Escherichia coli : la résistance aux antibiotiques en question

Escherichia coli : la résistance aux antibiotiques en question

Actualités pharmaceutiques Ř n° 508 Ř Septembre 2011 actualités 8 Santé publique Escherichia coli : la résistance aux antibiotiques en question Ac...

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Actualités pharmaceutiques Ř n° 508 Ř Septembre 2011

actualités 8

Santé publique

Escherichia coli : la résistance aux antibiotiques en question

Actualités pharmaceutiques :

Escherichia coli (E. coli) a la réputation d’être sans danger pour l’homme. Qu’en est-il ? Sylvie Rogez1 : E. coli est une entérobactérie commensale du tube digestif de l’homme et des animaux à sang chaud. Présente en grande quantité dans les selles chez l’adulte, elle joue un rôle bénéfique, participant à la digestion et luttant contre l’implantation d’autres bactéries pathogènes. AP : E. coli est connue pour être

sensible aux antibiotiques. Qu’en est-il aujourd’hui ? SR : Cette bactérie naturellement très sensible à de nombreux antibiotiques, est cependant capable d’acquérir aisément des résistances au contact d’autres bactéries elles-mêmes résistantes. Ainsi, au moins 30 à 50 % des souches résisteraient à l’ampicilline, 15 % au cotrimoxazole et 30 % aux tétracyclines. En 2010, des souches multi-

résistantes à l’ensemble des antibiotiques ont été mises en évidence en Inde. De telles souches sont aussi couramment rencontrées en Grèce ou Israël. Elles peuvent émerger par sélection après emploi inconsidéré d’antibiotiques aussi bien chez l’homme que chez l’animal d’élevage.

la surface des cellules intestinales, réalisant un biofilm muqueux. Certaines d’entre elles sont alors capables de libérer une toxine. Notons que la souche O104 :H4, à l’origine de nombreux décès, semble combiner les deux caractéristiques (entérohémorragie et entéro-agrégation).

une bactérie particulièrement pathogène peut ainsi émerger. Si, en plus, elle est devenue résistante à de nombreux antibiotiques, elle pose un vrai problème de santé publique. Ceci doit faire réfléchir et entraîner une utilisation maîtrisée des antibiotiques. 

AP : Comment en est-on

AP : Faut-il avoir peur des

Docteur en pharmacie, Argentat (19)

Propos recueillis par Yannick Frullani

arrivé aux souches entérohémorragiques ? SR : E. coli est connue depuis longtemps pour être à l’origine de cystites. Ce n’est que récemment qu’on lui a reconnu un rôle dans les infections intestinales et que les mécanismes en cause ont été élucidés. Dans les pays en développement, cette bactérie constitue la deuxième cause des infections intestinales graves du jeune enfant, souvent à l’origine de décès. Divers mécanismes ont été décrits à propos des souches entérohémorragiques. Deux d’entre elles ont été impliquées dans les récents événements. Concernant la souche O157 :H7, le mécanisme est le suivant : les bactéries adhèrent aux cellules, entraînent des modifications de la structure cellulaire, puis sécrètent des shigatoxines qui agissent d’abord localement avant de diffuser dans l’organisme, entraînant des atteintes secondaires organiques (rein). Ces souches sont fréquemment trouvées chez les bovins. C’est pourquoi il est possible de se contaminer en mangeant du bœuf mal cuit. D’autres, souvent moins pathogènes, sont dites entéro-agrégatives : les bactéries s’agrègent entre elles et se disposent à

bactéries ?

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SR : Les bactéries ont des

Note

facultés d’adaptation très importantes via des transferts de gènes. De temps en temps,

1. Sylvie Rogez est professeur des universités, praticien hospitalier, dans le service de microbiologie du Centre hospitalier universitaire de Limoges (87).

© Fotolia.com/ggw

Escherichia coli, hébergée naturellement dans l’intestin de l’homme, lui est bénéfique. Pourtant, certaines souches produisent des shigatoxines responsables du syndrome hémolytique et urémique qui a alimenté une récente actualité. Décryptage avec Sylvie Rogez, du service de microbiologie du CHU de Limoges (87).

Le parcours meurtrier d’E. coli Le 26 mai 2011, les autorités allemandes annoncent la survenue d’une épidémie liée à une intoxication à Escherichia coli (E. coli) entérohémorragique, productrice de shigatoxines. Le 27, E. coli O 104 : H4 est désignée. Le 3 juin, outre-Rhin, les autorités sanitaires recommandent d’éviter la consommation de concombres, tomates et salades vertes mais le 8, une autre source est envisagée : les graines germées. Le 10 juin, les autorités allemandes affirment que la source de ces toxi-infections alimentaires (TIAC) est la consommation de graines germées infestées par des bactéries E. coli entérohémorragiques du sérogroupe O 104 : H4. Le 14 juin, cinq cas de syndrome hémolytique et urémique (SHU), responsable de diarrhées sanglantes, sont signalés à Lille (59), en lien avec la consommation de steaks hachés. Le 16 juin, E. coli du sérogroupe O 157 est incriminée. Le 28 juin, deux cas de SHU surviennent à Bordeaux (34) après, semble-t-il, que les patients concernés aient consommé des graines germées. Enfin, le 5 juillet, l’Agence européenne de sécurité alimentaire affirme que les cas de SHU survenus en Allemagne et en France sont en relation avec la consommation de graines de fenugrec importées d’Égypte en 2009. Au total, les cas de SHU liés à la bactérie E. coli de sérogroupe O 104 : H4 ont provoqué une cinquantaine de décès en Allemagne et en Suède, alors que E. coli O 157 est à l’origine, dans le nord de la France, de l’hospitalisation de dix enfants âgés de 20 mois à huit ans. Y. F.