© AFTCC, Paris, 2005
Journal de Thérapie Comportementale et Cognitive 2005, 15, 4, 141-153
Méthodologie
ÉVALUATION DE L’ATTITUDE D’UN INDIVIDU FACE AUX DIFFÉRENTS PROBLÈMES DE VIE : LE QUESTIONNAIRE D’ATTITUDE FACE AUX PROBLÈMES (QAP) P. GOSSELIN (1), R. LADOUCEUR (2), O. PELLETIER (2) (1) Département de psychologie, Université de Sherbrooke, Sherbrooke (Québec), Canada. (2) École de psychologie, Université Laval, Québec (Québec), Canada.
RÉSUMÉ : L’attitude négative par rapport aux problèmes constitue une prédisposition cognitive non fonctionnelle lorsqu’un individu tente de résoudre les problèmes de la vie de tous les jours. Des études récentes suggèrent notamment que les déficits de résolution de problèmes observés auprès de patients souffrant de certaines psychopathologies (e.g. anxiété généralisée, dépression majeure) seraient principalement occasionnés par cette variable cognitive. Jusqu’à maintenant, aucun instrument n’avait encore été développé afin d’évaluer spécifiquement l’attitude négative face aux problèmes. Le présent article rapporte les étapes de développement et de validation d’un questionnaire construit afin d’évaluer spécifiquement et ce, de façon rapide et efficace, l’attitude négative face aux problèmes. La première étude rapporte les étapes de développement et de validation initiale du Questionnaire d’Attitude face aux Problèmes (QAP) auprès de 301 participants universitaires francophones. La deuxième évalue les propriétés psychométriques de la version finale de l’instrument, soit sa structure factorielle, sa validité et sa fidélité auprès d’un deuxième échantillon de la population non clinique (N = 344). Finalement, la troisième étude évalue la stabilité temporelle de l’instrument à l’aide d’une passation test-retest effectuée avec un intervalle de 4 semaines (N = 75). Les résultats obtenus appuient la validité et la fidélité de l’instrument. Le QAP est donc un instrument utile tant aux cliniciens qu’aux chercheurs intéressés à évaluer l’attitude négative face aux problèmes des gens. Mots-clés : résolution de problèmes, évaluation, questionnaire, validation, processus cognitif.
SUMMARY: Evaluation of an individual’s attitude toward daily life problems: the Negative Problem Orientation Questionnaire P. GOSSELIN, R. LADOUCEUR, O. PELLETIER (Journal de Thérapie Comportementale et Cognitive, 2005 ; 15, 4, 141-153).
Negative problem orientation is a set of dysfunctional cognitions that influences one’s ability to effectively solve daily life problems. Recent studies suggest considering this inhibitive variable in order to better understand and treat patients suffering from different psychopathologies (e.g. Generalized Anxiety Disorder, Major Depression). Until now, no measures were available to specifically assess negative problem orientation. This article presents the development procedures and the psychometric validation of a new French questionnaire built to specifically evaluate negative problem orientation related to daily life problems: the Negative Problem Orientation Questionnaire (NPOQ). The first study describes the procedure used to create the NOPQ and presents iniCorrespondance : Professeur P. GOSSELIN, Ph. D., Département de psychologie, Université de Sherbrooke, 2500, boulevard de l’Université, Sherbrooke (Québec), Canada, J1K 2R1. e-mail :
[email protected] Note des auteurs : Ces études ont été réalisées avec l’appui financier des Fonds de la Recherche en Santé du Québec (FRSQ) et des Instituts de la Recherche en Santé du Canada (IRSC).
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P. GOSSELIN et coll.
tial psychometric data on its factorial structure, its internal consistency, the quality of its items, and its validity among 301 non clinical French participants. Following modifications, studies 2 and 3 evaluated the psychometric properties of the final version of the questionnaire. The second study examined the factor structure, the reliability and the validity of the NOPQ among another sample of non clinical French participants (N=344). Finally, the third study investigated the temporal stability (test-retest reliability) of the questionnaire among another non-clinical sample (N=75). Analyses first confirmed the one-factor structure of the NOPQ. Moreover, results showed that the questionnaire had a good internal consistency and a very good validity. Finally, the results indicate that the NOPQ is very stable over time, thus supporting its temporal stability. This questionnaire, developed in French, represents a useful tool for clinicians and researchers to assess negative problem orientation toward daily life problems. Key words: problem-solving, assessment, questionnaire, validation, cognitive process.
Au cours des 2 dernières décennies, plusieurs recherches ont démontré qu’un déficit au niveau de l’habileté à résoudre les problèmes de la vie de tous les jours est associé au développement et au maintien de différentes psychopathologies. Certains auteurs ont constaté le rôle important de ce déficit dans le Trouble d’anxiété généralisée (Dugas et coll., 1998 ; Gosselin et coll., 2002) et la dépression majeure (Marx et coll., 1992, 1994). Une défaillance au niveau des habiletés de résolution de problèmes sociaux ou encore au niveau des dispositions cognitives d’un individu lorsqu’il se retrouve confronté à un problème entraînerait notamment un niveau de détresse émotionnelle important (incluant l’anxiété, les inquiétudes, les symptômes dépressifs et les idéations suicidaires) (voir Clum et coll., 1996 ; D’Zurilla & Sheedy, 1991 ; Gosselin et coll., 2002 ; Haaga et coll., 1995 ; Kant et coll., 1997 ; Nezu, 1985, 1986 ; Nezu & D’Zurilla, 1989). D’Zurilla et Nezu (D’Zurilla, 1986 ; D’Zurilla & Nezu, 1982, 1999) définissent la résolution de problèmes sociaux comme étant toute résolution d’un problème se produisant dans l’environnement naturel d’un individu. Toute situation problématique pouvant se produire dans la vie de tous les jours, comme une dispute avec un(e) ami(e), une perte d’emploi ou un travail à faire, constitue donc un problème social si aucune réponse ou solution efficace et satisfaisante n’apparaît disponible sur le moment. MaydeuOlivares et D’Zurilla (1996) précisent que la résolution de problèmes sociaux est un processus complexe impliquant plusieurs composantes cognitives et comportementales, soit : 1. l’attitude négative face aux problèmes, 2. l’attitude positive face aux problèmes, 3. la résolution de façon rationnelle, 4. l’impulsivité/négligence, 5. l’évitement.
Chacune de ces composantes influencerait la façon dont un individu gère ses problèmes indépendamment du niveau de connaissance des étapes nécessaires à leur résolution. Celui-ci pourrait donc présenter les habiletés nécessaires pour résoudre ses problèmes, mais tout de même présenter un déficit à faire face aux situations en raison, par exemple, de l’attitude négative qu’il entretient à l’égard des problèmes. Cette première composante – l’attitude négative face aux problèmes – se définit par une disposition cognitive inefficace, se traduisant par une tendance générale à voir un problème comme étant une menace à son bien-être, à être pessimiste lorsqu’un problème se présente et à douter de la maîtrise des habiletés nécessaires pour résoudre un problème avec succès. L’attitude positive face aux problèmes se définit, quant à elle, comme une disposition cognitive constructive à résoudre des problèmes, impliquant une tendance générale à les évaluer comme des défis et à croire en ses capacités à les résoudre. Selon D’Zurilla et coll. (1996), ces 2 premières composantes ne seraient pas opposées sur un même continuum, mais prendraient plutôt la forme de 2 construits distincts. Les dimensions d’optimisme et de pessimisme faisant partie de ces construits expliqueraient le chevauchement entre ces 2 types d’attitude (Chang et coll., 1994 ; Marshall et coll., 1992). La troisième composante – la résolution rationnelle de problèmes – refléterait une tendance constructive à résoudre les problèmes en utilisant délibérément et adroitement des habiletés de résolution structurées, en commençant par : 1. la formulation et la définition du problème, 2. l’élaboration de solutions alternatives, 3. la prise de décision et l’exécution, 4. la vérification de la solution. L’impulsivité/négligence se caractérise par une habitude inefficace de résolution de problèmes,
ÉVALUATION DE L’ATTITUDE FACE AUX PROBLÈMES DE VIE
se manifestant par des tentatives d’appliquer des stratégies de résolution de problèmes de manière impulsive et négligente. Finalement, le style évitement est défini comme étant une résolution de problèmes non fonctionnelle caractérisée par une tendance à retarder la résolution le plus longtemps possible, attendre que les problèmes se résolvent d’eux-mêmes et tenter de transmettre aux autres la responsabilité de résoudre les problèmes. Malgré l’importance clinique de chaque composante cognitive-comportementale décrite par Maydeu-Olivares et D’Zurilla (1996), les études récentes effectuées sur différents troubles psychiatriques ont permis de constater que l’attitude négative face aux problèmes est souvent la principale, sinon la seule composante du processus de résolution de problèmes où les déficits sont observés. L’attitude négative face aux problèmes a notamment été identifiée comme un des principaux facteurs reliés aux inquiétudes excessives et au Troubles d’anxiété généralisée (Davey, 1994 ; Dugas et coll., 1998 ; Gosselin et coll., 2002 ; Ladouceur et coll., 1998), alors que les premiers écrits allaient plutôt dans le sens d’un déficit au niveau des habiletés de résolution de problèmes chez ces patients (Borkovec, 1985). Les résultats d’essais randomisés démontrent d’ailleurs que la correction de l’attitude négative face aux problèmes dans le traitement du Trouble d’anxiété généralisée entraîne des améliorations cliniques significatives (Dugas et coll., 2003 ; Ladouceur et coll., 2000). D’autres chercheurs ont confirmé que l’attitude négative face aux problèmes était la composante déficitaire du processus de résolution reliée aux symptômes dépressifs et aux tendances suicidaires chez les enfants et les adolescents (Reinecke et coll., 2001 ; Scher, 1998 ; Spence et coll., 2002). Étant donné l’importance de l’attitude négative face aux problèmes pour la psychopathologie, il apparaît primordial de pouvoir l’évaluer rapidement et adéquatement. Jusqu’ici, seul l’Inventaire de Résolution de Problèmes Sociaux – Révisé / Social Problem-Solving Inventory-Revised (IRPS-R) de Maydeu-Olivares et D’Zurilla (1996) (validation française : Gosselin et coll., 2002) permettait d’évaluer l’attitude négative face aux problèmes. Cet instrument contient toutefois 52 items, dont seulement une sous-échelle (10 items) évalue l’attitude négative face aux problèmes. L’IRPS-R représente donc un instrument lourd à administrer notamment lorsque le but est de préciser uniquement l’attitude négative face aux problèmes. Par ailleurs, plusieurs
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items de la sous-échelle d’attitude négative face aux problèmes du IRPS-R évaluent des dimensions émotionnelles (e.g. « Je deviens déprimé et figé lorsque j’ai un problème important à résoudre » ; « Je me sens menacé et apeuré lorsque j’ai un problème important à résoudre » ; « Lorsque mes efforts pour résoudre un problème échouent, je deviens déprimé ») alors que l’échelle de l’attitude positive s’en tient aux aspects cognitifs du construit. D’Zurilla et Nezu (1999) notaient récemment que l’attitude négative face aux problèmes pouvait conduire à des émotions négatives. Les items évaluant l’attitude négative face aux problèmes devraient donc traduire les croyances générales de l’individu à l’égard de la résolution de problèmes et de ses habiletés plutôt que de se centrer sur les conséquences émotionnelles découlant de ces croyances. Notons par ailleurs que l’inclusion d’aspects émotionnels risque de biaiser à la hausse les corrélations pouvant être obtenues entre la sous-échelle d’attitude négative de l’IRPS-R et des mesures de construits plus émotionnels (symptômes dépressifs, anxiété, peurs). Par ailleurs, la sous-échelle de l’IRPS-R ne cible pas non plus directement le pessimisme face à la réussite de la démarche de résolution ni les croyances reliées au manque d’efficacité personnelle dans la résolution de problèmes qui s’avèrent pourtant des construits centraux à la définition de la composante cognitive. Finalement, les items de l’IRPS-R ne permettent pas non plus d’évaluer l’attitude négative face aux problèmes en tant que variable cognitive influençant chacune des étapes de résolution rationnelle présentée précédemment. Puisque l’attitude négative face aux problèmes est généralement considérée comme une composante influençant la motivation initiale à entamer un processus de résolution en plus de chacune des étapes subséquentes, l’utilisation d’items formulés pour évaluer l’attitude négative dans les premières étapes de résolution (e.g. « Avant même d’avoir essayé de trouver une solution, je me dis qu’il est difficile de résoudre un problème ») et d’autres dans les étapes suivantes (e.g. « Même si j’arrive à voir certaines solutions à mes problèmes, je doute qu’ils pourront se régler facilement ») pourrait permettre de mesurer plus adéquatement la composante cognitive. L’objectif principal de ce travail consiste donc à décrire le développement et la validation d’un nouvel instrument de mesure évaluant spécifiquement et ce, de façon rapide et efficace, l’attitude négative face aux problèmes : Le Questionnaire d’Attitude face aux Problèmes (QAP).
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P. GOSSELIN et coll.
Les propriétés psychométriques de l’instrument seront analysées au cours de 3 études distinctes, à savoir sa structure factorielle, sa fidélité (cohérence interne, qualité des items), sa validité (convergente, divergente) et sa stabilité temporelle.
ÉTUDE 1 : DÉVELOPPEMENT DU QUESTIONNAIRE ET ANALYSES PRÉLIMINAIRES Cette première étude présente les étapes de développement du QAP et évalue la structure factorielle, la cohérence interne et la qualité de ses items.
Méthode Développement et sélection des items de l’instrument Le développement du questionnaire a été effectué en plusieurs étapes. Tout d’abord, un comité de cliniciens-chercheurs spécialisés dans le domaine de l’intervention cognitive-comportementale et l’entraînement à la résolution de problèmes a été formé afin de définir le construit d’attitude négative face aux problèmes et de générer des items permettant de l’évaluer. Cette première étape a permis de générer 46 items évaluant « une disposition cognitive inefficace impliquant une tendance excessive de l’individu à (a) voir les problèmes comme une menace et plutôt qu’un défi, (b) être pessimiste face aux problèmes à résoudre, (c) douter des solutions possibles et (d) douter de ses habiletés à résoudre un problème ». Certains items ont été générés afin d’évaluer l’attitude négative à travers les premières étapes de résolution de problèmes (e.g. « Ma première réaction devant un problème est de remettre en question mes habiletés ») alors que d’autres ont été générés pour représenter l’attitude négative à travers les étapes plus avancées du processus (e.g. « Même si j’arrive à voir certaines solutions à mes problèmes, je doute qu’ils pourront se régler facilement »). Ceci concorde notamment avec le principe général que l’attitude négative face aux problèmes interfère avec chacune des étapes de résolution rationnelle de problèmes et non simplement au niveau des étapes initiales du processus. Les items générés ont par la suite été évalués par les membres du comité en fonction de leur validité apparente à l’aide d’une échelle Likert en 9 points.
Les 21 items ayant la meilleure validité ont été retenus puis soumis à un échantillon de 25 participants afin de confirmer leur intelligibilité. Ceux-ci ont finalement été ordonnés de façon aléatoire afin de constituer la première version du questionnaire soumise au processus de validation psychométrique. Une échelle de format Likert en 5 points, similaire à celle utilisée dans plusieurs autres questionnaires (e.g. QIPS : Gosselin et coll., 2001 ; IRPS-R : Maydeu-Olivares & D’Zurilla, 1996), a été retenue afin de répondre à chacun des items (de « pas du tout correspondant » à « extrêmement correspondant »).
Participants et procédures Le Questionnaire d’Attitude face aux Problèmes (QAP) a été administré à 301 étudiants universitaires francophones volontaires, 244 femmes (âge moyen = 23,99 ans ; ET = 6,22) et 57 hommes (âge moyen = 26,58 ans ; ET = 8,79). Ceux-ci ont été recrutés auprès de divers programmes d’étude de premier cycle sous l’approbation du Comité d’éthique de la recherche. La passation des instruments a été effectuée pendant le temps de classe. Aucune compensation ou incitatif (e.g. argent, bonus, crédit) n’a été remis aux gens pour leur participation.
Instruments Un questionnaire d’informations générales évaluant les caractéristiques personnelles des répondants, soit l’âge, le sexe, le programme et le cycle d’études a été administré avec le QAP. La première version du QAP comprend 21 items évaluant l’attitude cognitive des gens à l’égard des problèmes de la vie de tous les jours. Plus précisément, elle évalue la tendance d’un individu à considérer un problème comme étant une menace à son bien-être, à être pessimiste face aux chances de résoudre les problèmes, à douter des solutions potentielles et à douter de ses habiletés pour les résoudre. La cotation de chacune des questions se fait à l’aide d’une échelle Likert en 5 points (de « pas du tout correspondant » à « extrêmement correspondant »). L’évaluation des propriétés psychométriques du QAP fait l’objet du présent article.
Résultats Structure factorielle du QAP Une première analyse factorielle avec rotation Varimax a été réalisée en utilisant le maximum
ÉVALUATION DE L’ATTITUDE FACE AUX PROBLÈMES DE VIE
de vraisemblance comme méthode d’extraction. L’examen du test du coude de Cattel suggère une structure à 1 ou 2 facteurs alors que l’analyse, qui fait ressortir 3 valeurs propres supérieures à 1, suggère plutôt une structure à 3 dimensions. Les pondérations factorielles (tableau I) précisent que le facteur 1 regroupe la majorité des items évaluant l’attitude négative telle que définie par le comité de cliniciens-chercheurs. Le facteur 2 regroupe les items évaluant l’idée que l’arrivée d’un problème suscite la « frustration » alors que le facteur 3 rassemble les 5 items traduisant le fait d’être contrarié et dépassé en présence d’un problème. Les pourcentages de variance expliquée pour chacun s’élèvent respectivement à 44,9 %, 5,1 % et 3,6 %. Considérant les faibles pourcentages de variance expliquée par les 2 derniers facteurs ainsi que le test du coude de Cattel, une deuxième analyse factorielle a été exécutée en forçant l’extraction d’une seule dimension. Les pondérations factorielles (tableau II), qui oscillent entre 0,45 et 0,81, appuient la validité d’une structure à une seule dimension expliquant 44,8 % de la variance. Le tableau II présente les pondérations factorielles de même que les indices de communalité observés avec une solution à un facteur.
Fidélité : cohérence interne du QAP et qualité des items Un coefficient alpha de Cronbach a ensuite été calculé à partir des résultats obtenus à chacun des items afin d’évaluer la cohérence interne du questionnaire et d’avoir un estimé de sa fidélité. Le coefficient obtenu s’élève à 0,94. Les corrélations item-total se situent entre 0,46 et 0,77. Aucun retrait d’item n’augmente le coefficient alpha.
Discussion Le but de cette première étude était d’évaluer les propriétés psychométriques d’une version préliminaire du QAP, soit sa structure factorielle et la qualité de ses items. Les résultats obtenus confirment que l’instrument possède une structure clairement définie et une cohérence interne adéquate. Les facteurs 2 et 3 extraits de la première analyse factorielle suggèrent cependant que des regroupements d’items évaluent possiblement des construits différents. L’examen de ces regroupements indique que plusieurs items du questionnaire évaluent des dimensions émotionnelles pouvant être conséquentes à l’attitude
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TABLEAU I. — Structure factorielle de la version préliminaire du QAP – 3 facteurs.
Items 1 14. J’estime souvent que je n’ai pas les compétences pour résoudre les problèmes 8. Je doute souvent de mes capacités à résoudre les problèmes 21. Lorsque je tente de résoudre un problème, je remets souvent en question mes habiletés 10. Même si je mets beaucoup d’efforts pour surmonter un obstacle, il sera difficile de trouver la bonne solution 13. Même si j’arrive à voir certaines solutions à mes problèmes, je doute qu’ils puissent se régler facilement 16. Souvent, j’ai l’impression que les problèmes qui m’arrivent ne peuvent pas être résolus 2. Ma première réaction devant un problème est de remettre en question mes habiletés 18. Je panique à l’idée d’avoir à résoudre un problème 11. Lorsque je dois affronter une situation difficile, je me sens menacé(e) 7. Les problèmes qui m’arrivent me semblent souvent insurmontables 19. Souvent, avant même d’avoir essayé de trouver une solution, je me dis qu’il est difficile de résoudre un problème 3. Même si j’ai regardé un problème sous tous les angles possibles, je me demande encore si la solution que j’ai retenue va être efficace 1. J’ai tendance à voir les problèmes comme un danger 12. Pour ne pas me tromper, j’hésite souvent à choisir une solution à mes problèmes 15. Je deviens frustré(e) lorsque je suis confronté(e) à des problèmes 20. L’arrivée d’un problème suscite rapidement ma frustration 6. Lorsque mes premiers efforts pour résoudre un problème échouent, je deviens frustré(e) 4. Lorsqu’une difficulté mineure survient dans ma vie, je réagis souvent comme si c’était catastrophique 9. Je perçois souvent mes problèmes comme étant plus gros qu’ils ne le sont en réalité 17. Lorsque le moindre petit problème apparaît dans ma vie, je me sens dépassé(e) 5. Je deviens contrarié(e) dès qu’un problème survient
Facteurs 2 3
0,73
0,72 0,70
0,65
0,65
0,60
0,60
0,57 0,57 0,55
0,53
0,53
0,50
0,45 0,41
0,86 0,71 0,64
0,81
0,62
0,53
0,42
NB : Seules les pondérations factorielles supérieures à 0,40 sont indiquées. Les autres coefficients peuvent toutefois être fournis sur demande.
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P. GOSSELIN et coll.
TABLEAU II. — Structure factorielle de la version préliminaire du QAP – 1 facteur.
Items
Pondé- Indices rations de facto- commurielles nalité
7.
Les problèmes qui m’arrivent me semblent souvent insurmontables
0,81
0,66
4.
Lorsqu’une difficulté mineure survient dans ma vie, je réagis souvent comme si c’était catastrophique
0,76
0,58
8.
Je doute souvent de mes capacités à résoudre les problèmes
0,75
0,56
21. Lorsque je tente de résoudre un problème, je remets souvent en question mes habiletés
0,73
0,54
17. Lorsque le moindre petit problème apparaît dans ma vie, je me sens dépassé(e)
0,73
0,54
13. Même si j’arrive à voir certaines solutions à mes problèmes, je doute qu’ils puissent se régler facilement
0,73
0,53
10. Même si je mets beaucoup d’efforts pour surmonter un obstacle, il sera difficile de trouver la bonne solution
0,73
0,53
18. Je panique à l’idée d’avoir à résoudre un problème
0,72
0,52
16. Souvent, j’ai l’impression que les problèmes qui m’arrivent ne peuvent pas être résolus
0,71
0,50
14. J’estime souvent que je n’ai pas les compétences pour résoudre les problèmes
0,70
0,49
9.
Je perçois souvent mes problèmes comme étant plus gros qu’ils ne le sont en réalité
0,69
0,47
19. Souvent, avant même d’avoir essayé de trouver une solution, je me dis qu’il est difficile de résoudre un problème
0,68
0,46
11. Lorsque je dois affronter une situation difficile, je me sens menacé(e)
0,64
0,41
2.
Ma première réaction devant un problème est de remettre en question mes habiletés
0,63
0,40
20. L’arrivée d’un problème suscite rapidement ma frustration
0,63
0,40
15. Je deviens frustré(e) lorsque je suis confronté(e) à des problèmes
0,61
0,38
5.
Je deviens contrarié(e) dès qu’un problème survient
0,60
0,36
1.
Je deviens contrarié(e) dès qu’un problème survient
0,58
0,34
3.
Même si j’ai regardé un problème sous tous les angles possibles, je me demande encore si la solution que j’ai retenue va être efficace
0,54
0,30
6.
Lorsque mes premiers efforts pour résoudre un problème échouent, je deviens frustré(e)
0,51
0,26
0,45
0,20
12. Pour ne pas me tromper, j’hésite souvent à choisir une solution à mes problèmes
négative face aux problèmes (i.e. se sentir frustré/ menacé/dépassé, réagir de façon catastrophique, paniquer en présence de problèmes). Ceux-ci risquent donc de biaiser l’évaluation de l’attitude négative face aux problèmes en tant que construit cognitif et ce, tant au niveau de la pratique clinique qu’en recherche. Suivant le consensus du comité, les items à contenu émotionnel ou traduisant une conséquence de l’attitude négative face aux problèmes ont été supprimés (i.e. items 4, 5, 6, 11, 15, 17, 18 et 20). L’item 12, qui présente les indices de pondération et de communalité les plus faibles à la deuxième analyse factorielle, a aussi été supprimé étant donné sa référence à un contenu similaire au perfectionniste (« Pour ne pas me tromper, j’hésite à choisir une solution à mes problèmes »). Finalement, un autre item (item 14), traduisant le doute par rapport à ses habiletés de résolution de problèmes, a aussi été supprimé puisque 3 autres items évaluaient déjà une idée similaire (moins grande variance parmi les 4). Afin d’en arriver à un questionnaire de 12 items comportant 3 items par volet de définition (i.e. tendance à voir les problèmes comme une menace, tendance à être pessimiste lorsque confronté à un problème ou douter que le problème puisse se résoudre, tendance à douter des solutions possibles et tendance à douter de ses habiletés de résolution de problèmes), 2 nouveaux items ont finalement été générés afin de représenter le premier volet : a) « Je perçois souvent les problèmes comme étant menaçants pour mon bien-être » et b) « Je considère les problèmes comme des obstacles qui perturbent mon fonctionnement ». D’autres études ont donc été nécessaires pour valider l’instrument suite aux changements apportés.
ÉTUDE 2 : VALIDATION DE LA VERSION FINALE DU QAP AUPRÈS D’UN ÉCHANTILLON NON CLINIQUE Suite aux résultats obtenus lors de l’étude 1, les items restants et les 2 nouveaux énoncés ont à nouveau été ordonnés de façon aléatoire afin de constituer la version finale du questionnaire. Cette deuxième étude vise à évaluer les propriétés psychométriques de l’instrument auprès d’un échantillon d’adultes issus de la population non clinique, soit sa structure factorielle, sa cohérence interne, la qualité de ses items ainsi que sa validité convergente et divergente.
ÉVALUATION DE L’ATTITUDE FACE AUX PROBLÈMES DE VIE
Méthode Participants et procédures L’échantillon comprend 344 participants provenant d’une population non clinique, 274 femmes (âge moyen = 21,49 ans ; ET = 4,49) et 68 hommes (âge moyen = 22,65 ans ; ET = 3,66). Deux personnes ont omis de mentionner leur sexe. L’âge des participants pour l’échantillon total varie entre 18 et 54 ans (M. = 21,72 ans ; ET = 4,35). Ceux-ci ont été recrutés auprès de divers programmes d’étude de premier cycle sous l’approbation du Comité d’éthique de la recherche. La passation des instruments a été effectuée pendant le temps de classe. Aucune compensation ou incitatif n’a été remis aux gens pour leur participation. Les questionnaires administrés ont préalablement été contrebalancés afin d’éviter les biais dus à l’ordre de passation et à la fatigue.
Instruments En plus d’un questionnaire de renseignements généraux évaluant l’âge, le sexe et d’autres variables personnelles, les questionnaires suivants ont été administrés : Le Questionnaire d’Attitude face aux Problèmes (QAP ; annexe 1) comprend 12 items évaluant l’attitude cognitive inefficace des gens à l’égard des problèmes de la vie de tous les jours. Plus précisément, il évalue la tendance d’un individu à considérer un problème comme étant une menace à son bien-être, à être pessimiste face aux chances de résoudre les problèmes, à douter des solutions possibles et à douter de ses habiletés pour les résoudre. La cotation de chacune des questions se fait à l’aide d’une échelle Likert en 5 points (de « pas du tout correspondant » à « extrêmement correspondant »). L’évaluation des propriétés psychométriques du QAP fait l’objet de la présente étude. L’Inventaire de Résolution de Problèmes Sociaux – Révisé (IRPS-R ; Maydeu-Olivares & D’Zurilla, 1996 ; version française : Gosselin et coll., 2002) comporte 52 items mesurant le processus de résolution de problèmes sociaux en 5 sous-échelles : 1. l’attitude positive face aux problèmes (OPP), 2. l’attitude négative face aux problèmes (ONP), 3. la résolution rationnelle de problèmes (habiletés) (RRP), 4. l’impulsivité/négligence (I/N), 5. l’évitement (ÉV). La cotation s’effectue sur une échelle de type Likert en 5 points (de « pas du tout vrai dans
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mon cas » à « extrêmement vrai dans mon cas »). La version française de l’instrument présente une structure en 5 facteurs bien définie, une cohérence interne adéquate (alpha des échelles se situant entre 0,72 et 0,93) ainsi qu’une bonne validité (Gosselin et coll., 2002). Le Questionnaire sur les Inquiétudes de Penn State (QIPS ; Meyer et coll., 1990 ; version française : Gosselin et coll., 2001) comprend 16 items évaluant la tendance générale à s’inquiéter chez les adultes. La cotation s’effectue sur une échelle de type Likert en 5 points (de « pas du tout correspondant » à « extrêmement correspondant »). La version française du questionnaire démontre des propriétés psychométriques satisfaisantes, soit une excellente fidélité test-retest (4 semaines ; r = 0,86), une très bonne cohérence interne (α = 0,92) et une excellente validité convergente et divergente avec d’autres mesures d’inquiétudes et d’anxiété (Gosselin et coll., 2001). Le Questionnaire d’Intolérance à l’Incertitude (QII ; Freeston et coll., 1994). Le QII mesure la tendance de l’individu à considérer inacceptable l’incertitude associée aux situations de la vie de tous les jours. Il comprend 27 items dont la cotation s’effectue sur une échelle de type Likert en 5 points (de « pas du tout correspondant » à « extrêmement correspondant »). Le QII présente une très bonne validité, une excellente cohérence interne (α = 0,91) (Freeston et coll., 1994) ainsi qu’une stabilité temporelle très satisfaisante (5 semaines ; r = 0,78) (Dugas et coll., 1997). L’Inventaire de Dépression de Beck-II (IDBII ; Beck et coll., 1996) est la version révisée de l’Inventaire de Dépression de Beck (BDI ; Beck et coll., 1979) évaluant les symptômes de Dépression majeure selon les critères du DSM-IV. Il comprend 21 items dont la cotation s’effectue sur une échelle en 4 points. Il fait preuve d’une validité adéquate, d’une excellente cohérence interne (α = 0,92) et d’une excellente stabilité temporelle (une semaine ; r = 0,93) (Beck et coll., 1996 ; Dozois et coll., 1998).
Résultats Statistiques descriptives des participants Les moyennes et écarts-type ont été calculés pour chaque instrument ainsi que pour les souséchelles de l’IRPS-R (tableau III). Afin de détecter la présence de différence significative entre les femmes et les hommes au niveau de l’attitude négative face aux problèmes du QAP, un test t a été effectué (alpha = 0,05). Les résultats ne per-
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P. GOSSELIN et coll. TABLEAU III. — Moyennes et écarts-type aux différents instruments utilisés dans l’étude 2.
Instruments
Femmes M
ET
Hommes n
M
ET
Total n
M
ET
n
QAP
25,16
7,85
261
24,50
7,93
66
25,03
7,80
341
IRPS-R
87,16
16,31
261
94,87
15,13
66
88,78
16,35
344
OPP
12,54
3,74
261
14,12
3,74
66
12,71
3,95
344
ONP
14,11
7,63
261
11,94
7,20
66
13,41
7,63
344
RRP
45,39
12,80
261
49,86
15,45
66
45,39
14,65
344
8,50
6,46
261
10,85
6,89
66
8,78
6,60
344
I/N ÉV
6,45
4,50
261
7,92
4,67
66
6,66
4,62
344
QIPS
47,02
11,49
261
42,90
11,33
66
46,22
11,49
337
QII
52,18
14,80
261
55,58
17,29
66
52,80
15,34
337
6,97
6,37
261
7,50
6,97
66
7,09
6,41
342
IDB-II
mettent pas de conclure à une différence significative entre les sexes en ce qui a trait à l’attitude négative face aux problèmes (t(337) = 0,44 ; ns). Toutefois, les résultats d’un test t effectué sur l’échelle d’attitude négative face aux problèmes de l’IRPS-R suggèrent une différence significative entre les femmes et les hommes au niveau de cette variable (t(340) = 1,96 ; p = 0,05).
Structure factorielle du QAP Deux étapes ont été réalisées afin d’évaluer la structure du QAP. Premièrement, une analyse factorielle avec rotation Varimax a été utilisée afin d’extraire les facteurs ayant une valeur propre supérieure à 1 selon la méthode par maximum de vraisemblance. Par la suite, une deuxième analyse a été réalisée, mais cette fois-ci en forçant l’extraction d’un seul facteur. Les résultats obtenus à la première analyse ont permis d’identifier 2 facteurs distincts expliquant respectivement 43,4 % et 6,8 % de variance. Les pondérations factorielles présentées au tableau IV indiquent que le facteur 1 regroupe les items représentant le manque de confiance et le doute par rapport 1) à la possibilité de résoudre les problèmes avec succès, 2) aux solutions possibles et 3) aux habiletés requises pour les résoudre. Par ailleurs, le facteur 2 regroupe les 3 items générés afin d’évaluer la tendance à percevoir les problèmes comme des menaces. Aucun item ne présente des pondérations supérieures à 0,40 sur plus d’un facteur. L’extraction d’un seul facteur pour la deuxième analyse factorielle a permis de faire ressortir une dimension expliquant 42,8 % de variance. Les pondérations factorielles obtenues oscillent toutes entre 0,56 et 0,79 (tableau IV).
Fidélité : cohérence interne du QAP et qualité des items Des coefficients alpha de Cronbach ont été calculés afin d’évaluer la cohérence interne de l’instrument. L’indice obtenu pour l’ensemble des items s’élève à 0,90 alors qu’il atteint respectivement 0,88 et 0,81 pour les regroupements d’items des facteurs 1 et 2 ressortant de la première analyse factorielle. Les corrélations item-total oscillent entre 0,58 et 0,72, se situant largement au-dessus du seuil critique de 0,35 utilisé dans plusieurs études. Aucun retrait d’item n’augmente la cohérence interne du questionnaire et ce, tant pour l’ensemble des items que pour chacun des regroupements factoriels. Seulement 3 participants parmi les 344 ont présenté des données manquantes au QAP. Celles-ci n’ont pas été estimées afin de ne pas biaiser les résultats des analyses de validation.
Validité convergente et divergente du QAP Afin d’évaluer la validité convergente du QAP, une corrélation a été établie entre les résultats au questionnaire et ceux obtenus à la sous-échelle d’attitude négative face aux problèmes de l’IRPSR. Deux autres corrélations ont également été calculées entre le QAP, le QIPS et le QII afin d’obtenir des indices supplémentaires de la validité convergente de l’instrument. Rappelons que le QIPS évalue la tendance à s’inquiéter tandis que le QII évalue l’intolérance à l’incertitude. Ces 2 variables cognitives sont fortement reliées à l’attitude négative face aux problèmes (Dugas et coll., 1997 ; Gosselin et coll., 2002). Une corrélation de 0,79 est observée entre le QAP et l’échelle d’attitude négative face aux problèmes de l’IRPS-R alors
ÉVALUATION DE L’ATTITUDE FACE AUX PROBLÈMES DE VIE TABLEAU IV. — Structure factorielle de la version finale du QAP – pondérations factorielles à 1 et 2 facteurs.
Items
Structure à Structure 2 facteurs à 1 facteur
2.
Je doute souvent de mes capacités à résoudre les problèmes
0,73
0,74
4.
Les problèmes qui m’arrivent me semblent souvent insurmontables
0,71
0,79
5.
Lorsque je tente de résoudre un problème, je remets souvent en question mes habiletés
0,70
0,64
6.
Souvent, j’ai l’impression que les problèmes qui m’arrivent ne peuvent pas être résolus
0,70
0,77
9.
Ma première réaction devant un problème est de remettre en question mes habiletés
0,65
0,66
3.
Souvent, avant même d’avoir essayé de trouver une solution, je me dis qu’il est difficile de résoudre un problème
0,58
0,66
11. Même si j’ai regardé un problème sous tous les angles possibles, je me demande encore si la solution que j’ai retenue va être efficace
0,50
0,56
10. Je perçois souvent mes problèmes comme étant plus gros qu’ils le sont en réalité
0,50
0,60
7.
0,48
0,61
I
Même si j’arrive à voir certaines solutions à mes problèmes, je doute qu’ils puissent se régler facilement
II
I
149
dépressifs de Beck (IDB-II). Une corrélation modérée et significativement plus faible à celles obtenues avec les mesures de validité convergente était malgré tout attendue avec l’IDB-II étant donné le lien entre l’attitude négative et les mesures de variables émotionnelles. Les résultats témoignent d’un coefficient négatif de 0,13 entre le QAP et la sous-échelle de résolution rationnelle de problèmes, tandis qu’un coefficient de 0,53 est obtenu avec l’IDB-II. L’ampleur de la relation observée avec l’IDB-II est très similaire à celle soulignée par d’autres chercheurs à partir de la sous-échelle d’attitude négative face aux problèmes de l’IRPS-R (voir Gosselin et coll., 2002). Une analyse a posteriori (différence entre 2 échantillons non indépendants) démontre que la corrélation entre le QAP et la tendance à s’inquiéter (QIPS) est significativement plus forte que celle entre le QAP et les symptômes dépressifs (IDBII) (t(338) = 3,06, p < 0,01), ce qui appuie encore une fois la validité du questionnaire. Le tableau V présente les corrélations obtenues entre les différentes mesures de l’étude.
Discussion
12. Je considère les problèmes comme des obstacles qui perturbent mon fonctionnement
0,78
0,62
1.
Je perçois les problèmes comme étant menaçant pour mon bienêtre
0,73
0,56
8.
J’ai tendance à voir les problèmes comme un danger
0,65
0,59
NB : Seules les pondérations factorielles supérieures à 0,40 sont indiquées. Les autres coefficients peuvent toutefois être fournis sur demande.
que des coefficients de 0,65 et 0,73 sont observés avec le QIPS et le QII. Deux autres corrélations ont été calculées afin d’établir la validité divergente du QAP. Premièrement, une corrélation a été calculée entre le questionnaire et la sous-échelle de résolution rationnelle de problèmes de l’IRPS-R. D’Zurilla et coll. (1996) ont précédemment montré la faible corrélation entre ces 2 dimensions. Une autre corrélation a été calculée avec la mesure de symptômes
Cette seconde étude visait à évaluer les propriétés psychométriques de la version finale du QAP. Les résultats obtenus suggèrent que ce nouveau questionnaire évalue de façon adéquate et rigoureuse l’attitude négative face aux problèmes. Bien que les résultats de l’analyse factorielle suggèrent la possibilité d’une structure à 2 facteurs, le faible nombre d’items du facteur 2 et surtout les résultats de la deuxième analyse factorielle appuient une structure à une dimension. Par ailleurs, les résultats d’analyse de corrélations montrent que le QAP corrèle fortement avec les variables pour lesquelles un lien fort a été observé dans la littérature et plus faiblement avec d’autres mesures, indiquant une bonne validité de l’instrument. Quant à la fidélité du QAP et à la qualité de ses items, les résultats indiquent que les énoncés possèdent une excellente cohérence interne. Dans ce sens, les corrélations itemtotal démontrent l’acceptabilité de tous les items. Comment expliquer l’absence de différence significative entre les sexes au niveau de l’attitude négative considérant qu’une différence est observée au niveau de la sous-échelle de l’IRPSR ? Une première explication réside dans la composition de l’échantillon qui comprend principalement des femmes (manque de puissance), ce qui constitue une limite de l’étude. D’autres recherches visant à évaluer les propriétés psycho-
150
P. GOSSELIN et coll. TABLEAU V. — Corrélations entre les différentes mesures de l’étude 2.
Mesures QAP IRPS-R OPP QAP IRPS-R OPP ONP
1,00
ONP
RRP
I/N
ÉV
QIPS
QII
IDB-II
0,39*
– 0,49*
0,79*
– 0,13 0,28*
0,52*
0,65*
0,73*
0,53*
1,00
0,24*
0,43*
0,60*
0,29*
0,49*
0,27
0,39*
0,19
1,00
– 0,47*
0,61*
– 0,12
– 0,33*
– 0,35*
– 0,34*
– 0,34*
1,00
– 0,14 0,37*
0,61*
0,67*
0,67*
0,50*
1,00
– 0,35*
– 0,10
– 0,06
– 0,09
– 0,19
1,00
0,47*
0,14
0,33*
0,23*
1,00
0,23*
0,47*
0,35*
1,00
0,56*
0,47*
1,00
0,50*
RRP I/N ÉV QIPS QII IDB-II
1,00
* Une correction de Bonferroni est appliquée aux tests de signification (p < 0,001 (0,05/45)).
métriques du QAP demeurent donc nécessaires afin de confirmer les résultats obtenus et de maximiser la généralisation des propriétés de l’instrument. Notons toutefois qu’une étude préliminaire de Dugas et Robichaud (sous presse) évaluant les propriétés psychométriques d’une traduction anglaise de cet instrument obtient le même résultat, soit une absence de différence entre les sexes au niveau de l’attitude négative face aux problèmes. Le fait d’avoir éliminé les aspects émotionnels de la mesure afin de constituer un instrument évaluant une dimension purement cognitive pourrait également expliquer cette absence de différence entre les sexes. En résumé, les résultats de cette deuxième étude confirment la qualité des propriétés psychométriques du QAP. Ils suggèrent que cet instrument soit valide, fiable et puisse être utile pour les professionnels de la santé, cliniciens et chercheurs, désirant procéder à l’évaluation de l’attitude négative à l’égard des problèmes. D’autres études sont toutefois nécessaires pour examiner les propriétés de l’instrument auprès d’échantillons non cliniques et cliniques et aussi porter attention à sa stabilité temporelle, ce qui permettra d’avoir un indice de son utilité pour évaluer les changements en contexte d’intervention psychologique.
ÉTUDE 3 : ÉVALUATION DE LA STABILITÉ TEMPORELLE DU QAP L’objectif de cette troisième et dernière étude consiste à évaluer la stabilité temporelle du
Questionnaire d’Attitude face aux Problèmes à l’aide de 2 passations séparées par un intervalle temporel de 5 semaines.
Méthode Participants et procédures Deux cent vingt-cinq étudiants francophones de niveau universitaire ont participé à cette étude par questionnaire (N = 225). L’échantillon est composé de 154 femmes ayant une moyenne d’âge de 21,84 ans (ET = 5,19) et de 71 hommes ayant une moyenne d’âge de 23,86 ans (ET = 6,75). Tous les participants ont été informés de la double passation, avec un intervalle de 5 semaines. Le formulaire de consentement mentionnait toutefois qu’ils pouvaient se retirer de l’étude à tout moment sans préjudice. Un total de 143 participants ont répondu aux 2 passations. Ce taux de participation obtenu est similaire à celui rapporté dans d’autres études de validation à double passation (Gosselin et coll., 2002). Afin de pouvoir associer leurs réponses, les participants étaient invités à indiquer les 4 derniers chiffres de leur numéro de téléphone au bas du questionnaire d’informations générales. Une fois les 2 passations terminées, les questionnaires ont pu être associés à l’aide de ce code d’identification.
Instruments En plus d’un questionnaire de renseignements généraux évaluant l’âge, le sexe et d’autres variables personnelles, seul le Questionnaire d’attitude négative face aux problèmes a été administré
ÉVALUATION DE L’ATTITUDE FACE AUX PROBLÈMES DE VIE
aux participants. Le Questionnaire d’Attitude face aux Problèmes (QAP) comprend 12 items évaluant l’attitude cognitive inefficace des gens à l’égard des problèmes de la vie de tous les jours (annexe 1 ; description dans l’étude 2).
Résultats et discussion Les moyennes obtenues au QAP lors de la première et de la deuxième passation sont de 24,89 (ET = 9,18) et 23,66 (ET = 9,17) respectivement. Afin d’évaluer la stabilité temporelle des réponses à l’instrument, une corrélation pour échantillons appariés a été calculée entre les résultats à la première administration et les résultats à la deuxième administration. Les résultats obtenus révèlent une corrélation test-retest de 0,83 (p < 0,001). Ce résultat confirme la stabilité temporelle de l’instrument après un intervalle de 5 semaines.
CONCLUSION L’attitude négative face aux problèmes constitue une prédisposition cognitive non fonctionnelle jouant un rôle important dans le processus par lequel un individu tente de résoudre les problèmes de la vie de tous les jours. Elle constituerait, selon plusieurs chercheurs, une disposition cognitive fortement reliée à différentes psychopathologies. À l’heure actuelle, seul l’Inventaire de Résolution de Problèmes Sociaux – Révisé (IRPS-R) de Maydeu-Olivares et D’Zurilla (1996) permettait d’évaluer cette composante avec plusieurs limites. Le but du présent article était de présenter les résultats de 3 études visant à développer et valider un nouveau questionnaire permettant d’évaluer l’attitude négative face aux problèmes et ainsi palier les différentes limites énoncées. Les résultats obtenus indiquent que ce nouveau questionnaire évalue adéquatement l’attitude négative face aux problèmes à l’aide d’une dimension unique et cohérente. Les analyses témoignent de la fidélité, de la validité et de la stabilité temporelle du QAP. D’autres études demeurent toutefois nécessaires afin de compléter l’évaluation des propriétés psychométriques du QAP et ainsi palier les limites concernant la généralisation des résultats due au nombre non équivalent d’hommes et de femmes qui ont participé aux études présentées. La disponibilité d’instruments évaluant l’attitude négative face aux problèmes permet aux clini-
151
ciens et aux chercheurs de bien cibler ces cognitions entretenues par leurs patients aux prises avec certains problèmes psychologiques comme le Trouble d’anxiété généralisée et la Dépression majeure. Par ailleurs, le QAP s’avère également utile afin d’évaluer les cognitions entourant la résolution de problèmes en contexte psychosocial. Maintenant que cet instrument a démontré d’excellentes propriétés psychométriques auprès de participants issus de la population non clinique, il importe de le valider auprès d’une population clinique. Des traductions, comme celle effectuée en langue anglaise dans l’étude de Dugas et Robichaud (sous presse) pourront par ailleurs permettre d’augmenter l’accessibilité au questionnaire.
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ÉVALUATION DE L’ATTITUDE FACE AUX PROBLÈMES DE VIE
153
Annexe 1 : Questionnaire d’Attitude face aux Problèmes Les gens peuvent réagir de différentes façons lorsqu’ils font face à des problèmes de la vie quotidienne (ex : problèmes de santé, disputes, manques de temps, etc.). Veuillez utiliser l’échelle ci-dessous pour exprimer jusqu’à quel point chacun des énoncés suivants correspond à votre façon de réagir ou de penser lorsque vous êtes confronté(e) à un problème. Écrivez le chiffre vous représentant, à l’avant de chacun des énoncés. 1 Pas du tout correspondant
2 Un peu correspondant
3 Assez correspondant
4
5
Très correspondant
Extrêmement correspondant
____
1.
Je perçois les problèmes comme étant menaçant pour mon bien-être.
____
2.
Je doute souvent de mes capacités à résoudre les problèmes.
____
3.
Souvent, avant même d’avoir essayé de trouver une solution, je me dis qu’il est difficile de résoudre un problème.
____
4.
Les problèmes qui m’arrivent me semblent souvent insurmontables.
____
5.
Lorsque je tente de résoudre un problème, je remets souvent en question mes habiletés.
____
6.
Souvent, j’ai l’impression que les problèmes qui m’arrivent ne peuvent pas être résolus.
____
7.
Même si j’arrive à voir certaines solutions à mes problèmes, je doute qu’ils puissent se régler facilement.
____
8.
J’ai tendance à voir les problèmes comme un danger.
____
9.
Ma première réaction devant un problème est de remettre en question mes habiletés.
____
10.
Je perçois souvent mes problèmes comme étant plus gros qu’ils le sont en réalité.
____
11.
Même si j’ai regardé un problème sous tous les angles possibles, je me demande encore si la solution que j’ai retenue va être efficace.
____
12.
Je considère les problèmes comme des obstacles qui perturbent mon fonctionnement.
© Tous droits réservés.