Endocardite à Erysipelothrix rhusiopathiae (bacille du Rouget) chez un chien

Endocardite à Erysipelothrix rhusiopathiae (bacille du Rouget) chez un chien

Pratique médicale et chirurgicale de l’animal de compagnie (2012) 47, 81—86 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com CAS CLINIQUE Endocardite...

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Pratique médicale et chirurgicale de l’animal de compagnie (2012) 47, 81—86

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

CAS CLINIQUE

Endocardite à Erysipelothrix rhusiopathiae (bacille du Rouget) chez un chien夽 Endocarditis caused by Erysipelothrix rhusiopathiae (Rouget’s bacillus) in a dog

Y. Bongrand Clinique vétérinaire alliance, 8, boulevard Godard, 33300 Bordeaux, France Rec ¸u le 14 mai 2012 ; accepté le 14 juin 2012

MOTS CLÉS Endocardite ; Chien ; Polyarthrite ; Erysipelothrix ; Rouget

KEYWORDS Endocarditis; Dog; Polyarthritis; Erysipelothrix; Rouget

Résumé Un chien Boxer mâle de six ans est présenté pour difficultés locomotrices, perte de poids et diminution d’appétit. L’examen clinique révèle une maigreur, une amyotrophie, une hyperthermie, un souffle cardiaque inconnu du propriétaire et une polyarthralgie associée à une distension articulaire compatible avec une polyarthrite. L’échocardiographie révèle la présence d’une volumineuse lésion végétative mitrale associée à une régurgitation mitrale sévère et à une discrète lésion aortique. Deux hémocultures révèlent la croissance de Erysipelothrix rhusiopathiae, le bacille du Rouget. Un traitement antibiotique intensif, choisi en fonction des résultats de l’antibiogramme, conduit à une amélioration clinique rapide et une résolution de l’hyperthermie. Le suivi à plus long terme démontre une excellente évolution clinique et biologique, avec régression partielle des lésions valvulaires. Erysipelothrix sp. est un agent bien connu d’endocardite chez le chien. Cette bactérie n’a cependant que très rarement été isolée dans les cas plus récemment décrits (un seul cas sur 71 dans une étude rétrospective récente). © 2012 AFVAC. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary A 6-year male Boxer dog is presented for locomotor disability, loss of weight and inappetence. The physical examination shows a thin body condition, a generalised amyotrophy, a hyperthermia, an unreported heart murmur and a swelling and pain in multiple joints compatible with a polyarthritis. The cardiac ultrasound reveals the presence of a voluminous vegetative lesion on the mitral valve associated with a severe mitral regurgitation and a slight aortic valve lesion. Two blood cultures show the growth of Erysipelothrix rhusiopathiae, Rouget’s bacillus. An intensive antibiotic treatment chosen according to the sensitivity results leads to a fast

夽 Crédits de formation continue. La lecture de cet article ouvre droit à 0,05 CFC. La déclaration de lecture, individuelle et volontaire, hbox est à effectuer auprès du CNVFCC (cf. sommaire). Adresse e-mail : [email protected]

0758-1882/$ — see front matter © 2012 AFVAC. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.anicom.2012.06.005

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Y. Bongrand clinical amelioration and a resolution of the hyperthermia. Medium-term follow-up reveals an excellent clinical and clinicopathologic evolution and a partial regression of the valvular lesions. Erysipelothrix sp. is a well-known causative agent of endocarditis in dogs. However, this bacteria was only exceptionally isolated in the more recently described cases (only one of 71 cases in a recent retrospective study). © 2012 AFVAC. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction Un chien Boxer mâle non stérilisé de six ans est présenté pour difficultés locomotrices, perte de poids et diminution d’appétit.

Observations Des difficultés locomotrices sont observées depuis quatre semaines. Le propriétaire décrit une démarche hésitante et des difficultés à se lever. Ces signes sont apparus de manière aigüe après que le chien ait poursuivi un chevreuil et ont persisté par la suite. Un traitement à base de méloxicam prescrit par le vétérinaire traitant pour une période de sept jours a permis une amélioration partielle et transitoire. Une perte de poids progressive est également constatée au cours des dernières semaines. Un abattement, une diminution de l’appétit et une diarrhée sont observés depuis deux jours. À l’examen clinique d’admission (j1), le chien est abattu, maigre et amyotrophié (score corporel : 2/5). Il présente une hyperthermie (39,7 ◦ C). Les muqueuses sont rose pâle, et le temps de remplissage capillaire est inférieur à deux secondes. L’état d’hydratation est jugé normal. L’auscultation cardiaque révèle un souffle systolique apexien gauche de grade III/VI non connu du propriétaire. Une distension articulaire et une arthralgie sont notées au niveau des tarses et des carpes. Un inconfort est observé à la palpation des vertèbres lombaires. Au toucher rectal, la prostate est augmentée de taille mais conserve une forme symétrique et n’est pas douloureuse. L’abattement, l’hyperthermie et la polyarthralgie suggèrent prioritairement une hypothèse de polyarthrite. Une polyarthrite non érosive à médiation immune réactionnelle (secondaire à une maladie infectieuse systémique, à un foyer septique cryptogénique ou à un néoplasme) ou idiopathique apparaît comme étant la plus probable. L’hypothèse d’une polyarthrite réactionnelle secondaire à une endocardite bactérienne est notamment considérée étant donné la découverte d’un souffle cardiaque non rapporté jusque là. L’hémogramme révèle une leucocytose neutrophilique et monocytaire associée à une légère basophilie, une anémie normochrome normocytaire modérée à sévère non régénérative et une thrombocytopénie (Tableau 1). La lecture du frottis sanguin confirme les données de l’automate. Le bilan biochimique montre une augmentation de l’activité des phosphatases alkalines, une augmentation de l’urémie et une hypoalbuminémie (Tableau 2). L’analyse urinaire ne révèle aucune anomalie. Une échocardiographie est réalisée étant donné la suspicion d’endocardite. Elle révèle la présence d’une volumineuse lésion végétative

Tableau 1

Résultats de l’hémogramme (j1).

Paramètre

Résultat

Valeurs usuelles

Leucocytes Neutrophiles Monocytes Lymphocytes Éosinophiles Basophiles Hématocrite Globules rouges Réticulocytes Plaquettes

24,71 × 10ˆ 9/L 19,61 × 10ˆ 9/L ˆ 3,04 × 109/L 1,54 × 10ˆ 9/L 9/L 0,39 × 10ˆ 0,14 × 10ˆ 9/L 19,3 % 2,87 × 10ˆ 12/L 27 500/␮L 99 000/␮L

5,50—16,90 2,00—12,00 0,30—2,00 0,50—4,90 0,10—1,49 0,00—0,10 37,0—55,0 5,50—8,50 175—500

hétérogène oscillante au niveau du feuillet septal de la valve mitrale (Fig. 1a) ; un petit nodule hyperéchogène est également visible au niveau de la valve aortique (Fig. 1b). Ces anomalies valvulaires sont compatibles avec des lésions d’endocardite bactérienne. La fonction systolique apparaît normale, et aucune dilatation cavitaire n’est présente. Le mode Doppler permet d’objectiver une régurgitation mitrale sévère (Fig. 1c). Aucune insuffisance aortique n’est, en revanche, notée. L’échocardiographie ne révèle pas de facteur cardiaque prédisposant ayant pu être à l’origine de lésion endothéliale et ainsi faciliter l’implantation valvulaire des bactéries (absence notamment de sténose sub-aortique). Deux hémocultures sont entreprises afin d’identifier le germe responsable de l’endocardite. Les prélèvements sont réalisés à trois heures d’intervalle avant instauration de toute antibiothérapie. Chacune des deux cultures permet la croissance d’un bacille Gram positif identifié comme Erysipelothrix rhusiopathiae. La bactérie isolée est sensible notamment à l’amoxicilline et à l’enrofloxacine. Des examens complémentaires sont réalisés afin de rechercher d’éventuels foyers septiques primaires

Tableau 2

Résultats de l’analyse biochimique (j1).

Paramètre

Résultat

Valeurs usuelles

Urée Créatinine ALT ALKP Bilirubine Albumine Protéines totales Glycémie

0,76 g/L 16,9 mg/L 30 U/L 638 U/L 0,2 mg/L 18,6 g/L 75,4 g/L 0,84 g/L

0,15—0,57 5—18 10—100 23—212 0—9 27—38 52—82 0,8—1,2

Endocardite à Erysipelothrix rhusiopathiae (bacille du Rouget) chez un chien

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Figure 1. a : volumineuse lésion végétative sur le feuillet septal de la valve mitrale. Vue parasternale droite grand axe quatre cavités, mode 2D, j1 ; b : lésion valvulaire aortique. Vue parasternale droite petit axe transaortique, mode 2D, j1 ; c : régurgitation mitrale sévère. Vue parasternale droite grand axe quatre cavités, mode Doppler couleur, j1.

ou secondaires à la dissémination hématogène de bactéries. L’examen bactériologique urinaire est négatif. Les radiographies thoraciques et l’échographie abdominale ne révèlent aucune anomalie. Les radiographies vertébrales (région thoraco-lombaire de T5 à L6) ne montrent aucun signe de disco-spondylite ; des ponts de spondylose sont notés en L1-L2 et L2-L3. Une antibiothérapie parentérale est instaurée immédiatement après réalisation des deux prélèvements pour hémoculture. Le choix initial se porte sur l’association d’une bêtalactamine potentialisée non disponible en médecine vétérinaire sous forme injectable (amoxicilline / acide clavulanique, Augmentin® , 25 mg/kg intraveineux q12 h) et d’une quinolone (enrofloxacine, Baytril® , 10 mg/kg souscutané q24 h) afin d’obtenir une activité bactéricide à large spectre. Une fluidothérapie intraveineuse (Ringer Lactate supplémenté en potassium), un traitement anti-sécrétoire (ranitidine, Azantac® , 1 mg/kg IM q12 h), un pansement digestif (sucralfate, Ulcar® , 1 g PO q8 h) et un traitement antithrombotique (aspirine, 0,5 mg/kg Po q24 h) sont également administrés. Une amélioration de l’état général est notée dès le lendemain de l’instauration du traitement (j2). Une normalisation de la température et une résolution de la polyarthralgie et de la distension articulaire sont observées respectivement à partir de j4 et j5. Le retour au domicile est décidé à j5 étant donné l’excellente évolution clinique, le traitement prescrit consistant en de l’amoxicilline (25 mg/kg q12 h PO), de l’enrofloxacine (8 mg/kg q24 h PO) et de

l’aspirine (0,5 mg/kg q24 h PO). À partir de j5, une disparition complète de l’abattement, des difficultés locomotrices et de la dysorexie est rapportée par le propriétaire, et un gain de poids progressif est noté au cours des semaines suivantes. Par ailleurs, une normalisation de l’ensemble des paramètres hémato-biochimiques est constatée. Un suivi échocardiographique des lésions valvulaires est réalisé à j20, j47 et j110. À j20, la lésion végétative mitrale est de taille similaire à celle mesurée à j1, mais présente des contours mieux définis et un aspect moins hétérogène (Fig. 2a). Une régression partielle de la lésion aortique est, en revanche, notée (Fig. 2b). À j47, une nette diminution de taille de la lésion mitrale est observée (Fig. 3a). La lésion aortique est d’aspect inchangé. La régurgitation mitrale apparaît modérée au mode Doppler couleur (Fig. 3b). L’administration d’enrofloxacine est alors interrompue. À j110, seul un épaississement et un aspect hyperéchogène du feuillet septal de la valve mitral sont notés, la lésion végétative n’est plus observée (Fig. 4a). Seule une très légère régurgitation mitrale est constatée au mode Doppler couleur (Fig. 4b). Le traitement (amoxicilline et aspirine) est encore en cours au moment de la rédaction de cet article (j165).

Discussion La présentation clinique, les anomalies biologiques, les lésions valvulaires observées à l’échographie, les

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Y. Bongrand

Figure 2. a : végétation valvulaire mitrale après 20 jours de traitement. Vue parasternale droite grand axe quatre cavités, mode 2D, j20 ; b : lésion valvulaire aortique après 20 jours de traitement. Vue parasternale droite petit axe transaortique, mode 2D, j20.

Figure 3. a : lésion valvulaire mitrale après 47 jours de traitement. Vue parasternale droite grand axe quatre cavités, mode 2D, j47 ; b : régurgitation mitrale modérée après 47 jours de traitement. Vue parasternale droite grand axe quatre cavités, mode Doppler couleur, j47.

deux hémocultures positives et la réponse observée à l’antibiothérapie permettent d’établir un diagnostic définitif d’endocardite bactérienne à E. rhusiopathiae chez ce chien [1—3] (Tableau 3). Par ailleurs, une polyarthrite concomitante peut être fortement suspectée étant donné la polyarthralgie et la distension articulaire observées. Des arthrocentèses et une analyse cytologique du

liquide synovial auraient été requises afin de confirmer l’inflammation articulaire. Deux hypothèses sont envisageables quant à la physiopathologie d’une polyarthrite lors d’endocardite : polyarthrite réactionnelle à médiation immune secondaire à la stimulation antigénique causée par la bactérie responsable de l’endocardite (hypersensibilité de type III : formation et/ou dépôt articulaires de complexes

Figure 4. a : lésion valvulaire mitrale après 110 jours de traitement. Vue parasternale droite grand axe quatre cavités, mode 2D, j110 ; b : régurgitation mitrale légère après 110 jours de traitement. Vue parasternale droite grand axe quatre cavités, mode Doppler couleur, j110.

Endocardite à Erysipelothrix rhusiopathiae (bacille du Rouget) chez un chien Tableau 3

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Critères diagnostiques suggérés d’endocardite bactérienne chez le chien.

Critères majeurs

Critères mineurs

Diagnostic d’endocardite bactérienne

Lésions cardiaques échographiques (lésions valvulaires, abcès) Insuffisance valvulaire nouvellement documentée Hémoculture positive (≥ 2 prélèvements positifs ou ≥ 3 prélèvements positifs en cas de croissance d’un contaminant cutané commun)

Hyperthermie Chien de race moyenne à grande (> 15 kg) Sténose sub-aortique Complication thromboembolique Maladie à médiation immune (glomérulonéphrite, polyarthrite) Hémoculture positive ne répondant pas aux critères majeurs

Confirmé Examen histopathologique des lésions valvulaires 2 critères majeurs 1 critère majeur + 2 critères mineurs Possible 1 critère majeur + 1 critère mineur 3 critères mineurs

D’après [1].

immuns) ou polyarthrite septique secondaire à la dissémination hématogène du micro-organisme [1—5]. L’observation cytologique de bactéries en position intracellulaire dans le liquide synovial et/ou l’obtention d’une culture articulaire positive permettent de conclure à une polyarthrite septique. À l’inverse, la mise en évidence d’une inflammation synoviale neutrophilique sans caractère septique est en faveur d’une polyarthrite réactionnelle. Les polyarthrites septiques semblent globalement moins fréquentes que les polyarthrites à médiation immune chez les chiens atteints d’endocardite bactérienne (environ ¼ des cas avec polyarthrite) [1,4]. Un cas de chien avec polyarthrite septique à E. rhusiopathiae (sans endocardite associée documentée) a cependant été récemment décrit dans la littérature [6]. Dans le cas présent, il n’est pas possible de déterminer le mécanisme de la polyarthrite suspectée cliniquement. Si on se réfère aux résultats de l’étude rétrospective réunissant le plus important effectif de chiens atteints d’endocardite publiée à ce jour [4], la présentation clinique de ce cas est plutôt classique. En effet, les chiens de grande race âgés de plus de cinq ans constituent la catégorie de la population canine la plus fréquemment atteinte. Par ailleurs, une hyperthermie ou un souffle cardiaque étaient notés chez respectivement 60 % et 59 % des chiens de cette étude. Enfin, une polyarthrite a été confirmée chez 30 % d’entre eux. Les résultats de cette étude rappellent que la présence d’un souffle cardiaque n’est pas systématique lors d’endocardite bactérienne, et par conséquent que cette hypothèse ne peut en aucun cas être exclue en se basant uniquement sur l’absence d’anomalie auscultatoire. Cette hypothèse doit notamment être considérée systématiquement chez tout chien présentant une polyarthrite suspectée ou confirmée. C’est pourquoi, à notre avis, la réalisation systématique d’une échocardiographie se justifie dans tout cas de polyarthrite, au même titre que les autres examens visant à rechercher une cause sous-jacente infectieuse ou néoplasique responsable d’une stimulation antigénique : examens d’imagerie (radiographies thoraciques, échographie abdominale), recherche de maladie infectieuse systémique par technique moléculaire ou sérologique.

Les anomalies biologiques observées dans le cas présent sont également classiques, puisque l’étude de Sykes rapporte une prévalence élevée d’anémie (52 %), de neutrophilie (80 %), de monocytose (61 %), de thrombocytopénie (50 %), d’hypoalbuminémie (95 %) ou d’augmentation d’activité de la phosphatase alkaline (57 %) parmi les chiens atteints d’endocardite [4]. Il est cependant intéressant de noter que l’anémie est beaucoup plus sévère dans le cas présent que dans la plupart des cas décrits d’endocardite bactérienne (hématocrite moyen rapporté de 35 % [4]). La diminution de l’hématocrite ne peut pas être expliquée uniquement par une anémie de maladie inflammatoire, et un phénomène additionnel doit être considéré. La présence de saignements digestifs occultes a été suspectée dans le cas présent malgré l’absence d’observation de méléna ou d’hémochésie étant donné l’augmentation de l’urémie sans augmentation concomitante de la créatinémie. Cette observation biologique n’est cependant pas spécifique d’un saignement digestif et peut également être secondaire à une insuffisance rénale prérénale ou à un catabolisme protéique accru. Une perte sanguine digestive aurait pu participer également à l’hypoalbuminémie observée. Cette suspicion a justifié l’administration de ranitidine et de sucralfate. L’hypothèse d’hémolyse à médiation immune apparaît moins probable du fait de l’absence d’hyperbilirubinémie, de pigmenturie et de sphérocytose, mais la réalisation d’un test de Coombs direct aurait été utile afin d’exclure cette possibilité. E. rhusiopathiae est un bacille Gram-positif anaérobie facultatif, non sporulé. Il constitue l’agent étiologique de la maladie du Rouget, maladie réputée légalement contagieuse chez le porc et zoonose potentiellement mortelle [7]. Il s’agit d’un agent historiquement bien connu d’endocardite bactérienne chez le chien [8—10]. Il n’a cependant qu’exceptionnellement été isolé dans les séries de cas plus récentes d’endocardite (dans un seul des 71 cas dans l’étude nord-américaine de Sykes de 2006 [11]). Les espèces réservoirs de cette bactérie sont nombreuses : porcs, autres suidés, moutons (plus particulièrement les agneaux), oiseaux (en particulier les dindes), rongeurs,

86 poissons, mollusques, crustacés. . . La bactérie est excrétée dans les urines et dans les selles des animaux malades ou porteurs sains et peut survivre dans l’environnement pendant une période prolongée (cinq semaines dans le sol ou l’eau, plusieurs mois dans les matières organiques). Les principaux modes de transmission reconnus sont la contamination d’une plaie cutanée par des matières virulentes ou l’ingestion de carcasses infectées [7]. Dans le cas présent, l’origine de l’infection n’a pu être déterminée. Aucun contact direct avec des animaux appartenant aux espèces connues comme pouvant être porteuses de la bactérie n’est rapporté et aucune plaie cutanée n’a été observée. Par ailleurs, aucun cas de maladie du Rouget n’a été déclarée récemment dans l’espèce porcine dans le département où vit le chien faisant l’objet de ce cas clinique (source : Direction départementale des services vétérinaires de la Gironde). Cette maladie n’est cependant plus soumise à une obligation légale de déclaration. Il est intéressant de noter qu’une étude s’appuyant sur des techniques moléculaires (hybridation de l’ADN) suggère que la majorité des agents d’endocardite identifiés comme E. rhusiopathiae appartiendrait en réalité à l’espèce Erysipelothrix tonsillarum, fréquemment isolée chez des porcs sains et rarement pathogène dans cette espèce [12]. Ce cas clinique souligne l’importance de la réalisation d’hémocultures lors de suspicion d’endocardite bactérienne, si possible multiples et entreprises avant le début de toute antibiothérapie. Elles peuvent permettre de confirmer avec certitude le diagnostic et d’optimiser la prise en charge thérapeutique en identifiant la bactérie impliquée et en déterminant sa sensibilité aux antibiotiques. Une limite importante de cet examen est le taux élevé d’hémocultures négatives (jusqu’à 60—70 % d’après certains auteurs [1]). L’émergence de Bartonella sp. comme agent étiologique d’endocardite bactérienne chez le chien pourrait expliquer la proportion élevée de cultures négatives dans les études les plus récentes [1,13]. En effet, cette bactérie intracellulaire fastidieuse ne croît qu’exceptionnellement sur les milieux de culture utilisés en routine par les laboratoires. Son identification requiert l’utilisation de milieux de croissance spécifiques et la mise en œuvre de méthodes moléculaires (réaction de polymérisation en chaîne : PCR). Le pronostic, traditionnellement reconnu comme étant réservé à sombre lors d’endocardite (20 % de survie dans les études du début des années 1980, 56 % de survie dans l’étude de Sykes recrutant des cas présentés entre 1992 et 2005 [4,14]), peut être considérablement amélioré par l’instauration d’une antibiothérapie adaptée, précoce, agressive et prolongée visant à la stérilisation des lésions valvulaires.

Y. Bongrand

Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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