JMV—Journal de Médecine Vasculaire (2017) 42, 392—394
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LETTRE À LA RÉDACTION
Étude descriptive de l’imprégnation hormonale naturelle et artificielle chez les patientes atteintes de dysplasie fibromusculaire
n’a été trouvée chez les patients contrôles. L’expression du récepteur estrogène n’a pas été retrouvée dans les deux groupes. L’objectif de ce travail était de décrire la prévalence de l’imprégnation hormonale naturelle et artificielle dans une cohorte monocentrique de femmes atteintes de DFM.
Fibromuscular dysplasia exposes to early natural impregnation with progesterone
Méthode
MOTS CLÉS Dysplasie fibromusculaire ; Progestérone ; Traitement hormonal
KEYWORDS Fibromuscular dysplasia; Progesterone; Hormonal therapy
Introduction L’étiologie de la dysplasie fibromusculaire (DFM) semble multifactorielle. Plusieurs hypothèses ont été proposées : génétique, hormonale, environnementale [1,2]. La prédominance féminine avec un sex-ratio de 9 pour 1 est en faveur d’une origine hormonale. Les expressions cliniques de cette maladie varient aussi selon le sexe : les femmes avec DFM ont plus souvent des céphalées, des cervicalgies, des sensations de pulsatilité cervicale alors que les hommes présentent plus fréquemment une dissection artérielle rénale, un infarctus ou un anévrysme [3]. Notre équipe a démontré la présence de récepteurs hormonaux dans la paroi des artères dysplasiques [4] : une expression des récepteurs de la progestérone se retrouvait dans les noyaux des cellules musculaires lisses chez des patients atteints de DFM (quatre femmes et un homme inclus) alors qu’aucune expression http://dx.doi.org/10.1016/j.jdmv.2017.09.001 eserv´ es. 2542-4513/© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´
Quatre-vingt-douze femmes atteintes de DFM et suivies dans le centre de compétence des maladies vasculaires rares au CHU Timone à Marseille ont été contactées téléphoniquement. Après recueil du consentement oral, des questions d’ordre général sur la DFM et spécifiques à l’imprégnation hormonale étaient posées et les réponses étaient directement saisies anonymement par l’intermédiaire d’un formulaire Google Drive sur un tableur type Excel.
Résultats Population Sur les 92 patientes, 62 ont accepté de participer à l’étude. L’âge moyen était de 59,5 ans à l’inclusion et de 52,6 ans à la découverte de la DFM. Quatre-vingt-quinze pour cent avaient une hypertension artérielle au moment du diagnostic, 47 % étaient tabagiques et 46 % présentaient des céphalées récurrentes. Les localisations des atteintes artérielles étaient : rénales (n = 62 ; 100 %), carotidiennes (n = 26 ; 42 %), vertébrales (n = 7 ; 11 %), iliaques (n = 5 ; 8 %) et digestives (n = 4 ; 6 %).
Imprégnation hormonale physiologique L’âge moyen des premières règles était de 13 ans (IC 95, [11,29—14,71]). Les patientes présentaient des cycles réguliers suivant la ménarche, en l’absence de traitement hormonal, dans 72 % des cas. Le nombre moyen de grossesses était de 2,69 (IC 95, [0,98—4,28]), avec des grossesses spontanées sans aide médicale dans 88 % des cas. Les patientes avaient en moyenne 1,74 enfant par femmes (IC 95, [1,74—2,9]).
Lettre à la rédaction
Imprégnation hormonale artificielle L’âge moyen du début de la prise de pilule contraceptive (estroprogestative ou progestative) était de 21 ans (IC 95, [14,4—27,6]). Vingt-cinq pour cent ne l’avaient pas prise avant 35 ans et 19 % n’avaient jamais pris de pilule. La durée moyenne d’exposition était de 11,4 ans (IC 95, [2,1—20,7]). La prise d’un traitement hormonal substitutif était retrouvée chez 27 % des patientes avec une durée moyenne de prise de 6,4 ans (IC 95, [0,3—12,7]). Aucune patiente n’avait pris de traitement entre 48 et 52 ans et 25 % entre 60 et 64 ans. La durée moyenne d’exposition à un traitement hormonal contraceptif ou substitutif était de 11 ans sur la totalité de la population (IC 95, [1,2—20,8]).
393 que nous évoquons est que la DFM serait une maladie génétique permettant l’expression de récepteurs à la progestérone dont l’activation dépendrait de l’intensité de l’exposition hormonale, entraînant des malformations histologiques et macroscopiques. La progestérone semble être une hormone impliquée dans l’altération des fibres élastiques, la baisse de la synthèse de collagène et la fragilité de la média des artères notamment lors de la grossesse, ce qui expose au risque de dissection spontanée des artères coronaires [8]. Les résultats de cette étude tendent à faire supposer que l’exposition hormonale naturelle à la progestérone serait plus importante que chez les patientes exemptes de DFM.
Conclusion Discussion Nous retrouvons que 72 % des femmes suivies pour DFM dans notre centre rapportent des cycles réguliers suivant la ménarche sans prise de traitement hormonal. Ce résultat est plus élevé qu’en population générale pour laquelle on retrouve 50 à 80 % de cycles irréguliers, allant même parfois dans certaines études à une incidence de 95 % [5]. Cette irrégularité des premiers mois de cycle observée est classique et est secondaire à l’immaturité naturelle de l’axe gonadotrope. L’âge de début des règles (12,8 ans dans notre étude) est lui similaire à la population générale qui d’après une étude de (Institut national d’études démographiques) survient entre 11 et 14 ans [6]. L’exposition hormonale artificielle de notre population semble identique à l’exposition de la population générale. Le baromètre santé 2010 de l’INPES montre que 71 % des femmes prennent la pilule avant 35 ans, 75 % dans notre étude dans cette moyenne d’âge [7]. Nous pouvons supposer qu’une femme ayant des cycles réguliers de 28 jours aura une imprégnation en progestérone plus importante que celle qui a des cycles irréguliers plus longs. En effet, lors d’un cycle régulier normal (28 jours), une sécrétion de progestérone se produit dans la deuxième moitié du cycle pendant 12 jours, il s’agit de la phase lutéale. Cette phase présente toujours la même durée contrairement à la phase folliculaire qui peut varier. Nous pouvons supposer que la population de patientes présentant une DFM dans notre cohorte a été exposée plus régulièrement et ceux dès le début de la ménarche à une imprégnation hormonale naturelle progestative que la population générale. Nous pouvons supposer que les patientes de notre cohorte ont été exposées plus régulièrement, dès le début de la ménarche, à une imprégnation hormonale naturelle progestative comparativement à la population générale. Nous avons montré que la paroi artérielle des artères rénales des patients dysplasiques exprimée de fac ¸on très intense le récepteur à la progestérone au niveau des cellules musculaires lisses comparativement à la paroi de sujets sans dysplasie qui n’exprime pas ce récepteur [4]. Chez les patients présentant une DFM des artères rénales, en comparaison à des sujets contrôles sans DFM, nous avions précédemment mis en évidence une expression du récepteur à la progestérone au niveau des cellules musculaires lisses artérielles rénales. L’hypothèse physiopathologique
Notre cohorte féminine atteinte de DFM présente des cycles hormonaux plus réguliers dans la période suivant la ménarche que les femmes de la population générale au même âge. Cette régularité de cycle expose potentiellement à une imprégnation hormonale progestative naturelle plus importante et plus précoce lors des phases lutéales par rapport aux femmes dysovulantes. L’exposition hormonale aux estrogènes et progestatifs de synthèse de nos patientes ne semble pas supérieure à celle de la population générale. Ces résultats préliminaires sont à confirmer par des études de plus grande envergure.
Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
Références [1] Olin JW, Froehlich J, Gu X, Bacharach JM, Eagle K, Gray BH, et al. The United States registry for fibromuscular dysplasia: results in the first 447 patients. Circulation 2012;125:3182—90. [2] Olin JW. Fibromuscular dysplasia: State of the science and critical unanswered questions. Circulation 2014;129:1048—78. [3] Kim ES, Olin JW, Froehlich JB, Gu X, Bacharach JM, Gray BH, et al. Clinical manifestations of fibromuscular dysplasia vary by patient sex: a report of the United States registry for fibromuscular dysplasia. J Am Coll Cardiol 2013;62:2026—8. [4] Silhol F, Sarlon-Bartoli G, Daniel L, Bartoli JM, Cohen S, Lepidi H, et al. Intranuclear expression of progesterone receptors in smooth muscle cells of renovascular fibromuscular dysplasia: a pilot study. Ann Vasc Surg 2015;29:830—5. [5] Jacot-Guillarmod M, Renteria SC. [Menstrual disorders in adolescents: commonplace or worrisome?]. Rev Med Suisse 2010;6:1236—8 [1240—1]. [6] L’âge aux premières règles. Fiche pédagogique. Institut national d’études démographiques. 2014. [7] Baromètre santé 2010 INPES. [8] Yip A, Saw J. Spontaneous coronary artery dissection — A review. Cardiovasc Diagn Ther 2015;5:37—48.
F. Silhol a W. Radix a B. Courbières b,c D. Cornand a B. Vaïsse a G. Sarlon-Bartoli a,∗
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Lettre à la rédaction a
Unité d’hypertension artérielle et de médecine vasculaire, U1062, hôpital de la Timone, faculté de médecine de Marseille, Aix-Marseille université, Assistance publique—Hôpitaux de Marseille, 264, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille cedex 05, France b Pôle Femmes-Parents-Enfants, AP—HM La-Conception, 13005 Marseille, France c CNRS, IRD, IMBE UMR 7263, Aix-Marseille université, Avignon université, 13397 Marseille, France
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Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (G. Sarlon-Bartoli) Rec ¸u le 20 avril 2017 Accepté le 17 septembre 2017 Disponible sur Internet le 6 novembre 2017