Vision Rcs. Vol. 13. pp. 1311-1317. Pereamon Press 1973. Printed in Great Britain,
FACTEURS
TEMPORELS DANS LE MOUVEMENT CONSECUTIF VISUEL’ CLAUDEBONNET
Laboratoire de PsychologieExpkimentale et Comparie, Associt au CNRS (Rep
le 1 dkenrbre
192)
A&s I’observation prolongke d’une figure en mouvement (figure d’adaptation, FA), on perGoit sur cette mCme figure immobile (Figure test, FTJ un mouvement apparent de m&me forme que le mouvement d’adaptation mais de direction opposke a la direction de sa projection rktinienne. C’est le phCnom&ne du mouvement constcutif visuel (MC). SUTHERLAND(1961), BARLOWet HILL (1963) ont fait I’hypothbe que le MC visuel risulterait d’un &at d’adaptation difErentie1 dans des cellules rkpondant spkifiquement au mouvement dans des directions oppostes selon le schCma de la Fig. 1. F
GD
IL
\
Adaptation CD
I
DG
’ , c T
FIG. 1. R&hats schkmatiques d’enregistrement dans dcs cellules rtpondant spkctiquement au mouvement (d’aprks BARLOWet HILL, 1963). Frkquence des influx (F) en fonction du temps 0 dans une cellule rkpondant au mouvement gauche-droite (G-D), et dans une cellule r6pondant A la direction opposQ (D-G), avant, pendant et aprks la pksentation du mouvement d’adaptation (G-D).
I Cc texte a ktk p&se& sous fonne d’une communication le 2 novembre 1972. 2 28, rue Serpente, 75006Paris, France. 1311
&la SocietC Francake d’optique
Physiologique
CLAUDEBONNET
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Un certain nombre de donnees expirimentales (BONNETet POUTHAS,1972) permettent de supposer que ce m&zanisme ne serait pas seul en jeu et qu’un mtcanisme moins spicifique pourrait prendre le relai de cette activite. L’analyse de la variation de la duke du MC en fonction de differents facteurs temporels permettra de faire des hypotheses sur la nature de ce mkcanisme. 1. Variation de la durke du MC en fonction de la durke d’adaptation
SZILY(1907) a montre que la duree totale du MC croissait selon une fonetion negativement acdltree de la duree d’adaptation. Ce resultat a CtCfrequemment retrouve (WOHLGEIMUTH,1911; FREUD, 1963). 11 est illustre dans la Fig. 2 oti sont reproduits les resultats 1
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Sujet A Sujet
B
sujet c
IS -
+.-. J 0
I
I
I
I
I
I
5
IO
I5
20
25
30
Duree
d’adaptation.
I _ 35
ret
FIG. 2. DurCe totale du mouvement conskutif en fonction de la dunk. d’adaptation. individuels, la courbe moyenne a 6t6 ajustke A vue.
RCsuItats
individuels de trois sujets testes pour 7 durees d’adaptation comprises entre 5 et 35 sets. Le mouvement d’adaptation etait constitue par la rotation (125 t/m) du dessin d’une spirale arithmetique a 5 tours de 11 cm de diamkre dont Ie sujet tie le centre. A l’interieur de cette durte totale, et comme il a CtCdeja mentionne par des auteurs comme WOHLGEMUTH (1911) ou DURUP (1928), on observe une certaine heterogtntid du phenombne. Au tout debut de la p&ode test, le MC apparait tres vivace et sa vitesse apparente decroit trb rapidement au tours du temps. Pendant une seconde phase, le MC apparait au sujet moins vivace et sa vitesse apparente ne decroit plus que t&s Ientement. En utilisant une technique qui consiste a maintenir apparemment immobile la figure test, c’est a dire a neutraliser le MC par un mouvement reel, TAYLOR(1963) a pu mesurer le d&ours temporel de ces phenomenes et confkmer ainsi les observations prkcbdemment mentionnees. 11a en effet trouve que la vitesse apparente du MC decroissait exponentiellement au tours de la p&ode test selon deux phases successives. Ses resultats sont schematises dans la Fig. 3. On voit que l’augmentation de la duree d’adaptation (TAl < TA2) entraine une augmentation de la vitesse initiale du MC et une diminution du taux de decroissance de cette vitesse
Facteurs Temporels dam le Mouvement Conskutif Visuel
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Our&e dbdaptation I OurCa dbdoptatian 2
?A1
three
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:+A2
test
FIG. 3. Vitesse du mouvement conskutif (en valew log.) en fonction de la d&e. Schdma des rbultats de TAYLOR (1963)pourdeux dunks d’adaptation TAl < TA2 oh Ll et LZ reprbentent les latences de la seconde phase, Dl et D2 les dunks totales.
au cows du temps. Ces r&uitats sent de plus en accord avec ceux qui portent sur la mesure de la durde totale du MC (Dl cD2). La succession des deux phases du MC est un phCnomEne suffisamment clair pour qu’il soit possible de demander, m6me B des sujets peu entrain&, d’indiquer le moment du passage de l’une B I’autre et ce avec une fidClitCdans Ies mesures comparable B celle obtenue pour la seule dur6e totale. I1 faut encore ajouter que jusqu’8 une durie d’adaptation critique (de l’ordre de 7 sets dans les conditions expkimentales utiliskes ici) une seule phase de MC est observk. Par ailleurs on a tent6 de montrer (BOWET et PETITEAU, en prbparation) que la fatence de la seconde phase (Lf et L2 dans la Fig. 3) n’est pas une mesure valide des caractkistiques de Ia premiere phase et de ses variations avec les conditions expbrimentales. C’est ainsi, comme il sera dit plus loin, qu’ii n’apparait pas toujours de variations systkmatiques de cette fatence avec la dur&e d’adaptation. Ces rksultats indiquent done qu’au tours d’un MC deux phCnom&nes peuvent r?tre successivement observCs. 11speuvent &re discriminCs d’autre man&e que sur la base de leur seuie vivacitt apparente (voir BONNETet POUTHA.S,1972). Dans ce qui suit on s’attachera essentiellement aux variations de la durke totale et/au de la dur6e seconde phase. La plupart des recherches montrent un parall&isme dans les variations de ces variables.
Chez des sujets non entrain&, les durees L et D du MC vont varier systkmatiquement avec la ripttition de l’expkience, mais seulement au tours des toutes premihres rbp&itions. L’exptrience a & r6aliske avec trois sujets au tours de trois skances successives &pa&es chacune d’une semaine. Au tours de chaque stance, sur chacun des sujets on a mesurd & chaque essai la talence de la seconde phase (L) et la duree totale (D) du MC pour trois durdes d’adaptation (15, -20 et 25 set) pr&entCes dans un ordre au hasard deux fois chacune. Le mouvement d’adaptation Ctait ceiui d’une spirale arithmhtique 8 7 tours de 10 cm de diam&re toumant a 147 t/min. L’intervalle temporel sCparant chacun des six essais d’une stance pour un meme sujet Ctait de deux minutes au minimum.
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CLAUDE &Nh’ET
Sur la Fig. 4, on voit que la latence (L) de la seconde phase diminue tris systtmatiquement de seance en seance. On note Cgalement que s’il existe une certaine tendance a l’augmentation de L avec l’augmentation de la duke d’adaptation, cette tendance n’est pas sysdmatique (voir 1). Sur la Fig. 5 on a porte les resultats concemant la duree de la seconde phase (T = D-L). On observe que cette duree croit assez systematiquement avec la repetition. De plus la i IO -
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6-
TA=15 set TA=20sec TA =25 set x Sujet CR 0 Sujet.PE A Sujet PS
2-
FIG. 4. Evolution de la latence de la seconde phase avec la rkpttition. trois sujets et trois dunk d’adaptation.
Deux essais/s&mce pour
20-
15 ii w
_ -
7 c? IOi= -
S-
Seances FIG. 5. Evolution de la durke de la seconde phase avec la rkpbtition. Deux essais/s&nce trois sujets et trois dur&s d’adaptation.
pour
Facteurs Temporels dans ie Mouvement Codcutif
Visuel
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d&e de la seconde phase apparait augmenter systkmatiquement avec la durke d’adaptation. La variation de la duree de la seconde phase et de sa latence avec la repetition sont des effets asymptotiques. Bien que l’expkience n’ait pas ete poursuivie jusqu’au point oh ce rtsultat soit manifeste, nous en avons l’indication dans le fait que les memes sujets Ctant places a partir de la quatrieme stance dans une situation expkimentale Egerement di&ente ont cependant a partir de ce moment eu des dukes (L et D) qui n’ont plus variees systCmatiquement avec la repetition. 3. Variation de la d&e
totale du MC en fonction d’une r&p&itionma&e des essais
PLATEAU(1849) fut le premier a observer qu’une presentation
masste des essais, c’est A dire lorsqu’une nouvelle adaptation suit immidiatement la reponse du sujet, conduit a une decroissance t&s rapide de la duree totale du MC avec la repetition. C’est la raison pour laquelle, comme il est mentionne dans l’experience rapportte au paragraphe precedent, on laisse un intervalle de repos entre les essais successifs. HOLLAND (1963) a t&s systematiquement Ctudit ce phenomene et trouve une relation approximativement lintaire de pente negative entre le nombre de rkpttitions et la duree totale du MC. I1 observe de plus que si une ptriode de repos (5 ou 15 min) est intercalee dans la serie des repetitions, il y a pour les essais qui suivent cette periode retour a une durde plus longue, d’autant plus longue que la duree du repos est longue. Si au tours des essais mass&, une phase d’adaptation est presentee simultanCment avec une stimulation exterieure a la situation experimentale (son d’une clothe), la duree du MC redevient plus longue et ce d’autant plus que cette stimulation exterieure intervient tard dans la s&e. 4. Variation des duries du MC en fonction de l’interoalle adaptation-test Tous les resultats prkedemment present& ont ettt obtenus dans des situations au tours desquelles la p&iode test suit immkdiatement la p&ode d’adaptation au mouvement reel. Or SZILY (1907), WOHLGEMUTH(191 l), SPIGEL(1962a, b) ont trouvC que si en fin de pkiode d’adaptation le sujet Ctait plonge dans le noir, la presentation subsequente de la figure test permettait d’observer de nouveau un MC (qui sera qua1ifi.i de residuel). SPIGEL(1962a) trouve que si la duree de cet intervalle noir interpolt est egale a la durte moyenne du MC sans intervalle (D = 9,5 set), la duree du MC residue1 reste non ntgligeable (Dr = 7,l set) 11montre par ailleurs que c’est essentiellement l’absence de stimulation visuelle structurtk pendant est intervalle qui entraine cet effet. Des effets residuels peuvent &tre observes pour des intervalles adaptation-test tres longs. Spigel (1962b) en mentionnepourdes intervalles egaux a trois fois la duree moyenne du MC. D’autres auteurs (MASLAND, 1969; FAVREAUet al., 1972) pour une p&ode de repos atteignant 24 hr. Des observations r¢es que j’ai pu faire indiquent que le MC rCsidue1 obtenu dans ce type de conditions a toutes les caracteristiques phenomenales du MC deuxieme phase de vivacite. 11 ne semble d’ailleurs pas que l’on puisse observer deux phases de MC ii partir du moment oh l’on introduit un intervalle entre l’adaptation et le test.
CONCLUSION
Le processus d’adaptation dif%rentielle propose par SUTHERLAND(1961), BARLOWet HILL (1963) ne saurait rendre compte des variations des durees du MC avec les differents facteurs temporels ttudits. Cependant, il reste adequat a l’explication de la phase initiale du MC qui ne ntcessite pas de figure test pour &re observie. On peut en faire l’expkience dans
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CLAUDE B~WET
I’obscurite oh le mouvement consecutif apparait sur l’image consecutive de la figure d’adaptation. C’est pour cette raison en particulier que le MC dans sa phase initiale peut &re considS comme un phenomene essentiellement endovisuel. Par con&e pour observer les phenomenes afferents a la seconde phase du MC, sa “projection” sur une figure test structuree est necessaire. Des interactions entre ce MC et les caracteristiques de la FT ont itC d’ailleurs mises en evidence (BONNETet POUTHAS,1972), interactions qui paraissent ne se manifester qu’au tours de la seconde phase. Les donnees qui viennent d’&tre presenties permettent d’envisager l’hypothese selon laquelle le processus sous-tendant les phenomines afferents a la seconde phase du MC serait du type conditionnement sensoriel. L’evolution temporelle des caracteristiques de la seconde phase au tours des premieres seances d’experimentation est analogue a celle de l’etablissement d’une reponse conditionnelle : diminution de la latence et augmentation de la duree de la seconde phase, cette duree &ant considCrCe comme une mesure de la “force” de la rtponse. D’autre part, les variations de la duree du MC avec des presentations masstes, font penser (HOLLAND, 1963) a l’intervention d’une inhibition inteme au sens pavlovien du terme, inhibition qui peut &tre levee partiellement ou totalement par l’intervention d’une stimulation exteme ou d’une periode de repos. Enfin la possibilite mCme d’obtenir un MC apres un intervalle vide entre adaptation et test indiquerait que d’une man&e ou d’une autre, il y aurait preservation d’une trace (FESURD, 1960) de l’activite sensorielle engendrte par le processus d’adaptation responsable de la phase initiale du MC. Cette trace serait reactivee par la presentation subsequente de la figure test qui agirait alors comme stimulus conditionnel. L’observation d’un MC aprb 24 hr de dtlai serait a ce titre un argument tres fort en faveur d’une telle interpretation. Les recherches d’AGATHON(1972) renforcent la vraisemblance d’une telle hypothbe en Ctablissant experimentalement la possibilite d’un conditionnement du MC A un stimulus initialement indifferent (son).
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R&um&Le role de certains facteurs temporels (succession distribuee ou mass& des essais, intervalle entre adaptation et test) sur les durQs des phases du mouvement consicutif vkuel fournit des arguments en faveur dune interpretation du phtnomene en terme de conditiormement sensoriel. Abstract-An interpretation of the visual after-effect of movement in term of sensoryconditioning is supported by the analysis effect of some temporal factors (sequence of distributed or massed trials, interval between adaptation and test) on the durations of phases of the phenomenon.
Zusammenfassung-Eine Interpretation der visuellen Eewegungsadaptation durch sensorisches Konditioning wird durch die Analysen des Effektes einiger zeitlicher Faktoren (Reihenfolge der Versuche, Zeit zwischen Adaptation und Test) auf die Zeitdauer der einzelnen Phasen des Ph&nomens nahegelegt.
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