Évaluation de la qualité de réalisation des tests de concordance ultime au lit du patient

Évaluation de la qualité de réalisation des tests de concordance ultime au lit du patient

Transfusion Clinique et Biologique 11 (2004) 183–185 http://france.elsevier.com/direct/TRACLI/ Article original Évaluation de la qualité de réalisat...

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Transfusion Clinique et Biologique 11 (2004) 183–185 http://france.elsevier.com/direct/TRACLI/

Article original

Évaluation de la qualité de réalisation des tests de concordance ultime au lit du patient Achievment quality evaluation of pretransfusion bedside test S. Védy *, P. Hance, E. Garnotel, J.J. De Pina, M. Eymard, M. Morillon Laboratoire de biologie clinique, hôpital d’instruction des armées, LAVERAN, 13998 Marseille Armées, France Disponible sur internet le 05 octobre 2004

Résumé Les accidents d’ordre immunologique sont parmi les causes les plus fréquentes d’incidents transfusionnels. Les contrôles de concordance ultime pré-transfusionnels constituent la dernière étape avant transfusion. L’évaluation de leur qualité de réalisation n’est pas effectuée en pratique. Nous avons donc mis en place à l’HIA Laveran une évaluation de la qualité de réalisation de ces tests. Pendant une période de 13 mois de novembre 2001 à décembre 2002 les cartes de concordance ultime pré-transfusionnel ont été retournées systématiquement au dépôt de sang médicalisé pour analyse (taux de retour 91 %). Trois types d’erreurs ont été relevés : erreurs techniques, erreurs de compréhension et erreurs mixtes. Le taux global de non conformité était de 10,4 % (sur un total de 1632 cartes). Pour chaque erreur, l’utilisateur de la carte a bénéficié d’une formation complémentaire tandis que l’évaluation de la qualité de la réalisation de ces tests était poursuivie parallèlement. Cet enseignement s’est accompagné d’une baisse significative du taux de non conformité global (22,8 % en novembre 2001 contre 10,7 % en décembre 2002). Cette étude a permis de mettre en évidence l’importance d’une évaluation de la qualité de réalisation de ces tests de concordance ultime et l’efficacité de mesures correctrices simples. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract As far as transfusions accidents are concerned, immunological causes are frequent. Pretransfusion Bedside Compatibility Tests (PBCT) are the last chance to avoid them. However low data are disponible on the quality their realisation is achieved. The aim of the study is to evaluate the quality level of achievment of these tests, in HIA Laveran Hospital (Marseille Armées, France). During 13 months, from november 2001 to december 2002, we systematically analysed PBCT after use (analysis rate 91%). Three kinds of errors have been noticed: Technical errors, understanding errors and both. Overall mistake rate was 10.4% (1632 tests analysed). In the same time, a complementary formation was dispensed to users responsable of misfits. This formation was successful, decreasing the overall mistake rate from 22.8% (november 2001) to 10.7% (december 2002). This study is an evidence of the importance to evaluate achievment quality of PBCT and shows how efficient can be simple correction methods. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Concordance ; Évaluation ; Qualité ; Test ; Transfusion ; Ultime Keywords: Bedside; Compatibility; Pretransfusion; Evaluation; Quality

1. Introduction Alors que le risque infectieux semble être celui qui préoccupe le plus l’opinion publique [1,2], c’est l’incompatibilité ABO qui représente l’une des causes les plus fréquentes d’incidents et de décès transfusionnels actuellement en France. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Védy). 1246-7820/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.tracli.2004.09.004

Dans ce cadre, les tests de contrôle ultime de compatibilité au lit du patient constituent une étape fondamentale du processus. Ce sont en effet les derniers tests de la chaîne transfusionnelle à pouvoir empêcher l’accident. L’expérience montre qu’ils peuvent sauver des vies [3]. Cependant, il apparaît très clairement que ces tests ne remplissent leur fonction préventive que s’ils sont correctement réalisés et interprétés. Or, si la législation rend obligatoire leur réalisation [4], elle ne se prononce pas sur la vérification de la qualité de leur réalisation.

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Peu d’études sont d’ailleurs disponibles sur le sujet à ce jour. Une évaluation a donc été menée au sein du laboratoire de biologie clinique de l’hôpital d’instruction des armées Alphonse-Laveran sur la qualité de réalisation des tests de concordance ultime au lit du patient. 2. Matériel et méthode Cette étude a été conduite au sein du dépôt de sang médicalisé de notre laboratoire sur une période de 13 mois, de novembre 2001 à décembre 2002. Nous avons demandé aux différents acteurs de la transfusion de retourner systématiquement les cartes de concordance ultime (Safety Card AB de Diagast®) au dépôt pour pouvoir les analyser. Trois types de non-conformité ont été relevés : • erreurs techniques : anomalies dans le remplissage de la carte (ex. : absence de nom de patient, absence de film plastique sur la zone de test, pas de signature, carte illisible, trop grande quantité de sang dans les puits avec débordement...) ; • erreurs de compréhension : anomalies sur l’interprétation des réactions observées (ex. : absence de réponse à la question « concordant ou non ? », absence de réponse à la question « faut-il transfuser ? », erreur d’interprétation des agglutinations) ; • erreurs mixtes : lorsque les deux types d’anomalies étaient associées. Pour chaque erreur, l’utilisateur de la carte a bénéficié d’une formation complémentaire au dépôt de sang tandis que l’évaluation de la qualité de réalisation était poursuivie. 3. Résultats Mille six cents trente-deux tests ont été exploités sur la durée de l’étude, soit un taux de retour de 91 %. Cent pour cent des cartes ont été remplies par des infirmières diplômées d’état (IDE) Le taux global de non-conformité était de 10,4 %.

Les erreurs se répartissaient de la manière suivante : • erreurs mixtes : 11 % ; • erreurs technique : 45,5 % ; • erreurs de compréhension : 43,5 %. Concernant les erreurs de compréhension il faut souligner le fait que nous n’avons jamais observé de conclusions discordantes du type « test non concordant » associé à une réponse positive à la question « Peut-on transfuser ? ». De même, nous n’avons jamais eu de retour de poche en rapport avec un test de concordance mal interprété. Aucun incident immunologique n’a par ailleurs été rapporté durant l’étude. Les mesures correctrices adoptées pratiquement en temps réel (convocation au dépôt de sang des rédacteurs de la carte pour formation complémentaire) ont permis de mettre en évidence une baisse significative des différentes erreurs (Fig. 1) Le taux global de non-conformité est ainsi passé de 22,8 % en novembre 2001 à 10,27 % en décembre 2002. Cette diminution a essentiellement porté sur les erreurs de compréhension et des erreurs mixtes (Fig. 2), alors que parallèlement nous avons pu observer une élévation des erreurs techniques. Cette dernière n’est cependant pas homogène mais au contraire diffère selon les spécialités et leur activité transfusionnelle (Fig. 3).

4. Discussion Plusieurs éléments ressortent de cette étude et méritent d’être soulignés. Tout d’abord, il apparaît que le taux global de nonconformité a été sous-estimé. En effet, les chiffres observés tiennent compte de la formation complémentaire prodiguée parallèlement au recueil. En l’absence de celle-ci, ils auraient été probablement plus élevés. Ce taux traduit par ailleurs une lacune dans la formation du personnel soignant (toutes formations confondues, paramédicale et médicale, car il ne faut pas oublier que les tests sont réalisés sous la responsabilité du médecin prescripteur de la transfusion). Cependant, la formation complémentaire dispensée a eu un effet bénéfique comme le montre la baisse significative du taux global de non-conformité. Un enseignement plus appro-

Fig. 1. Évolution du taux de non conformité global sur la durée de l’étude.

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Fig. 2. Comparaison des tendances évolutives du taux global de non conformité, du taux d’erreurs de compréhension, d’erreurs techniques et d’erreurs mixtes.

• le taux d’erreur médicale de compréhension est au moins égal à celui des IDE (aucun test en erreur n’a bénéficié d’une correction ou interprétation secondaire par un médecin). Seule une étude ciblée pourrait conclure formellement. 5. Conclusion

Fig. 3. Évolution du taux d’erreurs techniques en fonction du nombre total de cartes remplies.

fondi sur le sujet dans les structures de formation initiale devrait pouvoir généraliser le résultat. L’effet est particulièrement sensible sur le taux d’erreurs de compréhension, dont la courbe de tendance évolutive est strictement parallèle à celle du taux global de nonconformité. L’hypothèse la plus probable pour expliquer ce résultat notable est sans aucun doute la transmission d’un certain faire savoir. Les personnes ayant bénéficié de la formation complémentaire au dépôt ont probablement fait part de leur connaissance autour d’eux provoquant ainsi un effet du type «boule de neige». Comment expliquer l’évolution du taux d’erreurs techniques ? Il est statistiquement lié à l’activité transfusionnelle du service considéré (Fig. 3). Il s’agit manifestement d’un manque de savoir-faire. L’effet « boule de neige » n’a pas pu se manifester dans ce cas, car le savoir technique ne peut s’acquérir que par la pratique... Enfin, cette étude n’a permis d’évaluer que les personnes dont l’identité figure sur la carte de test. Les médecins n’ont ainsi pas pu réellement bénéficier de l’évaluation. Les cartes étant cependant remplies sous leur responsabilité, on peut extrapoler un résultat de cette étude :

Le risque immunologique de la transfusion est actuellement en France 200 fois plus élevé que le risque infectieux. Les incidents immunologiques restent à ce titre l’une des principales préoccupations des acteurs de la chaîne transfusionnelle. Or il s’avère que le test de concordance ultime, dernier maillon du processus transfusionnel, est un maillon faible. Notre étude montre cependant qu’un enseignement complémentaire, théorique et pratique dans les établissements de formation permettrait très certainement d’améliorer leur qualité de réalisation. Cette étude fait par ailleurs ressortir l’intérêt d’évaluer les mesures préventives en place pour pouvoir les améliorer. Dans ce contexte, il apparaît logique de soulever deux interrogations : • quelle est l’efficacité préventive des tests de concordance ultime au lit du patient ? • faut-il ou ne faut-il pas une évaluation systématique de leur qualité de réalisation ? Références [1] [2]

[3] [4]

Afssaps. Unité Hémovigilance: Rapport annuel 2001. Josianne Pillonel, Syria Laperche, le groupe « Agents transmissibles par transfusion sanguine » de la Société française de transfusion sanguine, l’Établissement français du sang et le Centre de transfusion sanguine des armées. Risque résiduel de transmission du VIH, du VHC et du VHB par transfusion sanguine entre 1992 et 2002 en France et impact du dépistage génomique viral. BEH N°48/2003 du 9 décembre 2003. Afssaps, Comité de coordination des vigilances des produits de santé. Bilan 2002: principaux faits marquants. Circulaire DGS/DHOS/AFSSAPS n°2003-582 du 15 décembre 2003 relative à la réalisation de l’acte transfusionnel.