Évaluation de l’état nutritionnel et de la composition corporelle du patient BPCO : comparaison de plusieurs méthodes

Évaluation de l’état nutritionnel et de la composition corporelle du patient BPCO : comparaison de plusieurs méthodes

Revue des Maladies Respiratoires (2010) 27, 693—702 ARTICLE ORIGINAL Évaluation de l’état nutritionnel et de la composition corporelle du patient BP...

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Revue des Maladies Respiratoires (2010) 27, 693—702

ARTICLE ORIGINAL

Évaluation de l’état nutritionnel et de la composition corporelle du patient BPCO : comparaison de plusieurs méthodes夽 Assessment of nutritional status and body composition in patients with COPD: Comparison of several methods R. Thibault a,∗,b, E. Le Gallic c, M. Picard-Kossovsky d, D. Darmaun a,b, A. Chambellan e,f a

Service d’hépatogastroentérologie et assistance nutritionnelle, CHU de Nantes, Hôtel-Dieu, 1, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes cedex 01, France b UMR 1280 physiologie des adaptations nutritionnelles, INRA, institut des maladies de l’appareil digestif, CRNH de Nantes, université de Nantes, 44093 Nantes, France c Service diététique, CHU de Nantes, 44093 Nantes, France d Service de médecine de premier recours, hôpitaux universitaires de Genève, université de Genève, 1211 Genève 14, Suisse e Laboratoire d’explorations fonctionnelles, CHU de Nantes, université de Nantes, 44000 Nantes, France f Inserm, UMR 915, institut du thorax, 44000 Nantes, France Rec ¸u le 24 juin 2009 ; accepté le 21 janvier 2010 Disponible sur Internet le 1 aoˆ ut 2010

MOTS CLÉS Bronchopneumopathie chronique obstructive ; Réhabilitation respiratoire ; Dénutrition ; Apports protéinoénergétiques ;

夽 ∗

Résumé Introduction. — Dans la BPCO, la masse maigre (MM) conditionne le pronostic vital. Méthodes. — Pour évaluer leur état nutritionnel et comparer la précision de plusieurs critères nutritionnels, 47 patients BPCO ont eu une évaluation nutritionnelle clinique et biologique, complétée par une impédancemétrie corporelle bioélectrique (BIA) et une enquête alimentaire. La concordance entre BIA et méthode des plis cutanés (PC) pour l’estimation de la MM a été déterminée par corrélation statistique et la méthode de Bland et Altman. Les apports énergétiques (AE), le recours aux soins et la qualité de vie (QDV) ont été comparés en fonction de la MM. Résultats. — Selon les méthodes utilisées, de 4 à 49 % des patients étaient dénutris. Comparés à la BIA, l’indice de masse corporelle (IMC) inférieure à 20, le PC tricipital inférieur au cinquième

Présentation en congrès : ce travail a fait l’objet d’une présentation sous forme de poster au 13e CPLF à Lyon du 16 au 19 janvier 2009. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (R. Thibault).

0761-8425/$ — see front matter © 2010 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rmr.2010.06.013

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Composition corporelle

KEYWORDS Chronic obstructive pulmonary disease; Pulmonary rehabilitation programme; Undernutrition; Dietary intake; Body composition

R. Thibault et al. percentile et la préalbuminémie inférieure à 0,20 g/L avaient une spécificité proche de 100 % pour le diagnostic de dénutrition. La corrélation entre BIA et méthode des PC était excellente (r = 0,86, p < 0,0001). Les patients dénutris avaient des AE supérieurs (p = 0,003), consultaient plus souvent leur médecin généraliste (p = 0,01), mais leur QDV n’était pas différente. Conclusion. — La BIA est la plus fiable pour évaluer la MM dans la BPCO. Des valeurs abaissées d’IMC, de PC tricipital et de préalbuminémie prédisent la perte de MM. © 2010 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Introduction. — In chronic obstructive pulmonary disease (COPD), loss of fat-free mass (FFM) reduces the prognosis. Methods. — To assess their nutritional status and compare the relevance of several nutritional criteria, 47 COPD patients, already enrolled in our pulmonary rehabilitation programme, were evaluated. Assessment of nutritional status included anthropometry, serum albumin and transthyretin, bioimpedance analysis (BIA) and 3-day dietary record. The accuracy of these nutritional parameters was determined by comparison with FFM measured by BIA. The agreement between BIA and the 4-skinfold-thickness method was determined by statistical correlation and the Bland and Altman method. Energy intake, health care requirements and quality of life (QOL) score were compared with the FFM. Results. — According to the criteria used, the prevalence of undernutrition varied between 4 and 49 %. In comparison with BIA, body mass index (BMI) below 20, triceps skinfold below the 5th percentile and transthyretin below 0.20 g/L had a specificity of around 100 % for the diagnosis of undernutrition. There was a good agreement between BIA and the 4-skinfold-thickness method for the assessment of FFM (r = 0.86, P < 0.0001). Prior to any nutritional intervention, the patients with low FFM had higher protein-energy intake than patients with normal FFM. Low FFM was associated with a greater number of visits to the doctor, but had no impact on QOL. Conclusion. — The assessment of FFM by BIA is the most sensitive method to detect undernutrition in COPD patients. Lowered values of BMI, triceps skinfold and transthyretin are predictive of loss of FFM. © 2010 SPLF. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Abréviations BIA

impédancemétrie corporelle bioélectrique (bioimpedance analysis) BPCO bronchopneumopathie chronique obstructive CB circonférence brachiale CIQUAL centre d’information sur la qualité des aliments CMB circonférence musculaire brachiale ESG évaluation subjective globale (ou index de Detsky) FFMI indice de masse maigre (fat-free mass index) IMC indice de masse corporelle MM masse maigre NRI index de risque nutritionel de Buzby (Nutritional Risk Index) PC plis cutanés PCT pli cutané tricipital QDV qualité de vie

Introduction La prévalence de la dénutrition chez les patients atteints d’une BPCO est élevée et varie entre 20 et 70 % en fonction des études et des critères utilisés [1]. La dénu-

trition du patient BPCO se manifeste par une perte de masse musculaire qui a des conséquences directes sur la tolérance à l’exercice physique [2] et la fonction musculaire respiratoire [3]. Il est maintenant bien établi que la dénutrition est associée à une aggravation du pronostic de l’insuffisance respiratoire chronique, indépendamment des paramètres ventilatoires [4—11]. En particulier, plusieurs études ont montré que la perte de MM était un facteur prédictif de mortalité supérieur à l’IMC [4,8,9,12]. De ce fait, une évaluation nutritionnelle comportant une mesure de la composition corporelle, devrait être de réalisation systématique chez le patient BPCO [1,13]. La physiopathologie de la dénutrition du patient BPCO est multifactorielle et associerait un hypermétabolisme de repos [14—16], la sécrétion accrue de cytokines proinflammatoires [1], des modifications du métabolisme musculaire [17,18], mais aussi une réduction des apports nutritionnels oraux [19,20], possiblement influencé par la dyspnée [1] ou la survenue de symptômes pouvant modifier la prise alimentaire [19]. Cependant, peu d’études ont évalué les apports énergétiques oraux de patients BPCO inclus dans un programme de réhabilitation respiratoire. Une étude récente a montré que les sujets BPCO dénutris avaient des apports énergétiques oraux

Évaluation nutritionnelle et BPCO

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inférieurs aux patients ayant un état nutritionnel normal [19]. La BIA, validée en recherche clinique chez le patient BPCO [21,22], est actuellement considérée comme une méthode fiable pour l’étude de la composition corporelle [9,11,23—28]. Cependant, l’anthropométrie, du fait de sa simplicité, pourrait conserver une place dans l’évaluation et le suivi nutritionnels du patient BPCO [29,30]. Il a notamment été démontré que la mesure de la composition corporelle, à partir des quatre plis cutanés [31], donnait des résultats bien corrélés à ceux de la BIA [28,29]. Ainsi, chez des patients BPCO inclus dans un programme de réhabilitation respiratoire, les objectifs de notre étude étaient : • d’évaluer de manière prospective l’état nutritionnel et les apports énergétiques oraux lors de l’inclusion dans le programme ; • de déterminer la précision pour le diagnostic de dénutrition des critères anthropométriques et biologiques usuels en comparaison avec la mesure de la MM par BIA ; • de déterminer la concordance entre la BIA et l’anthropométrie pour l’évaluation de la FFMI ; • enfin, d’évaluer l’impact de la perte de MM sur la morbidité, le recours aux soins et la QDV.

Tableau 1

Matériels et méthodes Patients Les 47 patients BPCO inclus dans le programme de réhabilitation respiratoire du CHU de Nantes entre le 31 janvier 2006 et le 6 juin 2008 ont été évalués. Les principales caractéristiques de ces patients sont rapportées dans le Tableau 1. Quarante-cinq étaient d’anciens fumeurs sevrés, avec un tabagisme moyen de 45 ± 28 paquets-année. Cinq (11 %) et 30 (64 %) patients recevaient une corticothérapie orale ou inhalée, respectivement. Neuf patients (19 %) étaient sous ventilation non invasive et 17 (36 %) sous oxygénothérapie, au domicile. Les comorbidités étaient : cancer en rémission (n = 14), artériopathie oblitérante des membres inférieurs (n = 8), coronaropathies (n = 6), syndrome d’apnée du sommeil appareillé (n = 3), insuffisance cardiaque droite (n = 3), insuffisance cardiaque globale (n = 2), diabète de type 2 (n = 2).

Évaluation des paramètres respiratoires et de la qualité de vie À la phase initiale, une spirométrie avec pléthysmographie, mesure de la diffusion au CO, test de bronchodilata-

Caractéristiques des patients à l’inclusion dans le programme de réhabilitation respiratoire. Hommes (n = 36)

Femmes (n = 11)

Valeur de p

Âge (ans)a (extrêmes)

64 ± 9 (41—78)

60 ± 11 (44—76)

NS

GOLD (n) (%) 1 2 3 4

0 4 (11) 14 (39) 18 (50)

0 3 (27) 4 (36) 4 (36)

Gaz du sang artériels PaO2 (kPa)a PaCO2 (kPa)a BODEa

10,7 ± 2,0 5,6 ± 0,8 4,6 ± 2,5

10,1 ± 1,8 5,4 ± 1,1 4,6 ± 2,5

NS NS NS

Explorations fonctionnelles respiratoires VEMS (L)a VEMS (% réf)a VEMS/CVFa

1,16 ± 0,55 39 ± 17 40,0 ± 12,4

0,90 ± 0,45 40 ± 15 42,2 ± 12,8

0,08 NS NS

Paramètres fonctionnels Dyspnée (échelle de Sadoul/MMRC)a Test de marche de 6 minutes (m)a

2,3 ± 1,1 344 ± 124

2,3 ± 1,1 347 ± 130

NS NS

Qualité de vie : score total St-George’s RQa

56,7 ± 15,0

56,8 ± 15,4

NS

5 (46) 7 (64) 1 (9)

NS NS NS

6 (54) 3 (27)

NS NS

Événements cliniques pendant l’année précédant l’inclusion Corticothérapie orale courte (n) (%) 17 (47) Exacerbations dans l’année (n) (%) 23 (64) ≥ 1 hospitalisation dans l’année (n) (%) 10 (28) Consultations dans l’année (n) (%) Avec médecin généraliste (> 5/an) 14 (39) Avec pneumologue (> 2/an) 15 (42)

NS

BODE : Body-Mass index, Airflow Obstruction, Dyspnea and Exercise Capacity index ; CVF : capacité vitale forcée ; MMRC : Modified Medical Research Council ; NS : non significatif ; RQ : Respiratory Questionnaire; VEMS : volume expiratoire maximal par seconde. a Les valeurs sont exprimées par leur moyenne ± déviation standard (DS).

696 tion et mesure de la force des muscles respiratoires (pressions inspiratoire et expiratoire maximales, snifftest) étaient réalisés conformément aux recommandations [32,33]. La capacité à l’exercice était mesurée par un test de marche de six minutes et un test incrémental sur cycloergomètre avec mesure des échanges gazeux. La dyspnée était cotée en utilisant l’échelle de Sadoul, puis transformée selon l’échelle MMRC pour calculer l’indice de BODE. La QDV était déterminée en utilisant le questionnaire de Saint-Georges.

Évaluation de l’état nutritionnel L’évaluation nutritionnelle a été réalisée chez tous les patients lors de leur inclusion dans le programme de réhabilitation respiratoire. Cette évaluation comportait la recherche d’une perte de poids dans les six derniers mois, l’index de Detsky [34] ou ESG, la mesure du poids et de la taille, le calcul de l’IMC, la mesure de la CB à l’aide d’un mètre-ruban et la mesure des quatre plis cutanés, tricipital, bicipital, sous-scapulaire et supra-iliaque, à l’aide d’un adipomètre. Le patient était considéré comme ayant une diminution du tissu adipeux sous-cutané si la valeur du PCT était inférieure au cinquième percentile, c’est-à-dire inférieur à 5 mm chez l’homme et 12 mm chez la femme [35]. À partir des mesures de la CB et du PCT, il a été calculé la CMB, selon la formule suivante : CMB = CB (cm)-(␲ × PCT [cm]). Le patient était considéré comme ayant une amyotrophie si la valeur de la CMB était inférieure au cinquième percentile, c’est-à-dire inférieure à 250 mm chez l’homme et 215 mm chez la femme [35]. De plus, tous les patients ont eu un prélèvement veineux, permettant des dosages plasmatiques d’albumine, préalbumine et protéine C-réactive. L’index de Buzby ou NRI [36] a été calculé chez tous les patients.

R. Thibault et al. a été calculée selon la formule : MM (%) = 100-masse grasse (%).

Réalisation de l’enquête alimentaire et calcul des apports énergétiques À l’issue de la consultation de nutrition, chaque patient a été vu par une diététicienne. Il était demandé aux patients de remplir, à leur domicile, une feuille de recueil alimentaire pendant trois jours consécutifs, en notant de manière exhaustive le type et la quantité des aliments et boissons consommés. Aucun conseil diététique ou de prescription de complément nutritionnel oral n’était donné au cours de la consultation de nutrition. Les patients étaient revus 15 jours plus tard par la diététicienne, qui réalisait un interrogatoire complémentaire lorsque que le recueil était insuffisamment détaillé. Le calcul des apports énergétiques totaux, protéique, glucidique et lipidique a été réalisé chez 81 % des patients (n = 38), de manière standardisée, avec le logiciel Regal-micro® (INRA, AFSSA, TEC et DOC édition, distribué par Lavoisier SAS, Cachan, France), à partir de la table de composition des aliments établi par le CIQUAL (Maisons-Alfort, France). Les apports énergétiques, protéiques, glucidiques et lipidiques quotidiens correspondaient à la moyenne des apports calculés pour chacun des trois jours. Compte tenu de l’hypermétabolisme de repos décrit chez les patients BPCO [14—16], nous avons considéré les apports énergétiques totaux et protéiques comme insuffisants s’ils étaient inférieurs à 25 kcal/kg par jour et 1 g/kg par jour, respectivement.

Évaluation de la précision de critères clinicobiologiques pour le diagnostic de dénutrition en comparaison avec la mesure du FFMI par BIA

Mesure de la composition corporelle La composition corporelle a été déterminée à l’aide de deux techniques : la BIA et la mesure des quatre plis cutanés selon la méthode de Durnin et Womersley [31]. La BIA a été réalisée chez tous les patients, sauf deux, au moment de la consultation de nutrition. L’appareil utilisé (Bodystat® 1500, Bodystat Ltd, Man Island, Royaume-Uni) était un impédancemètre monofréquence (50 kHz). La mesure était réalisée en sous-vêtements, chez des patients allongés depuis au moins cinq minutes. Trois patients (6 %) avaient de légers œdèmes des membres inférieurs. La FFMI a été calculé selon la formule suivante : quantité de MM (kg)/taille (m)−2 . Même si le choix de ces seuils n’est pas encore validé [27], le FFMI était considéré comme abaissé s’il était inférieur à 16 chez l’homme et 15 chez la femme, comme précédemment décrit [37]. La mesure des quatre plis cutanés a été réalisée simultanément à la BIA chez tous les patients sauf quatre. À partir de la somme des quatre plis cutanés en millimètre, les équations de régression de Durnin et Womersley, spécifiques pour le sexe et l’âge, ont été utilisées pour calculer la densité corporelle [31]. À partir de la valeur de la densité corporelle, il a été ainsi possible de calculer la masse grasse, selon la formule de Siri [38] : masse grasse (%) = ([4,95/d] − 4,5) × 100. La MM

Nous avons calculé, en comparaison avec la mesure du FFMI par BIA, la sensibilité et la spécificité des critères nutritionnels cliniques et biologiques suivants : la CMB abaissée, l’ESG, l’IMC inférieur à 20 [24], le NRI inférieur à 97,5, une perte de poids de plus de 5 % en six mois, un PCT abaissé, l’hypoalbuminémie inférieure à 35 g/L et la préalbuminémie inférieure à 0,20 g/L. Ces calculs ont été réalisés chez tous les patients, sauf deux chez lesquels n’a pas été réalisée la BIA.

Analyse statistique Les données ont été analysées avec les logiciels Statview 4,5® (SAS Institute Inc.) et Stata® (Stata Corp). Les variables quantitatives ont été comparées avec le test t de Student ou le test U de Mann-Whitney, et les variables qualitatives, avec le test du Chi2 . La performance de la CMB et du PCT pour le diagnostic de dénutrition a été également évaluée par l’élaboration de courbes ROC par régression logistique, puis leur comparaison par le test du Chi2 . La corrélation statistique entre la BIA et la méthode des plis cutanés pour l’estimation de la MM a été estimée à l’aide du coefficient de corrélation r de Pearson. Le coefficient de corrélation intraclasse a été calculé pour estimer l’agrément entre

Évaluation nutritionnelle et BPCO

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les valeurs de FFMI mesurées par BIA et la méthode des plis cutanés. La concordance entre les deux méthodes de mesure de la composition corporelle a été réalisée selon la méthode de Bland et Altman [39]. Pour tous les tests statistiques, le seuil statistique de significativité retenu était p < 0,05.

Résultats Évaluation nutritionnelle des patients BPCO En fonction des critères utilisés, la prévalence de la dénutrition variait entre 4 et 49 % (Tableaux 2 et 3). La proportion de patients dénutris en fonction des critères utilisés n’était pas significativement différente entre les deux sexes, même s’il existait une tendance non significative à une proportion plus élevée de femmes ayant une perte de MM (Tableau 3). Il n’y avait aucune différence significative entre les deux sexes concernant les apports énergétiques, protéiques, glucidiques et lipidiques rapportés au poids (données non présentées).

Tableau 2

Performance des différents critères cliniques et biologiques pour le diagnostic de dénutrition par rapport à la mesure du FFMI par BIA Par rapport à la mesure du FFMI par BIA, aucun des critères évalués n’avait une sensibilité supérieure à 90 %. L’ESG et la présence d’une CMB inférieure au cinquième percentile avaient une sensibilité de 86 % et une spécificité pour le diagnostic de dénutrition de 71 et 74 %, respectivement. Cinq critères avaient une spécificité supérieure à 90 % : l’IMC inférieur à 20 (100 %), le PCT inférieur au cinquième percentile (97 %), la préalbuminémie inférieure à 0,20 g/L (97 %), l’hypoalbuminémie inférieure à 35 g/L (94 %) et la perte de poids de plus de 5 % en six mois (94 %). Cependant, les sensibilités respectives de ces différents critères étaient médiocres : 57, 29, 43, 0 et 8 %. L’analyse de la performance de la CMB et du PCT pour le diagnostic de perte de MM par courbes ROC confirme [35] que le cinquième percentile correspond au seuil en dessous duquel le diagnostic de dénutrition est

Évaluation clinique et biologique de l’état nutritionnel chez les patients BPCO en fonction du sexe. Hommes (n = 36)

Femmes (n = 11)

Valeur de p

71,1 ± 13,5 0 24,1 ± 4,1

59,5 ± 13,9 2 (18) 22,9 ± 4,8

0,02 0,08 NS

5 (14)

3 (27)

NS

19 (53) 17 (47) 0 290 ± 34 9,4 ± 3,5 5 (14) 26,2 ± 3,2 13 (36)

5 (45,5) 5 (45,5) 1 (9) 267 ± 41 16,9 ± 8,1 2 (18) 21,4 ± 2,7 8 (72)

Critères biologiques Albumine (g/L)a Albumine < 35 g/L — (n) (%) Préalbuminea (g/L) Préalbumine < 0,20 g/L — (n) (%) Protéine C réactive (mg/L)a

41,4 ± 3,4 1 (3) 0,28 ± 0,04 0 6,4 ± 4,7

42,1 ± 5,1 1 (10) 0,25 ± 0,05 2 (20) 8,5 ± 8,8

NS NS 0,09 0,06 0,31

Indice clinicobiologique NRIa NRI < 83,5 (n) (%) 83,5 < NRI < 97,5 (n) (%) NRI > 97,5 (n) (%)

107,1 ± 7,1 0 5 (14) 31 (86)

108,3 ± 9,5 0 1 (9) 9 (82)

NS

Critères cliniques Poids (kg)a Perte de poids > 5 % (n) (%) IMC (kg/m2 )a IMC < 20 (n) (%) Index de Detsky (n) (%) A B C PB (mm)a PCT (mm)a PCT < 5e percentileb (n) (%) CMB (cm)a CMB < 5e percentileb (n) (%)

NS 0,06 < 0,0001 NS < 0,0001 0,07

NS

BPCO : bronchopneumopathies chroniques obstructives ; CMB : circonférence musculaire brachiale ; IMC : indice de masse corporelle ; NRI : Nutritional Risk Index ; NS : non significatif ; PB : périmètre brachial ; PCT : pli cutané tricipital. a Les valeurs sont exprimées par leur moyenne ± DS. b La cinquième percentile de la valeur théorique du PCT est de 5 mm chez l’homme et de 12 mm chez la femme. Le cinquième percentile de la valeur théorique de la CMB est de 250 mm chez l’homme et de 215 mm chez la femme.

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R. Thibault et al.

Tableau 3 Évaluation de la composition corporelle par impédancemétrie bioélectrique chez les patients BPCO en fonction du sexe.

Masse grasse (%)a Masse grasse (kg)a Masse maigre (%)a Masse maigre (kg)a FFMIa FFMI abaissé (n) (%) Eau (%)a Eau (L)a

Hommes (n = 34)

Femmes (n = 11)

Valeur de p

24,7 ± 5,1 17,8 ± 6,1 75,4 ± 5,1 53,6 ± 9,5 18,1 ± 2,8 8 (22) 61,7 ± 8,1 43,2 ± 6,0

33,8 ± 7,1 20,5 ± 8,1 66,2 ± 7,1 39,0 ± 7,6 15,0 ± 2,6 6 (54) 54,9 ± 9,0 31,9 ± 5,3

< 0,0001 0,15 < 0,0001 < 0,0001 0,002 0,12 0,02 < 0,0001

(14,1—34,5) (9,3—35,2) (65,5—85,9) (31,7—71,7) (11,9—23,7) (47,4—72,0) (32,6—54,0)

(16,8—44,0) (8,9—37,0) (56,0—83,2) (23,1—49,1) (9,7—18,5) (43,1—74,9) (23,9—40,1)

BPCO : bronchopneumopathies chroniques obstructives ; FFMI : indice de masse maigre (masse maigre [kg] × taille-2 ) ; valeurs normales supérieurs à 15 pour les femmes et supérieurs à 16 pour les hommes. a Les valeurs sont exprimées par leur moyenne ± DS (extrêmes).

quasi certain chez le patient ayant une BPCO modérée à sévère (données non montrées). De plus, la comparaison des deux courbes ROC indique que les performances diagnostiques de la CMB et du PCT sont équivalentes pour diagnostiquer la dénutrition du patient BPCO (aires respectives sous la courbes, 0,83 ± 0,07 vs 0,75 ± 0,08, p = 0,50).

Étude de la concordance entre méthode des plis cutanés et BIA pour l’estimation du FFMI Il n’existait aucune différence significative concernant les données de composition corporelle obtenues par la BIA et la méthode des plis cutanés (Tableau 4). Il existait une forte corrélation statistique entre le FFMI calculé par la BIA et la méthode des plis cutanés (Fig. 1). Le coefficient de corrélation intraclasse était égal à 0,83 montrant un très bon agrément entre les deux méthodes. Le graphique de Bland et Altman montrait que le risque d’erreur théorique de la méthode des plis cutanés par rapport à la BIA pour l’estimation du FFMI était de 2,4 % (une valeur en dehors de l’intervalle compris entre −1,96 et +1,96 DS) (Fig. 2). Cependant, la méthode des plis cutanés a méconnu trois des 14 patients (21 %) ayant une perte de MM selon la BIA. De plus, ce graphique mettait en évidence l’existence d’une erreur proportionnelle : par rapport à la BIA, la méthode des plis cutanés tendait à surestimer le FFMI pour des valeurs basses et à le sous-estimer pour des valeurs hautes (Fig. 2).

Figure 1. Corrélation statistique entre les mesures de l’indice de masse maigre (FFMI) estimé par impédancemétrie corporelle bioélectrique (BIA) et la méthode des plis cutanés chez 41 patients. Six patients ont été exclus de l’analyse du fait de l’impossibilité de réaliser la BIA (n = 4) ou la mesure des plis cutanés (n = 2). r : coefficient de corrélation de Pearson. La ligne pleine correspond à la droite de corrélation et la ligne pointillée, à la droite d’identité.

Par rapport à la BIA, la sensibilité, la spécificité, la valeur prédictive positive et la valeur prédictive négative de la méthode des plis cutanés pour l’estimation du FFMI, étaient de 75, 90, 75 et 90 %, respectivement.

Tableau 4 Comparaison des données de composition corporelle obtenues par l’impédancemétrie bioélectrique (BIA) et l’anthropométrie (méthode des plis cutanés).

a

Masse grasse (%) Masse grasse (kg)a Masse maigre (%)a Masse maigre (kg)a FFMIa FFMI abaissé (n) (%)

BIA (n = 47)

Méthode des plis cutanés (n = 43)

Valeur de p

25,6 ± 8,2 17,4 ± 7,0 74,4 ± 8,2 50,7 ± 11,0 17,5 ± 3,1 14 (30)

26,6 ± 7,4 18,5 ± 7,3 73,3 ± 7,4 49,6 ± 9,2 17,1 ± 2,4 12 (28)

NS NS NS NS NS NS

FFMI : indice de masse maigre ; NS : non significatif. a Les valeurs sont exprimées par leur moyenne ± DS.

Évaluation nutritionnelle et BPCO

699 apports énergétiques totaux inférieurs à 25 kcal/kg par jour. Comparativement aux patients non dénutris (FFMI normal selon la BIA), les patients dénutris (FFMI abaissé selon la BIA) avaient des apports énergétiques, protéiques et lipidiques significativement supérieurs.

Impact de la dénutrition sur le recours aux soins, la morbidité, la qualité de vie et la sévérité de la BPCO

Figure 2. Diagramme de Bland et Altman, montrant la concordance entre les mesures de l’indice de masse maigre (FFMI) par impédancemétrie corporelle bioélectrique (BIA) et méthode des plis cutanés, chez 41 patients. Six patients ont été exclus de l’analyse du fait de l’impossibilité de réaliser la BIA (n = 4) ou la mesure des plis cutanés (n = 2). DS : déviation standard.

Apports énergétiques, protéiques, glucidiques et lipidiques oraux Les apports énergétiques, protéiques, glucidiques et lipidiques oraux quotidiens moyens sont rapportés dans le Tableau 5. Seuls 15 % des patients dénutris avaient des

Dans l’année qui précédait l’évaluation nutritionnelle, la proportion de patients ayant consulté plus de cinq fois leur médecin généraliste était significativement supérieure chez les patients dénutris par rapport aux patients non dénutris (71 % vs 30 %, p = 0,012). En revanche, l’état nutritionnel n’avait aucun impact sur les proportions de patients ayant consulté leur pneumologue plus de deux fois dans l’année (29 % vs 42 %, p = 0,51), ayant eu des exacerbations bronchiques modérées (71 % vs 61 %, p = 0,52) ou sévères (21 % vs 30 %, p = 0,72), ayant bénéficié de cures de corticothérapie courte (43 % vs 48 %, p = 0,76), ayant été hospitalisés (21 % vs 24 %, p = 0,99), ou étant sous oxygénothérapie à domicile (21 % vs 42 %, p = 0,20) ou corticothérapie au long cours (7 % vs 12 %, p = 0,99). L’existence d’un FFMI abaissé, calculé par BIA et méthode des plis cutanés, n’avait aucun impact sur le score de QDV total (SGRQ total, moyenne ± DS, dénutris par BIA, 57,8 ± 14,8 vs non dénutris, 57,2 ± 14,2, p = 0,91), ou de l’une de ses trois dimensions (symptômes, activités, impact sur la vie quotidienne) (données non présentées).

Tableau 5 Évaluation diététique en fonction de l’existence ou non d’une perte de masse maigre déterminée par l’impédancemétrie bioélectrique. FFMI abaissé (n = 13)

FFMI normal (n = 23)

Valeur de p

AET (kcal/jour)a

1754 ± 356 (1221—2333)

1912 ± 469 (1285—2953)

NS

AET (kcal/kg/jour)a

33,3 ± 8,5 (20,3—46,7)

25,5 ± 6,1 (15,4—37,2)

0,003

AET < 25 kcal/kg/jourb (n) (%)

2 (15)

8 (35)

NS

Apports protéiques (g/kg/jour)a

1,6 ± 0,5 (0,8—2,3)

1,1 ± 0,2 (0,6—1,6)

0,0006

Apports protéiques < 1 g/kg/jourb (n) (%)

1 (8)

5 (22)

NS

2,9 ± 1,1 (1,6—4,9)

2,3 ± 0,9 (1,0—3,8)

0,07

4 (31)

7 (28)

NS

1,6 ± 0,4 (1,0—2,2)

1,0 ± 0,3 (0,4—1,9)

0,0001

0

3 (12)

NS

Apports glucidiques (g/kg/jour) Apports glucidiques < 2 g/kg/jourb (n) (%) Apports lipidiques (g/kg/jour) Apports lipidiques < 0,7 g/kg/jourb (n) (%)

a

a

AET : apports énergétiques totaux ; FFMI : indice de masse maigre ; NS : non significatif. Les données sont manquantes chez 11 patients, en raison de l’impossibilité de réaliser l’enquête alimentaire (n = 9) ou l’impédancemétrie corporelle bioélectrique (n = 2). a Les valeurs sont exprimées par leur moyenne ± DS (extrêmes). b Les valeurs seuil indiquées correspondent aux apports minimaux conseillés pour des sujets à risque nutritionnel (énergie et protéines) ou la population générale (glucides et lipides).

700

Discussion Dans la présente étude, nous démontrons que la prévalence de la dénutrition est élevée chez des patients BPCO ambulatoires inclus dans un programme de réhabilitation respiratoire. Nous confirmons qu’aucun critère clinique ou biologique n’est aussi sensible que la BIA pour dépister la perte de MM, qui est associée à une augmentation du recours aux soins. La méthode des plis cutanés est moins fiable que la BIA chez les sujets ayant des valeurs extrêmes de MM et fait méconnaître la perte de MM chez un patient sur cinq. Cette méthode doit donc être complétée par la BIA en cas d’absence de perte de MM. Cependant, nous confirmons l’excellente corrélation entre la BIA et la méthode des plis cutanés pour l’évaluation de la MM [29]. Doré et al. avaient également mis en évidence un biais systématique sur le graphe de Bland et Altman [29]. Plusieurs études avaient déjà démontré que l’anthropométrie surestimait la MM par rapport à la BIA dans une population de 32 patients BPCO d’âge identique à notre population [28,40,41]. Nous ne mettons pas en évidence de surestimation constante de la MM par la méthode des plis cutanés, mais uniquement chez les sujets ayant un FFMI abaissé. Dans notre population, la prévalence de la dénutrition (perte de MM) est d’environ 30 %, ce qui est parfaitement en accord avec d’autres travaux publiés. Une étude néerlandaise récente a observé une dénutrition chez 27 % de 389 patients BPCO ambulatoires [23]. En France, l’observatoire de l’Antadir l’a évalué à 25 % chez plus de 4000 sujets traités par oxygénothérapie à domicile [10]. Un IMC inférieur à 20 est noté chez 23 % de patients insuffisants respiratoires chroniques traités par oxygénothérapie ou ventilation artificielle à domicile [24]. Nos résultats concernant les marqueurs nutritionnels biologiques concordent aussi avec l’étude de Cano et al., qui rapporte une hypoalbuminémie inférieure à 35 g/L et une préalbuminémie inférieure à 0,20 g/L chez 20 % des patients dans un groupe de 744 insuffisants respiratoires chroniques (dont 40 % de BPCO) traités par oxygénothérapie et/ou ventilation artificielle à domicile [24]. Il est maintenant bien établi que la dénutrition aggrave le pronostic de l’insuffisance respiratoire chronique associée à la BPCO, puisqu’elle constitue un facteur prédictif indépendant de mortalité [4—9,11,42]. Il avait été initialement mis en évidence que la diminution de l’IMC était directement associée à la mortalité, indépendamment des paramètres ventilatoires [5—7]. Cependant, deux études récentes [9,11] ont montré que, chez les patients BPCO, l’index de MM déterminé par impédancemétrie bioélectrique monofréquence (50 Hz) était un facteur prédictif indépendant de mortalité, ce qui n’était pas retrouvé pour le poids [9], l’IMC [9] ou la perte de masse grasse [11]. En effet, chez le sujet BPCO, la masse grasse est longtemps préservée [1], ce qui fausse l’interprétation du poids et de l’IMC. Il est clairement démontré que la dénutrition est liée à une atrophie musculaire [43] qui toucherait électivement certains types de fibres musculaires (IIX) [17]. Ainsi, en raison de l’impact majeur de la perte de MM sur le pronostic [9,23—28], il est maintenant admis que l’évaluation nutritionnelle du patient BPCO doit inclure une mesure de la composition corporelle [1,13]. Chez le patient BPCO, la

R. Thibault et al. dénutrition est également associée à une altération de la QDV [43,44], une augmentation de la durée de séjour hospitalier [10], du risque de réhospitalisation [45,46] et de mortalité après exacerbations aiguës [42]. Dans la présente étude, nous mettons en évidence que la dénutrition est associée à une augmentation du recours aux soins, avec un nombre de consultations chez le médecin généraliste plus élevé pour les patients ayant une perte de MM. Cependant, nous n’avons pas retrouvé d’augmentation du nombre d’exacerbations bronchiques ou d’hospitalisations, ni de détérioration plus marquée de la QDV, chez les patients dénutris. L’absence d’effet de l’état nutritionnel sur la QDV pourrait être liée à un biais de recrutement. En effet, comme nous n’avons inclus que des patients ayant une insuffisance respiratoire chronique sévère, la sévérité de la maladie a vraisemblablement par elle-même une influence déterminante sur la QDV, quel que soit l’état nutritionnel. Un suivi de cohorte est en cours afin de déterminer le devenir clinique de ces patients en fonction de l’existence ou non d’une perte de MM. L’étude de cohorte franc ¸aise déjà citée [24] avait préalablement bien montré que la mesure de la MM par BIA était le paramètre le plus sensible pour diagnostiquer la dénutrition. Nos résultats confirment la meilleure sensibilité de la BIA pour le dépistage de la dénutrition du patient BPCO. En effet, parmi tous les critères testés, seuls deux avaient une sensibilité supérieure à 80 % (86 %) par rapport à la mesure du FFMI par BIA : l’ESG et la présence d’une CMB inférieure au cinquième percentile. L’intérêt potentiel de l’ESG, en comparaison avec l’évaluation de la composition corporelle, n’avait jusque là jamais été mis en évidence dans la BPCO. L’ESG et la CMB pourraient avoir un intérêt en cas de rétention hydrosodée, lorsque la BIA est prise en défaut. En revanche, l’intérêt pronostique de la mesure de la masse musculaire brachiale chez les patients BPCO en surpoids ou ayant un IMC normal avait déjà été souligné [47]. Nous confirmons que, chez le patient BPCO, le poids est un marqueur peu sensible de la MM [8,24,26,27,48]. Dans l’étude de Cano et al. [24], seuls près de 7 % des patients rapportaient une perte de poids de plus de 10 % en un an, alors que la prévalence de la dénutrition évaluée par la mesure de la composition corporelle par BIA était de près de 54 %. Dans une étude épidémiologique danoise menée chez 1898 patients BPCO, 26 % des sujets ayant un IMC normal avaient un FFMI mesuré par BIA au-dessous du dixième percentile [27]. De même, les médiocres sensibilités de la préalbuminémie et de l’albuminémie avaient déjà été démontrées chez les patients BPCO dénutris [30]. En revanche, l’IMC inférieur à 19, le PCT inférieur au cinquième percentile, la perte de poids de plus de 5 % en six mois, l’hypoalbuminémie inférieure à 35 g/L et la préalbuminémie inférieure à 0,20 g/L présentent un intérêt en pratique clinique. En effet, nous montrons que la présence de l’un de ces critères permet d’établir avec certitude ou quasi certitude le diagnostic de dénutrition. Il avait déjà été démontré, chez le sujet BPCO, qu’un PCT inférieur à la valeur de référence n’était jamais associé à un état nutritionnel normal [30]. Cependant, la mesure des plis cutanés conduit le plus souvent à surestimer la MM [28,40], surtout chez le sujet âgé [41], chez lequel la BIA est plus fiable [28]. L’intérêt des marqueurs biologiques chez le patient BPCO est aussi souligné par le fait que l’hypoalbuminémie constitue un

Évaluation nutritionnelle et BPCO facteur prédictif indépendant de survie chez les patients BPCO hospitalisés pour exacerbation aiguë [42]. Enfin, dans cette étude, les apports énergétiques, protéiques et lipidiques, étaient significativement plus élevés chez les patients BPCO dénutris que chez les patients non dénutris. Nous démontrons également que seuls 15 et 8 % des patients dénutris avaient des apports énergétiques et protéiques, respectivement, inférieurs aux besoins théoriques. En utilisant un recueil alimentaire des sept jours, suivi d’un entretien avec une diététicienne, l’étude de Cochrane et al. avait mis en évidence une diminution des apports énergétiques oraux chez les patients BPCO dénutris en comparaison avec les sujets ayant un état nutritionnel normal [19]. La contradiction entre ces deux études pourrait s’expliquer par le fait que la diminution de la prise alimentaire n’est pas le seul déterminant de la physiopathologie de la dénutrition du patient BPCO. En particulier, l’augmentation de la dépense énergétique de repos (DER) pourrait jouer un rôle majeur dans la survenue de la dénutrition du patient BPCO [14—16]. En cas de BPCO, la DER chez le patient dénutri, exprimé en pourcentage de la DER théorique, dépasse de 15 % environ celle des patients non dénutris [49]. Ainsi, les apports alimentaires peuvent être normaux dans l’absolu, mais insuffisants si l’on tient compte de la DER. Une mesure de la DER par calorimétrie aurait été indispensable pour confirmer cette hypothèse. L’enquête alimentaire ayant été réalisée à l’inclusion dans le programme de réhabilitation respiratoire, une augmentation de la DER par le biais d’une augmentation de l’activité physique ne peut être mise en cause. En conclusion, notre étude démontre que la prévalence de la dénutrition est élevée chez les patients BPCO inclus dans un programme de réhabilitation respiratoire et qu’elle est associée à un recours plus fréquent au médecin généraliste. Chez le patient avec BPCO modérée à sévère, la mesure de la composition corporelle par BIA doit être préférée à la méthode des plis cutanés, qui, en cas de résultat normal, est prise en défaut dans un cas sur cinq. Certains critères conservent une place dans l’évaluation nutritionnelle ; une perte de poids de plus de 5 % et des valeurs abaissées d’IMC (< 20), du PCT (< cinquième percentile), d’albumine (< 35 g/L) et de préalbumine (< 0,20 g/L) sériques sont prédictives de la perte de MM. Dans le cadre de la prise en charge d’une maladie actuellement non définitivement curable, l’objectif de l’évaluation nutritionnelle systématique du patient BPCO est la diminution du recours aux soins, ainsi que l’amélioration de la survie et de la QDV, indépendamment de l’état respiratoire.

Conflit d’intérêt Les auteurs ont déclaré n’avoir aucun conflit d’intérêt.

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