Article Neuroprotection
Érythropoïétine et neuroprotection Erythropoietin and neuroprotection A. Chatagner*, P. S. Hüppi, R. Ha-Vinh Leuchter, S. Sizonenko
Disponible en ligne sur
Service du développement et de la croissance, Département de l’enfant et de l’adolescence, Hôpitaux Universitaires de Genève, Suisse
www.sciencedirect.com
Summary Erythropoietin (Epo) has long been recognised for its role in the control of erythropoiesis and therefore in the treatment of anemia including anemia of prematurity. The erythropoietin receptor (Epo-R) though is expressed in many other organs including the CNS. This review focuses on the role of erythropoietin during the development of the CNS and its potential role as a neuroprotective agent. Epo-R is expressed in many different cellules of the CNS during development including neural progenitor cells, neurons, astrocytes and oligodendrocytes. In the event of hypoxia CNS cells respond with increase of erythropoietin release with subsequent stimulation of neurogenesis through Epo-R on neural progenitor cells. In an Epo-R knock-out model therefore cerebral development is severely impaired. In models of hypoxia-ischemia exogenous Epo has been shown to reduce lesion size and improve structural and functional recovery. Human studies are emerging using Epo as a neuroprotective agent both for the term infant with hypoxiaischemia as well as for the extremely preterm infant. © 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Résumé L’expression multi-tissulaire du récepteur de l’érythropoïétine (Epo-R) confère à celle-ci différentes activités qui viennent s’ajouter à celle de régulation de la production des globules rouges. Cette revue se focalise sur les fonctions de l’érythropoïétine (Epo) au cours du développement du cerveau ainsi que sur ses effets dans la neuroprotection. L’Epo-R est exprimée par différents types cellulaires dans le cerveau tels que les progéniteurs de cellules neurales (NPC), les astrocytes, les neurones, les oligodendrocytes. L’Epo est produite par les cellules résidentes du cerveau sous condition hypoxique et permet ainsi la prolifération des NPC et leur différentiation. Une atteinte du développement du cerveau avec des lésions cérébrales est observée chez des souris dont les gènes de l’Epo et de son récepteur sont manquants. Dans des modèles animaux expérimentaux d’hypoxie-ischémie (HI) ou d’attaque cérébrale, l’injection d’Epo réduit la taille de la lésion ainsi que les dommages. D’un point de vue clinique, les effets thérapeutiques de l’Epo semblent prometteurs mais demandent de plus amples investigations. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : Érythropoïétine, Développement cérébral, Neuroprotection
Abréviations Epo : érythropoïétine Epo-R : récepteur de l’érythropoïétine HI : Hypoxie-ischémie
* Auteur correspondant. e-mail :
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S78 © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2010;17:S78-S84
Érythropoïétine et neuroprotection
1. Introduction
3. Epo et développement embryonnaire
L’érythropoïétine (Epo) est une cytokine pléiotropique qui contient 165 amino-acides et a un poids moléculaire d’environ 30kDa. Elle a été longtemps cantonnée à son rôle régulateur dans l’érythropoïèse pensant qu’elle était exclusivement produite par le foie fœtal et le rein adulte. Les fonctions pléiotropiques de cette cytokine incluent la modulation de l’inflammation et de la réponse immunitaire, la régulation de l’hémodynamique et la vasoconstriction, la proangiogénèse en interagissant avec des facteurs de croissance vasculaires, la capacité de stimuler la mitose et la mobilité des cellules endothéliales. Plus récemment, l’Epo et son récepteur ont été identifiés dans d’autres tissus tels que le système nerveux central dans lequel ses fonctions sont moins bien décrites.
L’Epo et son récepteur sont présents au cours du développement du cerveau. L’expression de l’Epo et de son récepteur a été mise en évidence dans des régions spécifiques du cerveau embryonnaire et adulte chez le rat, le singe et l’homme. Elle varie au cours du développement. En effet, les travaux de Liu et al. ont montré que dans le cerveau de souris, l’expression du récepteur diminue de 100 fois après la naissance. De plus, Juul et al. ont mis en évidence chez l’homme une forte expression de l’Epo et de son récepteur dans les cellules neuroépithéliales indifférenciées de la zone périventriculaire à 5-6 semaines de gestation, expression qui augmente fortement ensuite dans la zone subventriculaire à 10 semaines [8]. L’examen du schéma de distribution de l’Epo et de l’Epo-R montre que l’Epo est majoritairement exprimé par les astrocytes alors que l’Epo-R se retrouve surtout au niveau des
2. Le récepteur de l’Epo Le récepteur de l’Epo (Epo-R) est un récepteur cytokinique de type I avec un seul domaine transmembranaire mais sans domaine à activité tyrosine kinase. En absence d’Epo, l’Epo-R peut former à la surface cellulaire un homodimère symétrique inactif. Le domaine cytoplasmique peut se lier à un membre de la famille des Janus tyrosine kinase (JAK). L’Epo va agir en se liant à cet homodimère, changeant ainsi sa conformation et permettant d’activer la fonction phosphorylante de JAK2. Au niveau des cellules progénitrices érythrocytaires, l’Epo agit en se fixant sur son récepteur conduisant à l’activation de JAK2 et des signaux de transduction STAT5, phosphoinositol 3-kinase (PI3) kinase et p38 « mitogen-activated protein kinase » (MAPK) [1,2]. Ce récepteur est également présent sur d’autres cellules répondant à l’Epo telles que les cellules endothéliales et les cellules neurales [3,4]. Dans les cellules neuronales, lors de l’interaction de l’Epo avec son récepteur, une activation JAK2/STAT5 et de la voie de signalisation du facteur nucléaire kappa B (NF – κB) est observée [5-7]. Il existe donc plusieurs voies de signalisation (fig. 1). Les mécanismes par lesquels la cellule va déterminer quelles voies elle utilisera, ne sont pas encore connus. Le type cellulaire, le statut métabolique de la cellule et la disponibilité du récepteur sont sans doute impliqués dans ce processus.
EPO
EPO-R
Extracellulaire
Cytoplasme p Jack2 Jack2
p
PI-3
SCH GRB2 SOS-1 STAT-5 p
NF-kB
p
p
PIP-3
RAS
AKT
RAF1
BAD
p65 IkB
p50 ERK 1/2
MAPK
BCL-xL
Caspases
Noyau p p
p50
p65
C-FOS Transcription
Figure 1. Illustration schématique des différentes voies de signalisation intracellulaires après interaction de l’Epo avec son récepteur. Epo active la phosphorylation de Jak2 après liaison sur son récepteur, va ainsi initialiser différentes voies de transduction au travers de protéines adaptatrices telles que Src « homology containing protein » (SHC), « growth factor receptor-binding protein 2 » (GRB2), « son of sevenless protein-1 » (SOS-1) et « phosphoinositol 3-kinase » (PI3-K). Les messagers issus de ces activations comprennent la G-protéine (RAS), « seine/threonine-specific kinase (RAF-1) », « p38 mitogen-activated protein kinase (MAPK »), « extracellular response-stimulated kinase (ERK1/2) », l’oncogène humain (C-Fos), la protéine kinase B (AKT), l’inducteur d’apoptose (BAD), la protéine anti-apoptotique (BCL-xL) et les caspases. D’autres signaux et captivateurs viennent s’ajouter à cela : l’activateur de transcription (STAT-5) et le facteur nucléaire kappa B (NF – κB). Toutes ces voies se retrouvent dans les cellules neurales.
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neurones. Cela a permis de suspecter d’éventuelles fonctions neurotrophiques de l’Epo au cours du développement. Cette hypothèse a été étayée par le fait que des souris dont les gènes de l’Epo et de l’Epo-R ont été supprimés, meurent au cours de l’embryogénèse en raison d’un défaut d’érythropoïèse mais aussi avec de graves lésions cérébrales. Ces embryons montrent une prolifération ralentie et une augmentation de la sensibilité au stress hypoxique [5]. L’expression de l’Epo et de son récepteur persiste dans le cerveau de l’adolescent et de l’adulte mais à un degré moindre. Elle semble être modulée par le biais de l’hypoxie inductible facteur-1 (HIF-1), facteur libéré lors d’un stress hypoxique. L’expression élevée de ces deux molécules au cours du développement embryonnaire a permis de leur conférer de nouveaux rôles non seulement d’un point de vue neurotrophique mais également neuroprotecteur.
4. Epo et neuroprotection Depuis une quinzaine d’années, l’Epo est également reconnue comme ayant des activités neuroprotectrices. En effet, plusieurs travaux ont mis en évidence une production autocrine d’Epo non seulement par les astrocytes mais également par les neurones lors de conditions de souffrance du tissu cérébral. Les travaux de Bernaudin et al. ont montré que le stress hypoxique augmente la production d’Epo par les cellules neuronales en culture [9]. Il a été également rapporté que le traitement de neurones en culture par l’Epo peut contrecarrer la mort cellulaire induite par le glutamate. Les effets neuroprotecteurs de l’Epo et de ses dérivés ont été démontrés dans des modèles adultes in vitro et in vivo mais aussi dans des études utilisant des modèles de lésions cérébrales en période néonatale. L’un des modèles le plus couramment utilisé est celui de l’hypoxie-ischémie (HI) ainsi que celui de l’occlusion de l’artère cérébrale moyenne pour l’attaque cérébrale. Chez le rat et la souris nouveau-nés, l’Epo injectée avant et/ou après une atteinte cérébrale réduit le volume de tissu lésé après HI [10-15] ainsi qu’après occlusion temporaire ou permanente de l’artère cérébrale moyenne [16-18]. L’Epo diminue également les dommages cérébraux induit par l’iboténate injecté en intracérébral dans le modèle d’excitoxicité cérébrale [19]. De nombreuses études montrent également une amélioration des aptitudes comportementales et cognitives des animaux ayant subi une atteinte cérébrale durant la période néonatale après traitement à l’Epo. En effet, les reflexes posturaux ainsi que les performances de traction sont améliorés, la négligence sensorielle est diminuée et la latence moyenne pour trouver la plate-forme cible durant le test du « water maze » de Morris est également réduite [13,20-23]. S80
Le degré de neuroprotection induit par l’Epo est fonction de l’espèce, de l’âge, de la nature de la lésion, du tissu, de la dose injectée ainsi que de l’intervalle entre les d’injections [24,25]. Pour la neuroprotection, les doses utilisées (1 000-30 000 U/ kg) sont de fortes doses en comparaison de celles utilisées pour traiter l’anémie (≤ 500 U/kg). Moins de 2 % d’une dose de 5 000 U/kg injectée en intraveineuse va traverser la barrière hémato encéphalique pour ensuite atteindre le cerveau avec un délai de 3 heures après injection [26,27]. Une étude plus récente de pharmacocinétique quantifiant l’Epo dans des cerveaux néonataux confirme que seule l’Epo systémique injectée à haute dose est détectable dans le cerveau [28]. D’autre part, alors que chez l’adulte de fortes doses d’Epo peuvent être associées à des effets secondaires tels qu’une atteinte rénale chronique ou un cancer, chez le prématuré, aucune de ces complications n’est associée à un traitement de longue durée à l’Epo. Le risque de rétinopathie du prématuré semble augmenter sous l’action proliférative de l’Epo sur les vaisseaux, mais plus de données sont nécessaires. Les traitements les plus efficaces que ce soit chez l’adulte ou le nouveau-né sont ceux administrés immédiatement après l’atteinte. Dans la majorité des études, l’évaluation des effets de l’Epo ne s’est faite que quelques jours après la lésion. Il serait intéressant d’avoir un suivi de plus longue durée après traitement à l’Epo. Dans notre laboratoire, nous avons donc choisi de tester les effets neuroprotecteurs d’un traitement chronique de l’Epo sur des ratons ayant subi une HI à 3 jours post-natal (P3). Ce modèle d’HI à P3 chez le raton conduit à une mort sélective des neurones au niveau des couches profondes IV, V et VI du cortex pariétal, cortex somatosensoriel inclus, à une altération de la myéline ainsi qu’à la formation d’une cicatrice gliale [29,30] (fig. 2). Ce schéma
Figure 2. Exemple de carte d’anisotropie fractionnelle obtenue par imagerie de résonnance magnétique (IRM) d’un rat à P25 ayant subi une hypoxie-ischémie (HI) à 3 jours de vie. Le cortex ipsilatéral montre une atrophie des couches profondes du cortex pariétal correspondant à une mort neuronale. Le cerveau présente une dissymétrie due à une atteinte de la substance blanche.
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EPO intrapéritonéal EPO intrapéritonéal de lésions cérébrales partage des 10U/g 5U/g similitudes avec celui observé chez le prématuré de 24-28 semaines. 6h P4 P5 P6 P7 P10 P12 P14 P17 P19 P21 Alors que la majorité des études menées jusqu’à maintenant ne se sont intéressées qu’à un traitement aigu à l’Epo avec une analyse consécutive de ses effets, nous avons opté P3 pour un traitement d’une durée de HI 3 semaines après HI (fig. 3) suivi P27 P25 d’une analyse à P25 par résonnance SEP Spectrométrie P3 IRM screening Histologie magnétique nucléaire, spectroscoP26 pie et imagerie, par histologie et Imagerie par enregistrements des potentiels Figure 3. Schéma du protocole du traitement chronique à l’érythropoïétine (Epo). somatosensoriels évoqués. Nous Les ratons subissent une hypoxie-ischémie (HI) à 3 jours de vie (P3). Un screening est effectué par IRM de façon à pourrons ainsi évaluer les effets de identifier les ratons ayant une atteinte cérébrale. Puis l’Epo est injectée pendant 3 semaines intrapéritonéalement à la dose de 10U/g/j pendant une semaine puis à la dose de 5U/g pendant deux semaines, trois fois par l’Epo d’un point de vue métabolisemaine. Les effets neuroprotecteurs de ce traitement sont alors étudiés par spectroscopie, par imagerie et par que, microstructurel et fonctionnel enregistrements des potentiels somatosensoriels évoqués (SEP) à P25, P26 et P27. de manière à déterminer si un traitement de longue durée est plus efficace qu’un traitement aigu sur la différenciation/survie des impliquées dans le développement cérébral. En culture, l’Epo progéniteurs neuronaux ayant migré dans le cortex lésé ainsi limite la libération de glutamate par les cellules granulaires que sur l’atteinte de la substance blanche. et protège les neurones hippocampaux. Cette protection des
5. Mécanismes d’action neuroprotectrice de l’Epo
Mécanismes d’action
Excitotoxicité
Inflammation Apoptose
Bien que les mécanismes moléculaires précis de l’Epo ne soient pas encore complètement connus, on sait que l’Epo peut agir à plusieurs niveaux. Cela peut inclure la génération de facteurs et de mécanismes anti-apoptotiques [6], la limitation du stress oxydatif [31] en activant les enzymes anti-oxydantes et en inhibant la peroxydation des lipides, l’inhibition de la production d’oxydes nitriques [32], la stimulation de l’angiogénèse [33], la modulation de la neurogénèse [34], la réduction de la toxicité du glutamate [35] et la réduction de l’inflammation [36] (fig. 4). Plusieurs études ont révélé que les effets anti-apoptotiques de l’Epo sur des cellules non-neuronales passeraient par l’activation de Jak2, permettant la phosphorylation de Stat5 et d’augmenter ainsi l’expression des gènes anti-apoptotiques [37]. Jak2 et Stat5 sont exprimés dans diverses régions du cerveau telles que le cortex, l’hippocampe et le striatum durant la période embryonnaire et postnatale, suggérant que ces protéines kinases pourraient être
Maturation oligodendrocytaire
Stress oxidatif Angiogénèse
Neurogénèse
Erythropoïétine
Taille d’infarctus
Progression ROP
Cognition
Déficit neurologique Effets cliniques
Figure 4. Mécanismes potentiels d’actions neuroprotectrices de l’Epo et effets cliniques observés. Les mécanismes potentiels d’action de l’Epo conduisant un effet neuroprotecteur passent par l’inhibition de l’apoptose en inhibant la formation de la caspase 3 et la libération du cytochrome c, par des effets anti-inflammatoires, par une diminution du stress oxydatif, par une stimulation de l’angiogénèse, par une modulation de la neurogénèse, par une réduction de la toxicité du glutamate et par la stimulation de la maturation des oligodendrocytes. Ces mécanismes permettront de conduire à une réduction de la taille de l’infarctus, à une amélioration du déficit neurologique et de la cognition et un ralentissement de la progression de la rétinopathie des prématurés (ROP).
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neurones de l’hippocampe suite à une atteinte ischémique est possible par l’activation de Jak2. Cela empêche de la même manière la mort des neurones corticaux en ciblant l’interaction de Jak2 et de NF – κB [6]. Il a été démontré que ces activations pouvaient être aussi observées dans des cerveaux post-nataux ayant subi une ischémie focale cérébrale. En effet, de l’Epo exogène à 1 000 U/kg permet l’activation des protéines Jak2 et Stat5 ainsi que l’activation du gène antiapoptique Bcl-xL dans le cortex lésé de rats nouveau-nés, 1 et 3 jours après ischémie focale cérébrale [18]. Les mécanismes anti-apoptotiques passent donc par l’activation des voies de signalisation ERK-1/2 et AKT puis par une phosphorylation de Bad. Cela permet de maintenir le potentiel de membrane mitochondrial, d’empêcher la libération du cytochrome c ainsi que diminuer l’activité des caspases 1, 3, 8 [38]. L’inhibition d’AKT réduit partiellement les effets neuroprotecteurs de l’Epo suggérant l’implication d’autres voies de signalisation dans la neuroprotection par l’Epo. En plus des mécanismes de protection, l’Epo réduit également l’atteinte neuronale en stimulant la régénération des neurones. Des études in vitro ont démontré que la production de cellules progénitrices neuronales à partir de progéniteurs pluripotents était stimulée par l’Epo [34]. De plus, l’Epo stimule la différenciation neuronale in vitro à partir de progéniteurs issus de la zone sous-ventriculaire [39]. Il a été également démontré dans un modèle néonatal d’HI que l’Epo stimulait la neurogénèse dans la zone sous ventriculaire ainsi que la migration des cellules progénitrices neuronales dans le cortex lésé et le striatum [40]. L’une des atteintes cérébrales la plus commune affectant les enfants nés prématurément est la leucomalacie périventriculaire, caractérisée par des lésions de la substance blanche supérieure et latérale aux ventricules [41,42]. Le cerveau du prématuré humain à 24-32 semaines de gestation est fortement susceptible d’être atteint d’une leucomalacie périventriculaire car cette période correspondant à la présence des précurseurs oligodendrocytaires. En effet, le préoligodendrocyte est en mitose et sa maturation ainsi que sa survie sont influencées par la microglie et les astrocytes [43]. Le pré-oligodendrocyte est relativement sensible à différents types d’atteintes, plus particulièrement à celle libérant des radicaux libres. L’Epo-R est exprimé par les oligodendrocytes immatures de type O4. Le traitement à l’Epo recombinante ou encore la co-culture de ces cellules avec des astrocytes augmente la maturation des oligodendrocytes [44]. Cet effet est inhibé par l’ajout d’un anticorps anti-Epo et /ou d’un récepteur soluble de l’Epo, suggérant que la libération d’Epo par les astrocytes permet la différentiation des oligodendrocytes préservant ainsi la substance blanche [45,46]. S82
6. Études cliniques EPO et neuroprotection Les études cliniques chez le nouveau-né avec l’Epo comme substance neuroprotectrice sont encore limitées. Les premiers résultats publiés se concentrent sur les analyses des effets à long terme d’une exposition à l’Epo dans des études destinées à étudier son effet hématopoïétique chez le prématuré plutôt que son effet neuroprotecteur. Les résultats obtenus par ces analyses posthoc [47,48] ne montrent pas d’effets bénéfiques clairs. En même temps une étude à nouveau avec analyse post-hoc a montré une association entre des hautes doses d’Epo et la progression de la rétinopathie du prématuré [49]. Une étude récente mais très préliminaire en raison du petit nombre de prématurés inclus a pu montrer que les prématurés avec des taux sérique élevés d’Epo en période néonatale avait un meilleur score de MDI à l’âge de 18-22mois [50]. Ce résultat est soutenu par une autre étude plus grande, mais avec un suivi d’uniquement 22 % de la cohorte initiale, ou des doses cumulatives dans les 6 premières semaines de vie chez des prématurés étaient associées avec un MDI plus haut à 12 mois. Les autres facteurs également associés avec un MDI à 12 mois plus haut étaient le sexe féminin, les stéroïdes anténataux et l’alimentation par lait maternel. Ces résultats montrent la nécessité de faire des études prospectives randomisées avec l’effet neurodéveloppemental comme cible primaire. Une telle étude vient d’être publiée chez des nouveau-nés à terme avec encéphalopathie ischémique conduite en Chine avec une réduction de décès ou handicap sévère chez les nouveau-nés traités par des doses d’Epo pendant les 2 premières semaines de vie [51]. Des études prospectives sont en cours pour démontrer l’effet neuroprotecteur chez le prématuré et les premiers résultats de faisabilité et sécurité ont été faits. Les dosages pour obtenir des taux sériques neuroprotecteurs ont été obtenus par des doses de 500, 1 000, 2 500 U/kg à 24 heures d’intervalle dans les 3 premiers jours de vie chez des prématurés. Ces dosages n’ont pas changé la mortalité ni la morbidité définie par des incidences d’hémorragie intraventriculaire, leucomalacie périventriculaire, rétinopathie, entérocolite et PDA [52]. Des résultats similaires ont été obtenus par une étude de sécurité en Suisse [53], dans le but de préparer l’étude multicentrique suisse actuellement en cours.
7. Conclusion La protection du cerveau en développement devra se faire par des mécanismes spécifiques qui prennent en compte la vulnérabilité du cerveau en développement. L’Epo est une substance intéressante car elle agit sur des mécanismes de
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lésions aiguës et en même temps elle semble avoir des effets sur la plasticité développementale. L’évaluation séparée de ces effets sur des bases neurostructurelles et neurofonctionelles vont déterminer l’utilisation optimale de ce neuroprotecteur. Conflit d’intérêt
Aucun.
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