décembre 2019 / La Revue de médecine interne 40 (2019) A105–A214
Introduction Leclercia adecarboxylata (L. adecarboxylata) est un bacille Gram négatif appartenant à la famille des Entérobactéries, présentant de nombreuses similarités phénotypiques avec Escherichia coli. Il s’agit d’un micro-organisme rarement mis en évidence en pathologie humaine. Nous rapportons 6 cas d’infections à L. adecarboxylata diagnostiquées dans notre centre depuis l’utilisation des techniques d’identification microbiologique de haute résolution. Patients et méthodes Nous avons colligé tous les cas d’identification de L. adecarboxylata depuis l’avènement du MALDI-TOF au laboratoire de microbiologie de l’hôpital Nord Franche-Comté de Trévenans. Cette bactérie a été isolée dans 8 prélèvements biologiques (chez 6 patients différents) sur la période d’octobre 2015 à juillet 2019. Résultats L. adecarboxylata a été identifié sur un seul prélèvement chez 4 patients et sur 2 prélèvements pour 2 patients. Pour les 6 patients (4 hommes et 2 femmes), l’âge moyen au moment de l’identification était de 66,2 ans (extrêmes : 19–84 ans). Tous les patients étaient considérés comme immunocompétents. Un patient avait un antécédent de transplantation rénale, mais n’était plus traité par immunosuppresseurs au moment de l’identification, et un autre avait un antécédent de gammapathie monoclonale de signification indéterminée. L’anamnèse retrouvait un historique de baignade en bassin artificiel pour un des 6 cas. La présentation clinique était variable : deux infections urinaires masculines sur sonde vésicale à demeure, une infection de site opératoire de pontage vasculaire de membre inférieur, une pneumopathie acquise sous ventilation mécanique compliquée d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë, un abcès cornéen avec kératite ponctuée superficielle avec colonisation du boîtier de lentilles et une infection de liquide de dialyse péritonéale. Une hyperthermie était présente dans un seul cas sur 6. Le dosage biologique de la CRP, effectué pour 4 patients sur 6, était en moyenne de 100,2 mg/L (extrêmes : 2,3–272 mg/L). L’examen direct était positif pour 6 prélèvements sur 8. Aucune bactériémie associée n’a été retrouvée. L. adecarboxylata a été retrouvée à l’examen direct et sur les flacons d’hémoculture sur liquide de ponction chez le patient ayant une infection de liquide de dialyse péritonéale. Une résistance à la fosfomycine a été retrouvée une seule fois, L. adecarboxylata avait un phénotype multi-sensible dans tous les autres cas. Le caractère pathogène du micro-organisme avait été retenu dans 4 cas sur 6 au vu du tableau clinicobiologique justifiant la prescription d’une antibiothérapie par voie parentérale. Les suites étaient marquées par une bonne évolution pour 5 patients et par un décès pour le patient qui présentait un tableau de pneumopathie acquise sous ventilation acquise à une autre bactérie multirésistante. Conclusion L. adecarboxylata est un micro-organisme ubiquitaire, retrouvé dans les milieux aquatiques mais également dans le sol et au sein de la flore microbienne commensale de certains animaux. Son identification en pathologie humaine est rare malgré l’avènement des techniques de haute résolution telles que la spectrométrie de masse à ionisation (MALDI-TOF). Parmi les quelques cas décrits dans la littérature, il est intéressant de noter que, de la même manière qu’un des cas rapportés dans notre article, il est parfois rapporté un contact récent avec un milieu aquatique. On retrouve également quelques cas de péritonite aiguë ou d’infection du liquide péritonéal chez les patients dialysés. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Pour en savoir plus Broderick A, Lowe E, Xiao A, Ross R, Miller R. Leclercia adecarboxylata folliculitis in a healthy swimmer - An emerging aquatic pathogen? JAAD Case Rep 2019;5(8):706–8. https://doi.org/10.1016/j.revmed.2019.10.303
CA177
Tularémie M. Rolland 1,∗ , J. Fontanelle 1 , M. Puyade 2 , C. Landron 1 , P. Roblot 3 , M. Martin 1 1 Médecine interne, CHU de Poitiers, Poitiers 2 Hématologie, CHU de Poitiers, Poitiers 3 Médecine interne, 2, rue de la Milétrie, Poitiers ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (M. Rolland) Introduction La tularémie est une zoonose d’inoculation, médiée par Francisella tularensis, un coccobacille gram négatif, suite à un contact direct avec les lagomorphes (lièvres, lapins) et certains rongeurs (souris, campagnol, etc.) ou par le biais de vecteurs tels que la tique. Elle se manifeste classiquement par une fièvre élevée avec adénopathies satellites de l’inoculation, mais les signes peuvent varier selon le mode d’inoculation. Le diagnostic est basé sur la sérologie ou plus rarement la mise en évidence du germe par PCR. Le traitement repose sur les cyclines ou la ciprofloxacine. Nous rapportons ici le cas d’un patient ne présentant aucun facteur d’exposition à F. tularensis chez qui le diagnostic de tularémie a été orienté par une hyperlymphocytose franche révélant une forte expansion des lymphocytes T (LT) CD4–CD8-␥␦. Observation M. P., 47 ans, était adressé en consultation de médecine interne pour asthénie et fièvre fluctuante depuis 6 mois. Il n’avait pas d’allergie connue ni d’antécédent significatif hormis un tabagisme actif à 45 paquets-année. Il exerc¸ait la profession d’employé dans le bâtiment, n’avait pas voyagé récemment, et n’avait pas d’exposition animalière particulière. Fin août 2018 était apparue une fièvre à 39 ◦ C durant 10 jours sans point d’appel clinique. L’examen clinique était sans particularité à l’exception de l’asthénie marquée. Il existait une hyperlymphocytose à 7 G/L vérifiée à plusieurs reprises, sans anomalie des autres lignées, ainsi qu’une cholestase anictérique à 2 N en voie de régression. Les sérologies VIH, CMV, Lyme, hépatites A et B étaient négatives. Le scanner thoraco-abdomino-pelvien ne montrait qu’un emphysème centrolobulaire secondaire au tabagisme. L’immunophénotypage sanguin réalisé devant l’hyperlymphocytose révélait des LT-CD4–CD8-␥␦ augmentés à 1,6 G/L (N entre 0,05 G/L et 0,2 G/L). La sérologie tularémie était très fortement positive (1280 UI/L, N < 20). De la doxycycline (200 mg/j) était alors instaurée durant 14 jours, permettant une nette et rapide amélioration de l’asthénie et une disparition de la fièvre. Trois mois après l’arrêt du traitement, le patient était totalement asymptomatique. Le titre des anticorps anti-F. tularensis avait diminué de moitié, mais l’hyperlymphocytose totale et l’excès des LT-CD4–CD8-␥␦ persistaient à des taux stables. Discussion En périphérie, les LT (double négatifs) représentent moins de 40 % des LT totaux. Ils constituent les LT-␥␦ et les NKT (sous-population de LT-ab restreints à la reconnaissance du CD1d). Les LT-␥␦ semblent jouer un rôle essentiel dans l’immunité incluant la défense contre des micro-organismes à croissance intracellulaire dont F. tularensis [1]. Ainsi, il a été notamment été décrit une forte expansion des LT-CD4–CD8- ␥␦ (Vgamma9 Vdelta2) médiée par F. tularensis in vitro et in vivo [1–3]. Devant un tableau de fièvre et d’asthénie persistante associée à une hyperlymphocytose, il convient d’éliminer dans un premier temps une hémopathie puis secondairement une infection. Les hyperlymphocytoses réactionnelles doivent faire évoquer une primo-infection VIH, une infection à EBV ou à CMV, une syphilis, une rickettsiose, une coqueluche, une tuberculose, mais aussi une tularémie. Notre patient ne présentait pas de facteurs de risque identifiables permettant d’orienter vers une tularémie (milieu citadin, absence de chasse, ou d’exposition animalière). La présence de LT-CD4–CD8-␥␦ dans un contexte fébrile doit faire rechercher systématiquement une tularémie. Conclusion La présence d’une hyperlymphocytose en contexte fébrile hors clinique évocatrice doit faire réaliser un immunophé-