Neuropsychologia,
1971, Vol. 9,pp. 1 to
ETUDE
c13 Pergamon Press. Printed
in England
EXPERIMENTALE DE LA VITESSE DU GESTE GRAPHIQUE F. MICHEL*
Equipe de recherche associ& du C,N,R.S,, Laboratoire
de Psychaphysiologie,
1, rue Raulin, Lyon 7e, 69
(Received 22 July 1970) IUm&-Ce travail propose une technique pour enregistrer la vitesse en Xet en Y de la pointe du sty10 au cows de Writure manuscrite. La mbnique de base du mouvement graphique et en particulier les relations entre l’amplitude de 1’6criture et la vitesse d’ex6cution (instantan& et moyenne) ont et6 p&&&s. En inttgrant les vitesses, il est possible de connaftre les dbplacements en Xet en Y, de les stocker sur bande magnetique, de reproduire I’Qcriture sur &ran cathodique ou table X. Y. et de la traiter sur ordinateur. Cette technique permet done une analyse quantitative du trace manuscrit en fonction du temps. Elle est un outil eventuel pour Ktude des coordinations sensori-matrices au tours du geste graphique. Elle permet aussi Writure A distance ou & retardement. EIle pourrait faciliter enfin les etudes de synth6se de I’titure, A GE jour, peu rimentaux sont
de physiologistes se sont int6ressks au geste graphique. Les travaux exp& surtout l’oeuvre de midecins [l], de psychologues [2, 31, d’informaticiens [4] et surtout de graphologues 151. Mais les graphologues classiques sont avant tout des skmtiologistes; ils proposent des interprktations d’un ensemble de signes dont ils ont fait l’inventaire par simple observation. Pour que I’estimation des param&res observables soit moins subjective, certains graphologues, qui se r&Aament d’une tendance dite graphomktrique, s’effurcent A une certaine quantification en s’aidant d’outils simples comme la loupe, la rcgle, le compas, le chronom&tre, 6ventuellement le film. Cette quantification reste encore approximative puisque les grandeurs sont distribuks en cinq ou sept classes dans les systsmes propos6s [6-73. I1 faut signaler cependant des &udes expkimentales assez prkises de la pression [8], de la proportion relative des temps de contact et de non-contact de la plume avec le papier [9-IO], de la vitesse moyenne [l l-1 31. Mais la vitesse instantanbe du geste graphique reste un paramittre encore mystkrieux n’ayant suscite que peu de travaux [14, 151 sans doute parce que c’est un param&re difficile &enregistrer. Nous dkivons dans ce travail une technique [16] qui permet d’enregistrer le param&e vitesse instantanke de la pointe du stylo dans les axes Xet Y. En indgrant la fonction vitesse, il est possible de connaitre le dkplacement tant dans l’axe des Xque dans l’axe des Y. I1 sera alors possible d’en deduire hauteur, largeur, inclinaison, angularite, longueur du deplacement horizontal ou vertical, etc . . l
* Maitre de recherche au C.N.R.S.
F.
MICHEL
Cette methode permettra done de quantifier l’information contenue dans un trace manuscrit. Ce travail pourrait tventuellement ttre fait par un lecteur optique, mais notre technique a l’avantage de fournir les donnees en fonction du temps. Ce n’est cependant pas la differentiation quantitative des Ccritures qui fait I’objet du present travail. Nous avons plutot cherche a trouver la mecanique de base commune a tous les gestes graphiques Clementaires. TECHNIQUE Le sujet &it sur une feuille de papier ordinaire appliqute sur une plaque qui contient deux bobines d’induction perpendiculaires (Fig. l), realis& par l’enroulement autour d’un cadre en mat&au magnetique (30 x 30 x 1 cm) de fil de cuivre &mail16(0,25 mm de diametre). Un aimant cylindrique est inclus dans le corps du stylo, le plus pres possible de la pointe. Le deplacement relatif de l’aimant par rapport a la bobine induit une tension definie par la formule de Laplace: e=BLv (B depend de l’aimant, L de la geometric de la bobine, v &ant la vitesse relative de deplacement). Dans nos conditions exp&imentales, une vitesse de 15 cm/w. induit une force Bectromotrice de 10 m.V. La tension induite est amplifi6e par deux amplificateurs differentiels B courant continu et lue sur oscilloscope cathodique (Tektronix 502 A), mise en memoire sur enregistreur magnetique a modulation de fn+quence (Ampex SP 300).
FIG. 1. Montage experimental: le flux magnetique de l’aimant inclus dans le corps du stylo induit dans deux bobinages perpendiculaires des tensions proportionnelles aux vitesses de d&placement dans les axes horizontal et vertical. Ces tensions peuvent Qtre integr6es pour obtenir le deplacement ou d&+&s pour obtenir l’acc&ration. Lecture sur oscilloscope ou sur table X. Y.
Cette tension proportionnelle ii la vitesse peut &tre integree pour obtenir l’espace, ou dertvb pour obtenir l’acc&%ation. Les operations sont effect&es par des amplificateurs operationnels. Si on op&e en Lissajou sur I’oscilloscope en injectant sur les plaques les tensions proportionnelles a respace en X et en Y, on retrouve le graphisme original (Fig. 2). Des deplacements de 0,2 mm de la pointe du stylo sont clairement enregistres avec notre appareillage experimental. Cette sensibilite est stisante pour notre sujet d’etude, mais pourrait 6tre aisement amelior&e en utilisant des aimants plus forts et un bobinage plus serre.
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FIG. 2. Le sujet kit “le chat et la souris”. Si on injecte en X et en Y les tensions representant les deplacements horizontal et vertical (integrales des vitesses en X et en Y) et qu’on optre en Lissajou, on retrouve sur l’kcran de I’oscilloscope le trace original. II faut noter que tout le geste graphique s’inscrit sur l’kcran, meme le trace qui ne s’inscrit pas sur le papier lorsque le sujet l&e la plume.
Avec notre technique dint&ration, la derive en temperature est de 0,5 mm/minute, ce qui n’amene pratiquement pas de distorsion pour une tlche d’kcriture de quelques minutes. Nous mettons actuellement au point un circuit electronique qui donnera la vitesse absolue, sur la trajectoire, a patir des vitesses en X et en Y. En integrant cette vitesse absolue, on pourra done obtenir la longueur du fil graphique (non seulement ce qui est &it, mais aussi les gestes qui ne s’inscrivent pas, quand la plume est levee, lors des transitions d’un mot a l’autre par exemple). Cette technique experimentale presente cependant un inconvenient: des variations d’inclinaison ou de rotation du corps du stylo induisent des tensions “parasites” (c’est-a-dire pour notre propos, non causees par un deplacement de la pointe du stylo). Mais ces tensions “parasites” sont proportionnellement minimes par rapport aux tensions induites par le d&placement de la plume, et sont a peu pres negligeables. Dix sujets seulement ont CtBenregistres, tous appartenant au milieu universitaire (Ctudiants, chercheurs, enseignants) et done ayant un entrainement et une aisance graphiques sans doute superieurs a ceux de la population moyenne. Il s’ensuit que ce travail n’a pas de valeur de reference-quant aux chiffres-pour un travail de psychologie differentielle. Notre propos Btait d’abord de comprendre la mkcanique de base qui sous-tend le geste d’ecrire. Les chiffres don& n’ont de valeur qu’indicative, mais nous nous proposons de les pnkiser sur une population plus grande avec l’aide de calculateurs, sans lesquels un travail de quantification est difficilement possible.
RESU LTATS Trace’ d’un trait simple
L’enregistrement de la vitesse au tours du trace spontane’ d’un trait simple (Fig. 3), de longueur libre (environ 1 cm), horizontal ou vertical, montre successivement : de 0 a A, un premier temps d’accekation brutale (vitesse tr&s rapidement croissante). 11 est probable que la force appliquee du crayon au moment oh elle depasse la force du frottement entraine un demarrage brusque, done une vitesse tres rapidement croissante. En effet, cet element d’acceleration brusque est moins net si le sujet tcrit sur une surface t&s glissante.
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-10
0
I 50
100
i50
‘1
ms
FIG. 3. Le sujet a trach 3 traits verticaux de longueur approximativement &gale a 1 cm. On note que I’exkcution se rkalise par un temps d’acct%ration, suivi d’un temps de dtWkration (voir in texte). En abcisse, le temps en millisecondes; en ordonnke, la vitesse instantanke en cm/set.
en A, un brusque ressaut signale un ralentissement qui laisse a penser que la force du frottement est de nouveau assez importante pour freiner le glissement de la pointe du crayon. de A en B, la vitesse croit jusqu’g un maximum en B, puis, de B en C, la vitesse dtcroit plus lentement jusqu’g l’arr&t du crayon en C. En tours de route, on dCcble des variations minimes de la vitesse qui, lorsqu’elles sont relativement longues, sont dues g des variations de la force musculaire employte, et lorsqu’ elles sont t&s courtes, sont caustes par des frottements de la pointe du crayon sur le papier; on remarque done que le geste graphique se rtalise par la succession d’accC1Crations et de dkkltrations, sans qu’il y ait de mouvement g vitesse a peu pr&s constante (ce qui est bien connu d’ailleurs pour d’autres mouvements dt+ja CtudiCs). La figure no. 3 montre que les 3 courbes de vitesse pour 3 traits successifs ne sont pas exactement superposables, ce qui s’explique aisCment: le sujet n’effectue pas g chaque fois des traits de m&me exacte longueur; il appuie plus ou moins, il glisse plus ou moins bien sur le papier, il est plus ou moins confortable, il incline plus ou moins le trait, etc. Mais il reste que pour une skrie de traits de m&me longueur, le pattern reste assez constant, que le geste soit vertical de haut en bas ou de bas en haut, soit horizontal de gauche B droite ou de droite & gauche. 11 n’est cependant pas impossible qu’une analyse fine (avec un analyseur de signaux et une interprktation statistique des donnCes) puisse dkeler des variations dans un sens selon la direction du trait. En particulier, il nous a semblC que la vitesse maximale est plus grande pour les mouvements de haut en bas et de gauche g droite que les mouvements montants ou de droite & gauche, mais ceci dans des limites Ctroites. Voyons maintenant comment le sujet Ccrit des traits de plus en plus longs (Fig. 4). On remarque d’abord que pour les traits infkrieurs Z+2 mm, le sujet passe plus de temps h dCdltrer qu’g acctlber, mais qu’au del& de 2 mm, les temps d’accCltration et de d&Sration se rapprochent, encore qu’en moyenne la dtcCltration dure un peu plus que I’acdkation. On remarque, en outre, que la vitesse maxima (pit de la courbe) et la durCe (qui reflbte la vitesse moyenne) augmentent avec la longueur du trait. Des mesures plus prkcises chez
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FIG. 4. Le sujet trace 20 traits dont la longueur s’kchelonne entre 1 et 20 mm. Plus le trait est long, plus les vitesses atteintes sont grandes et plus la durke d’exkcution s’allonge. On remarque en outre le changement de forme des diffkrentes courbes. En abcisse, le temps; en ordonrke, la vitesse. Echelle: 50 ms; 2 cm/w.
nos dix sujets a qui il a CtCdemand6 de tracer naturellement une serie de traits verticaux de longueur variable, ont montrt : que la vitesse maxima augmente en fonction presque lineaire de la longueur, mais que la vitesse moyenne n’augmente pas en fonction lineaire de la longueur, puisque les sujets mettent de plus en plus de temps pour tracer des traits de plus en plus longs (fig. 5). Cependant, cet allongement de la duree est minime compare a l’augmentation de la longueur, puisque en gros, la durte des tracts double quand leur longueur decuple. Ainsi pour des traits qui vont de 2 a 20 mm, la duree du trace de chaque trait varie de 80 a 160 millisec, c’est-a-dire que la vitesse moyenne varie de 23 cm/set a 12 cm/set. Ces chiffres ne donnent qu’une moyenne gross&e chez dix sujets, car il va de soi que les variations inter et intra-individuelles sont importantes. Si la vitesse maximale est en correlation presque lineaire avec la longueur, tandis que la vitesse moyenne ne Vest pas, (et que done un peu plus de temps est mis a tracer un trait long qu’un trait court), c’est que les courbes de vitesse comme le montre la figure no. 4 ne sont pas homothetiques: la vitesse moyenne n’tvolue pas exactement comme la vitesse maxima. Quant aux valeurs exactes des vitesses atteintes, elles varient bien entendu d’un geste a l’autre, dun sujet a I’autre. Cependant, pour un geste spontane (il faut insister sur ce
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FIG. 5. Le sujet trace une skrie de 100 barres verticales de longueur variant entre 2 et 25 mm.
En abcisse, la longueur du trait; en ordonnke, la duke du geste. La courbe (moyenne en noir, variance en gris) montre la relation entre longueur et durke (done vitesse moyenne).
point), les valeurs maximales dkpassent rarement 60 cm/set pour des gestes de 5 cm ne nkessitant que la mobilisation des phalanges et du poignet. Mais un sujet peut atteindre des vitesses bien supkrieures en faisant jouer les articulations du coude ou des tpaules lors du track de traits supkrieurs B quelques centimktres. Pour des traits de 2 A 12 mm, la vitesse maxima oscille entre 3 et 15 cm/set avec des variations de 10 A 20”/, selon les sujets. Quant A la vitesse sur la trajectoire, notre technique ne permet pas de la connaitre directement. Cependant, elle pourrait facilement &tre dtduite par un traitement mathtmatique puisque : V.abs=J(Vx’+vy’). Mais il est possible d’en avoir une idte par l’artifice de la surbrillance (fig. 6): toutes les 10 millisecondes, le spot lumineux est surbrilk tandis qu’il “tcrit” sur l’tcran le track original. On remarque les ralentissements, oti les points sont tassks, aux changements d’orientation.
FIG. 6. Pour avoir une idCe de la vitesse de la pointe du stylo sur la trajectoire,
spot de l’oscilloscope toutes les 10 millisecondes, pendant que le sujet kit: On remarque les d&z&rations aux changements d’orientation.
on surbrille le ‘Ye”.
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Trace d’une guirlande
Soit maintenant le tract de ce que les graphologues nomment une guirlande, Fig. 7. L’enregistrement de la vitesse en vertical (trait plein) montre que lorsque le geste descendant s’enchaine avec le geste ascendant par une courbe (l-3-5 sur “tract”, Fig. 7), on passe sans transition dune vitesse decroissante vers le bas a une vitesse croissante vers le haut (l-3-5 sur “vitesse”, Fig. 7). Par conre,e n 2 et 4, la oh la pointe du crayon change de facon abrupte d’orientation, il y a un temps d’arr&t pendant lequel la pointe du crayon reste sur place. Le temps mort est de 15 a 20 ms dans une ecriture de vitesse moyenne, mais n’est pas inferieur a 10 ms dans une ecriture rapide. L’enregistrement de la vitesse en horizontal (trait pointille) montre 3 mouvements successifs de gauche a droite avec en 2 et 4 le temps d’arrCt pour le changement.
Vitesse
FIG. 7. Le sujet kit une guirlande tandis que sont enregistrkes les vitesses en X et en I’. Remarquer les temps d’arret aux changements d’orientation. (dessin d’aprks un enregistrement).
Trace d’une pseudo-sinusoide
On demande aux sujets de tracer une strie enchainee de traits verticaux montant et kscendant, une sorte de sinusoide, dont l’amplitude croit et decroit entre, 2 et 10 mm (Fig. 8). On remarque que le trace qui represente la vitesse est aussi une sorte de sinusoide dont l’amplitude varie paralltlement avec l’amplitude du trait. A une analyse precise des traces, on observe que les vitesses maxima et moyenne sont en correlation presque lineaire avec I’amplitude pour des longueurs de 2 a 15 mm, c’est-a-dire que les montees et les descentes, qu’elles soient longues ou courtes, s’effectuent dans des temps presque equivalents En quelque sorte, on peut parler dune “isochronie” du geste graphique dans ces conditions de traces d’execution simple et spontanee.
Vitesse
DBplacemenl
I set FIG. 8. Le sujet trace une sorte de sinusoide. On remarque que la vitesse augmente parallltlement avec la hauteur du track.
Traces de mots
11 faut ici analyser deux courbes: l’une sur laquelle s’inscrit la vitesse selon l’axe vertical, l’autre la vitesse selon I’axe horizontal (Fig. 9). Bien entendu, l’allure de ces deux courbes dCpend du graphisme de chacun, mais il est possible de dkrire certains traits communs.
DCplacement
/ H’ \
Vitesse
/
v’ \
D6placement
Vitesse
FIG. 9. Le sujet &it le mot “appallaches”. Enregistrement des d&placements et des vitesses dans les axes horizontal et vertical.
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Les vitesses moyennes et maximales varient avec les scripteurs, mais on peut considerer que les vitesses moyennes (en X et en Y) depassent rarement 6 a 8 cm/set, tandis que les vitesses maximales (en X et en Y) dtpassent rarement 15 cm/set, pour des Ccritures courantes. Les vitesses maximales augmentant avec l’ampleur de l’ecriture (pour un m&me sujet)*, les vitesses les plus grandes sont atteintes pour le trace de lettres avec hampes ou jambages? (pour la vitesse en Y), ou pour les passages dun mot a l’autre (pour la vitesse en X). Si les courbes de la vitesse en Y se ressemblent d’un scripteur A l’autre, par contre, on observe de plus grandes variations pour la courbe de la vitesse en X. En effet, plus une Ccriture est inclinee, plus les vitesses maximales atteintes peuvent &re grandes. On comprend que, par contre, plus une tcriture est droite, plus les deplacements en X (de gauche a droite ou de droite a gauche) sont minimes, sauf pour les transitions entre les mots. En outre, la partie de la courbe, au-dessus de la ligne de base qui par convention signale les mouvements de progression de gauche a droite, delimite une surface (l’integrale de la vitesse, c’est-a-dire le deplacement) plus grande que la partie situee au-dessous de la ligne de base (qui par convention signale la vitesse des mouvements de retours en arritre), puisque le sujet progresse de gauche a droite. Si on calcule les dukes des gestes entre deux changements de direction, on s’apercoit qu’elles se situent entre 70 et 150 ms. On peut dire qu’approximativement il y a une certaine isochronie des gestes graphiques, puisque des variations d’amplitude de 3 a 12 mm, la duree des gestes varie dans une plage de 90 a 140 ms. Cette plage de variation se situe dans des valeurs plus courtes si le sujet enregistre est un scripteur rapide et inversement. On peut assimiler les courbes de vitesse a des fonctions periodiques et, comme pour des traces E.E.G., les caracttriser par leur frequence predominante. Par exemple, un trace a 4 c/set. signifiera que le sujet change en moyenne huit fois d’orientation par seconde (puisqu’un trait dans une direction vaut une demi-periode sur le tract). Mais, plus precistment encore, on peut faire une analyse de Fourier des courbes de vitesse. G&e a un programme ecrit pour P.D.P.8, nous avons pu extraire le spectre de puissance de la courbe vitesse verticale (transformee de Fourier de l’auto-correlogramme) chez dix sujets. On remarque que les spectres sont differents selon les sujets, mais qu’ils montrent tous un pit entre 3 et 5 c/set, pit qui represente le rythme de base du geste graphique. Les frtquences en-dessous de 2 et au-dessus de 6 sont peu represent&es (Fig. 10). Plus interessantes sans doute seront les recherches de l’interspectre et des relations de phase des vitesses en X et en Y, et du spectre de la vitesse absolue. DISCUSSION L’apport de cette technique d’enregistrement est de permettre une analyse quantitative du geste graphique en fonction du temps. Resumons d’abord ce que cette etude nous apprend sur la mtcanique du mouvement graphique. Le premier fait qui apparait clairement, c’est que le geste graphique se rtalise par enchainement d’acctltrations et de decelerations, sans qu’il y ait place pour un mouvement * Ce moyenne t En hampes :
qui ne signifie pas, bien entendu, que tous les sujets qui kcrivent grand kcrivent, plus vite, en valeur et en valeur absolue plus vite que ceux qui &vent petit. francais, les pourcentages sont approximativement: lettres moyennes: 70 pour cent; lettres avec 20 pour cent ; lettres avec jambages : 8 pour cent ; lettre avec hampe et jambage (f) : 2 pour cent.
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cs FIG.
50 secondes un texte qu’ils connaissent bien. La pour en tirer le spectre de puissance de I’autocorr6logramme). On remarque la prkdominance des frkquences entre 3 et 62. sec.
10. Trois sujets ont &it
pendant
fonction vitesse verticale a 8tB trait&e sur ordinateur (transform&e
de Fourier
A vitesse relativement con&ante. MCme un mouvement graphique simple, comme le tract d’un trait droit ne peut &tre extcutk A une vitesse grossikement constante. L& deuxibme fait qui apparait clairement aussi, c’est qu’il existe une relation assez etroite entre l’ampleur du geste graphique et la vitesse d’exkution chez un m&me sujet. Compte tenu de variations inter et intra-individuelles, on remarque qu’on s’approche d’une relation linkaire entre grandeur et vitesse pour des tracks spontant% n’exddant pas les dimensions usuelles d’un graphisme courant. On peut dire, en simplifiant, que pour Ccrire plus grand, le sujet programme d’Ccrire plus vite plut6t que plus longtemps. C’est dire que pour un trait long, le sujet met en jeu une force plus importante. Cette force, mettant en mouvement une masse qui reste Cgale, entraine une acctkration plus grande. Bien entendu, les forces de frottement qui s’opposent A la mobilisation de la masse ne sont pas constantes, en particulier pour les mouvements horizontaux qui luttent contre le frottement du poignet et de l’avant-bras sur le papier et la table. Mais ces forces de friction restent cependant relativement nkgligeables. II s’ensuit qu’une force supplkmentaire augmente I’accClCration (y =F/M) et done la vitesse moyenne jusqu’g faire que les durCes d’exkution de traits de diffkrentes longueurs varient dans des limites Ctroites.
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11y a cependant une limite a la mobilisation de forces de plus en plus grandes pour Ccrire de plus en plus vite des tracts aller et retour: un sujet ne peut effectuer plus de 12 a 14 allers et retours par seconde lors du tract d’une sinusoide, c’est-a-dire que la frtquence de base de la courbe de vitesse ne peut dtpasser 6 a 7 clsec. On pourrait presque dire que les contraintes mtcaniques du membre superieur jouent le role d’un filtre passe-bas. Si d’ailleurs on filtre toutes les frequences au-dessus de 12 c/set lorsque le sujet Ccrit naturellement (soit a une frequence moyenne proche de 4-5 c/set), on ne deforme pas l’ecriture, on la lisse sans modifier pratiquement sa valeur informative. Des relations analogues entre vitesse et amplitude sont deja connues pour des gestes volontaires plus simples [17, 181, ainsi que les relations entre force et activite Clectrique musculaire [ 191. 11 serait sans doute interessant d’ttudier 1’E.M.G. des muscles impliques dans le mouvement graphique. Mais on ne peut se cacher que cette approche serait difficile. 11est clair, en effet, que si on peut dissocier en gros le mouvement graphique en mouvements d’abduction et d’adduction et mouvements de flexion et d’extension, la chaine articuleeet les muscles mis en jeu varient avec les scripteurs. 11 faudrait dbs lors enregistrer de trbs nombreux muscles, et des muscles differents chez les differents scripteurs. Mais notre technique d’enregistrement peut se reveler precieuse pour une etude mtcanique du geste graphique pris comme modble du geste volontaire (influence de la charge, des frictions, de la pression; influence de Pernotion, de la fatigue . . .). Cette technique offre en outre une possibilite de quantifier le graphisme. Puisque le deplacement de la pointe du crayon en fonction du temps est enregistre sur bande magnetique sous forme analogique, il est possible d’envisager un traitement des donntes sur ordinateur. Les variations inter et intra-individuelles pourront Ctre quantifiees avec precision. Une autre voie est ouverte: celle de l’etude des coordinations sensori-matrices. On peut introduire des distorsions spatio-temporelles dans la reproduction de l’ecriture sur l’tcran cathodique, au moment mCme de l’execution, ce qui permettra de manipuler la boucle sensori-motrice. En effet, le sujet, au moment ou il Ccrit, lira sur l’ecran un graphisme different de celui qu’il a programme et auquel il peut s’attendre d’apres les informations kinesthesiques recues pendant I’extcution. Ainsi peut-on reprendre I’expbience de lecture retardee que SMITH [20] avait r&ah&e avec un circuit de television. En tcartant plus ou moins les tttes d’enregistrement et de lecture de I’enregistreur magnttique, on peut augmenter le delai entre l’information kinesthesique et l’information visuelle qui accompagnent l’acte d’ecrire: le sujet se voit Ccrire avec un retard. Nous avons pu observer que le delai inherent aux conditions d’enregistrement et de reproduction de 1’Ampex SP 300 (en vitesse 15 ips, le delai entre enregistrement et reproduction est de 100 ms) Ctait suffisant pour gQner notablement l’ecriture normale. D’autres manipulations sont aistment realisables. Par exemple, on peut inverser I’orientation de l’tcriture et le sujet Ccrivant normalement lira une Ccriture en miroir sur l’tcran, ou inversement, le sujet Ccrivant en miroir lira une Ccriture normalement spatialisee. On peut aussi allonger, tasser, amplifier ou rapetisser l’ecriture, et nous avons pu remarquer qu’il est plus difficile au sujet de compenser une distorsion dans l’axe des X que dans l’axe des Y, comme si la composante verticale du graphisme Ctait moins contrblee, plus automatique, que la composante horizontale. Cette methode d’enregistrement et de reproduction de geste dans un espace a deux dimensions serait en outre bien adaptte a des experiences de poursuite de cible.
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Enfin, cette technique est le premier &Cment d’un systkme d’kcriture & distance ou B retardement. Elle permettra peut-Ctre aussi, par une analyse plus prkise de l’tcriture naturelle, d’amkliorer les systtimes de synthkse de l’kriture [4, 151et de mieux comprendre par quelle partie du signal est vthiculC le maximum d’information (ttude de la redondance). Remerciements-Nous tenons &remercier: Mr GELISDAHANet Mr MICHELVIG~UROUXqui nous ont aid& dans la rhalisation technique de ce travail, Mr A. LAVIRONqui a mis au point le traitement par ordinateur des don&es (unit8 de L’INSERM No. 94.)
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_.
Abstract-A newtechnique is described which allows the recording of the speed of a pen-tip in X and Y during normal handwriting. The basic mechanics of the movements involved in cursive script, and in particular the relationship between graphic amplitude and speed (instantaneous and averaged), are elaborated. By integrating velocities, displacements in X and Y may be obtained, stored on magnetic tape, played back on a cathode ray oscilloscope or X.Y. recorder, and fed to a computer. This is therefore a technique permitting quantitative analysis of handwriting as a function of time. It is a potential tool for the study of sensori-motor co-ordination in graphic movements. Handwriting at a distance and after a time-delay may also be accomplished by this method. Finally it may well serve to facilitate further advance in the synthesis of handwriting.
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DU GESI’E
GRAPHIQUE
Zusammenfassung-Darstellung einer Registriertechnik der Schreibgeschwindigkeit. Die Schreibbewegung wird dabei wahrend des Schreibens vertikal und horizontal an der Federspitze gemessen. Der Grundvorgang der Schreibbewegung und die Reziehung zwischen SchriftgrM3e turd Aktionsgeschwindigkeit (im einzelnen und durchschnittlich) werden genau bestimmt. Indem man die Teilgeschwindigkeiten integriert, kann man die Abweichung in vertikaler und horizontaler Richtung erfassen, sie auf einem magnet&hen Rand stapeln und die Schrift M3t sich dann iiber einen Kathodenstrahl reproduzieren oder auf ein Ordinatensystem bringen und sich auf diese Weise rechnerisch analysieren. Diese Technik erlaubt eine quantitative Prtifung von Schriftztlgen in der Zeit. Sie stellt ein miigliches Hilfsmittel urn koordinative Leistungen wahrend des Schreibens zu prtifen dar. Sie gestattet such SchriftvergriiSerung und -verlangsamung. Sie kann schliel3lich Untersuchungen tiber Schriftstruktur erleichtem.
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