Évaluation de l’exposition du personnel à un gaz anesthésique en IRM pédiatrique par différentes méthodes de dosage

Évaluation de l’exposition du personnel à un gaz anesthésique en IRM pédiatrique par différentes méthodes de dosage

Article scientifique M É M O I R E Évaluation de l’exposition du personnel à un gaz anesthésique en IRM pédiatrique par différentes méthodes de dosa...

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Article scientifique

M É M O I R E

Évaluation de l’exposition du personnel à un gaz anesthésique en IRM pédiatrique par différentes méthodes de dosage E. Langlois C. Lefèvre INRS, Département métrologie des polluants, 50 av de Bourgogne, BP 27, 54501 Vandoeuvre-lès Nancy Cedex Tirés à part : E. Langlois, adresse ci-dessus E.mail : [email protected]

Summary

Résumé

Assessment of anaesthetic gas exposure in paediatric magnetic resonance imaging by different sampling and analytical methods

Objectif Le but de cette étude est d’évaluer l’exposition du personnel soignant d’un service d’IRM pédiatrique au sévoflurane, dans des locaux qui ne sont pas destinés à des actes d’anesthésie. L’environnement particulier lié à cette activité : manque de place, gestes techniques lourds, champ magnétique intense, rend les techniques d’évaluation classiques délicates voire impossibles à mettre en œuvre. Le dispositif de prélèvement passif Gabie®, particulièrement simple d’utilisation, a été utilisé et validé à l’aide de techniques de prélèvement traditionnelles. Méthode La concentration atmosphérique en sévoflurane est mesurée à l’aide de trois techniques différentes : prélèvement actif sur tube de charbon (méthode de référence) en ambiance, prélèvement passif individuel sur badge Gabie® et suivi en ligne de la concentration ambiante par analyseur infrarouge à effet photoacoustique. Les résultats de chacune des techniques sont rapportés à la même période de référence afin de pouvoir être comparés. Résultats Les résultats obtenus montrent un fort niveau d’exposition du personnel soignant. La comparaison des résultats obtenus par prélèvements actif et passif permet de montrer qu’il n’existe pas de différence significative entre ces deux techniques d’évaluation. D’autre part, le suivi continu en temps réel de la concentration à l’aide de l’analyseur infrarouge permet d’identifier l’origine des émissions et donc d’envisager des actions permettant de les réduire. Les mesures ont mis en évidence de fortes émissions au niveau du masque,

Arch Mal Prof Env 2005; 66: 438-446

Mots-clés : Exposition, gaz anesthésique, prélèvement passif. Key-words: Exposure assessment, anaesthetic gas, passive sampling.

Aim of the study The aim of this study was the assessment of halogenated anaesthetic gas exposure in an area which was not designed for anaesthetic tasks. In this specific case, there was an obvious lack of space, the air was not sufficiently renewed, and operators worked in high magnetic field. Since passive sampling systems are particularly easy to implement, light, and do not require electricity to operate, it could be very convenient to use them in this case. But their accuracy in this kind of specific conditions had to be validated prior to these use. Due to the very high measured values, means to reduce occupational exposure had to be set up and their efficiency had to be proved. Methods Measurements of atmospheric concentrations were carried out with three different techniques: active sampling on charcoal tube which gave the reference value of the atmospheric concentration, passive sampling with Gabie® samplers which measured the individual exposure, and direct reading by means of a photoacoustic infrared spectrometer. Results obtained with all these techniques were therefore related to the same exposure period in order to be compared. Results Results showed an exposure to high concentration levels of sevoflurane. In any conditions, passive and © Masson, Paris, 2005

438

Arch Mal Prof Env 2005

active sampling techniques showed no significant difference. Moreover, direct reading on the infrared spectrometer allowed the identification of the pollutant emission origin and was very helpful to find prevention means in order to reduce the exposure. Since measured levels were very important, basic prevention means were set up in order to reduce exhausted gases with a very good efficiency. After this set up, levels fell to values which are close to those recommended. Conclusion Anaesthetic gas exposure was found to be very important when anaesthetic tasks were carried out outside of operation room conditions. Very simple prevention means were efficient to reduce gas emission. Passive sampling technique was proved to be an accurate technique for the evaluation of the fluorinated anaesthetic gas exposure. It may be used in severe conditions, like sterile environment or high magnetic fields, where other sampling techniques are difficult or impossible to be used.

évolution des pratiques et le nombre croissant des actes d’anesthésie réalisés dans les hôpitaux ont conduit les services de santé au travail à dresser un bilan quantitatif de l’exposition du personnel soignant aux gaz anesthésiques et à mettre en œuvre des moyens de prévention adaptés (1). Les mesures d’exposition réalisées dans des blocs opératoires équipés de systèmes d’évacuation ou de récupération des gaz anesthésiques sont conformes aux recommandations (2, 3). Cependant, il est parfois nécessaire d’avoir recours aux gaz anesthésiques dans des locaux qui ne sont pas initialement destinés à des actes d’anesthésie. Il s’agit, par exemple, de salles d’imagerie médicale où l’anesthésie des jeunes patients est nécessaire, ou encore de salles d’examen endoscopique ou de salles de réveil post-opératoires. Les systèmes d’anesthésie y sont parfois transportables, la ventilation est souvent inadaptée et le personnel soignant pas toujours suffisamment informé sur les risques liés à la manipulation des substances dans de telles conditions. L’exposition peut alors être élevée et prolongée, ce qui est une source de nuisance pour la santé du personnel et pour la bonne réalisation des soins médicaux (3, 4, 5). L’objet de cette étude est de réaliser l’évaluation de l’exposition au sévoflurane dans un service d’IRM pédiatrique, à la suite de plaintes du personnel. Les opérations d’anesthésies sont réalisées dans un environnement spécifique (champ magnétique intense, manque de place et équipements mal adaptés) assez différent des

L’

Arch Mal Prof Env 2005

un dispositif de captage des gaz expirés a donc été mis en place. Cette mesure, accompagnée d’une modification du système de ventilation du local, a permis de réduire le niveau d’exposition d’un facteur quatre et d’atteindre des valeurs proches des recommandations. Conclusion L’exposition aux gaz anesthésiques est importante lorsque les actes d’anesthésie sont pratiqués dans des locaux qui ne sont pas destinés à cet effet. La mise en place de moyens simples de captage et d’aération réduit cependant cette exposition de manière significative. L’utilisation du badge Gabie® pour l’évaluation de l’exposition aux gaz anesthésiques fluorés constitue un outil simple et performant. Il est notamment utilisable dans des environnements ne permettant pas l’utilisation d’autres techniques de mesures (milieu stérile, champ magnétique…).

conditions habituelles de bloc opératoire et rendent la métrologie classique délicate voire impossible à mettre en œuvre. Parmi les outils existants, nous avons choisi d’utiliser le badge Gabie®, développé à l’INRS et particulièrement adapté à ce style d’environnement.

Contexte de l’étude Les mesures d’exposition concernent le sévoflurane, un gaz anesthésique fluoré très largement utilisé pour ses qualités en tant que gaz d’inhalation. Elles ont été réalisées dans un service de radiologie, lors de la sédation de jeunes enfants avant un examen d’imagerie à résonance magnétique (IRM). Ce puissant outil d’imagerie se révèle d’une très grande efficacité pour le diagnostic et le suivi de certaines pathologies, mais il nécessite une immobilité complète du patient. C’est pourquoi il est nécessaire de procéder à la sédation des enfants en bas âge de manière à pouvoir pratiquer l’examen dans de bonnes conditions. La durée de l’examen étant relativement courte, les équipes soignantes, constituées d’un médecin et d’un(e) infirmier(e), peuvent procéder à l’anesthésie de 5 à 10 patients dans une demi-journée. L’anesthésie avant l’examen est réalisée dans un renfoncement de couloir qui a été aménagé à cet effet (figure 1). Le matériel d’anesthésie est placé sur les murs latéraux de ce renfoncement. Un rideau peut isoler le renfoncement du reste du couloir. 439

MÉMOIRE

Méthodes de dosage des gaz anesthésiques

E. Langlois et al.

Point de prélèvement

2m80

Postes de travail

Brancard Anesthésie

Brancard de réveil

6m70

Masque à induction

Rideau Vers IRM

Arrivée des patients hospitalisés.

Hauteur plafond : 2m70

Les patients arrivent par le couloir dans leurs lits ou sur un brancard et sont installés au poste d’anesthésie. L’acte consiste à endormir le patient à l’aide de sévoflurane, au masque (phase d’induction), puis, lorsqu’il a perdu connaissance, il est intubé à l’aide d’une sonde trachéale par laquelle est administré le gaz anesthésique. Le masque est alimenté par un débit de 5 à 12 litres d’air par minute contenant entre 5 et 7 % en volume de sévoflurane, selon le poids du patient. Le manque d’étanchéité du masque et la rapidité d’enchaînement des gestes (anesthésie, intubation, mise sous perfusion etc…) sont à l’origine de fuites plus ou moins importantes. Le patient est ensuite transféré dans le local d’imagerie où la sonde trachéale est alimentée en isoflurane, c’est la phase d’entretien. Après l’examen IRM, le patient est ramené dans le local pour le réveil. Lors de cette phase, il expire le sévoflurane et l’isoflurane dont ses tissus sont imprégnés. Les locaux d’anesthésie et d’examen sont séparés par un sas, le sévoflurane ne peut donc pas diffuser vers la salle d’IRM. Le médecin anesthésiste accompagne le patient dans cette salle pour initier la phase d’entretien pendant que l’infirmier prépare l’anesthésie suivante et participe à la phase de réveil du patient précédent. L’évaluation de l’exposition dans ce type de situation se heurte à des difficultés techniques qui n’autorisent 440

Figure 1. Représentation schématique du local d’anesthésie.

pas l’utilisation de méthodes classiques. En effet, la technicité des actes réalisés, l’exiguïté des locaux ainsi que les conditions environnementales (champ magnétique intense, stérilité…) ne permettent pas d’équiper le personnel soignant de pompes individuelles de prélèvement. Le badge Gabie®, du fait de sa taille, de sa simplicité de mise en œuvre et de l’absence de composants électroniques semble constituer l’outil idéal pour ce type d’évaluation. Cependant, son efficacité présumée pour les gaz halogénés n’a pas été validée par une étude sur le terrain (6, 7).

Méthode et techniques analytiques L’équipement individuel n’étant pas possible, les prélèvements par pompage sur tube de charbon actif sont réalisés à poste fixe pour déterminer la valeur de référence de la concentration atmosphérique ambiante en sévoflurane. Ces prélèvements d’ambiance sont réalisés au dessus du poste d’anesthésie, à l’horizontale du bassin du patient, ce qui correspond approximativement à l’exposition au poste de l’assistant anesthésiste. Les tubes de charbon actif sont renouvelés à chaque patient afin de mettre en évidence les différences par Arch Mal Prof Env 2005

Méthodes de dosage des gaz anesthésiques

tubei

¦ ( t tubei C sévo ) référence L =   C sévo ¦ ti La valeur de la concentration déterminée par prélèvement passif sera comparée à la valeur de référence ainsi calculée. Le personnel soignant est équipé avec des dispositifs de prélèvement passif par diffusion GABIE®. L’analyse des badges est réalisée par désorption au solvant et analyse par chromatographie selon le même principe que pour les tubes (6). La concentration en sévoflurane ambiant sur le poste d’anesthésie est également mesurée à l’aide d’un spectromètre infrarouge à détection photoacoustique (IRPA) qui assure une très grande stabilité et linéarité du signal (10). Cette technique semi-continue permet d’enregistrer la concentration à intervalles de temps courts et réguliers (30 secondes) et donc d’associer directement l’émission de polluant à l’acte médical réalisé. De plus, la visualisation immédiate du résultat implique une interprétation aisée qui favorise la prise de conscience par le personnel de la pollution induite (11). Lors de chacune des phases d’évaluation (initiale et après modification), plusieurs anesthésies ont été pratiquées. Les variations de la concentration atmosphérique d’un patient à l’autre sont essentiellement dues à la teneur en gaz inhalés et donc au poids du patient et à son agitation avant et pendant la phase d’induction. Nous ne présenterons donc que le suivi IRPA d’un seul cas par phase, celui d’un patient de comportement et de poids comparables : enfant de 2 à 4 ans, de poids compris entre 15 et 17 kg, le débit d’air dans les trois cas est de 10 l/min à 7 % de sévoflurane. Les autres cas ne varient que par l’intensité des émissions observées. Cette étude a été menée en trois phases distinctes : - phase 1 : mise en place de la stratégie du prélèvement, évaluation de l’exposition initiale et identification des étapes et équipements à l’origine des émissions, - phase 2 : mesures après mise en place d’un système de récupération des gaz, - phase 3 : mesures après la modification du système de ventilation du local. Arch Mal Prof Env 2005

Toxicité des substances Les conclusions des études épidémiologiques concernant la toxicité chronique des gaz anesthésiques sont assez controversées, voire contradictoires (2, 8). En effet, la mise en évidence de liens de causalité directe avec l’exposition à un composé est rendue délicate du fait de la poly-exposition professionnelle des personnels soignants (autres produits chimiques, travail posté, stress, rayonnements, etc…). Les études toxicologiques font surtout état d’effets neurologiques limités, d’effets sur la reproduction (baisse de fertilité, risques d’avortement spontané et de malformations congénitales), ou d’hépatites pour l’halothane, mais très peu de données sont disponibles sur le sévoflurane qui est un produit relativement récent. Il n’existe pas de réglementation pour l’exposition au sévoflurane, une circulaire du ministère de la santé (DGS/3A667 bis du 10 octobre 1985) stipule que les salles où sont réalisées les anesthésies doivent être équipées de dispositifs assurant l’évacuation des gaz et vapeurs anesthésiques devant « permettre, durant la phase d’entretien de l’anesthésie, d’abaisser à proximité du malade et du personnel la concentration à moins de 2 ppm pour les halogénés. »

Résultats Situation initiale — Phase 1 Les prélèvements ont été effectués dans les conditions normales de travail, rideau fermé, aucun système de récupération de gaz n’est présent. La figure 2 montre le suivi IRPA de concentration en sévoflurane lors de l’anesthésie d’un patient de 15 kg. La concentration mesurée avant toute opération est voisine de 0,02 ppm, ce qui représente le seuil de détection de l’appareil. Lors des premiers gestes, la concentration atmosphérique augmente très rapidement et présente des pics d’intensité comprise entre 150 et 200 ppm. Sur toute la durée de l’anesthésie, la concentration atmosphérique reste supérieure à 10 ppm, et la moyenne mesurée est de 41 ppm. Lorsque l’alimentation du masque en sévoflurane est stoppée, la concentration est de 40 ppm environ et elle reste supérieure à 2 ppm pendant plus de 15 minutes. Les concentrations mesurées à l’aide des prélèvements actifs (tubes de charbon actif) et passifs (badges 441

MÉMOIRE

type de pratique et par patient. Ils sont ensuite désorbés à l’aide d’un solvant et analysés par chromatographie en phase gazeuse selon la méthode décrite dans le recueil Metropol (8). La détermination de la concentration de référence est basée sur le principe de calcul de la concentration de l’exposition professionnelle décrit dans le recueil Metropol (9).

E. Langlois et al.

intubation

Con cen tr ati on e n sé v ofl uran e (p pm )

250

Remise masque

réducti on 8l/min 4%

200 retrait masqu e

Ouverture rideau retour pati ent 1

150

100

arrêt masqu e départ pati ent 2

Début induction 12l/min 7%

50

0 09:53:17

10:00:29

10:07:41

10:14:53

10:22:05

10:29:17

Heure

Figure 2. Suivi de concentration en sévoflurane à l’aide du détecteur IRPA pour un patient lors de la phase initiale d’évaluation d’exposition (phase 1).

Gabie ®) sont reportées dans le tableau I. Le poste du médecin anesthésiste est situé juste au dessus de la tête du patient, il est directement soumis aux émissions de sévoflurane lors des pertes d’étanchéité ou lors du retrait du masque : il est, par conséquent, plus exposé que le poste d’assistant. Le bilan de cette phase 1 d’évaluation fait apparaître une exposition élevée et une persistance importante du sévoflurane après son utilisation.

Captage des émissions à la source – Phase 2 L’analyse de l’évolution de la concentration à l’aide du détecteur IRPA montre que les émissions sont essentiellement dues aux pertes d’étanchéité et aux retraits du masque. En effet, lors de ces phases, le gaz s’échappe dans la pièce. De plus, en dehors de ces phases, l’excédent de gaz non inspiré par le patient est également rejeté dans l’atmosphère.

Tableau I : Résultats des prélèvements effectués.

Tubes SKC

Phase 1

Phase 2

Phase 3

Badges Gabie

®

Patient

Durée de prélèvement (min)

Concentration mesurée (ppm)

Poste

Durée de prélèvement (min)

Concentration mesurée (ppm)

1 2

21 13

62 210

Infirmière Anesthésiste

252 127

35 66

3

12

250

Anesthésiste

124

75

4

15

140

5

18

35

Infirmière

210

20

6

30

36

Anesthésiste

210

38

7

18

40

8

13

33

Infirmière

130

13

9

11

40

Anesthésiste

130

27

10

14

30

442

Arch Mal Prof Env 2005

Méthodes de dosage des gaz anesthésiques

Phase 3. Modification de la ventilation de la pièce La forte rémanence du sévoflurane après opération est due à une circulation d’air inappropriée dans le local. En effet, dans le système de renouvellement d’air, la bouche d’arrivée d’air frais se trouve au dessus du poste d’anesthésie, l’air s’enrichit ainsi en polluant et se trouve dispersé dans toute la pièce, surtout lorsque les anesthésies sont menées avec le rideau fermé. Le système de ventilation a donc été modifié et la bouche au dessus du poste d’anesthésie a été transformée en une bouche d’extraction, et le taux de renouvellement initialement proche de 2 volumes par heure a été porté à une valeur supérieure à 3 volumes par heure. Les concentrations mesurées lors d’une troisième campagne sont à nouveau significativement réduites par

Tableau II : Comparaison des valeurs de concentration atmosphérique déterminée à l’aide des trois techniques lors des trois phases.

Phase

Csévoflurane Actif (référence, ppm, rapportée à la durée de prélèvement sur badge)

Csévoflurane Passif (badge Gabie®, en ppm)

Durée de prélèvement sur badge (minutes)

1

38

35

252

2

16

20

153

3

10

13

130

250

Sévo f lu r a n e ( p p m )

200

Sans captage à la source 150

Captage des gaz à la valve expiratoire 100

50

0 09:53:17

10:00:29

10:07:41

10:14:53

10:22:05

10:29:17

heure

Figure 3. Comparaison des suivis de concentration en sévoflurane par IRPA pour des patients de corpulences identiques lors des phases 1 et 2.

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443

MÉMOIRE

La valve expiratoire du masque laryngé a donc été reliée au système de ventilation actif de la pièce, par l’intermédiaire d’un tuyau souple. Ce dispositif, dont l’efficacité a été démontrée par ailleurs, est relativement simple à mettre en œuvre (10). Les résultats des mesures individuelles et de poste dans cette seconde campagne d’évaluation indiquent une baisse significative de la concentration atmosphérique (tableaux I et II). La figure 3 représente la superposition des suivis de concentration atmosphérique pour deux patients de poids comparables lors des deux phases. Elle met en évidence la diminution de moitié de l’intensité des pics de concentration. Cependant, pour les deux observations, la concentration atmosphérique reste supérieure à 2 ppm plus de 15 minutes après arrêt de l’alimentation du masque en sévoflurane.

E. Langlois et al.

250

200 Données initiale

Sévoflurane (ppm)

Captage à la source Adaptation ventilation

150

100

50

0 09:57:36

10:04:48

10:12:00 heure

10:19:12

10:26:24

Figure 4. Comparaison des suivis de concentration en sévoflurane par IRPA pour des patients de corpulences identiques lors des phases 1, 2 et 3.

rapport à la phase 2 (tableau I). Le poste du médecin anesthésiste passe de 38 ppm sur 210 minutes à 27 ppm sur 130 minutes et le poste d’assistant de 20 ppm à 13 ppm. En supposant que l’exposition du personnel est nulle sur le reste de la journée, ces valeurs de concentration rapportées à une période de 8 heures sont égales à 3,7 et 7,4 ppm respectivement. La superposition du suivi réalisé à l’aide du détecteur IRPA sur la figure 4 illustre l’évolution favorable de la concentration au cours des différentes phases.

Discussion Évaluation de l’exposition Les mesures effectuées lors de la phase 1 mettent en évidence des concentrations atmosphériques extrêmement élevées qui justifient les plaintes du personnel. Le médecin anesthésiste est plus exposé, car il réalise l’induction au masque et il est soumis aux pertes d’étanchéité du masque. De plus, lorsqu’il accompagne le patient dans la salle d’IRM, il est également exposé à l’isoflurane. Si les concentrations en isoflurane relevées sur son badge restent faibles, elles s’ajoutent aux quantités de sévoflurane auxquelles il est exposé par ailleurs. L’infirmier est exposé de manière atténuée aux émissions liées à la perte d’étanchéité du masque. Cependant, entre deux anesthésies, il reste dans le local pour la phase de réveil du patient précédent et prépare 444

l’anesthésie du patient suivant. La forte rémanence du sévoflurane dans le local entraîne par conséquent une exposition quasi continue pour ce poste. Toutes les observations menées dans des conditions identiques mettent en évidence l’influence des pratiques et du matériel utilisé, des conditions de ventilation des locaux et des comportements sur l’importance de l’exposition professionnelle (5, 12, 13). Le cas étudié ici se place dans les conditions les plus défavorables, puisque l’induction se fait au masque et non par voie veineuse, le système d’anesthésie utilisé est en boucle ouverte sans récupération de gaz, les locaux ne sont pas suffisamment ventilés, et, enfin, le manque de place et d’équipement adapté n’encourage pas le respect des mesures de prévention. Celles mises en place consistent en une rotation du personnel d’anesthésie sur ce poste. Quinze à vingt infirmier(e)s sont posté(e)s et ils (elles) n’interviennent donc que deux ou trois fois par an. Le manque de repère dans un environnement mal connu peut, dans ce cas, s’avérer être également un facteur aggravant du risque. Les concentrations atmosphériques très élevées qui ont été mesurées lors de la phase initiale sont conformes à ce que l’on peut attendre dans cette configuration et expliquent les plaintes du personnel soignant qui sont à l’origine de cette campagne d’évaluation.

Utilisation du badge Gabie

®

L’une des contraintes fortes pour le fonctionnement optimal de l’échantillonneur passif est la vitesse d’air à Arch Mal Prof Env 2005

sa surface. En effet, le renouvellement d’air est optimal pour des vitesses d’air supérieures à 0,2 mètre par seconde. Les mesures de vitesse d’air dans le local à l’aide d’un anémomètre montrent que cette contrainte est respectée, même dans le cas le plus défavorable où le taux de renouvellement d’air est faible. Par ailleurs, le dispositif d’atténuation des fluctuations environnementales présent sur le badge Gabie® rend son utilisation compatible avec des conditions de renouvellement d’air élevées, jusqu’à des vitesses d’air de 2 à 3 mètres par seconde (11). Afin de pouvoir comparer les résultats obtenus par prélèvement actif et passif, la concentration mesurée à l’aide des prélèvements actifs pour chaque patient est comptabilisée au prorata du temps de prélèvement et rapportée à la durée d’exposition totale du badge : tubei

référence

C sévo

¦ ( t tubei C sévo ) =   = ¦ ti

t tube1 t tube2 t tube tube3  C sévo + --tube1 ---------- C sévo + --tube2 ---------- C sévo +  t badge t badge t badge t tube --tube ---------- C sévo t badge Pour la phase initiale (phase 1), l’application numérique pour le poste de l’infirmier(e) anesthésiste donne : référence

C sévo

21 13 = ------- 61, 7 + ------- 208, 2 + 252 252

12 15 41 ------- 247, 7 + ------- 142, 3 + ------- 8, 8 = 36, 2 ppm 252 252 252 La mesure sur 252 minutes d’exposition du badge donne une valeur de 35 ppm. La concordance des résultats obtenus à l’aide des deux techniques est très bonne. Les badges portés par le médecin anesthésiste révèlent une concentration de 66 ppm sur 127 minutes, puis 75 ppm sur 124 minutes, soit une valeur moyenne de 70 ppm sur 252 minutes qui confirme la surexposition à ce poste. Lors de la seconde campagne de mesure, selon le même principe de comparaison, l’exposition pour le poste d’assistant anesthésiste est de 12 et 20 ppm mesurée à l’aide des tubes et du badge respectivement sur une période de 210 minutes. L’écart entre les deux méthodes est ici plus important. La concentration pour le poste du médecin anesthésiste est mesurée à 38 ppm par exposition de 210 minutes du badge. Enfin, lors de la dernière phase, la comparaison entre les deux techniques donne des résultats assez proches : 13 ppm pour la valeur de référence calculée à l’aide des Arch Mal Prof Env 2005

prélèvements actifs ramenés à 130 minutes alors que la concentration déterminée à l’aide du badge sur cette même durée est de 10 ppm Par ailleurs, le caractère très hétérogène de l’émission du polluant, sous forme de pics, affecte de manière importante l’incertitude associée à la détermination de la valeur de la concentration atmosphérique. Ainsi, les comparaisons tube-badge dans les phases 2 et 3 montrent des écarts de 20 à 30 % entre les valeurs badges et les valeurs de référence, compatibles avec ce qu’il est convenu d’attendre dans de telles conditions.

Efficacité des moyens de prévention L’utilisation du détecteur IRPA, qui délivre un signal continu, offre la possibilité de mettre en évidence l’origine et le profil des émissions les plus importantes et d’associer le personnel à la recherche de moyens de prévention. Le premier problème déduit des observations expérimentales concerne le captage à la source des émissions de gaz par le patient. La faible fréquence des actes réalisés dans ce local (une demi-journée à une journée par semaine) ne justifie pas l’installation d’un système d’extraction de gaz anesthésique (SEGA) relativement coûteux et par ailleurs volumineux par rapport à l’espace disponible. Des systèmes mis en œuvre dans le cadre d’études précédentes, consistant à connecter la valve expiratoire du masque sur le système d’extraction d’air de la pièce, ne nécessitent pas de gros travaux et sont très facilement adaptables à n’importe quel type de configuration (14). Cette adaptation réduit environ de moitié les émissions de gaz dans l’atmosphère. Cette mesure, associée à un respect de bonnes pratiques (arrêt de l’alimentation en gaz du masque pour l’intubation par exemple), peut offrir une réduction significative des émissions. Les suivis de concentration ont également montré une forte rémanence des gaz dans l’atmosphère ; cette observation est particulièrement marquée lorsque les anesthésies sont réalisées avec le rideau fermé. Si un système de ventilation ne peut suffire à réduire les concentrations atmosphériques, l’optimisation du taux de renouvellement d’air dans le local permet de diluer et d’évacuer les émissions ponctuelles de polluants (15). En ce qui concerne les blocs opératoires et les salles de réveil, la réglementation impose un apport minimal de 15 volumes par heure, avec un apport minimal de 50 m3 par heure, par personne susceptible d’être présente dans la salle. 445

MÉMOIRE

Méthodes de dosage des gaz anesthésiques

E. Langlois et al.

Cette condition n’étant pas applicable ici, il a été envisagé d’adapter le circuit d’air de manière à réduire la persistance des gaz dans l’atmosphère après leur utilisation pour l’anesthésie. La mauvaise ventilation du local a pour conséquence de créer des zones mortes où les gaz peuvent s’accumuler (dans les coins ou entre les meubles par exemple). La suppression du rideau a également été préconisée pour faciliter le renouvellement d’air. Rapportées à la période de référence de 8 heures, les expositions aux postes d’anesthésie et d’assistant restent supérieures à la valeur recommandée (5 ppm et 17 ppm), mais ces mesures de prévention ont permis de diviser la concentration atmosphérique d’un facteur 4 à 5 ; les personnels interrogés ont ressenti cette amélioration notamment la réduction des céphalées et de la fatigue après une journée de travail à ce poste.

2. Burm A. Occupational hazards of inhalational anaesthesics. Best Practice et Research Clinical Anaesthesiology. 2003 ; 17 : 147-161. 3. Mierdl S., Byhahn C., Abdel-Rahman U., Matheis G., Westphal K., Occupational exposure to inhalational anesthesics during cardiac surgery on cardiopulmonary bypass. Ann. Thorac. Surg. 2003 ; 75 : 1923-1930. 4. Byhahn C., Heller K., Lischke V., Westphal K. Surgeon’s occupationnal exposure to nitrous oxide and sevoflurane during pediatric surgery. World J. Surg. 2001; 25 : 1109-1112. 5. Gagniere-Monteil C., Pineau A., Souron R., Boiteau H.L. Halothane et enflurane dans les blocs opératoires : exposition et prévention. Arch. Mal. Prof. 1993; 54 : 563-568. 6. Muller J., Guenier, JP., Échantillonnage des polluants gazeux. 2. Le point sur les échantillonneurs passifs [badges]. Cah. Notes Doc. 1984 ; 116 : 313-325. 7. Delcourt J., Comparaison de deux échantillonneurs passifs pour l’évaluation de l’exposition aux gaz anesthésiques. Arch. Mal. Prof. 2001; 62 : 511. 8. METROPOL: http://www.inrs.fr/Rubrique « Bases de données. » Fiche 051

Conclusion

9. METROPOL: http://www.inrs.fr/ Rubrique « Bases de données. » Fiche méthodologique A.

Cette étude a mis en évidence une forte exposition du personnel au sévoflurane au cours de l’anesthésie d’enfants dans un local non adapté à ce type d’acte. Elle a permis la validation sur le terrain de l’utilisation du système de prélèvement passif Gabie® pour l’évaluation de gaz anesthésiques fluorés. Lorsque les contraintes d’utilisation sont respectées (vitesse d’air supérieure à 0,2 m/s) , le badge Gabie® constitue un outil d’évaluation de l’exposition particulièrement bien adapté dans le cadre des soins hospitaliers et de leur environnement parfois difficile. Par ailleurs, cette étude a permis de mettre en place des moyens de protection simples dont l’efficacité sur les valeurs d’exposition est significative (réduction d’un facteur 4 environ ).

Références 1. Laxenaire M.C. Procédures anesthésiques actuelles. Arch. Mal. Prof. 2001 ; 62 : 507-507.

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10. Krueger W.A., Trick M., Schroeder T.H. et Unertl K.E., Kalibrierung eines Raumluft-Gasmonitor mit zertifizierten Prüfgasen. Der Anaesthesist. 2003 ; 52 : 1139-1142. 11. Hori H. and Tanaka I., Effect of face velocity on performance of diffusive samplers. Ann. Occup. Hyg. 1996 ; 40 : 467-476. 12. Chevreau-Fonteneau L., Gauberti P., Chaussavoine A., Lamoureux F., Jossier C., Lemaitre B., Soulois J., Letourneux M. Exposition aux gaz anesthésiques dans les blocs opératoires : apport d’une technique de métrologie atmosphérique en semicontinu. Arch. Mal. Prof. 1999 ; 60 : 118-123. 13. Rouillat M., Bergeret A., Pollution par gaz anesthésiques des blocs opératoires : résultats de nos dosages et méthodes de prévention préconisées, selon les divers types d’installation. Arch. Mal. Prof. 1995 ; 57: 574-576. 14. Stoklov M., Stieglitz P., Lamalle Y., Vincent F., Perdrix A., Mallion J-M., Faure J., L’évaluation de la pollution des blocs opératoires au centre hospitalier régional de Grenoble et les mesures de prévention mises en œuvre. Arch. Mal. Prof. 1993 ; 54 : 563-568. 15. Guide pour prévenir les expositions professionnelles aux gaz et vapeurs anesthésiques. Document de la CRAMIF, 3e édition. http://www.cramif.fr/pdf/th2/prev/dte101.pdf

Arch Mal Prof Env 2005