Courrier des lecteurs
Archives des Maladies Professionnelles et de l’Environnement 2013;74:657-662
De´claration d’inte´reˆts
doute a` ce sujet) du meˆme atelier d’imprimerie. Le premier, une femme de 31 ans, rentrait de conge´ parental quand elle a e´te´ hospitalise´e pour des douleurs du flanc droit avec lipase´mie e´leve´e. A` noter qu’elle a e´te´ chole´cystectomise´e en juin 2008. Le second, un homme de 56 ans, exerce a` ce poste depuis 35 ans. Il a e´te´ hospitalise´ le premier jour de ses vacances pour pancre´atite aigue ¨ se´ve`re ; une chole´cystectomie de principe a e´te´ effectue´e en octobre. Il a repris a` temps partiel trois mois plus tard, et vient de reprendre a` plein temps. Le tableau e´volue vers une pancre´atite chronique avec e´pisodes de douleurs abdominales (parfois au travail) et diarrhe´e plus fre´quente. Le principal solvant manipule´ dans l’atelier est un me´lange d’e´thanol, d’isopropyle ace´tate et de me´thanol. Chaque imprimeur peut en consommer 20 a` 70 L par poste, sachant qu’il y a deux e´quipes alternantes de cinq personnes. L’atelier est mal ventile´ ; j’ai demande´ des pre´le`vements pour lesquels je n’ai a` ce jour aucun re´sultat. . . J’ai parcouru la litte´rature a` ma porte´e, lu le rapport de l’Agence nationale de se´curite´ sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), mais ces deux cas au meˆme endroit me pre´occupent. Qu’en pensez-vous ? Dr A. D.-L. (Rhoˆne)
L’auteur de´clare ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article.
Re´ponse
parce que ce salarie´ ne va pas pouvoir conserver son poste de travail qui peut le re´exposer au benze`ne, parce que sa maladie peut rechuter inde´pendamment d’une re´exposition et parce que la chimiothe´rapie qu’il a rec¸ue peut e´galement eˆtre a` l’origine de maladies he´matologiques malignes dont certaines sont semblables a` celles induites par le benze`ne. La maladie professionnelle lui apportera une aide financie`re utile pour assurer la ne´cessaire reconversion professionnelle. Je sugge`re de la coupler : a` la ve´rification qu’un reclassement dans l’entreprise ne risquera pas de le re´exposer, meˆme faiblement et/ou ponctuellement au benze`ne et dans le cas contraire ; a` un arreˆt de travail prolonge´ (le temps de faire reconnaıˆtre la maladie professionnelle), apre`s information et accord du me´decin-conseil de sa CPAM (Caisse primaire d’Assurance Maladie), pour qu’il puisse e´galement be´ne´ficier du doublement des indemnite´s de licenciement, associe´ au caracte`re professionnel de la maladie entraıˆnant le licenciement ; de toute fac¸on, avec la reconnaissance du statut de travailleur handicape´, propre a` faciliter la reconversion et la re´insertion de cet homme encore jeune.
Re´fe´rence [1]
Benzene in WHO guidelines for indoor air quality. Selected pollutants. Copenhagen, Denmark: WHO regional office for Europe; 2010: 15–54.
Rec¸u le : 22 juillet 2013. Accepte´ le : 22 juillet 2013. 1775-8785X/$ - see front matter ß 2013 Publie´ par Elsevier Masson SAS. 10.1016/j.admp.2013.07.188 Archives des Maladies Professionnelles et de l’Environnement 2013;74:657-668
Exposition professionnelle aux alcools et pancre´atite aigue¨§ Occupational exposure to alcohols and acute pancreatitis F. Testud Toxicologie me´dicale, BTP Sante´ Travail, 69100 Villeurbanne, France
Question J’ai e´te´ re´cemment confronte´e a` deux cas de pancre´atite aigue ¨ chez des salarie´s re´pute´s abstinents (je n’ai pas de §
Toute question doit eˆtre transmise par mail avec vos coordonne´es pre´cises au docteur Dominique Lafon (
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L’imprimerie est un secteur ou` l’exposition aux solvants organiques est souvent e´leve´e : les volumes consomme´s dans cette entreprise le confirment. Les solvants utilise´s sont en grande majorite´ des hydrocarbures oxyge´ne´s : alcools, glycols, esters (ace´tates), ce´tones, e´thers de glycols. . . Le solvant employe´ ici est un me´lange en proportions variables d’e´thanol (70 a` 95 %), d’ace´tate d’isopropyle (10 a` 25 %) et d’un peu de me´thanol (0 a` 2,5 %). Comme l’a rappele´ l’expertise ANSES de 2010, l’absorption syste´mique de l’e´thanol est toujours tre`s faible en milieu professionnel [1]. La pe´ne´tration percutane´e sur peau saine est infime chez l’adulte, la mole´cule n’est que mode´re´ment volatile et l’absorption respiratoire tre`s modeste. L’inhalation pendant six heures de concentrations de 8 a` 10 000 ppm, soit 8 a` 10 fois la VLEP-8 heures (ce qui est extreˆmement e´leve´), produit une e´thanole´mie infe´rieure a` 0,5 g/L. Une e´tude conduite par nos colle`gues de la Mutualite´ Sociale Agricole (MSA) chez des vignerons du Beaujolais a montre´ une absence d’e´thanol – mesure´ par e´thylome`tre – dans l’air expire´ apre`s les ope´rations de de´cuvage, en de´pit de concentrations de 1000 a` 1500 ppm dans l’atmosphe`re des caves [2]. Minoritaire dans la formulation, l’ace´tate d’isopropyle n’est lui aussi que mode´re´ment volatil. Dans le plasma puis dans le foie, il est rapidement hydrolyse´ en acide ace´tique et isopropanol par des este´rases non spe´cifiques : l’ace´tate entre dans le cycle de Krebs et l’isopropanol est biotransforme´ en ace´tone – e´limine´ dans les urines – par l’alcool-de´shydroge´nase (ADH).
Courrier des lecteurs
L’inhalation de vapeurs concentre´es d’alcools peut entraıˆner une irritation muqueuse (picotements oculaires et rhinopharynge´s, toux), voire de petits signes e´brieux (ce´phale´es, sensations de vertiges et nause´es) lorsque les concentrations sont tre`s supe´rieures aux VLEP. Ainsi avec l’e´thanol, une irritation du nez et de la gorge est pre´sente a` partir de 5000 ppm. La manipulation re´pe´te´e sans protection de solutions concentre´es d’alcools provoque une se´cheresse de la peau avec gerc¸ures et crevasses l’hiver, effet couramment rencontre´ chez les soignants se de´sinfectant les mains a` l’aide de solute´s hydro-alcooliques. Il n’existe aucune publication documente´e faisant e´tat de pathologie a` long terme chez les travailleurs expose´s a` l’e´thanol comme a` l’isopropanol. La consommation d’e´thanol conside´re´e en 1980 par l’OMS comme sans risque sanitaire est infe´rieure ou e´gale a` 30 g/j chez l’homme et 20 g/j chez la femme (un verre d’une boisson alcoolise´e quelle qu’elle soit contient 10 g d’alcool pur). Meˆme revues a` la baisse, ce qui semble se dessiner, ces doses sont sans commune mesure avec celles induites par les expositions professionnelles. Les conse´quences pathologiques d’une consommation excessive re´gulie`re de boissons alcoolise´es (ence´phalopathie, neuropathie pe´riphe´rique, ste´atose et cirrhose he´patiques, pancre´atite chronique calcifiante pouvant se compliquer de diabe`te, myocardiopathie, he´patocarcinome, cancers de la cavite´ buccale, du pharyngolarynx, de l’œsophage et de l’estomac, syndrome d’alcoolisme fœtal chez le nouveau-ne´ de me`re e´thylique chronique. . .) ne peuvent donc en aucune manie`re eˆtre extrapole´es aux expositions professionnelles a` l’e´thanol. Les pancre´atites aigue ¨s sont relativement peu fre´quentes : incidence de 22 pour 100 000. Selon une synthe`se re´cente, les principales e´tiologies sont la lithiase biliaire (35 a` 50 % des cas), l’e´thylisme (30 a` 40 % des cas), l’hypertriglyce´ride´mie majeure (> 7 mmol/L), l’obstruction canalaire par une tumeur, quelques me´dicaments (antire´troviraux, azathioprine, sulfasalazine, me´tronidazole, pentamidine, saxagliptine) et la mucoviscidose [3]. En ce qui concerne ces salarie´s, leur exposition professionnelle n’explique pas leur pathologie. La survenue de deux cas dans la meˆme entreprise rele`ve de la coı¨ncidence, phe´nome`ne non exceptionnel en pratique. La femme de 31 ans, chole´cystectomise´e cinq ans plus toˆt, a probablement une re´cidive microlithiasique sur sa voie biliaire principale avec migration dans le Wirsung. Quant au monsieur de 55 ans, si la consommation de boissons alcoolise´es n’est pas en cause, il entre dans les 1 a` 2 % de causes rares (virus, auto-immunite´, hyperparathyroı¨die) ou dans les 5 a` 10 % de formes inexplique´es [3]. L’absence de signe irritatif parmi le personnel n’est pas en faveur de fortes concentrations dans les locaux ; des dosages atmosphe´riques d’e´thanol pourraient ne´anmoins contribuer a` rassurer les salarie´s.
De´claration d’inte´reˆts L’auteur de´clare ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article.
Re´fe´rences [1]
[2]
[3]
ANSES. E´valuation des risques de l’e´thanol en population professionnelle. Rapport d’expertise collective. France: Maisons-Alfort; 2010, 336 p. Thibaudier JM, Freulet JM, Dupupet JL, et al. Conse´quence sur l’impre´gnation alcoolique de l’exposition a` l’e´thanol durant les ope´rations de de´cuvage en cave de vinification. Arch Mal Prof Environ 2005;66:548–52. Bournet B, Otal P, Escourrou J, et al. Pancre´atite aigue ¨ : diagnostic, pronostic et traitement. EMC (Elsevier Masson) Paris He´patologie 2011. 7104-A30.
e-mail :
[email protected] Rec¸u le : 22 juillet 2013. Accepte´ le : 22 juillet 2013. 1775-8785X/$ - see front matter ß 2013 Publie´ par Elsevier Masson SAS. 10.1016/j.admp.2013.07.187 Archives des Maladies Professionnelles et de l’Environnement 2013;74:658-659
Risques toxiques en bijouterie artisanale§ Toxic risks in craft jewelry F. Testud Toxicologie me´dicale, BTP Sante´ Travail, 69100 Villeurbanne, France
Question Je rec¸ois dans ma collectivite´ un petit atelier de bijoux tre`s artisanaux de moins de 10 salarie´s avec un joaillier, mais aussi un tanneur, un sertisseur, un graveur, un fondeur et un polisseur. Ils manipulent de nombreux produits (dont acide borique, borax, fluorure de sodium, de l’acide nitrique, de l’acide aminosulfonique avec agents mode´rants), mais e´galement de poussie`res de me´tal et de cuir, d’e´mery et peut eˆtre de la silice cristalline (plaˆtre re´fractaire). Le travail est minutieux et le visage est tre`s proche des pie`ces. Le patron comme les salarie´s me rapportent que le me´tier est re´pute´ sans risque par les professionnels et ne comprend pas que je veuille ame´nager leur poste (ou essayer, vu que c’est dans des locaux d’habitation re´ame´nage´s), a` identifier les CMR (silice, voire cuir qui je crois est classe´ comme tel pour les cancers nasosinusiens ?) a` des fin de surveillance, etc. Avez-vous connaissance de conditions de travail et d’exposition
§ Toute question doit eˆtre transmise par mail avec vos coordonne´es pre´cises au docteur Dominique Lafon (
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