Épidémiologie actuelle de l’herpès

Épidémiologie actuelle de l’herpès

Pathologie Biologie 50 (2002) 425–435 www.elsevier.com/locate/patbio Article original Épidémiologie actuelle de l’herpès Epidemiology of herpes simp...

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Pathologie Biologie 50 (2002) 425–435 www.elsevier.com/locate/patbio

Article original

Épidémiologie actuelle de l’herpès Epidemiology of herpes simplex Michèle Aymard * Faculté de médecine, laboratoire de virologie, 8 avenue Rockefeller, 69373 Lyon cedex 08, France Reçu le 10 juillet 2000; accepté le 23 février 2001

Résumé L’épidémiologie des infections à virus herpès simplex (HSV) décrit : leur aspect clinique variant des formes infracliniques aux formes sévères dans les différentes tranches d’âge, les infections latentes et récurrentes, le mode de transmission par contact étroit, en rapport direct avec la localisation des lésions (ano-génitales surtout HSV2, oro-labiales HSV1), le réservoir strictement humain et mondial, l’absence de variations saisonnières d’incidence et le caractère exceptionnel d’épidémies limitées. Les tests sérologiques et virologiques se sont beaucoup modifiés dans la dernière décennie. (a) L’utilisation des sérologies spécifiques différenciant les anticorps anti-HSV1 et HSV2 a permis de redéfinir les prévalences et de montrer l’augmentation de fréquence des infections génitales dans de nombreux pays (à l’exception du Japon). (b) Le développement des techniques de diagnostic direct par détection des virus (cultures), des antigènes (immunofluorescence et ELISA), des génomes (amplification par PCR et hybridation) a permis de montrer que : (1) l’excrétion asymptomatique génitale d’HSV chez la femme enceinte constitue un risque fréquent de contamination du nouveau-né, (2) l’HSV1 augmente notablement de fréquence dans la sphère génitale, les conséquences n’en sont pas encore évaluées, (3) l’immunodépression sévère (greffes de moelle, infections par VIH, greffes d’organes, hémopathies, corticothérapies …) favorise la récurrence des infections à HSV, leur chronicité et la sélection de souches résistantes aux antiviraux spécifiques. Si la découverte de l’acyclovir (ACV) et produits dérivés a profondément modifié l’évolution, le pronostic et la prise en charge des infections à HSV, son usage extensif impose une surveillance de l’émergence des souches ACV-R aussi bien chez les immunocompétents que chez les immunodéprimés. © 2002 E´ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract The epidemiology of herpes simplex virus (HSV) infections describes: the clinical picture varying from subclinical to severe in various age groups, latency and recurrent infections, the transmission through direct contact related to the localisation of the lesions (ano-uro-genital for HSV2, oro-labial for HSV1), the world wide human reservoir, the lack of seasonal peak of incidence and the exceptional limited outbreaks. Serological and virological tests used for evaluating the frequency of acquired infections and the prevalence of various clinical and epidemiological aspects of herpetic infections have greatly changed in the last decade: (a) specific serological tests differentiate anti HSV1 and anti HSV2 antibody, allow the precise measurement of HVS1 and HSV2 infections prevalence and demonstrate the increasing frequency of Herpes Simplex genital infections in the last decades, in most of the countries (but Japan), (b) the development of direct diagnostic tests: virus growth in cells cultures, antigens detection by immuno-fluorescence and ELISA tests, genome amplification and detection by PCR and hybridization pointed but that: (1) the asymptomatic genital HSV excretion represents a frequent risk for neonatal contamination, (2) genital HSV1 noticeably increased in frequency, its epidemiological consequences are not yet evaluated, (3) a severely compromised immune status favours the frequency, the severity and chronicity of HSV infections, and the selection of antiviral resistant strains. The large use of acyclovir and derivatives in treatment and prophylaxis of HSV infections deeply modified the evolution, prognosis

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Aymard). © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. PII: S 0 3 6 9 - 8 1 1 4 ( 0 2 ) 0 0 3 3 1 - 0

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and management of HSV infections, but stressed the need for a survey of acyclovir resistant strains in immuno-competent and immuno-compromized patients. © 2002 E´ ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved. Mots clés: Epidémiologie; Herpès simplex; HSV1; HSV2; Résistance Keywords: Antiviral resistance; Epidemiology; Herpes simplex; HSV1; HSV2

1. Introduction L’épidémiologie des infections à virus herpès simplex (HSV) est influencée par les caractéristiques du virus. Il existe deux sérotypes HSV1 et HSV2 qui différent par leur mode de transmission (HSV1 : oro-labial - HSV2 : génital), l’âge de la contamination (HSV1 : nourrisson, enfant – HSV2 : adolescent, adulte) les sites lésionnels (HSV1 : au dessus de la ceinture – HSV2 : en dessous), la pathologie (HSV1 : atteintes oro-labiales, oculaires, neurologiques – HSV2 : ano-uro-génitales, néonatales, méningées) et la fréquence des récurrences (globalement deux fois plus avec HSV2 qu’avec HSV1) [1,2]. Les modifications des pratiques sexuelles, le faible niveau socio-économique, la promiscuité, l’augmentation de la prostitution et le développement du tourisme sexuel, l’apparition du sida sont largement responsables des modifications de l’épidémiologie de l’herpès génital et par conséquent des risques d’infection materno-fœtale. L’apparition de résistance des HSV aux antiviraux a été démontrée in vitro et in vivo chez l’animal (souris, lapin) et chez les hommes dans les suivis de cohortes de patients soumis à des essais thérapeutiques et de prévention [3]. Mais l’épidémiologie de la résistance aux antiviraux est encore mal connue chez les sujets non hospitalisés immunocompétents, en pratique libérale, où l’usage de l’acyclovir et analogues continue à s’étendre avec et sans prescription. On désigne les infections herpétiques en fonction des données du laboratoire et de l’histoire clinique. • Dans l’infection primaire, le virus est isolé, son génome détecté, dans une lésion (infection symptomatique) ou sans lésion visible ni signe clinique (infection asymptomatique) et les anticorps anti-HSV absents dans le sérum de la phase précoce, apparaissent dans un sérum prélevé tardivement (3 semaines à 1 mois). • Dans l’infection récurrente symptomatique lésions et signes cliniques sont présents, le virus ou son génome détectable dans les lésions et les anticorps sont présents dans le sérum précoce. L’infection récurrente peut être asymptomatique (pas de lésion détectables ni signes cliniques rapportés). • La primomanifestation est la première observation d’une infection herpétique symptomatique chez un sujet qui a ou non des anticorps détectables dans le sérum de la phase aiguë.

Parmi les diverses techniques de diagnostic direct, la culture du virus sur cellules est la méthode de référence. Elle nécessite un prélèvement frais, ou transporté dans un milieu adapté pendant un temps court (quelques heures). La coloration de Tzanck qui met en évidence des inclusions intracellulaires (cytoplasme et noyau) caractéristiques n’est positive que dans 60 % des cas d’herpès et peut aussi donner de fausses réactions positives. La détection des antigènes viraux par test d’immunofluorescence est très sensible (à 90 %) mais n’est applicable qu’à des prélèvements frais ; lorsqu’on utilise une technique immuno-enzymatique (ELISA) la sensibilité est de 70 % [4]. L’amplification du génome est plus souvent positive que la culture, en particulier pour mettre en évidence l’excrétion asymptomatique de virus (le taux d’excrétion asymptomatique des femmes séropositives est multiplié par 8). La sérologie spécifique utilisant des antigènes glycoprotéiques d’HSV1 et d’HSV2 permet de mesurer précisément la prévalence des anticorps (AC), c’est à dire des infections, la fréquence des infections asymptomatiques et le taux annuel d’infection.

2. Epidémiologie générale (revues de R.J. Whitley et L.R. Stanberry et al.) Les données de mortalité manquent. Mortalité ou séquelles d’infections herpétiques ont été évaluées à 0,013 % des Herpès aux USA, les prévisions pour l’Europe 2000 sont trois fois plus faibles, cf. Tableaux 1 et 2. Les Herpès généralisés, des nouveau-nés, des immunodéprimés et les encéphalites herpétiques bien que rares, avaient un fort taux de mortalité (50 à 70 %) qui a significativement diminué depuis l’introduction des antiviraux (vidarabine puis acyclovir). Les données de morbidité varient considérablement avec les critères utilisés. Elles ont été obtenues soit au cours d’enquêtes rétrospectives ou prospectives dans certains groupes de populations, soit en colligeant les données des hôpitaux où se trouvent des laboratoires de Virologie, soit en détectant des anticorps spécifiques dans des banques de sérums représentatifs de la démographie d’un pays (exemple : aux USA : National Health and Nutritional Examination Survey = NHANES [5] dont l’équivalent est en cours

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Tableau 1 Incidence des manifestations herpetiques Europe (an 2000)

0–4

Incidence herpès génital Primo-infection Récurrence Incidence herpès oral Herpès labial primo-infection Herpès labial récurrence Kératite herpétique primo-infection Kératite herpétique récurrence .

5–14

370 000

15–24

25–59

3650

180 000 1 430 000

111 000 4 580 000

137 000 20 560 000 34 000 34 000

30 000 30 000 000 41 500 41 500

63 300 57 000 000 350 000 350 000

60 et plus

Total 294 650 6 010 000

54 000 32 300 000 355 000 355 000

654 300 139 000 000 780 500 780 500

147 500 000 manifestations cliniques herpétiques pour une population totale européenne de 387 500 000 individus, soit 19 % de la population concernée. Tableau 2 Hospitalisations, séquelles et morts Europe (an 2000)

0–4

5–14

15–24

25–59

60 et plus

Total

Hospitalisations Séquelles légères Séquelles graves Morts .

4200 (465) a 35 (33) a 108 (102) a 104 (93) a

1840 4 42 18

2330 19 80 76

10 780 91 530 377

3000 22 398 92

22 170 171 1158 667

a Données concernant l’herpès néonatal. Ces données sont à prendre avec réserve du fait que l’incidence de l’herpès néonatal varie de 1/2500 à 1/100 000 naissances selon les auteurs.

de réalisation en France et en Europe grâce à l’INSERM et à l’Institut de Veille Sanitaire). Ces données doivent tenir compte de la spécificité et de la sensibilité des méthodes de diagnostic, de l’existence d’infections asymptomatiques, de l’infection par HSV1 et HSV2 du même individu à des moments différents de sa vie, de la récurrence des infections herpétiques et de la possibilité de réinfections exogènes avec une autre souche de même sérotype. La séro-prévalence des anticorps anti-HSV1 et antiHSV2 varie en fonction de l’âge, de la race, de l’origine géographique. Les infections primaires à HSV1 apparaissent plus tôt dans la vie et plus fréquemment chez les enfants des pays en voie de développement ou dans les classes de bas niveau socio-économique dans les pays développés, probablement en relation avec la fréquence des contacts directs de personne à personne. Les infections primaires à HSV2 apparaissent avec l’activité sexuelle. Les AC sont plus fréquents chez la femme que chez l’homme, et plus fréquents dans les populations exposées (nombreux partenaires, prostitution) qui fréquentent les cliniques de maladies sexuellement transmissibles. La fréquence d’excrétion virale chez les séropositifs est importante : 32 % chez les enfants, 50 % chez les adultes immunocompétents, 50 à 80 % chez les greffés. La fréquence des récurrences serait pour l’herpès labial de 16 à 45 % d’après des enquêtes rétrospectives [2], et de 60 % pour l’herpès génital.

La présence de génome latent dans les ganglions a été rapportée [6,7], il y a près de 20 ans : 55 % pour HSV1 dans les ganglions trigéminés, 20 % pour HSV2 dans les ganglions sacrés. Cette discordance avec la fréquence des récurrences n’est pas expliquée, si ce n’est par les limites des techniques de laboratoire. Le taux d’incidence des infections primaires chez les enfants a été mesuré dans des cohortes suivies cliniquement et séro-virologiquement pendant une ou plusieurs années. Les chiffres varient de 11 à 67 % mais ces études démontrent que la majorité des infections primaires étaient asymptomatiques (70 à 90 %) [8]. Chez les immunodéprimés, suivis, 1,6 % développeraient une infection primaire alors que la prévalence des infections récurrentes, essentiellement à HSV1, varierait de 40 à 90 %. L’herpès ne diffuse pas sur le mode épidémique. Exceptionnellement, des épidémies de stomatite herpétique ont été décrites dans des institutions (crèches, garderies, résidences d’enfants, orphelinats), où le taux d’attaque peut atteindre 50 à 80 %. Le plus souvent il s’agit de cas groupés familiaux ou hospitaliers d’herpès oral ou labial (pédiatrie) ou de transmission accidentelle par contact direct cutanéo-muqueux résultant en panaris des dentistes, lésions cutanées des lutteurs, transmission par l’infirmière de nouveau-né à nouveau-né. Il n’existe pas de variation saisonnière d’incidence de l’herpès et les passages épidémiques de la grippe et du VRS n’influencent pas le taux d’isolement des virus Herpès Simplex dans les prélèvements oraux et respiratoires.

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Cependant une recrudescence des infections à HSV serait observée en été en raison de l’exposition au soleil et l’herpès oculaire serait plus fréquent en hiver. Distribution géographique : l’herpès est une infection ubiquitaire mais il existe de grandes variations de fréquence : en Europe, Amérique du Nord, Japon, la séroprévalence des anticorps anti-HSV est notablement inférieure à celle d’Amérique du Sud, Chine, Asie et Afrique [9]. Les variations de distribution des infections à HSV en fonction de l’âge reflètent le mode de contamination : HSV2 est le responsable majeur de l’herpès néonatal, puis l’enfant s’infecte avec HSV1. L’augmentation de la séro-prévalence d’HSV1 entre 20 et 50 ans traduit soit l’acquisition tardive de l’infection, soit, plus probablement, le statut socioéconomique antérieur. Les infections à HSV2 commencent et se développent à partir de 15–20 ans et surtout entre 25 et 35 ans. L’herpès simplex représente un risque professionnel pour les dentistes, le personnel médical et paramédical, les sportifs, les prostitué(e)s. Différents milieux (famille, orphelinat, crèche, pension …) et diverses situations d’immunodéficience (greffes, cancers, hémato-oncologie, chimiothérapie, sida) sont particulièrement exposés aux infections primaires et récurrentes à HSV.

3. Épidemiologie des diverses formes cliniques d’herpès Le spectre clinique des infections à HSV en fonction de l’âge, de la situation clinique et du type d’HSV 1 ou 2, a été décrit [2] d’après le nombre de HSV 1 et 2 isolés dans différents groupes (cf. Tableaux 3 et 4). En bref, sur plus de 2000 isolats, plus de la moitié proviennent de lésions génitales ou de lésions cutanées basses. Tableau 3 Spectre clinique des infections à HSV selon l’âge, la situation clinique et le type d’HSV (2) Type1 I – Bénigne ou peu sévère (âge > 1 mois) Uro-génital Femmes Hommes Non génital Gingivo-stomatite H. labial Kératite/conjonctivite H. cutané - haut H. cutané - bas Mains - bras Sous-total .

51 11

6,8 % 6,8 %

Type 2

Total

514 333

565 344

5 1 1 8 118 21 1001

202 126 51 118 129 46 1581

Tableau 4 Spectre clinique des infections à HSV selon l’âge, la situation clinique et le type d’HSV (2) Type 1 II – Sévère ou fatale Méningo-encéphalite Sclérose en plaque Eczéma herpeticum H. généralisé III – Nouveau-né Localisé ou généralisé Total .

176

Type 2

Total

14 3

5 1 1 1

181 1 15 4

57 862

142 1156

199 2018

N.B. : Isolement simultané dans autre site du même type d’HSV ou de l’autre type d’HSV.

Parmi ces isolats : 73/1038 soit 7,0 % sont HSV1. Les infections orales, labiales et cutanées hautes sont associées à HSV1 dans 97 % des cas (658/678). Les manifestations sévères représentent 10 % des souches isolées et la vaste majorité correspond à des méningo-encéphalites. Les infections néonatales correspondent aussi à environ 10 % des souches isolées, HSV2, pratiquement deux fois plus fréquent que HSV1, traduit la contamination de l’enfant par l’herpès génital de sa mère. Nous avons analysé, dans le cadre du réseau national de surveillance des virus HSV résistants à l’acyclovir, la distribution des souches d’HSV isolées par 15 laboratoires français de virologie sur une période de 2 ans en 1999–2001 [10] et pour une période de 30 mois (bilan janvier 2002). La répartition des souches est basée sur l’état d’immunodépression des patients et sur le site de prélèvement : 2825 isolats ont été récoltés (cf. Tableau 5a-b) dont près de la moitié (1249) proviennent des immunodéprimés qui ont présenté des récurrences oro-labiales, respiratoires, et cutanées supérieures dans 65 % des cas (812/1249). Les récurrences ano-génitales et cutanées basses ont représenté 24,6 % des cas (307/1249) dont 68 HSV1 et 239 HSV2 soit près de 22 % d’HSV1. Chez les immunocompétents (1576 souches) HSV1 a été isolé majoritairement au niveau oro-labial, cutané supérieur, respiratoire et oculaire (44 % du nombre total d’HSV) alors qu’HSV2 a été exceptionnellement isolé au niveau oro-labial et respiratoire (4 cas). Au niveau ano-génital et cutané inférieur, HSV1 a représenté environ 36 % des isolats (277/765).

4. L’herpès oro-labial 197 125 50 110 11 25 580

L’infection primaire herpétique survient chez l’enfant de moins de 5 ans, elle est due à HSV1, peut se manifester par une gingivo-stomatite dans 25 à 30 % des cas [1]. Les manifestations sévères diagnostiquées à l’hôpital sont rares. L’estimation annuelle en France à partir des données du

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Tableau 5a,b Sites d’isolement d’HSV et état immunitaire, Réseau national français – Bilan 30 mois HSV1 (a) Immunocompétents Urogénital Anal Cutané inférieur Sphère inférieure + sup. Sous-total Non génital Orolabial Cutané supérieur Kératoconjonctivite Sphère supérieure Sous-total Respiratoire TRS (nez-gorge) TRI (LBA) Sous-total Suivi systématique Divers Non precisé Total (b) Immunodéficients Urogénital Anal Cutané inférieur Sphère inférieure + sup. Sous-total Non génital Orolabial Cutané supérieur Kératoconjonctivite Sphère supérieure Sous-total Respiratoire TRS (nez-gorge) TRI (LBA) Sous-total Suivi systématique Divers a Non precisé Total . a

HSV2

TOTAL

211 19 26 21 277 (36,2 %)

367 26 84 11 488 (63,8 %)

578 45 110 32 765 (100 %)

343 159 45 15 562 (94,3 %)

1 32 1 0 34 (5,7 %)

344 191 46 15 596 (100 %)

71 66 137 (97,85 %) 44 20 14 1054

1 2 3 (2,15 %) 2 3 7 537

72 68 140 (100 %) 46 23 21 1576

23 17 7 21 68 (22,1 %)

127 65 34 13 239 (77,9 %)

150 82 41 32 307 (100 %)

530 44 10 54 638 (98,5 %)

3 5 0 2 10 (1,5 %)

533 49 10 56 648 (100 %)

71 66 170 (97,7 %) 59 41 11 987

1 2 4 (2,3 %) 1 7 1 262

72 68 174 (100 %) 60 48 12 1249

urines – biopsies – sang

CHU de Lyon est de 2,5 pour 100 000 enfants de moins de 16 ans, dont 2/3 concernent des enfants de moins de 3 ans portant le taux d’incidence, dans cette tranche, à 8,6/100 000. Cette incidence hospitalière représente 1/100 de l’incidence communautaire. L’excrétion virale est prolongée (7 à 10 jours jusqu’à 23 jours) et le titre d’anticorps neutralisant atteint son pic à la 3e semaine. Aux USA [1], jusqu’à 14 ans, 18 à 20 % des enfants excrètent HSV1 et sont asymptomatiques. Après 14 ans le taux d’excrétion asymptomatique tombe à 2 à 5 %. Nous ne disposons pas de telles données en France : nous pouvons comparer les taux de séroprévalence des anticorps anti-HSV1 dans deux enquêtes réalisées chez des femmes

enceintes et des donneurs de sang, âgés de 30 à 40 ans, en Rhône-Alpes, en 1978 et 1998. Le taux de séropositivité HSV1 de 67,2 % en 1978 [9] est inchangé en 1998 (cf. Tableau 6) et la France [11] reste parmi les pays (avec le Japon, les USA, la Suède) ayant le taux de séroprévalence le plus bas. Nous pouvons aussi estimer à partir de ce taux de séroprévalence, le nombre de sujets présentant des infections récurrentes à HSV1 en France : 6 à 15 millions. Les infections invalidantes nécessitant consultation médicale et/ou traitement avec ou sans prescription pourraient être estimées à 0,6 à 1,5 million (cf. Tableau 7). Dans une enquête clinique et viro-sérologique portant sur une cohorte de 2393 personnes en Californie [12] le taux de

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Tableau 6 Séroprévalence des anticorps anti-herpès spécifiques, chez l’adulte (35–40 ans) en Rhône-Alpes

HSV2 HSV1 .

L. Stanberry et al., 1978

Nahmias et al., 1986

J. Malkin et al., 1998

10,6 % 67,2 %

16,1 % 67,2 %

14,6 % 58,6 %

Tableau 7 Estimation de la fréquence des infections herpétiques en France Population 60 millions HSV1 Séropositifs : 60 % Récurrences : 16 à 45 % Symptomatiques : 10 %

40 millions 6 à 15 millions 0,6 à 1,5 millions

Nouveaux cas/an 0,5/100/séronégatifs : .

100 000

nouvelles infections à HSV1 chez des adultes séronégatifs a été évalué à 1,6/100 personnes/an. Dans 63 % des cas ces nouvelles infections étaient symptomatiques et aussi fréquentes au niveau oro-pharyngé qu’au niveau génital (0,5/100/an). Ce qui représenterait pour la France : 150 000 cas. L’herpès oro-labial représente un vaste réservoir de virus et les récurrences sont fréquentes : elles représenteraient 95 % de l’ensemble des manifestations herpétiques.

5. L’herpès génital HSV2 était si largement dominant dans l’herpès génitourinaire et si étroitement lié à l’activité sexuelle que l’excrétion d’HSV2 et/ou l’acquisition d’anticorps antiHSV2 étaient considérés comme équivalents à une infection génitale herpétique [5]. Dans les années 1978 à 1985, l’estimation de la fréquence de l’herpès génital a été faite sur les lésions observées dans les cliniques de maladies sexuellement transmissibles (MST). Cet indice est apparu très insuffisant lorsque des enquêtes de séroprévalence détectant les anticorps anti-HSV2 spécifiques ont mis en évidence combien fréquemment l’herpès génital était méconnu ou asymptomatique. À Paris, dans la clinique des MST de l’hôpital SaintLouis [13], la prévalence des anticorps anti-HSV2 est de 55 %, en relation avec l’âge, le comportement sexuel, le sexe, le pays d’origine, et seulement 8,6 % des sujets séropositifs ont une histoire connue (ancienne ou présente) d’herpès génital. Ces observations sont très proches de celles faites en Géorgie (USA) [14] et au Brésil [15] où seulement 10 % des séropositifs déclarent une histoire d’herpès génital. La séroprévalence des anticorps antiHSV2 chez l’adulte en France ayant été évaluée à 15 %, on peut estimer à 7,5 millions le nombre de sujets infectés, à

45 millions adultes HSV2 15 % 60 % 10 % 20 %

7,5 millions 4,5 millions 450 000 900 000 170 000

4,5 millions les sujets présentant des infections récurrentes, et à 750 000 les patients symptomatiques (cf. Tableau 7). Les caractéristiques cliniques des nouvelles infections à HSV2 n’étant pas bien définies,une cohorte de 2393 personnes parmi lesquelles 1508 étaient séropositives pour HSV1 ont été suivies pour infection par HSV2 [12]. Le taux de nouvelles infections (séroconversion) à HSV2 a été établi à 5,1/100 personnes/an dont un tiers symptomatique. Chez 80 % des sujets symptomatiques le diagnostic d’herpès génital a été porté correctement. Parmi les 67 % de séroconversions HSV2 asymptomatiques, en fait 15 % avaient présenté des lésions génitales. La préexistence d’une infection à HSV1 ne réduit pas le taux d’infection à HSV2 mais augmente les infections asymptomatiques par un facteur de 2,6. Les récurrences d’herpès génital sont fréquentes (60 % de séropositifs) mais variables avec la durée et la gravité de l’épisode initial, l’intervalle entre infection primaire et récurrences. Il existe bien sûr des récurrences asymptomatiques qui sont mises en évidence par l’excrétion d’HSV au niveau génital externe, et/ou cervical chez la femme, sans lésion visible, ni symptômes cliniques, ni même d’antécédent connu d’herpès génital. Mais, avec ou sans histoire génitale connue, l’excrétion asymptomatique d’HSV est identique (environ 3 %) [16]. Une forte augmentation entre 1985 et 1990 de la séroprévalence d’HSV2 a été rapportée par les USA (de 8–11 % à 28 % à Birmingham – Alabama), l’Italie, la Suède [17]. L’âge d’infection est plus jeune et la séroprévalence multipliée par 2 à 5 chez les adolescents et jeunes adultes blancs [18]. En Grande-Bretagne, le « Communicable Disease Report » (CDR) [19] d’octobre 1999 montre l’augmentation des herpès ano-génitaux dans les cliniques de MST depuis 1981 de 29 à 48/100 000 chez l’homme et de 19 à 65/100 000 chez la femme. Il y eut une pause dans l’augmentation du nombre des infections herpétiques puis l’aug-

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mentation entre 1985 et 1990 a repris pour atteindre un plateau en 1992 chez l’homme et en 1996 chez la femme. En France, les données de séroprévalence spécifique chez les femmes enceintes et donneurs de sang de 35 à 40 ans en Rhône-Alpes ne montrent pas d’augmentation des infections à HSV mais en 1998 une diminution de la prévalence d’HSV2 et d’HSV1 probablement liée à une amélioration de l’hygiène générale (Tableau 6). Cette tendance est à confirmer par des enquêtes sérologiques. Les japonais rapportent une très nette diminution de la fréquence des herpès génitaux et des autres MST en milieu rural entre 1973 et 1993. Cette observation est à confirmer par des études ultérieures portant sur des échantillons de sérums représentatifs de la démographie japonaise. Dans les pays de faible prévalence comme la Chine du Sud, l’Espagne, le Japon le nombre élevé d’adultes séronégatifs réceptifs constitue un risque élevé d’infections primaires, cliniquement sévères. Il existe une forte augmentation des primo manifestations génitales dues à HSV1 : à Seattle et en Grande-Bretagne, la proportion d’HSV1 peut atteindre 30 % et plus [21,22]. Cette augmentation s’est poursuivie en Grande-Bretagne [23] : en 1993–95 l’HSV1 génital chez l’homme était de 35 % et de 65 % chez la femme. Des publications récentes signalent cette augmentation de prévalence d’HSV1 génital en Thaïlande et en Espagne [24,25]. Si l’on se reporte aux informations que nous avons collectées dans le cadre de la surveillance de l’émergence de souches HSV résistantes à l’ACV, entre 1985 et 1996 la proportion d’HSV1 génital dans les services de gynécoobstétrique et dermato-vénérologie était de 45 à 53 %, et depuis 1999 de 36 % chez les immunocompétents. Chez les greffés immunodéprimés l’excrétion d’HSV1 dans la sphère urogénitale (correspondant à des réactivations) n’est que de 22 %. L’augmentation de la prévalence génitale d’HSV1 a été rapportée aux modifications du comportement sexuel, à l’exposition tardive à HSV1 en raison de l’amélioration de l’hygiène, de l’augmentation du niveau socio–économique, du recrutement particulier des cliniques de MST, de la fréquence des formes symptomatiques à HSV1. Cependant il est admis que les manifestations cliniques de la primoinfection génitale à HSV1 ne différent pas de celles d’HSV2, le taux de récurrence serait plus faible et la sévérité moindre. Il en résulte que la séroprévalence d’anticorps anti-HSV2 n’est plus équivalente à la prévalence des infections herpétiques génitales. Une surveillance s’impose donc pour évaluer l’impact d’HSV1 génital sur l’herpès néonatal, et les complications neurologiques.

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Il serait intéressant d’établir une corrélation entre la réduction de la prévalence de l’herpès, les mesures préventives et l’usage des antiviraux.

6. Herpès maternel L’herpès génital de la femme enceinte représente une entité particulière en raison du risque d’infection du nouveau-né et du fœtus. Le risque majeur provient de l’herpès génital primaire ou infection herpétique génitale initiale. La femme est donc séronégative. Les couples discordants (le partenaire est séropositif) sont les plus exposés. Le taux d’infection primaire génitale chez la femme enceinte a été évalué à 0,5 à 10 % par an [26]. Au CHU de Lyon, au cours du suivi de 6870 femmes de 1982 à 1985 le taux d’infection primaire a été évalué sur l’excrétion virale et la sérologie à 0,07 % et en 1998–99, sur les 10 000 femmes enceintes vues dans les maternités du CHU, il n’a été que de 0,014 %. Le taux d’infection récurrente est beaucoup plus élevé (1 % de la population), le risque de transmission essentiellement lié à l’accouchement n’est que de 2 à 5 % contre 50 à 75 % dans le cas d’infection primaire [4]. Le taux d’excrétion virale chez la mère, à la naissance varie de 0,01 à 0,39 % dans la littérature. Nous l’avons évalué au CHU de Lyon à 0,3 % en 1982–85 et 0,2 % en 1998–99 dont 80 % d’HSV2. Il semble que le taux d’excrétion asymptomatique chez la femme enceinte ou non varie de 0,6 à 3 %. Nous n’avons pas de données publiées pour la France mais nous avons fait des estimations (cf. Tableau 8) qu’il conviendrait de valider par des enquêtes appropriées.

7. Herpès néo-natal En réalité il doit exister une certaine protection du fœtus et du nouveau-né puisque le taux d’infectés à la naissance est de 1/2500 à 1/5000 naissances et 70 % de ces infections Tableau 8 Herpès de la femme enceinte (estimations CHU Lyon – France) Taux d’infections primaires

0,014 % à 0,07 % 105 à 525 cas attendus Transmission mère → enfant (50 %) Infection néonatale : 50 à 260 cas Nombre de femmes excrétant HSV 0,2 à 0,3 % 15 000 à 22 500 Transmission mère → nfant (2 %) Infection néonatale : 300 à 450 cas Nombre nouveau-nés infectés à 0,7 à 3,5/10 000 l’hôpital Calcul sur primo-infection Infection néonatale : 50 à 250 cas Calcul sur nombre excréteurs 2/10 000 Infection néonatale : 150 cas .

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sont survenues en l’absence d’histoire d’herpès génital ou de lésions reconnues [2]. Si l’on fait une estimation du risque en France d’après les données hospitalières de Lyon, avec un taux de primoinfection génitale de 1,4 à 7/10 000 et un risque de transmission au nouveau-né de 50 %, on peut attendre de 0,7 à 3,5 infections néonatales pour 10 000 naissances. Il est impossible de calculer le nombre d’infections néonatales dues à des infections génitales récurrentes ou asymptomatiques de la mère. Mais si l’on considère que sur 100 enfants parmi 10 000, suspects d’infection herpétique, et soumis à un diagnostic virologique incluant la PCR, seuls 2 % sont positifs, le nombre attendu d’infections néonatales serait de 2 pour 10 000 naissances soit environ 150 cas annuels (cf. Tableau 8). Une enquête par questionnaire auprès de 47 laboratoires de virologie et 434 services cliniques de pédiatrique et néonatalogie, portant sur 1998–1999 a permis d’évaluer à 3/100 000 (environ 20 cas annuels), les herpès néonataux, dont 2/3 sont dus à HSV1 et 1/3 à HSV2 [27]. L’atteinte grave du nouveau-né est un herpès généralisé (système nerveux central, foie, autres viscères) diagnostiqué dans le mois qui suit la naissance. Les chiffres de la littérature sont très variables, de 1/2500 à 1/100 000. D’après nos données, l’herpès généralisé atteindrait moins de 1 pour 20 000 naissances. Dans une enquête nationale rétrospective qui vient de s’achever, l’incidence de l’herpès néonatal a été évaluée à 1/35 000 [27]. Si HSV1 provoque chez le nouveau-né une pathologie identique à celle due à HSV2, l’augmentation de prévalence d’HSV1 génital ne devrait pas influer sur la sévérité de cette infection.

8. Herpès oculaire Les données de fréquence de la kératite herpétique sont anciennes [28]. En 1 an (1981–82) 142 herpès oculaires avaient été recensés en Bretagne ; si l’on rapporte ce chiffre à la population française et au nombre d’ophtalmologistes, on peut attendre 8500 à 25 000 cas/an en France. Les prévisions de GlaxoWellcome pour l’Europe en l’an 2000 donnent des chiffres six fois supérieurs. Les Tableaux 5a et b donnent le chiffre de 46 cas virologiquement prouvés dans les hôpitaux français chez les immunocompétents et 10 cas chez les immunodéficients, pour une période de 30 mois. Il serait possible d’évaluer plus précisément l’importance de l’herpès oculaire en relevant le nombre de collyre antiviraux vendus. C’est le virus HSV1 qui est le plus fréquent. Des récurrences oculaires annuelles ou multi-annuelles surviendraient chez environ 50 % des sujets.

9. Herpès respiratoire Les manifestations respiratoires classiquement associées à HSV sont les pharyngites et angines à HSV1 chez les étudiants [2]. La place de l’herpès, dans les maladies respiratoires autres, est peu importante mais son évaluation est difficile. 1. Si l’on recherche la fréquence de l’excrétion d’HSV au niveau nasopharyngé, dans le cadre de la surveillance virologique hivernale des infections respiratoires aiguës et syndromes grippaux dans la population générale (réseau GROG), HSV est exceptionnellement isolé. Le délai entre le prélèvement et son arrivée au laboratoire, malgré le milieu de transport, doit rendre le virus inapte à la multiplication. 2. Chez les sujets hospitalisés (de 1994 à 2000), HSV est détecté par la mise en culture systématique des prélèvements du Tractus Respiratoire Supérieur (TRS) et Inférieur (TRI) (lavages broncho-alvéolaires), tout au long de l’année. HSV a été isolé dans 2 à 5,3 % des cas, et il apparaît clairement que la survenue d’épidémies de grippe ou de VRS ou d’autres virus respiratoires n’a pas modifié le taux de prévalence d’HSV. 3. Dans le réseau de collecte des virus HSV mis en place en 1999, sur 30 mois, 314 sujets excrétaient HSV dans le tractus respiratoire dont 7 HSV2 (= 2,2 %) (cf. Tableaux 5a et b).

10. Herpès neuroméningé Les infections herpétiques du système nerveux central sont rares mais gravissimes par leur taux de mortalité et les séquelles en cas de survie. Les encéphalites herpétiques ont été chiffrées aux USA à 1 à 2 cas/million d’habitants [1] ; en Suède à 2 à 4/millions [29] ce qui représenterait pour la France 120 à 240 cas/an, majoritairement dus à la réactivation d’un herpès orolabial à HSV1. Les méningites à HSV2 représentent les complications de l’herpès génital primaire, surtout chez la femme. Depuis l’utilisation de l’amplification génomique (PCR) dans les liquides céphalorachidiens (1997) l’on a pu établir la fréquence des herpès neuroméningés pour la région Rhône-Alpes au CHU de Lyon [30] et proposer une estimation du nombre de cas nationaux (cf. Tableau 9). Ces chiffres sont peut-être sous-estimés, mais ils sont en accord avec l’estimation suédoise. Le pronostic des méningites est bon : pas de séquelles neurologiques, mais des récurrences peuvent survenir. Celui

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Tableau 9 Herpès du système nerveux central : estimations pour la France d’après les résultats du CHU de Lyon Encéphalites (2,33/million) (140 cas attendus par an)

Méningites (1,33/million) (80 cas attendus par an)

1/7 (Inf. primaire) 6/7 (Inf. récurrente) Oro-labial : HSV1 Tous âges : 1,3 F/H 30 % séquelles .

1/4 (Inf. primaire) 3/4 (Inf. récurrente) Génital : HSV2 25–37 ans : 3 F/H Pas de séquelles

Encéphalites : estimations Suède : 1984 : Skodelberg et al., Lancet, 2 à 4 millions d’habitants ; 1998 : Studahl et al., Scand. J. Inf. Dis., 2,9 millions d’habitants (1992 à 1996).

des encéphalites est mauvais : malgré un traitement précoce et prolongé 30 % de séquelles sont observées. Pour une bonne conduite du traitement il est probable que la quantification de la charge virale en HSV du LCR est utile. Mais à ce jour, la charge virale n’a pas de valeur pronostique de gravité.

11. Herpès et infection à VIH Il existe des interactions réciproques entre l’infection à VIH et les infections génitales à HSV, celles-ci sont un bon indicateur de MST. Dans une étude portant sur dix villes aux USA [31], il existe une forte association entre la présence d’ulcères génitaux herpétiques et la positivité de la sérologie HIV. Il n’est pas possible d’établir qui de l’infection à HSV ou du VIH précède l’autre. HSV facilite la transmission du VIH (déjà publié en 1994 [32] et rapporté en 1998 [33], aux USA). La PCR permet de détecter du VIH dans 50 % des ulcères génitaux lorsque la sérologie VIH est positive. Dans les lésions d’herpès, les agrégats de lymphocytes T CD4+ représentent une cible de choix pour le VIH et l’infection à HSV augmente l’immunodépression due à VIH. Par ailleurs l’infection VIH favorise l’excrétion d’HSV2 (65 % dans l’enquête de Bangui chez les femmes VIH séropositives versus 23 % chez les séronégatives [34], et la quantité de HSV excrétée est significativement supérieure. Ces données ont été confirmées en Ouganda en 1999, au Zimbabwe en 1998, en Thaïlande en 1999. L’infection à VIH augmente la fréquence, la sévérité (lésions extensives) et la durée (chronicité) des lésions herpétiques génitales. Une enquête à Amsterdam chez des femmes VIH + a évalué à 7,6 le risque relatif d’infection primaire génitale à HSV et à 8 le risque relatif d’herpès génital récurrent [35]. Il a par ailleurs été rapporté dès 1993 que les gènes d’HSV augmentent la transcription des gènes du VIH [36]. Il en résulte que la prévention et le traitement des infections et des récurrences d’herpès génital devraient réduire le risque d’infection par VIH et la gravité de son évolution. Et réciproquement, le traitement efficace du sida réduit le risque d’infection herpétique et sa gravité.

12. HSV et résistance aux antiviraux Le premier antiviral de faible toxicité (Aciclovir ou Zoviraxt) a été commercialisé en 1980 et assure un traitement efficace des infections à HSV. Depuis son utilisation n’a fait que croître, à la fois dans des indications thérapeutiques et prophylactiques. D’autres antiviraux ayant le même mécanisme d’action (Valaciclovir, Penciclovir, Famciclovir) mais des propriétés pharmacologiques différentes, ont été ensuite mis sur le marché. Des millions de traitements annuels sont ainsi consommés qui doivent exercer une forte pression de sélection de souches résistantes. C’est la résistance à l’Aciclovir (ACV – R) qui est, de loin, la plus fréquente et la plus étudiée. En effet in vitro et in vivo chez l’animal, des souches ACV – R ont été sélectionnées. Chez l’homme, au cours des essais cliniques, portant sur de grandes cohortes de patients, des souches d’HSV ACV – R ont été isolées, chez des immunocompétents et surtout des immunodéprimés [37]. Après avoir effectué le suivi de souches ACV – R dans le CHU de Lyon depuis 1987, nous avons mis en place en 1999 un réseau national de collecte de souches d’HSV pour détecter les souches ACV – R et en décrire l’épidémiologie [10]. Chez les patients immunocompétents l’apparition de résistance est rare = 0,3 % en France, 0,47 % en U.K. [38] 3 à 3,5 % aux U.S.A. [39]. Elle se voit 2 fois plus souvent dans l’herpès génital à HSV2 que dans l’herpès orolabial à HSV1 et n’est pas toujours associée à la résistance au traitement. Chez les immunodéprimés, le taux de résistance est beaucoup plus élevé = globalement 4 % des patients, mais ce chiffre varie beaucoup avec le type d’immunodépression : par ordre décroissant des greffes de moelle (12,5 %) à sida (3,7 %), greffes d’organes (2,7 %), hémopathies (2,6 %). Le taux de prévalence de souches ACV – R n’a pas augmenté entre 1987 et 1999. La résistance clinique est beaucoup plus fréquente chez les sujets atteints de sida que chez les greffés, probablement parce que ces derniers sont soumis à une prévention et un dépistage systématiques des infections herpétiques. Chez les immunodéprimés, les infections herpétiques sont souvent sévères, difficiles à contrôler ; la résistance clinique se

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traduit par un allongement du temps d’évolution et une aggravation des lésions ulcéreuses (extension et creusement). Les récurrences sont le plus souvent dues à des souches sensibles, car ce sont les souches d’infection initiale et la plupart des virus ACV – R n’ont pas la capacité de se réactiver. Le mécanisme de la résistance à l’ACV repose sur l’activité de deux enzymes virales : la Thymidine Kinase et l’ADN polymérase (ADN Pol), la résistance étant due à des mutations survenues dans les gènes codant pour ces enzymes. Les mutants TK déficients les plus fréquents, n’ont plus d’activité Thymidine Kinase, ils ont un pouvoir pathogène atténué du fait de leur incapacité à créer une infection latente et à se réactiver. Ils ne sont donc pas impliqués dans les formes récurrentes d’herpès. Cependant, parmi les nombreuses mutations rapportées, localisées tout le long du gène, et dont certaines ne sont que l’expression du polymorphisme génétique, d’autres mutations entraînent des substitutions d’acides aminés dans les sites conservés de la TK et sont la cause de la résistance [3]. Parmi ces mutations de résistance, une insertion ou une délétion d’un nucléotide en position 146 qui affecte la répétition de sept guanines et le cadre de lecture, donne un mutant ACV – R capable de réactiver à partir d’une infection latente [37]. Quant aux mutants TK altérée (TK alt), leur enzyme ne reconnaît plus l’ACV comme substrat mais elle peut encore phosphoryler la thymidine. Ils ont conservé toute leur pathogénicité, y compris leur aptitude à l’infection latente et à la réactivation. Les mutants ADN pol. sont beaucoup plus rares. Les quelques souches dont les gènes ont été séquencés présentent des substitutions ponctuelles sur un nucléotide, dans une région conservée, qui induisent une modification d’un acide aminé. Toutes ces analyses génétiques du support de la résistance des HSV aux antiviraux ont montré : 1. Le polymorphisme du gène TK, plus important pour HSV1 que pour HSV2. 2. La fréquence des mutations de ce gène dont le nombre n’est sans doute pas fini et dont les conséquences sur le pouvoir pathogène, et la réactivation sont variées. Ceci complique la détection génétique rapide des souches ACV – R et justifie le suivi épidémiologique moléculaire des souches résistantes in vitro et in vivo. 3. La résistance à l’ACV et produits dérivés amène a utiliser des antiviraux ayant un autre mécanisme d’action, en particulier le Foscarnett actif sur l’ADN pol. Il en résulte que les mutations ADN pol. peuvent être sélectionnées non seulement par l’ACV (rares) mais aussi par le Foscarnet (fréquentes). Leur analyse génétique est encore débutante.

13. Conclusions Les infections herpétiques atteignent des millions de personnes en France, mais leurs manifestations cliniques sont très variées dans leur présentation clinique et leur localisation. L’usage des méthodes génétiques de diagnostic (PCR) a mis clairement en évidence, les excrétions virales asymptomatiques dont les deux conséquences majeures sont : la transmission asymptomatique et le risque d’infection néonatale. Il a aussi permis de faire aisément le diagnostic d’encéphalites et de méningites par détection du génome dans le LCR ce qui devrait améliorer le pronostic de ces infections soumises à un traitement antiviral adapté et prolongé. Ces tests permettent aussi le diagnostic d’herpès dans des lésions ulcéreuses génitales ou buccales cliniquement mal reconnues, pour lesquelles la détection d’antigène et/ou la culture sont en défaut. Un meilleur diagnostic étiologique devrait améliorer la connaissance et le diagnostic clinique en particulier de l’herpès génital. La prévalence élevée d’HSV1 dans l’herpès génital aura sans doute des répercussions sur les conséquences de la transmission materno-foetale et peut être sur l’émergence de souches ACV – R. Une diminution de la prévalence des HSV (1 et 2) en France serait à confirmer ; on peut penser que cette tendance est associée à une amélioration de l’hygiène générale, une meilleure connaissance de l’herpès et de sa transmission, l’usage d’antiviraux efficaces et bien tolérés non seulement à titre thérapeutique, mais aussi préventif et, pour l’herpès labial, sans prescription. Cependant le réservoir de virus est très important et l’augmentation du nombre de sujets réceptifs comporte un risque épidémique et un risque de sévérité accrue chez les jeunes adultes par rapport à l’enfant. L’émergence de souches ACV – R est bien documentée, il est indispensable d’en poursuivre la surveillance, car bien qu’exceptionnelle la transmission de souche ACV – R à un sujet réceptif séronégatif a été observée, et toutes les souches ACV – R ne sont pas dépourvues de pouvoir pathogène. Quant aux souches d’HSV à ADN polymérase modifiée, les conséquences épidémiologiques n’en sont pas encore mesurées. L’usage extensif des antiviraux augmente la fréquence des formes asymptomatiques et réduit la quantité de virus excrété, mais elle ne réduit pas, au contraire, le nombre de contacts potentiellement contaminants … C’est encore une raison pour poursuivre la surveillance épidémiologique des infections herpétiques et pour continuer les recherches dans le domaine de la prévention vaccinale [20,40].

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