Évaluation de la douleur en radiologie interventionnelle du rachis

Évaluation de la douleur en radiologie interventionnelle du rachis

J Radiol 2008;89:1901-6 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2008 Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés mise au point ostéoarti...

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J Radiol 2008;89:1901-6 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2008 Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

mise au point

ostéoarticulaire

Évaluation de la douleur en radiologie interventionnelle du rachis T Moser (1), J Cohen-Solal (2), P Bréville (2), X Buy (3) et A Gangi (3)

Abstract

Résumé

Pain assessment and interventional spine radiology J Radiol 2008;89:1901-6

Avec le développement des techniques de radiologie interventionnelle du rachis, le radiologue prend une part active à l’évaluation clinique des patients. L’objectif de cette mise au point est de présenter les principaux outils qui permettent d’évaluer la douleur rachidienne et de promouvoir leur utilisation pour démontrer l’efficacité des différentes procédures de radiologie interventionnelle.

Due to advances in interventional spine procedures, the radiologist can now participate in the clinical evaluation of patients. The purpose of this article is to review the main tools available to evaluate spine related pain and promote their use to demonstrate the efficacy of different interventional spine procedures. Key words: Interventional radiology. Spine, pain.

es affections rachidiennes représentent la principale source de douleur aiguë et surtout chronique. En particulier, la lombalgie constitue l’un des principaux motifs de consultation puisque sa prévalence instantanée est de 11 % et atteint 60 % pour la vie entière (1). De nombreuses procédures de radiologie interventionnelle visent à soulager les douleurs rachidiennes et constituent actuellement un complément ou une alternative aux traitements médicaux et chirurgicaux : injections de corticoïdes, nucléotomie ou nucléoplastie, vertébroplastie et cyphoplastie, ablation tumorale. Avec ces procédures, le radiologue interventionnel prend part à l’évaluation clinique des patients qui précède et suit le traitement. Cette évaluation est indispensable pour guider le choix du traitement et juger de son efficacité, mais il n’est pas toujours aisé pour le radiologue de recueillir des informations cliniques pertinentes. En outre, l’évaluation de la douleur soulève de nombreux problèmes méthodologiques. Il est donc fondamental de disposer d’outils efficaces et validés pour apprécier la douleur et son retentissement. Ces outils ont également un rôle capital pour juger de l’efficacité des nouvelles techniques. La mise en place de protocoles na-

L

(1) Département de Radiologie, Hôpital St-Luc, 1058 rue St-Denis, Montréal, Québec, H2X3J4, Canada. (2) Service de Rhumatologie, Groupe hospitalier SaintJoseph, Paris. (3) Service de Radiologie B, Hôpital Civil, 1, place de l’Hôpital, 67000 Strasbourg. Correspondance : T Moser E-mail : [email protected]

Mots-clés : Radiologie interventionnelle. Rachis, douleur.

tionaux et la comparaison aux données de la littérature requiert l’utilisation d’outils validés, idéalement communs aux différentes équipes impliquées. Le but de cette mise au point est de rappeler les principaux concepts de l’évaluation de la douleur, de présenter les différents outils disponibles et enfin de décrire leur utilisation pratique.

La douleur : définitions et concepts élémentaires La douleur est définie par l’International Association for the Study of Pain et par l’OMS : comme une « expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, liée à une lésion tissulaire existante ou potentielle, ou décrite en termes évoquant une telle lésion » (2). Cette définition souligne le caractère multidimensionnel de la douleur dont on distingue classiquement les composantes sensorielle, émotionnelle, cognitive et comportementale. En effet, au-delà de ses caractéristiques discriminatives, la douleur surtout quand elle est prolongée, est source d’anxiété et d’altération de l’humeur (composante émotionnelle). Elle est perçue différemment selon le contexte clinique (pronostic de la maladie en cause), l’expérience, les traitements antérieurs et les croyances (composante cognitive). Enfin, elle est à l’origine de modifications comportementales (perturbations des activités professionnelles, sociales et de loisir). Ces modifications en rapport avec la douleur s’intègrent parfaitement dans la classification déficience, incapacité, désavan-

tage de l’OMS qui reprend le schéma de Wood. La déficience correspond à l’anomalie corporelle provoquée par la douleur ou la maladie en cause. L’incapacité traduit la limitation fonctionnelle résultante au niveau de l’individu. Le désavantage est la conséquence de l’incapacité au niveau de la société, par rapport aux autres individus. La reconnaissance de ces différentes composantes permet une approche globale de la douleur et une amélioration de sa prise en charge (2). Il est bien connu que pour une déficience équivalente, le niveau d’incapacité varie selon les patients et dépend essentiellement du retentissement émotionnel, cognitif et comportemental de la douleur. La méconnaissance des différentes composantes douloureuses est une cause reconnue d’échec chirurgical (3, 4). Il n’est pas toujours évident de prévoir la composante douloureuse résiduelle après correction des éventuelles déficiences (5). Les entretiens réalisés après administration de barbituriques ne sont plus d’actualité, en revanche les injections sélectives d’anesthésiques locaux et de corticoïdes (bloc-tests) restent utiles (6). Surtout, la prise en compte de l’état psychologique du patient est fondamentale (7). La définition de la douleur de l’OMS permet aussi d’envisager les différents mécanismes de la douleur. On distingue principalement la douleur par excès de nociception qui correspond à la stimulation des nocicepteurs périphériques par le processus algogène, et la douleur neuropathique résultant d’une lésion des voies nerveuses périphériques ou centrales. Dans tous les cas, c’est le ressenti du pa-

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tient qui compte, quitte à inclure des douleurs sans lésion objectivable, telles que les douleurs psychogènes ou idiopathiques. Le mécanisme de la douleur est parfois mixte, particulièrement en pathologie rachidienne du fait de la contiguïté des structures nerveuses (distinction classique du syndrome rachidien et du syndrome radiculaire). La douleur chronique est définie arbitrairement par une durée d’évolution supérieure à 3 mois. Ce critère de durée est controversé, car la douleur chronique est avant tout caractérisée par un retentissement psychologique et comportemental qui en fait une maladie à part entière (2). En pratique, la radiologie interventionnelle du rachis vise plus souvent à soulager la douleur chronique (affections dégénératives ou tumorales) que la douleur aiguë (affections traumatiques).

Outils disponibles Les méthodes d’évaluation de la douleur font appel à différents types d’outils destinés à préciser une ou plusieurs de ses caractéristiques : localisation, intensité, mécanisme, retentissement fonctionnel et émotionnel. Les questionnaires d’auto-évaluation sont préférés en raison du caractère subjectif de la douleur. Ils doivent être remis au patient après avoir fourni des explications adéquates et vérifié leur bonne compréhension. Quand l’auto-évaluation n’est pas réalisable, il est possible d’utiliser des questionnaires d’hétéro évaluation. Ces outils ont été validés dans des indications plus ou moins précises (par exemple douleurs du cancer, douleurs rachidiennes). Il est recommandé d’utiliser un questionnaire dont la traduction et l’adaptation française ont été validées dans cette indication. Ils doivent être employés conformément à l’usage prévu et de manière standardisée au cours de la consultation.

Outil de localisation topographique des douleurs : dessins sur silhouette Le patient est invité à tracer sur la silhouette d’un corps humain un schéma des zones douloureuses, en précisant le caractère superficiel ou profond de la douleur, ainsi que les éventuelles irradiations. Cet

outil permet de révéler des sites douloureux multiples et fournit des éléments sémiologiques (irradiation radiculaire d’une lombosciatique par exemple). Dans certains cas, la topographie des douleurs permet d’emblée de soupçonner une origine psychogène (2).

Outils d’analyse des qualificatifs de la douleur Le MacGill Pain Questionnaire développé par Melzack comprend une série de qualificatifs permettant au patient de mieux caractériser sa douleur. Les qualificatifs couvrent une large gamme de douleurs. Ils sont classés par catégorie (composantes sensorielle, affective et cognitive) et par ordre d’intensité croissante (8). Ce questionnaire fournit un score de l’intensité douloureuse, mais également une orientation diagnostique (par exemple, la douleur neuropathique est traduite par des qualificatifs bien particuliers) et permet d’apprécier le retentissement affectif de la douleur. Il existe également une version courte de ce questionnaire (9). Le questionnaire de la douleur de Saint-Antoine et sa version abrégée représentent l’adaptation française de ces outils (10). L’échelle DN4 développée en France permet de faire le diagnostic de douleur neuropathique de manière rapide et fiable au moyen de 10 items basés sur l’interrogatoire et l’examen du patient (11).

Outils d’évaluation de l’intensité douloureuse Il s’agit d’instruments validés permettant de mesurer l’intensité douloureuse de manière reproductible et d’enregistrer ses variations.

Échelle visuelle analogique (EVA) L’EVA se présente comme une ligne horizontale de 100 mm de long orientée de gauche à droite avec les termes « douleur absente » et « douleur maximale imaginable » aux extrémités. Développée initialement en format papier, elle existe également sous forme de réglette mécanique. Le patient indique l’intensité douloureuse en traçant un trait (format papier) ou en déplaçant un

T Moser et al.

curseur (réglette mécanique). Le score EVA exprimé en millimètres correspond à la distance entre le début de la ligne et le trait indiqué. L’utilisation de cette échelle est simple et rapide en l’absence de troubles cognitifs. Pour vérifier la compréhension lors de la première utilisation, le résultat peut être confronté à celui de l’échelle verbale simple. Une version pédiatrique utilisable à partir de l’âge de 6 ans est habituellement présentée verticalement (« pas de douleur » en bas et « douleur très forte » ou « très mal » en haut) (2). L’EVA permet de mesurer la douleur de manière ponctuelle à l’instant présent, mais aussi de façon rétrospective au cours de la semaine précédente. Elle permet d’évaluer séparément la douleur aux différents sites douloureux, mais aussi la douleur de fond et la douleur paroxystique, la douleur par excès de nociception et la douleur neuropathique (2). L’EVA doit être utilisée de manière absolue, sans référence aux mesures antérieures (12). Les scores d’EVA évoluent quasi linéairement avec la douleur (13). Une douleur modérée se traduit généralement par un score supérieur à 30 mm (49 mm en moyenne), et une douleur sévère par un score supérieur à 54 mm (75 mm en moyenne) (14). Une variation des scores d’EVA supérieure à 9 mm correspond à une modification cliniquement significative (15). Une prise en charge efficace de la douleur correspond en moyenne à une réduction du score EVA de 30 mm (16). Cependant, ces valeurs ne fournissent qu’un ordre d’idée et il n’existe pas vraiment de lien entre les scores d’EVA et le type de traitement antalgique nécessaire. Il n’est pas non plus possible de réaliser de comparaison interindividuelle. La mesure a uniquement une valeur descriptive pour un individu donné et permet le suivi pour ce même individu (2).

Échelle numérique (EN) L’EN comporte 11 chiffres compris entre 0 « douleur absente » et 10 « douleur maximale imaginable ». Elle est présentée sous forme écrite ou orale. Le score d’intensité douloureuse correspond au chiffre choisi par le patient (2).

Échelle verbale simple (EVS) L’EVS est fondée sur le choix d’un adjectif pour définir l’intensité de la douleur. J Radiol 2008;89

T Moser et al.

Elle comporte 5 ou 6 adjectifs correspondant chacun à un score. Elle est réservée aux personnes ayant des difficultés à utiliser les deux précédentes échelles. Elle est beaucoup moins précise que l’EVA qui doit être privilégiée (17).

Échelle des visages (Faces Pain Scale-Revised, FPS-R) L’échelle des visages peut être utilisée à partir de l’âge de 4 ans. Elle comporte 6 visages présentés au patient. On demande à l’enfant de choisir le visage qui reflète l’intensité de sa douleur (18).

Échelles comportementales Les échelles d’auto-évaluation de l’intensité de la douleur ne peuvent pas être utilisées chez le patient non communicant (troubles de la conscience ou de la vigilance) et chez l’enfant de moins de 4 ans. On utilise à la place une échelle comportementale basée sur une évaluation par l’équipe soignante d’éléments tels qu’attitude antalgique, mimique, ou gémissements. L’échelle Douleur Enfant Gustave Roussy ou l’échelle DOLOPLUS 2 peuvent être utilisées (19).

Outils de mesure du soulagement L’efficacité d’un traitement antalgique peut être appréciée au moyen des variations de l’intensité douloureuse ou par le degré de soulagement estimé par le patient. Une EVA de soulagement allant de 0 à 100 % de soulagement peut être utilisée (2). Cette échelle doit mesurer la douleur qui est effectivement prise en charge. Par exemple, il faut mesurer l’intensité de la douleur radiculaire et pas celle de la douleur rachidienne pour juger de l’efficacité d’une procédure de nucléotomie.

Évaluation psychologique L’évaluation psychologique est fondamentale en raison du caractère multi dimensionnel de la douleur. Des troubles psychiatriques peuvent être la cause ou la conséquence de douleurs chroniques. Leur méconnaissance expose à un échec ou à J Radiol 2008;89

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une insuffisance du traitement. Il est donc important de les détecter pour adapter la prise en charge. Pour être complète, cette évaluation psychologique doit s’intéresser aux attentes du patient par rapport au traitement, à la perception de l’image du corps, à l’adaptation à la maladie, aux antécédents psychiatriques ou de prise de psychotropes. Elle doit également intégrer le contexte social et familial.

Échelle d’anxiété et de dépression (Hospital Anxiety and Depression Scale) C’est une échelle d’auto-évaluation comportant 14 questions (7 concernant l’anxiété et 7 concernant la dépression) avec pour chacune des réponses variant de 0 à 3. Les scores d’anxiété et de dépression sont calculés. Un trouble est considéré absent pour un score ≤ 7, douteux entre 8 et 10, probable pour un score ≥ 11. Ce test a surtout valeur de dépistage pour orienter les patients vers une évaluation psychologique ou psychiatrique (20).

Questionnaire Abrégé de Beck (Short Form of the Beck Depression Inventory) Développée à partir du questionnaire de Beck conçu pour dépister la dépression en milieu psychiatrique (21), l’échelle d’auto évaluation abrégée comporte 13 groupes de 4 propositions cotées de 0 à 3. Le patient choisit dans chaque groupe la proposition qui lui correspond le mieux. Le score global varie entre 0 et 39. Différents seuils de gravité ont été proposés : pas de dépression (0-4), dépression légère (5-7), dépression modérée (8-15), dépression sévère (16 et plus). Le questionnaire abrégé de Beck a été validé chez le patient douloureux chronique, mais il faut prendre garde à ne pas attribuer trop vite à un syndrome dépressif les perturbations du sommeil et du travail qui peuvent être la conséquence directe des douleurs (22).

Évaluation de la qualité de vie De nombreuses échelles s’intéressent au retentissement de la maladie sur la qualité

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de vie du patient. Elles prennent en compte la gêne ressentie au cours des activités quotidiennes et des loisirs, la perturbation des activités sociales, la sensation de souffrance physique et mentale grâce à de nombreux items. Elles sont surtout destinées à la recherche, mais il existe souvent des versions courtes destinées à une utilisation clinique.

Questionnaire SF- 36 (Medical Outcome Study Short Form 36) Le SF-36 est un questionnaire général de santé qui est parfois utilisé pour l’évaluation des douleurs. Il n’est pas du tout spécifique, puisqu’il peut s’appliquer à n’importe quelle pathologie. Il évalue huit concepts de santé : limitation des activités physiques par la maladie, limitation des activité sociales par la maladie, limitation des activités professionnelles par la maladie, douleur physique, retentissement psychologique, fatigue, perception de la maladie (23). Il existe également dans des versions plus courtes telles que le SF-12 (24) et partage des similarités avec le Sickness Impact Profile (25). Il a été évalué en chirurgie rachidienne où il montre une bonne correspondance avec les échelles spécifiques (26). Une traduction française validée est disponible (27).

Questionnaire d’Oswestry (Oswestry Low Back Pain Disability Questionnaire) Le questionnaire d’Oswestry a été conçu en 1980 par Fairbank et al. pour apprécier le degré d’incapacité des patients lombalgiques. Il est présenté sur un papier rose pour capter l’attention du patient et comprend dix parties composées chacune de six propositions cotées de 0 à 5. Le patient choisit dans chaque partie la proposition qui lui correspond le mieux. Le total des réponses est calculé sur 50 puis multiplié par deux pour donner un pourcentage. L’incapacité est jugée minime (0-20 %), modérée (2040 %), sévère (40-60 %), ou majeure (6080 %). Un score supérieur à 80 % témoigne plus souvent d’une exagération des symptômes que d’un confinement au lit (28). C’est l’outil le plus utilisé dans le monde anglophone, mais il n’a pas été validé en langue française. Comme pour l’EVA, il semble intéressant de mesurer

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le pourcentage de variation pour juger de l’efficacité thérapeutique (29).

d’un programme de rééducation (38). Il n’existe pas de traduction validée en France.

Échelle d’Incapacité Fonctionnelle pour l’Évaluation des Lombalgies (EIFEL)

Échelle de Québec (Quebec back pain disability scale)

L’échelle EIFEL (30) est l’adaptation française du Roland-Morris Disability Questionnaire (31). Le patient choisit parmi 24 propositions concernant les activités de la vie quotidienne celles qui s’appliquent à lui le jour de l’évaluation.

L’échelle de Québec a été développée et validée parallèlement en anglais et en français par Kopec en 1995 (39). Elle couvre différents types d’activité au moyen de 20 items dont la cotation s’effectue sur des échelles ordinales à 6 points, de 0 = aucune difficulté à 5 = incapable.

Douleur du Rachis : Auto questionnaire de Dallas (DRAD)

Index d’évaluation fonctionnelle (Functional rating index)

Le DRAD est l’adaptation française validée par la Société Française de Rhumatologie (32) du Dallas Pain Questionnaire (33). Il apprécie au moyen de 16 échelles visuelles segmentées le degré de retentissement de la douleur rachidienne sur les activités quotidiennes, professionnelles et de loisir ainsi que sur le plan psychologique et social. Il permet une classification rapide du niveau d’incapacité des patients lombalgiques chroniques (34). Il permet également d’identifier les paramètres psychologiques corrélés à un moins bon résultat chirurgical (35).

Index de Waddell (Waddell Disability Index) L’index de Waddel détermine le niveau d’incapacité en fonction des activités qui sont évitées ou redoutées du fait de douleurs rachidiennes (36). Il comporte neuf questions auxquelles le patient répond par oui ou non. Le score final est compris entre 0 et 9. C’est une échelle peu utilisée dont il n’existe pas de traduction validée en France.

Échelle de Million (Million Visual Analog Scale) Cette échelle destinée au suivi des patients lombalgiques comporte une partie subjective et une partie objective (37). La partie subjective comprend 15 questions auxquelles le sujet répond au moyen d’échelles visuelles analogiques. La partie objective comprend dix tests cliniques (amplitudes rachidiennes, Lasègue). Elle est peu utilisée, mais une étude récente portant sur une large population montre une bonne corrélation avec les résultats

Décrit par Feise et Menke en 2001 (40), l’index d’évaluation fonctionnelle s’inspire de l’échelle d’Oswestry et du neck disability index. Il comporte dix items avec cinq propositions pour chaque item. Son principal avantage est sa brièveté d’administration qui favorise son utilisation clinique. Il n’a pas encore été validé en français.

Questionnaires dédiés aux patients souffrant de fractures ostéoporotiques du rachis Ces questionnaires spécifiques sont surtout représentés par le Quality of Life Questionnaire of the European Foundation for Osteoporosis Osteoporosis (QUALEFFO) dont il existe une version française (41) et par le Osteoporosis Quality of Life Questionnaire (OQLQ) (42).

Utilisation pratique des outils d’évaluation de la douleur

Quels outils choisir ? Il est indispensable de combiner différents outils pour apprécier l’ensemble des caractéristiques de la douleur : topographie, mécanisme, intensité, retentissement fonctionnel et émotionnel. On peut associer un schéma corporel de localisation des douleurs, une échelle visuelle analogique, une échelle de qualité de vie, et éventuellement un questionnaire d’évaluation psychologique. La principale difficulté est le choix de l’échelle de qualité de vie dont il existe de nombreux modèles (tableau I). Différents facteurs sont à prendre en compte dans ce choix.

T Moser et al.

Les propriétés métrologiques telles que la validité des items par rapport à la dimension étudiée, la fiabilité et la sensibilité au changement sont essentielles, mais l’utilisation d’une échelle en pratique clinique nécessite également une adaptation linguistique validée, une formulation compréhensible des items et un temps de passation bref. Les échelles spécifiques pour le rachis ont été comparées entre elles et aux questionnaires plus généraux. Le questionnaire d’Oswestry apparaît équivalent à l’échelle de Roland-Morris (43), mais légèrement supérieur à l’échelle du Québec (Quebec Back Pain Disability Scale) (44). Une échelle globale telle que le SF-12 fonctionne également dans une population de lombalgiques chroniques (45). Une comparaison récente de l’échelle de Roland-Morris aux échelles génériques SF-36 et SF-12 suggère que l’échelle spécifique reflète mieux le retentissement fonctionnel de la lombalgie, mais n’est pas correctement remplie dans 15 % des cas (46). Dans une analyse récente de la littérature, Calmels et al. (47) rapportent que le questionnaire d’Oswestry, l’échelle de Roland-Morris, suivis des échelles de Québec et de Dallas sont les plus utilisées et reconnues dans la littérature internationale. Le choix peut se tourner en priorité vers celles-ci qui, à l’exception du questionnaire d’Oswestry, existent en version française validée. Idéalement, un choix réfléchi au niveau des sociétés savantes (Sociétés Françaises de Rhumatologie, de Radiologie, d’Imagerie Musculo-Squelettique ou de Neuroradiologie) permettrait d’harmoniser les pratiques et de faciliter les études multicentriques. La plupart des échelles de qualité de vie comportent des items évaluant le retentissement psychologique. L’utilisation systématique d’un questionnaire spécifique tel que l’échelle de Beck, ou plutôt l’HAD apparaît donc superflue et doit s’envisager au cas par cas selon les procédures. Enfin, il existe également des outils d’évaluation globale qui pourraient se substituer aux différents outils précédemment cités. Il s’agit du Questionnaire Concis de la douleur et du Multidimensional Pain Inventory qui contiennent diversement un schéma corporel, des échelles de mesure de l’intensité de la douleur et du soulagement, ainsi que des questions évaluant la qualité de vie. Le Questionnaire Concis de la Douleur est l’adaptation française du J Radiol 2008;89

T Moser et al.

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Tableau I Comparaison des quatre principales échelles de qualité de vie. Nom

Adaptation française

Spécificités

Description

Résultats

Medical Outcome Study Short Form 36 (SF36)

Oui

Questionnaire généraliste Score de cohérence des réponses Évaluation des 4 dernières semaines Sensible à l’aspect psychologique

36 items repartis en 8 domaines Construction du score complexe

Résultat de 0 (santé minimale) à 100 (santé maximale) Résultat global, par domaine ou regroupé physique/psychique

Oswestry Low Back Pain Disability Questionnaire

Non

Pour la lombalgie uniquement Évaluation du jour J

10 items 1 proposition cotée de 0 à 5 doit être cochée parmi 6 Total sur 50 multiplié par 2 et exprimé en %

Résultat 0 à 100 % Incapacité minime (0-20), modérée (20-40), sévère (40-60), majeure (60-80)

Rolland-Morris Disability Questionnaire

Oui Échelle d’Incapacité Fonctionnelle pour l’Évaluation des Lombalgies (EIFEL)

Pour la lombalgie uniquement Évaluation du jour J

24 items à cocher ou non selon s’ils correspondent à la situation du jour

Résultat 0 à 24 0 = capacité fonctionnelle normale 24 = capacité fonctionnelle très altérée

Dallas Pain Questionnaire

Oui Douleur du Rachis : Auto questionnaire de Dallas (DRAD)

Pour la lombalgie uniquement Évaluation du jour J Sensible à l’aspect psychologique

16 items couvrant 4 domaines Réponse sur une échelle visuelle segmentée

Résultats par domaine de 0 % (pas de retentissement) à 105 % (retentissement maximal)

Brief Pain Inventory initialement développé pour évaluer la douleur du cancer (48). Il a été validé récemment dans le cadre de la douleur non cancéreuse, mais il est long à remplir et nécessite une bonne compréhension ce qui fait qu’il n’est complètement rempli que dans la moitié des cas (49). La place exacte de ces outils d’évaluation globale reste à définir.

Quand réaliser l’évaluation ? Il n’existe pas de consensus concernant le moment optimal où l’évaluation doit être réalisée. L’évaluation initiale précède le geste et prend en compte la symptomatologie du jour J, ou parfois celle des derniers jours. Au décours de la procédure de radiologie interventionnelle, une évaluation précoce (première semaine) est généralement utile pour apprécier un effet thérapeutique rapide : vertébroplastie (50), test anesthésique et dépister d’éventuelles complications. Une évaluation à un mois est également intéressante pour apprécier un effet thérapeutique retardé (injection de corticoïdes, nucléoplastie, ablation tumorale). Par la suite, la persistance de l’effet thérapeutique peut être appréciée tous les trois ou six mois.

Dans quelles circonstances ? Ce suivi des patients bénéficiant de procédures de radiologie interventionnelle du rachis nécessite souvent un aménagement de l’activité radiologique. L’évaluation initiale et les premiers contrôles devraient J Radiol 2008;89

pouvoir s’effectuer lors d’une consultation selon un schéma similaire aux autres spécialistes. Ceci n’est pas sans soulever des questions d’ordre administratif et financier, ainsi qu’une organisation particulière du service de radiologie qui dispose rarement de salles de consultation. Par la suite, une partie au moins des évaluations pourrait être assurée au moyen de questionnaires transmis par courrier, avec un système téléphonique d’assistance et de relance faisant appel à du personnel paramédical ou administratif spécialement formé.

Conclusion Le radiologue réalisant des procédures de radiologie interventionnelle du rachis doit être sensibilisé aux méthodes d’évaluation de la douleur. Une bonne maîtrise de ces outils est indispensable pour améliorer la pratique clinique et favoriser le développement de nouvelles techniques. Toutefois, la mise en œuvre de ces outils soulève encore de nombreuses questions. Parmi celles-ci, le statut de la radiologie interventionnelle et son organisation par rapport à un service d’imagerie classique n’est pas la moindre.

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