Revue du Rhumatisme 74 (2007) 11–16 http://france.elsevier.com/direct/REVRHU/
Mise au point
Exploration de la musculature rachidienne du sujet sain et lombalgique : revue de la littérature Spinal muscle evaluation in healthy individuals and low-back-pain patients: a literature review◊ Christophe Demoulin*, Jean-Michel Crielaard, Marc Vanderthommen Département de médecine physique et kinésithérapie–réadaptation, université de Liège, ISEPK–B21, 4, allée des Sports, 4000 Liège–Sart-Tilman, Belgique Reçu le 20 juillet 2005 ; accepté le 6 février 2006 Disponible sur internet le 07 novembre 2006
Résumé Cet article présente les différentes techniques d’investigation de la musculature rachidienne et analyse les données relatives aux muscles spinaux de sujets sains et lombalgiques chroniques. L’atrophie des muscles paravertébraux de lombalgiques chroniques et notamment une réduction de leur surface de section et de leur densité musculaire peuvent être objectivées par l’imagerie médicale. La biopsie musculaire des muscles spinaux de sujets sains démontre un pourcentage élevé de fibres lentes (type I) lié à leur fonction posturale ; les femmes se caractérisent par une meilleure adaptation à l’effort aérobie s’expliquant par une plus grande section musculaire relative occupée par les fibres de type I. Les muscles spinaux de lombalgiques chroniques présentent soit une atrophie marquée des fibres de type II, soit une conversion des fibres de type I en type II, soit la présence accrue d’anomalies non-spécifiques. La spectroscopie par résonance magnétique et en proche infrarouge, explorant respectivement le métabolisme musculaire et l’oxygénation tissulaire de la musculature spinale, restent encore peu décrites. L’électromyographie de surface confirme, chez les lombalgiques chroniques, la fatigabilité accrue des muscles spinaux et l’absence fréquente du phénomène de flexion–relaxation. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Muscles spinaux ; Biopsie musculaire ; Spectroscopie ; Électromyographie Keywords: Paraspinal muscles; Muscle biopsy; Spectroscopy; Electromyography
1. Introduction La rééducation active du lombalgique chronique constitue le seul traitement efficace limitant son syndrome de déconditionnement physique [1], caractérisé notamment par une diminution de la force et de l’endurance plus particulièrement localisée au niveau des muscles extenseurs du tronc [1,2]. En raison de son rôle dans la stabilité du rachis, la musculature paraver-
tébrale a fait l’objet de nombreuses explorations. Cet article présente diverses techniques d’investigation et analyse les données relatives à la musculature spinale de sujets sains et lombalgiques. Volontairement, nous n’avons pas retenu les articles appréciant les seules performances musculaires (force, endurance…) de lombalgiques chroniques en raison de l’influence de nombreux facteurs (motivation, appréhension, douleurs…). 2. Méthodes
* Auteur
correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (C. Demoulin). ◊ Pour citer cet article, utiliser ce titre en anglais et sa référence dans le même volume de Joint Bone Spine.
Les articles relatifs à l’exploration de la musculature rachidienne ont été recueillis sur Medline par les mots clés suivants : « trunk extensors », « erector spinae », « paraspinal
1169-8330/$ - see front matter © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rhum.2006.02.021
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muscle », « muscle fatigue », « back pain », « muscle biopsy », « fiber types », « MRI », « magnetic resonance imaging », « computerized tomography », « CT scan », « cross-sectional area », « density », « real-time ultrasound », « magnetic resonance spectroscopy », « NIRS », « tissue oxygenation », « electromyography », « flexion–relaxation ». 3. Résultats 3.1. Imagerie médicale L’imagerie médicale peut apprécier de manière non-invasive et reproductible [3,4] la surface de section et/ou la densité d’un groupe musculaire ou d’un muscle spécifique. Contrairement au scanner qui requiert des rayons X, l’IRM n’expose pas aux radiations ionisantes [5] mais elle impose l’absence de tout élément ferromagnétique. La dégénérescence musculaire sera quantifiée de manière relativement reproductible par l’échographie, certes plus accessible que l’IRM [6], mais qui ne permet pas l’évaluation des muscles de grande section, la vérification exacte de l’étage vertébral examiné et la mesure précise de la densité musculaire [6]. Sujet sain : l’imagerie par résonance magnétique (IRM) et par tomodensitométrie (TDM) peut certes objectiver une dégénérescence discale ou une compression neurologique mais il apparaît impossible de prédire au moyen de l’imagerie l’apparition de lombalgies ou d’établir de relation entre la sévérité des lésions et la symptomatologie clinique [5]. La musculature spinale du sujet sain, explorée par l’imagerie médicale, démontre de grandes variabilités interindividuelles [7] et intersexuelles [7]. Les femmes présentent une surface de section musculaire réduite [8] qui, par ailleurs, augmente de haut en bas du rachis et ce, plus particulièrement au niveau du multifidus [4]. Hides et al. [6] ne mettent en évidence aucune différence entre les deux côtés. L’influence de l’âge sur la surface de section musculaire reste controversée, certains décrivant une diminution avec l’âge [9] alors que d’autres n’observent aucune différence [8,10]. Sujet lombalgique : l’imagerie médicale du lombalgique chronique précise régulièrement au niveau des muscles rachidiens une surface réduite de section musculaire [4,11] (cette réduction pouvant être de 10 % par rapport à la normale [1]), de même qu’une diminution de la densité musculaire [1]. Cette atrophie musculaire s’expliquerait par le faible niveau d’activité et le déconditionnement physique des patients [1]. La surface de section n’apparaît cependant pas corrélée à la durée de la symptomatologie [9]. Par ailleurs, l’imputabilité entre les phénomènes algiques et l’atrophie musculaire rachidienne demeure hypothétique [11]. Une relation entre la surface de section des muscles paravertébraux et les performances musculaires reste toujours controversée. Certains travaux rapportent des corrélations positives entre l’imagerie et les performances musculaires [8,12] alors que d’autres n’observent aucune relation [1,13], conséquence vraisemblable d’une mesure imprécise de la section musculaire [8,12] et/ou d’une évaluation peu spé-
cifique des performances musculaires [14] ; par ailleurs, la densité musculaire n’apparaît pas corrélée à la force maximale [1]. L’influence d’un programme de reconditionnement physique sur la surface de section des muscles paravertébraux de lombalgiques chroniques a fait l’objet de plusieurs travaux contradictoires. Alors que plusieurs auteurs n’observent aucune modification suite à une rééducation pourtant réputée efficace sur le plan algofonctionnel [12,13], un programme de plusieurs semaines comportant des exercices de stabilisation et de résistance staticodynamique peut provoquer une augmentation significative de la surface de section du multifidus [15]. De même, un programme (de 15 semaines pour des patients lombalgiques subaigus) semble entraîner quelques modifications (non-significatives) de la surface musculaire (élévation de 2 à 3 %) et du dépôt adipeux musculaire [16]. Ces modifications aléatoires et modestes de la section musculaire s’expliqueraient par la durée et l’intensité généralement insuffisantes des programmes de reconditionnement. L’utilisation de charges élevées pendant au moins huit semaines constitue un facteur conditionnel indispensable au développement d’une hypertrophie musculaire [17]. Les gains de force décrits lors des premières semaines d’une revalidation s’expliquent dès lors par des adaptations essentiellement neurologiques (meilleures coordination et synchronisation des unités motrices…) [17]. L’IRM permet une imagerie plus fonctionnelle, en étudiant les muscles spécifiquement sollicités lors d’un effort ; en effet, le temps de relaxation transversal (T2) du proton est très sensible au contenu en eau tissulaire [18]. À la suite d’un effort, l’IRM apprécie les modifications T2 résultant d’une augmentation du contenu en eau du muscle [19]. Flicker et al. ont comparé l’activité du multifidus et autres muscles érecteurs du rachis de sujets sains, lombalgiques chroniques non-opérés et opérés, avant et après une série d’extensions dynamiques du tronc [19]. Au repos, l’intensité du signal des patients opérés apparaît inférieure à celle des deux autres groupes, suggérant la présence d’une fibrose et/ou d’un dépôt adipeux musculaire. Au terme de l’effort, l’augmentation du signal qui résulte des phénomènes osmotiques apparaît plus faible chez les opérés. Les auteurs avancent la sévérité de leur déconditionnement musculaire pour expliquer ces observations. 3.2. Biopsie musculaire La biopsie apprécie la typologie et la dimension des fibres musculaires ; cependant, compte tenu de son caractère invasif, les études concernent généralement des échantillons prélevés lors d’interventions chirurgicales [20] ou d’autopsies [2,20– 22]. Seules quelques études ont investigué la typologie des muscles paravertébraux de sujets vivants non-opérés [7,23,24]. Sujets sains : les muscles spinaux de sujets sains présentent en raison de leur fonction posturale une proportion importante de fibres lentes de type I (entre 54 et 73 % selon les études) [2, 25]. Chez les sujets féminins, la surface des fibres lentes de type I constitue un pourcentage plus important du volume musculaire [7]. Ce déterminisme sexuel expliquerait, lors des épreuves d’endurance des muscles rachidiens, les meilleures
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performances des femmes [14,26]. D’autres études rapportent avec l’âge une augmentation de la proportion en fibre I [9,20]. Les éventuelles différences typologiques entre le multifidus et les muscles érecteurs du rachis (iliocostalis et longissimus) et entre les segments thoracique et lombaire demeurent controversées [2,7,20–22]. Contrairement à la majorité des autres groupes musculaires [21], les fibres de type I des muscles rachidiens sont de plus grande taille que celles de type II [22,24,25]. Sujets lombalgiques : les analyses biopsiques des muscles rachidiens de sujets lombalgiques demeurent controversées. Certaines études précisent une atrophie plus marquée des fibres de type II [27] ; en revanche, Crossman et al. ne rapportent aucune différence entre la typologie des muscles rachidiens de sujets sains et lombalgiques et ce, aussi bien pour la taille des fibres, la proportion de fibres de type I et la surface relative occupée par ces fibres lentes [24]. Inversement, Mannion et al. [23] constatent une réduction de la proportion des fibres de type I au profit de fibres plus rapides de type IIb et IIc, expliquant la plus faible endurance des lombalgiques [28]. La transformation de fibres lentes en fibres rapides suite à un déconditionnement physique ou à une immobilisation, a déjà été rapportée [29]. Les corrélations entre l’importance des modifications typologiques et la durée des symptômes supportent l’hypothèse du déconditionnement physique [9]. La présence d’anomalies histologiques musculaires non-spécifiques [fibres musculaires « en cibles » (core targetoid muscle fibers), petites fibres angulaires (small angulated muscle fibers), fibres « mangées par les mites » (moth eaten fiber)] [23,27] ne peut cependant établir leur spécificité et leur déterminisme [23]. Il n’existe aucune modification typologique chez les lombalgiques après une revalidation active (trois mois) et ce, malgré l’amélioration des performances musculaires [12]. Après cinq semaines d’un programme intensif suivi de huit semaines d’exercices à domicile, Rissanen et al. rapportent, uniquement chez les sujets masculins, une augmentation significative de la taille des fibres de type II du multifidus [30] vraisemblablement liée à la spécificité de l’entraînement. La biopsie, méthode invasive, s’accompagne de certains risques limitant sur le plan éthique son utilisation en dehors d’un contexte opératoire. L’importante variabilité interindividuelle [2,7,24] et intra-individuelle entre les différents prélèvements d’un même muscle [31] réduit également son intérêt. 3.3. Spectroscopie par résonance magnétique nucléaire (SRMN) La spectroscopie en RMN mesure divers signaux générés par certains noyaux (habituellement 1H ou 31P) et ce, en réponse à diverses impulsions de radiofréquence. La SRMN est une technique non invasive et non ionisante validée pour l’exploration du métabolisme des muscles squelettiques [32, 33] qui requiert un aimant dans lequel le muscle est introduit de façon à induire un champ magnétique élevé. L’étude du noyau 31P permet de détecter divers métabolites à haute énergie tels que l’adénosine triphosphate (ATP), la phosphocréatine (PCr) et le phosphate inorganique (Pi). La mesure des spectres quantifie la surface des pics (proportionnelle au nombre de
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noyaux résonants) de PCr et de Pi, permettant le calcul de certains rapports (Pi/PCr) voire de concentrations tissulaires. Cette technique précise l’évolution de la concentration des composés phosphorylés et du pH intracellulaire au cours d’un effort musculaire et de sa récupération. La SRMN apporte quelques renseignements complémentaires concernant la typologie musculaire [34]. De nombreux travaux étudient la musculature périphérique des membres [32,33], mais peu d’aimant « corps-entier » autorise l’examen de la musculature axiale [35] ; la standardisation de telles épreuves sollicitant les muscles rachidiens s’avère complexe et explique son usage confidentiel. Strobel et al., explorant par la spectroscopie au phosphore 31, les muscles paravertébraux (L3–L4) de sujets sains et de patients lombalgiques ou fibromyalgiques [36], constatent un rapport Pi/PCr de repos plus élevé chez les patients douloureux chroniques par rapport aux sujets témoins, suggérant leur décontraction musculaire paravertébrale incomplète. 3.4. Spectroscopie optique dans le proche infrarouge (NIRS) Cette technique, basée sur l’absorption variable de la lumière dans le proche infrarouge par les formes oxygénées et désoxygénées de l’hémoglobine (Hb) et de la myoglobine (Mb), détermine de manière non invasive et reproductible les variations relatives d’oxygénation tissulaire [37]. Son intérêt et sa validité restent controversés car elle ne peut distinguer l’oxygénation vasculaire (hémoglobine) de l’oxygénation cellulaire (myoglobine) en raison de leur absorbance similaire. Selon Wilson et al., le signal NIRS serait majoritairement influencé par l’hémoglobine [38]. Sujet sain : une oxygénation tissulaire plus faible s’observe au niveau des muscles spinaux dès que l’intensité de leur contraction dépasse 2 % de la force maximale volontaire (FMV), expliquant l’effet néfaste de la position statique prolongée [39]. Sujet lombalgique : Kovacs et al. rapportent chez des lombalgiques une utilisation plus faible de l’oxygène par les muscles paravertébraux [40]. Différentes hypothèses ont été soulevées et notamment l’existence de lésions mitochondriales réduisant l’activité enzymatique oxydative ou un recrutement musculaire particulier. Cette utilisation perturbée de l’oxygène corrobore les faibles performances musculaires aérobies des lombalgiques justifiant l’intérêt d’un reconditionnement spécifique des muscles rachidiens [40]. 3.5. L’électromyographie (EMG) Plusieurs études ont examiné l’activité et/ou la fatigabilité des muscles paravertébraux par l’électromyographie intramusculaire (à l’aiguille) ou de surface (S-EMG). Cette dernière méthode, non-invasive, n’explore pas les muscles profonds et ne peut isoler l’activité d’un muscle spécifique en raison d’un phénomène de recouvrement (« crosstalk ») résultant de l’enregistrement de groupes musculaires relativement proches [41]. Malgré ces différences entre EMG à l’aiguille et de surface, les résultats de ces deux techniques semblent corrélés [42]. L’absence de tout protocole standardisé complique d’éventuel-
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les comparaisons et ce, d’autant plus que de nombreux facteurs peuvent influencer les résultats : citons le type, la taille et la localisation des électrodes, l’impédance de la source et de l’amplificateur, la localisation des points moteurs, le type de contraction, la température du muscle et de la peau, la force développée, la typologie et la perfusion musculaire, l’épaisseur du tissu adipeux… [43]. La reproductibilité intra-séance apparaît satisfaisante [44] ; en revanche, la reproductibilité interséance et interexpérimentateur demeure plus controversée [45]. Les paramètres EMG les plus fréquents sont le Root Mean Square (RMS), la fréquence initiale (IMF), la fréquence médiane (MF) et moyenne (MPF) ainsi que leur vitesse de déclin (reflétant la fatigabilité musculaire lors d’efforts prolongés). Ces paramètres, dérivés des signaux électromyographiques bruts, sont généralement analysés au moyen de la transformée de Fourrier (FFT). Certains auteurs ont récemment utilisé l’Instantaneous Median Frequency (IMDF) autorisant une évaluation électromyographique dynamique et reproductible [46]. Afin de standardiser les examens, un appareil spécifique développé par Roy et al. [47] et régulièrement utilisé [43], autorise la répétition d’extensions isométriques à un pourcentage de la FMV, tout en réalisant un EMG de surface. Cette évaluation nécessite donc la détermination préalable de la force maximale volontaire de lombalgiques [48] dont la sousévaluation pourrait s’expliquer par la peur et/ou la douleur [49]. La fatigabilité musculaire paravertébrale s’apprécie également par l’EMG couplé à d’autres dynamomètres [28] ou au test de Sorensen [14,44]. Cette épreuve consiste à maintenir le plus longtemps possible son tronc à l’horizontale, les membres inférieurs étant fixés et le bassin se trouvant à la limite du débord de table [50]. Sujet sain : lors de tests d’endurance des muscles extenseurs du tronc, l’évolution de la fréquence médiane (MF) en fonction du temps (caractérisé par une pente moyenne) est corrélée avec le temps de maintien [14,28]. De telles épreuves, complétées par une analyse EMG, permettraient de quantifier la fatigabilité musculaire en évitant la réalisation d’un effort maximum. Le temps de maintien supérieur des sujets féminins traduirait la moindre fatigabilité de leurs muscles spinaux (objectivée par EMG) [14,28]. Sujet lombalgique : la fatigabilité importante des muscles paravertébraux des lombalgiques [47,51] s’expliquerait par leur déconditionnement physique, entraînant une amyotrophie générale et spécifique des fibres de type I. En effet, il existe une corrélation entre la surface de section relative des fibres de type I et la vitesse de déclin des paramètres spectraux de l’EMG [21,26]. Un programme multidisciplinaire intensif (40 h/semaine) de quatre semaines destiné principalement à l’amélioration des performances musculaires de patients lombalgiques chroniques, et évalué notamment en examinant l’endurance des muscles extenseurs du tronc au moyen de l’électromyographie de surface, provoque une moindre fatigabilité des paravertébraux [51]. L’électromyographie à l’aiguille ou de surface explore également le phénomène de flexion–relaxation. Chez le sujet sain, on observe une réduction/disparition de l’activité myoélectrique des spinaux lombaires en fin de flexion
du tronc. Ce phénomène décrit dès 1951 [52] a ensuite été rapporté par de nombreux auteurs [53–55]. Cette relaxation de fin de flexion intervient dès que la mise en tension des structures passives (ligaments…) et/ou du fascia thoracolombaire équilibre le poids du tronc [54–56]. D’autres auteurs évoquent une inhibition de la musculature paravertébrale induite par l’activation de récepteurs sensibles à l’étirement [55] ou par un recrutement musculaire modifié impliquant des muscles plus profonds difficilement enregistrables [56]. Malgré une origine multifactorielle [55], l’objectivation EMG de cette relaxation apparaît reproductible et discriminante [57]. Ce phénomène de flexion–relaxation absent chez les patients lombalgiques [53,57] soulève plusieurs hypothèses : ● ● ● ●
spasmes musculaires [57] ; réduction de la mobilité lombaire [57] ; exagération des réflexes d’étirement [57] ; protection de structures passives endommagées [54].
Certains auteurs décrivent pour la majorité des lombalgiques, au terme d’une prise en charge rééducative, une restauration du phénomène de flexion–relaxation [53]. De nouvelles techniques, et notamment l’électromyographie de surface « large array » (LASE), permettent d’apprécier simultanément l’activité RMS de plusieurs groupes musculaires [58]. Le lombalgique présenterait une activation particulière au sein de groupes musculaires différents, protégeant le site pathologique [58]. La validité de l’électromyographie de surface demeure néanmoins critiquée [41,59]. De plus, la grande variabilité interindividuelle [60], et l’absence de norme compliquent la description d’un profil normal ou pathologique, limitant son utilité diagnostique [59]. En revanche, l’électromyographie de surface apprécie correctement la fatigabilité musculaire et elle pourrait préciser la surface de section relative occupée par les fibres de type I [26]. 4. Conclusions La biopsie musculaire, l’imagerie par résonance magnétique ou par tomodensitométrie, la spectroscopie en résonance magnétique nucléaire et en proche infrarouge (NIRS), l’électromyographie (de surface ou à l’aiguille) peuvent apporter de précieuses informations relatives aux muscles spinaux. Des études supplémentaires semblent néanmoins nécessaires afin d’identifier les indicateurs les plus fiables et pertinents en clinique permettant un suivi objectif complémentaire du patient lombalgique chronique. De nombreux travaux objectivent une diminution de la surface de section ainsi qu’une fatigabilité accrue des muscles spinaux de ces patients, mais ces modifications sont-elles une étiologie ou une conséquence de la lombalgie ? Remerciements Nous adressons nos remerciements à Mme Annie Depaifve pour son aide technique ainsi que la société Paul-Rimé pour son soutien financier.
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