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à relever et ce, de fac ¸on urgente. Un cadre conceptuel universel de l’ADP faciliterait la réalisation d’études cliniques comparables entre les pays et contribuerait à améliorer la prise en charge du patient cancéreux douloureux. Conflit d’intérêt Aucun. Référence [1] Haugen DF, Hjermstad MJ, Hagen N, Caraceni A, Kaasa S, On behalf of the European Palliative Care Research Collaborative (EPCRC). Assessment and classification of cancer breakthrough pain: a systematic literature review. Pain 2010;149:476—82.
Florentin Clère Consultation pluridisciplinaire de la douleur, centre hospitalier de Châteauroux, 216, avenue de Verdun, 36000 Châteauroux, France Adresse e-mail : fl
[email protected] Disponible sur Internet le 31 juillet 2010 doi:10.1016/j.douler.2010.06.006
Émotions et douleur chronique : intérêt de la thérapie comportementale dialectique Emotions and chronic pain: The role of dialectical behavior therapy Parmi les critiques adressées à la thérapie cognitivocomportementale (TCC), on retrouve fréquemment le manque d’intérêt pour les émotions. De nombreuses recherches se sont alors axées sur cette question et ont permis l’élaboration de nouvelles formes de psychothérapies telles que la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT), la thérapie de pleine conscience (mindfulness), la thérapie familiale émotionnelle, etc. [1—3]. Marsha Linehan fut sans nulle doute l’une des pionnières de cette « vague émotionnelle » en proposant, dans les années 1990, une théorie bio-psychosociale et un modèle psychothérapeutique spécifique du trouble de la personnalité borderline : la thérapie comportementale dialectique (TCD) [4,5]. D’après ses travaux, ce trouble serait déclenché et entretenu par une dysrégulation émotionnelle (vulnérabilité biologique) et un environnement social précocement invalidant, ne répondant pas aux besoins émotionnels de l’enfant, puis à ceux de l’adulte. Les objectifs principaux de la TCD auprès des patients borderline sont le développement de la flexibilité comportementale dans les situations sociales (entraînement aux habiletés sociales/affirmation de soi) et l’acquisition de compétences dans l’identification, l’expression, l’acceptation et la régulation des émotions. Linton s’interroge sur les déterminants des difficultés de maintien d’une activité professionnelle rencontrées par certains patients douloureux chroniques ayant bénéficié de prises en charge globales (rééducative, médicamenteuse, psychologique, etc.) [6,7]. Il identifie deux difficultés psychologiques majeures et en forte interaction chez ces patients : la dysrégulation émotionnelle et les conduites d’évitement, notamment intéroceptif. En conséquence, il s’est interrogé sur l’intérêt de proposer la TCD (en
l’adaptant) à certains patients douloureux chroniques sans pour autant que ceux-ci soient porteurs de troubles de la personnalité. Il présente dans un article publié récemment dans la revue scandinave de la douleur le cas d’une patiente illustrant ces difficultés [6]. Il s’agit d’une femme de 52 ans, Madame C., en arrêt de travail depuis un an et demi pour des douleurs dorsales et des cervicalgies. Son parcours est marqué par dix années d’instabilité professionnelle. Madame C. a pu bénéficier de plusieurs prises en charge médicamenteuses et rééducatives ainsi que d’un accompagnement sur le plan socioprofessionnel. Elle décrit des douleurs permanentes avec des variations d’intensité fréquentes. L’évaluation psychologique met en évidence une difficulté d’acceptation du caractère chronique de ses douleurs (deuil de l’état de santé antérieur), des troubles du sommeil ainsi que des scores élevés aux échelles de catastrophisme, kinésiophobie et dépression. Cette évaluation montre également les stratégies de coping déployées par la patiente face à la douleur et aux émotions : répression émotionnelle, détournement d’attention et évitement d’activités sociales. L’analyse fonctionnelle discutée avec elle évoque un cercle vicieux entre l’anticipation de la douleur, l’anxiété, le catastrophisme et l’évitement d’activités sociales. Elle montre également un postulat cognitif auquel Madame C. semble très attachée : « Si je laisse aller mes émotions, je serai tellement déprimée que je ne pourrai jamais m’en sortir, je deviendrai folle ». L’auteur émet l’hypothèse selon laquelle la plupart des comportements de Madame C. sont motivés par la volonté de réguler ses émotions négatives. À long terme, ces comportements ne feraient qu’entretenir son mal-être. Les objectifs thérapeutiques de la TCD sont les suivants : reprise d’activités de loisir, diminution/acceptation de la douleur et du handicap associé, expression et acceptation des émotions désagréables. Les méthodes employées furent les suivantes : psychoéducation (principalement axée sur les compétences émotionnelles), exposition intéroceptive (autorelaxation), mindfulness, expérimentations de nouveaux comportements individuels (loisirs) et sociaux. Les évaluations post-TCD montrent une amélioration significative de l’ensemble des variables psychologiques, une diminution de l’intensité douloureuse moyenne ainsi que l’initiation d’une démarche autonome de recherche d’emploi. Au total, Linton identifie la régulation émotionnelle comme un facteur clé de la réussite thérapeutique, tout en rappelant la faiblesse statistique de son travail et l’intérêt d’envisager d’autres travaux dans ce sens. Enfin, on notera que les méthodes cognitives ont été très peu utilisées au cours de la thérapie. Le catastrophisme et le postulat cognitif préalablement évoqué ont été principalement traités par une approche comportementale et émotionnelle. Cela correspond bien à la pensée des théoriciens de la « vague émotionnelle » pour qui ce sont les émotions qui « créent » les cognitions et non l’inverse, contrairement à ce qu’on a l’habitude de penser en TCC. Conflit d’intérêt Aucun. Références [1] Schoendorff B, Villatte M, Monestès JL, Hayes SC, André C. Faire face à la souffrance : choisir la vie plutôt que la lutte avec la thérapie d’acceptation et d’engagement. Paris: Retz; 2009.
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[2] Monestès JL, Vuille P, Serra E. Thérapie de pleine conscience, thérapie d’acceptation et d’engagement et douleur chronique. Douleurs 2007;8:73—9. [3] Dattilio F, Mehran F. Thérapie familiale émotionnelle : une approche centrée sur le schéma. In: Cottraux J, Dattilio F, Mehran F, Page D, Philippot P, Pull C, et al., editors. Thérapie cognitive et émotions, la troisième vague. Issy-les-Moulineaux: Masson; 2007, 137—147. [4] Page D, Salamat A, Toth R. Thérapie comportementale dialectique : l’émotion en mouvement. In: Cottraux J, Dattilio F, Mehran F, Page D, Philippot P, Pull C, et al, editors. Thérapie cognitive et émotions, la troisième vague. Issy-les-Moulineaux: Masson; 2007:149—174. [5] Linehan MM. Traitement cognitivocomportemental du trouble de la personnalité état limite. Genève: Éditions médecine et hygiène; 2000. [6] Linton SJ. Applying dialectical behavior therapy to chronic pain: a case study. Scand J Pain 2010;1:50—4. [7] Linton SJ. Understanding pain for better clinical practice. Edinburgh: Elsevier; 2005.
Franck Henry Consultation pluridisciplinaire de la douleur, 216, avenue de Verdun, 36000 Châteauroux, France Adresse e-mail :
[email protected] Disponible sur Internet le 3 aoˆ ut 2010 doi:10.1016/j.douler.2010.06.007
Place de la morphine par voie intraveineuse dans le traitement de la douleur cancéreuse Intravenous morphine for management of cancer pain Un article paru dans Lancet Oncology propose une mise au point des connaissances sur l’utilisation de la morphine intraveineuse [1]. Les opioïdes sont la pierre angulaire du traitement de la douleur cancéreuse. Bien qu’il soit recommandé de privilégier la voie orale, de nombreuses circonstances peuvent amener à utiliser la voie parentérale au cours de l’évolution du cancer : au cours des accès douloureux paroxystiques, lorsque la douleur est mal contrôlée par des doses croissantes de morphine orale, lors d’une nouvelle titration en cas de réactivation douloureuse, en cas de douleur chronicisée où les besoins en morphine sont difficilement identifiables et enfin pour optimiser le traitement des douleurs en lien avec des métastases osseuses. Les avantages par rapport à la voie orale sont une biodisponibilité intégrale (pas de métabolisation hépatique), moins de formation de métabolites initiaux, moins d’effets indésirables, une durée de titration raccourcie, une action rapide pour traiter les accès douloureux paroxystiques, des modalités d’administration diversifiés : perfusion continue, bolus, analgésie autocontrôlée par le patient (PCA), possibilité de traitement chez les patients dont la voie orale est exclue ou l’absorption gastro-intestinale diminuée. Cette voie a néanmoins plusieurs inconvénients. Elle nécessite le maintien d’une voie intraveineuse et d’un site d’injection disponible, une surveillance étroite, un coût de traitement plus élevé. Certains praticiens sont peu familiarisés avec l’utilisation de la voie intraveineuse en mettant en avant ses risques potentiels. Il n’existe pas de référentiels permettant de préciser les circonstances où la morphine intraveineuse doit
être préférée. Les patients souffrant de douleurs cancéreuses chroniques rapportent souvent des accès douloureux paroxystiques qui se présentent soit sous la forme de douleurs spontanées sans élément déclenchant précis, soit en lien avec un mouvement ou une activité, soit en fin de dose d’un traitement de fond morphinique pris régulièrement. Des doses supplémentaires de morphine pris au cours des accès et ajoutées au traitement de fond constituent le traitement de référence. L’European Association for Palliative Care (EAPC) recommande 1/6 (17 %) de la dose quotidienne de morphine pour le calcul de cette dose supplémentaire, quelle que soit la voie d’administration (orale, injectable). La voie orale ne permet pas d’agir suffisamment rapidement sur la plupart des accès douloureux paroxystiques. Plusieurs études ont montré la supériorité de la voie intraveineuse sur la voie orale en termes de rapidité de soulagement avec une bonne tolérance, pour une dose égale à 20 % de la dose journalière. De nouvelles voies d’administration transmuqueuses orales de fentanyl agissent plus rapidement que la voie orale classique. Il semblerait que le fentanyl transnasal soit comparable à la voie intraveineuse en termes de rapidité d’action et d’efficacité et puisse constituer une alternative. L’obtention d’une antalgie efficace est lente avec les opioïdes par voie orale ou en perfusion continue sans titration préalable. La titration par voie intraveineuse permet d’obtenir plus rapidement une antalgie efficace sans plus d’effets indésirables que par voie orale ou transdermique. Cette différence d’efficacité est plus importante pendant les premières heures de titration, alors qu’après 24 heures la répétition des doses finit par produire des effets similaires. L’existence de douleurs d’intensité croissante ou dont le contrôle insuffisant entraîne une souffrance psychologique surajoutée constitue également une bonne indication à une titration par voie intraveineuse. L’utilisation de la morphine par voie intraveineuse présente donc des avantages dans des situations cliniques spécifiques et doit être connue des praticiens. Bien qu’aucune étude médicoéconomique n’ait évalué le rapport coût—bénéfice clinique de la morphine intraveineuse, il est aisé d’observer qu’une titration orale nécessite plusieurs jours ou semaines pour permettre un soulagement efficace alors que la titration par voie intraveineuse le permet en quatre à six jours avec, pour conséquence, un meilleur confort pour le patient et une réduction de la durée d’hospitalisation. Cet aspect médicoéconomique présente un intérêt pour des études ultérieures. Conflit d’intérêt Aucun. Référence [1] Mercadante S. Intravenous morphine for management of cancer pain. Lancet Oncol 2010;11:484—9.
Christian Dufrene Consultation pluridisciplinaire de la douleur, centre hospitalier, 216, avenue de Verdun, 36000 Chateauroux, France Adresse e-mail :
[email protected] Disponible sur Internet le 7 aoˆ ut 2010 doi:10.1016/j.douler.2010.06.008