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Évaluation clinique et expérimentale
Évaluation de la marche dans la paralysie cérébrale de l’enfant Evaluation of walking in children with cerebral palsy S. Dziri a,*, A. Mrabet b, F.Z. Ben Salah a, I. Miri a, C. Dziri a b
a Institut d’orthopédie Mohamed Taïeb Kassab, rue des Travailleurs Ksar Saïd La Mannouba, 2010 Tunis, Tunisie Département d’épidémiologie et de médecine préventive, faculté de médecine de Tunis, rue de la Faculté de Médecine, Tunis, Tunisie
Résumé La perte de la marche représente une des complications fonctionnelles les plus fréquentes chez l’enfant paralysé cérébral, c’est une préoccupation pour toute l’équipe thérapeutique. L’objectif de ce travail était d’évaluer les capacités de marche d’enfants paralysés cérébraux et d’en étudier les éventuelles répercussions. Patients et méthodes. – Étude rétrospective réalisée sur une période d’un mois au service de médecine physique de l’institut Kassab de La Manouba (Tunisie) auprès de patients paralysés cérébraux âgés de 4 à 18 ans. La marche a été évaluée par des échelles validées (score de Gilette et le Growth Motor Function Classification Scale). Résultats. – Parmi les 102 enfants de notre série, 72 % n’étaient pas autonomes pour la marche. Le score de Gilette avait une médiane à 1 et une moyenne de 3,7. Le Growth Motor Function Classification Scale était supérieur ou égal à 4 chez 55 enfants et moins de la moitié des patients avait un score inférieur ou égal à 3. Les enfants qui avaient un score de Gilette bas avaient également un Growth Motor Function Classification Scale élevé et inversement, de façon significative ( p < 10 3). L’incidence des déformations rachidiennes était significativement plus élevée chez les enfants non marchants (81,8 %) que chez les marchants (18,2 %) ( p = 0,002). Les enfants qui étaient autonomes pour la marche avaient moins d’excentration de hanche (258) que ceux qui ne marchaient pas (558) ( p = 0,019). Conclusion. – La marche doit être évaluée avec des scores validés, permettant d’identifier les enfants à risque de développer des complications orthopédiques. # 2017 Publié par Elsevier Masson SAS.
Abstract The loss of walking is one of the most common functional complications in children with cerebral palsy. The aim of the study was to evaluate the walking ability of children with cerebral palsy and study the potential impacts. Patients and methods. – Retrospective study conducted over a period of one month in the Kassab Institute of Manouba (Tunisia) about 4 to 18-year-old children with cerebral palsy. The walking was assessed by validated scale (Gilette and Growth Motor Function Classification Scale). Results. – Of the 102 children enrolled in our study, 72% could not walk by their own. The Gilette had a median score of 1 and an average of 3.7. The Growth Motor Function Classification Scale was greater than or equal to 4 for 55 children and less than half of the patients had a lower score or equal to 3. Children who had a low Gilette also had a high Growth Motor Function Classification
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (S. Dziri). http://dx.doi.org/10.1016/j.motcer.2017.01.004 0245-5919/# 2017 Publié par Elsevier Masson SAS.
Pour citer cet article : S.. Dziri, et al., Évaluation de la marche dans la paralysie cérébrale de l’enfant, Motricité cérébrale (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.motcer.2017.01.004
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Scale and significantly (P < 10 3). The incidence of spinal deformities was higher among non merchant children (81.8%) than among merchants (18.2%) (P = 0.002). Children who were independent for walking had less hip eccentricity (258) than those who were not working (558) (P = 0.019). Conclusion. – The walk must be assessed with validated scales, to identify children at risk of developing orthopedic complications. # 2017 Published by Elsevier Masson SAS. Mots clés : Paralysie cérébrale ; Marche ; Évaluation ; Score de Gilette ; Growth Motor Function Classification Scale Keywords: Cerebral palsy; Walking; Assessment; Score of Gilette; Growth Motor Function Classification Scale
1. Introduction
2.2. Population de l’étude
La perte de la marche représente une des complications fonctionnelles les plus fréquentes chez l’enfant ayant une paralysie cérébrale, c’est une préoccupation pour toute l’équipe thérapeutique. L’objectif de ce travail était d’évaluer les capacités de marche d’enfants paralysés cérébraux et d’en étudier les éventuelles répercussions afin de cibler les programmes thérapeutiques pour prévenir la perte de la marche.
Tous les enfants consultant au service de médecine physique et réadaptation de l’institut Kassab pendant la période d’étude, âgés de 4 à 18 ans et ayant une paralysie cérébrale (et en se référant aux critères de la Cofemer [1]) ont été inclus dans l’étude.
2. Patients et méthodes 2.1. Type de l’étude Nous avons réalisé une étude descriptive transversale sur une période d’un mois (2015), au service de médecine physique et réadaptation de l’institut national d’orthopédie Mohamed-Kassab à La Manouba (Tunisie).
2.3. Échelles utilisées La marche a été évaluée par des échelles validées, à savoir le score de Gilette (Tableau 1) et le Growth Motor Function Classification Scale (Tableau 2). Le score de marche de Gillette est une échelle descriptive de la marche comportant dix descriptions sur les capacités habituelles de marche du sujet en intérieur et en extérieur. La classification du sujet ne prend pas en compte l’utilisation éventuelle d’aides techniques de marche [2]. En ce qui nous concerne, cette échelle a été utilisée pour tous nos patients, en
Tableau 1 Score de Gilette [2]. Score
Description
1 2
Ne peut faire aucun pas quelles que soient les conditions Peut faire quelques pas avec l’aide d’une tierce personne Ne supporte pas complètement le poids du corps sur les pieds. Ne marche pas de façon régulière Marche pendant les séances de rééducation mais non pour les déplacements habituels à l’intérieur du domicile mais lentement. Nécessite l’aide d’une tierce personne Marche à l’intérieur du domicile mais lentement. N’utilise pas la marche comme mode de déplacement préférentiel au domicile Marche plus de 5–15 mètres mais uniquement à l’intérieur du domicile ou à l’école Marche plus de 5–15 mètres à l’extérieur de la maison mais utilise habituellement un fauteuil roulant ou une poussette pour les déplacements en ville Marche à l’extérieur de la maison, pour se déplacer en ville, mais seulement sur terrains plats (ne peut négocier les trottoirs, terrains irréguliers et escaliers qu’avec l’aide d’une tierce personne) Marche à l’extérieur de la maison, pour se déplacer en ville ; est capable de négocier les trottoirs et terrains irréguliers mais nécessite une aide à minima ou la supervision d’une tierce personne par sécurité Marche à l’extérieur de la maison, pour se déplacer en ville ; se déplace facilement sur terrains plats, trottoirs et terrains irréguliers mais a des difficultés ou nécessite une aide minime pour courir, grimper ou monter les escaliers Marche à l’extérieur de la maison, pour se déplacer en ville. Marche, grimpe, court sur terrains réguliers et irréguliers sans difficulté ni aide
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Pour citer cet article : S.. Dziri, et al., Évaluation de la marche dans la paralysie cérébrale de l’enfant, Motricité cérébrale (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.motcer.2017.01.004
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Tableau 2 Scores selon la Growth Motor Function Classification Scale [3]. Score
Description
1
Marche à l’intérieur et à l’extérieur, monte les escaliers sans limitation. Peut courir et sauter, mais avec une limitation de la vitesse et de la coordination Marche à l’intérieur et à l’extérieur, monte un escalier en s’aidant d’une rampe, mais la marche est limitée en terrain accidenté ou incliné, dans la foule. La course et le saut sont limités La marche à l’intérieur et l’extérieur, en terrain plat est assistée. Monter un escalier est possible en s’aidant d’une rampe. Suivant les fonctions supérieures, il est possible de se déplacer en fauteuil roulant manuel, les longs déplacements à l’extérieur ou en terrain accidenté nécessitent un transport aidé Les déplacements sont possibles en fauteuil roulant, et à l’extérieur pour les parcours connus Le maintien de la posture est difficile, toutes les fonctions motrices sont limitées et incomplètement compensées par des aides, les déplacements autonomes en fauteuil roulant sont pratiquement impossibles et ne peuvent se faire qu’en fauteuil électrique
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4 5
rapport avec la description que nous avaient fournie les parents. La Growth Motor Function Classification Scale comporte cinq catégories de gravité croissante détaillées dans le Tableau 1. Elle est basée sur la sévérité de l’atteinte fonctionnelle en position assise et à la marche. Le but de cet outil est de déterminer le niveau de performance habituelle de l’enfant (à l’école, à domicile et dans la communauté) en fonction de ses habiletés fonctionnelles, en prenant en considération ses capacités de déambulation, de mobilité et de transferts, avec plus ou moins la nécessité d’une aide technique [3]. 2.4. Analyse statistique Les scores des échelles utilisées ont été présentés sous formes de moyennes écart-types, médianes et étendues (minima et maxima). Les variables qualitatives ont été présentées sous formes de fréquences brutes et de proportions. La comparaison des scores a été réalisée par le test t de Student et la comparaison des proportions par le test Chi2 de Pearson. Le seuil de signification a été fixé à 0,05.
3.2. Évaluation de la marche L’examen a trouvé que 72 % des enfants n’étaient pas autonomes pour la marche au moment de l’étude (Fig. 1). Le score de Gilette dans notre population a varié de 1 à 10. La médiane était à 1 et la moyenne de 3,7 (Fig. 2). Le score de Gilette était inférieur ou égal à 3 dans 60 % des cas, et 30,4 % des enfants avaient un score supérieur ou égal à 7. Le Gross Motor Function Classification System était supérieur ou égal à 4 chez plus de la moitié de nos patients (Fig. 3), et 45,1 % des enfants avaient un score inférieur ou égal à 3. Les enfants qui avaient un score de Gilette bas avaient également un Growth Motor Function Classifi-
autonome 28%
3. Résultats 3.1. Données générales Dans notre étude, nous avons inclus 102 enfants âgés de 8,46 3,39 ans, avec un sex-ratio de 1,94. Concernant le développement psychomoteur, la marche avec aide était acquise dans 63,7 % des cas avec des extrêmes de 9 mois et 10 ans. La marche sans aide était acquise chez 41,2 % des enfants avec des extrêmes de 12 mois et 10 ans. Parmi les 42 enfants qui avaient acquis la marche, seulement 41 % l’ont acquis avant 2 ans.
impossible 51%
avec aide 10% quelques pas 11%
Fig. 1. Répartition des patients selon la capacité de marche.
Pour citer cet article : S.. Dziri, et al., Évaluation de la marche dans la paralysie cérébrale de l’enfant, Motricité cérébrale (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.motcer.2017.01.004
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Nombre d'enfants
4
1
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3
4
6
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8
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Score de Gilee Fig. 2. Répartition des enfants selon le score de Gilette.
Nombre d'enfants
47
20 17 9
9
Score de GMFCS 1
2
3
4
5
Fig. 3. Répartition des enfants selon leur score selon la Growth Motor Function Classification Scale.
cation Scale élevé et inversement (Fig. 4), et ce de façon significative ( p < 10 3). 5
3.3. Complications orthopédiques corrélées à la marche
4. Discussion Environ un tiers des enfants avec paralysie cérébrale n’acquiert pas la marche [4]. Plusieurs facteurs sont intriqués :
GMFCS
Les enfants qui étaient autonomes pour la marche avaient moins d’excentration de hanche (258) que ceux qui ne marchaient pas (558), et ce de façon significative ( p = 0,019). L’incidence de déformations rachidiennes chez les enfants non marchants (81,8 %) était significativement plus élevée que chez les enfants marchants (18,2 %) ( p = 0,002).
4
3
2
1
0
1
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GILETTE Fig. 4. Comparaison du score de Gilette et du GMFCS.
Pour citer cet article : S.. Dziri, et al., Évaluation de la marche dans la paralysie cérébrale de l’enfant, Motricité cérébrale (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.motcer.2017.01.004
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anomalies primaires : représentées par les troubles du tonus sans atteintes musculo-squelettiques associées. Elles sont la conséquence directe de l’atteinte de la substance blanche (spasticité, faiblesse musculaire), de la substance grise (athétose et dystonie) ou du cervelet (hypotonie, ataxie) ; anomalies secondaires : conséquences des attitudes vicieuses et des anomalies de stimulation musculaire sur un squelette en croissance. Elles sont représentées par les rétractions ostéo-tendineuses et les vices architecturaux ; anomalies tertiaires : représentées par les mécanismes de compensation [5–7]. Ces enfants ont un risque particulier de déformations orthopédiques, de douleur et de difficultés à obtenir une station assise confortable [8]. Près des trois-quarts des enfants de notre série n’étaient pas autonomes pour la marche (72 %) et avaient une excentration de hanche plus importante et des déformations rachidiennes plus fréquentes que les marchants. L’excentration de la hanche a été notée chez 69,6 % des enfants et était plus grave chez les non-marchants. La migration latérale de la tête fémorale est le plus souvent due aux anomalies musculo-squelettiques fréquentes chez l’enfant atteint de paralysie cérébrale : spasticité des adducteurs de hanches et dysplasie du cotyle [9–11]. Le score selon la Growth Motor Function Classification Scale dans notre population était comparable à une étude réalisée en Italie (Fig. 5) pour les scores élevés [12]. Par ailleurs, nous avons observé que les enfants qui avaient un score de Gilette bas avaient également un score selon la Growth Motor Function Classification Scale élevé et inversement. Cette constatation paraît logique, mais nous n’avons trouvé aucune autre étude qui s’y soit intéressée. 100.00% 90.00% 80.00% 70.00% 60.00% 50.00% 40.00% 30.00% 20.00% 10.00% 0.00%
43.70%
16.10% 8.80% 1
14.90%
46.10%
16.70% 2
19.60%
6.90% 8.80%
3
4
GMFCS Notre étude
Etude italienne
Fig. 5. Comparaison du GMFCS avec l’Italie.
5
5
5. Conclusion L’évaluation de la marche dans la paralysie cérébrale de l’enfant est essentielle pour guider la prise en charge interdisciplinaire afin d’éviter les anomalies secondaires et tertiaires. Les moyens d’évaluation diffèrent selon les équipes et leur niveau d’équipement technologique (allant jusqu’à l’analyse quantifiée de la marche et du mouvement). L’évaluation clinique minutieuse, avec l’utilisation des scores de Gilette et selon la Growth Motor Function Classification Scale a toute sa place et devrait être plus développée. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] Cofemer. Paralysie cérébrale. Saint-Maurice: Quentin V; 2012. [2] Degache E, Perrier M, Bayle B, D’Anjou Mc, Gautheron V. Étude des relations entre le score de Gilette et la vitesse de marche chez les enfants paralysés cérébraux. Mot Cerebr 2009;30:97–102. [3] Palisano R, Rosenbaum P, Walter S, Russel D, Wood E, Galuppi B. Growth motor function classification system expanded and revised. Dev Med Child Neurol 1997;39:214–23. [4] Palisano R, Rosenbaum P, Walter S, Russell D, Wood E, Galuppi B. Development and reliability of a system to classify gross motor function in children with cerebral palsy. Dev Med Child Neurol 1997;39:214–23. [5] Koman LA, Smith BP, Shilt JS. Cerebral palsy. Lancet 2004;363:1619–31. [6] Papavasiliou AS. Management of motor problems in cerebral palsy: a critical update for the clinician. Eur J Paediatr Neurol 2009;13:387–96. [7] Viehweger E, Berard C, Berruyer A, Simeoni MC. Testing range of motion in cerebral palsy. Ann Readapt Med Phys 2007;50: 258–65. [8] Hodgkinson I, Jindrich ML, Duhaut P, Vadot JP, Metton G, Berard C. Hip pain in 234 non-ambulatory adolescents and young adults with cerebral palsy: a cross-sectional multicentre study. Dev Med Child Neurol 2001;43:806–8. [9] Picciolini O, Gasparroni V, Cozzaglio M, Messina L, Portinaro N, Mosca F. Le centrage des hanches au moyen de sièges moulés : études et résultats. Mot Cerebr 2010;31:75–80. [10] Poirot I, Agnias T, Tournié P, Dumas R, Moulin K, Morel B, et al. Hypothèse physiopathologique de l’excentration de hanche dans la paralysie cérébrale à partir d’une expérience de terrain. Mot Cerebr 2013;34:123–7. [11] Gatin L, Khouri N. Luxation antérieure de hanche chez les enfants atteints de désordres neurologiques. Étude rétrospective de dix hanches opérées. Rev Chir Orthop Traumatol 2015;201:40–6. [12] Compagnone E, Maniglio J, Camposeo S, Vespino T, Losito L, De Rinaldis M, et al. Functional classifications for cerebral palsy: correlations between the gross motor function classification system (GMFCS), the manual ability classification system (MACS) and the communication function classification system (CFCS). Res Dev Disabil 2014;35:2651–7.
Pour citer cet article : S.. Dziri, et al., Évaluation de la marche dans la paralysie cérébrale de l’enfant, Motricité cérébrale (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.motcer.2017.01.004