Journal de Chirurgie (2010) 147, Suppl. 2, S25-S35
Faits marquants du 5e Congrès Francophone de Chirurgie Digestive et hépatobiliaire Key events from the 5th French-speaking congress on digestive and hepatobiliary surgery D. Goerea, C. Marietteb,* aInstitut de cancérologie Gustave Roussy, 39, rue Camille Desmoulins, 94805 Villejuif, France bService de chirurgie digestive et générale, Hôpital Claude-Huriez, Place de Verdun, 59037 Lille cedex, France
Mots Clés
Côlon ; Cancer ; Métastases hépatiques ; Chirurgie ; Chimiothérapie ; Stratégie thérapeutique
KeyworDs
Colon; Cancer; Liver metastases; Surgery; Chemotherapy;
*
résumé Dans ce numéro sont rapportées les principales communications du 5e Congrès Francophone de Chirurgie Digestive et Hépatobiliaire ainsi que le compte-rendu du symposium consacré aux stratégies thérapeutiques oncochirurgicales dans la prise en charge des métastases hépatiques du cancer colorectal. Le cancer colorectal est au second rang des cancers en Europe et au troisième rang aux États-Unis des causes de décès par cancer. Chaque année, 36 000 cancers colorectaux sont diagnostiqués dont 50 % avec des métastases viscérales. Parmi ces derniers, 70 % des patients sont porteurs de métastases hépatiques exclusivement. Chez la majorité des patients, les métastases hépatiques sont considérées comme non résécables avec comme seul traitement la chimiothérapie dont les survies à 5 ans sont rares. La résection chirurgicale est le seul traitement à visée curative. Parmi les patients porteurs de métastases hépatiques de cancers colorectaux, 10 à 20 % de ces métastases sont résécables, avec 40 % de survivants à 5 ans. L’objectif de l’intensification des chimiothérapies est de faire passer 15 à 30 % des patients initialement non résécables dans la groupe des patients résécables et ainsi leur permettre des survies prolongées. La stratégie oncochirurgicale est donc fondamentale puisqu’elle permet de faire passer un nombre significatif de patients d’une prise en charge palliative à un traitement avec un espoir de guérison. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract Are presented in this issue, the main oral communications presented at the 5th francophone congress on digestive and hepatobiliary surgery and an overview of the symposium that was dedicated to the treatment of hepatic metastases in metastatic colorectal cancer. Colorectal carcinoma is the second leading cause of cancer in Europe and the third cause of cancer death in the United States. Every year in France, 36000 new cases are diagnosed, 50% of them with visceral metastases. Among these metastatis patients, 70% exhibit liver metastases exclusively at time of diagnosis. In most patients, liver metastases are
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Therapeutic strategy
D. Goere, C. Mariette
non resectable, with exclusive chemotherapy offering poor survival. Surgery is the only curative treatment. Among patients with liver metastases, 10 to 20% are resectable with 40% of them surviving at 5 years. The aim of the chemotherapy intensification schedules is to allow resection in 15 to 30% of initially non resectable metastatic patients and consequently offering some long term survivals. Regarding metastatic colorectal cancer treatment, confrontation between oncologists and surgeons is essential in order to give the opportunity to a significant number of metastatic patients to access to cure. © 2010 Elsevier Masson. All rights reserved
Introduction L’objet de ce numéro supplément du Journal de Chirurgie est de rapporter les faits marquants du 5e congrès commun SFCD-ACHBT qui s’est déroulé à Disneyland Paris du 3 au 5 décembre 2009. Malgré de nombreuses présentations de qualité, nous nous sommes focalisés par souci de concision, sur les éléments suivants : • les communications orales marquantes du congrès dans une première partie ; • le compte rendu du symposium sur la prise en charge des métastases hépatiques du cancer colorectal sponsorisé par le laboratoire Roche dans une seconde partie.
Communications orales Colon-rectum La préparation colique (PC) est inutile avant chirurgie colique élective. Pour la chirurgie rectale, il n’existe aucune donnée exceptée une analyse de sous-groupe d’une méta-analyse et une étude cas-témoin qui sont en faveur de l’inutilité de la PC. Le but de cette étude multicentrique randomisée, rapportée par F. Bretagnol (équipe d’Y. Panis, Clichy), était d’évaluer les résultats opératoires après chirurgie d’exérèse rectale pour cancer sans PC. D’octobre 2007 à janvier 2009, tous les patients ayant une exérèse rectale par laparoscopie ou laparotomie pour cancer non métastatique ont été randomisés en simple aveugle entre « PC » et non « PC » dans 8 centres. Le critère principal de jugement était la morbidité globale. Les critères secondaires comprenaient la mortalité opératoire, le taux de fistule anastomotique, la morbidité majeure (DINDO III ou plus), la tolérance à la PC, et la durée d’hospitalisation. 178 patients (103 hommes) ont été inclus et randomisés entre le groupe «PC» (n = 88) et le groupe «non PC» (n = 90). Le taux de morbidité globale était significativement plus élevé dans le groupe «non PC» vs « PC » : 48,3 % vs 33 % (p = 0,037). Le taux de fistule anastomotique était de 16,6 % vs 11,3 % (p = 0,29). La morbidité DINDO III ou plus était de 19,1 % vs 13,6 % (p = 0,326). La tolérance de la PC était jugée moyenne ou mauvaise dans 39,8 %. La mortalité opératoire (1,1 % vs 3,4 %, p = 0,36) et la durée médiane d’hospitalisation (12 vs 11 jours) (p = 0,15) étaient similaires entre les 2 groupes. Les auteurs concluent que l’absence de préparation colique avant une chirurgie d’exérèse rectale pour cancer augmente le risque de morbidité globale postopératoire sans augmentation significative du risque de fistule anastomotique. Contrairement à la littérature, cette première étude randomisée suggère de
préparer les côlons avant toute chirurgie élective d’exérèse rectale pour cancer. En cas de réponse majeure ou complète d’un cancer du rectum à la RCT, certains proposent comme alternative à la proctectomie avec ETM, l’exérèse locale du résidu tumoral ou la simple surveillance. Le but de ce travail, présenté par D. Moszkowicz (B. Nordlinger - Boulogne) était de préciser si des moyens non invasifs pouvaient évaluer avec fiabilité ces excellentes réponses et sélectionner les bons candidats à une telle chirurgie conservant le rectum. En 2 ans, 61 malades opérés d’un cancer rectum stade III après RCT ont eu un TR et une IRM avant et 4 à 6 semaines après la fin de la RCT. Les données du TR et de l’IRM étaient comparées à l’examen anapathologique définitif. Au TR, la réponse majeure était définie par un résidu tumoral < 2 cm et complète par l’absence de tumeur. En IRM la réponse majeure était définie par un épaississement résiduel visible sur le site tumoral initial et complet en l’absence de lésion. En anapathologie, la réponse majeure correspondait aux tumeurs pT1N0 et complète aux tumeurs pT0N0. La tumeur était classée pT0-T1N0 dans 18 cas (29 %). Le TR diagnostiquait une réponse majeure ou complète dans 14 cas (78 %) mais considérait à tort une tumeur en réponse majeure dans 12 cas (20 %). La valeur prédictive positive du TR (VPP : probabilité que l’anapathologiste confirme la réponse majeure ou complète observée au TR) était de 53 %. L’IRM dépistait une réponse majeure ou complète dans 9 cas (50 %) et considérait à tort une tumeur en réponse majeure dans 3 cas (5 %). La VPP de l’IRM était de 75 %. Le TR et l’IRM étaient concordants chez 45 malades et dans ce cas la VPP de l’IRM+ TR était de 82 %. Les auteurs concluent qu’une évaluation précise de la réponse à la RCT ne peut pas être obtenue par un simple TR couplé à une IRM. Pour sélectionner les malades chez qui l’on pourrait envisager une exérèse locale ou une surveillance simple en cas d’excellente réponse à la RCT, il semble impératif d’avoir recours à des examens plus invasifs comme l’échoendoscopie et la rectoscopie sous AG avec biopsie profonde afin d’affirmer avec plus de certitude l’importance de la réponse. Les avantages à long terme de la laparoscopie pour cancer colorectal sont mal connus. Le but de l’étude présenté par L. Quintane (E. Rullier, Bordeaux) était de comparer le risque d’occlusion intestinale entre laparoscopie et laparotomie après exérèse rectale pour cancer. Les patients opérés d’un cancer rectal entre 1999 et 2007 ont été enregistrés dans une base de données prospective et suivis tous les 6 mois. Ont été exclus de l’analyse les patients opérés par simple tumorectomie, en urgence, avec un geste associé majeur et les décès postopératoires. L’occlusion a été définie par un arrêt du transit intestinal, traitée de façon médicale ou
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chirurgicale, apparaissant de façon précoce (< 4 semaines) ou tardive (> 4 semaines). Elle a été évaluée par l’analyse des dossiers et par contact direct des patients. Le suivi médian était de 40 mois. Parmi 558 patients avec un cancer rectal, 417 ont eu une exérèse rectale : 278 par laparoscopie (67 %) et 139 par laparotomie. Les groupes étaient similaires pour le stade tumoral, le niveau d’anastomose et la radiothérapie. Globalement 18 % (76/417) des patients ont présenté une occlusion et 8 % ont été réopérés. Deux tiers des occlusions étaient précoces (délai 6 jours) et un tiers tardif (délai 239 jours). Les taux d’occlusion globale (19 % vs 16 % ; p = 0,53), précoce (15 % vs 13 % ; p = 0,62), tardive (8 % vs 4 % ; p = 0,13) et réopérée (9 % vs 6 % ; p = 0,43) étaient identiques entre les groupes laparoscopie et laparotomie. Les auteurs concluent que le risque d’occlusion intestinale après chirurgie rectale pour cancer a été sous estimé ; il survient chez un patient sur cinq de façon précoce ou tardive. La laparoscopie ne diminue pas le risque de survenue d’une occlusion ni le risque de ré-intervention pour occlusion.
Foie Le cholangiocarcinome intra-hépatique (CCI) est la seconde tumeur primitive du foie par sa fréquence et son incidence augmente. Dans la littérature, les classifications pronostiques (dont celles de l’UICC et du LCSGJ) sont peu discriminantes et les variables influençant la survie après exérèse sont contradictoires. O. Farges (Clichy) a présenté, à partir de la série multicentrique de l’AFC, représentative de 589 patients ayant eu une exérèse d’un CCI, l’influence pronostique de variables épidémiologiques (âge, sexe, symptômes), tumorales (taille, nombre, topographie, extension vasculaire, périnerveuse ou ganglionnaire, indice mitotique) et techniques (étendue de l’exérèse, transfusions, marges) a été réalisée par analyse unie et multivariée, globale et par sous-groupes. La survie globale à 1, 3 et 5 ans était de 76 %, 51 % et 33 %. La fréquence des tumeurs multiples, des patients N+ et des exérèses R1 était respectivement de 43 %, 32 % et 23 %. En analyse univariée, le sexe masculin, la présence d’un ictère, la taille et le nombre de tumeurs, l’extension vasculaire ou ganglionnaire, une exérèse R1 avaient une influence significative péjorative. En analyse multivariée, seuls le nombre [RR : 2,05] et le caractère N+ [RR : 1,97] étaient des variables indépendantes. Chez les patients N+ (13 % de survie à 5 ans), une exérèse R1 n’influençait pas le pronostic (9 % vs 17 %). En revanche, une exérèse R0 augmentait la survie à 5 ans des patients N0 (51 % vs 15 % p = 0,001), en particulier s’il n’existait pas de nodules satellites (67 % vs 20 % p = 0,004). Les auteurs concluent que la présence de nodules satellites et d’une extension ganglionnaire sont des paramètres indépendants de survie après exérèse d’un cholangiocarcinome intra-hépatique, de valeur pronostique identique. Chez les patients N0 ou ayant une tumeur unique, une exérèse R1 (par insuffisance de la technique) a une valeur pronostique péjorative comparable à celle de ces deux variables. Le travail présenté par B. Blanc (M. Pocard, Paris) était d’étudier l’effet du bévacuzimab sur la morbimortalité précoce des chimio-hyperthermies intrapéritonéales (CHIP). Entre septembre 2006 et juin 2009, 83 patients ont eu une laparotomie exploratrice pour carcinose péritonéale. Les données de ces patients ont été recueillies de façon prospective. Parmi eux, 37 ont eu une CHIP précédée d’une chimiothérapie systémique dont 22 conventionnelle (CS) et 15 avec ajout de bévacuzimab (CB) et 20 patients une
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CHIP sans chimiothérapie systémique préalable (SC). Les patients traités par bévacuzimab ont reçu leur dernière injection au moins 8 semaines avant la chirurgie. Le nombre médian de cures était de 5 dans le groupe CS contre 12 dans le groupe CB (p = 0,002). Il n’y avait pas de différence en termes d’index IPC ou de nombre d’organes réséqués dans les 3 groupes. Seuls 2 décès ont été observés dans le groupe SC (p = ns). La morbidité majeure était plus élevée dans le groupe CB (47 % vs 27 % dans le groupe CS et 25 % dans le groupe SC, p = ns). Le taux d’abcès profond et de complications pariétales était significativement plus élevé dans le groupe CA (53 et 27 % vs 9 et 18 % dans le groupe CS et 0 et 5 % dans le groupe SC, avec p = 0,03 et p = 0,002). La conclusion des auteurs est qu’avec 8 semaines d’arrêt avant la CHIP mais plus de cures de chimiothérapie, les patients traités par bévacuzimab ont probablement plus d’abcès profonds et de complications pariétales. Le taux de complications majeures est aussi très nettement supérieur dans ce groupe, sans atteindre la significativité. Le traitement chirurgical reste le pilier indispensable de la prise en charge chirurgicale du kyste hydatique du foie (KHF). Ce traitement est encore associé une morbimortalité élevée dues aux complications abdominales profondes (CAP). Une équipe marocaine (A. Souadka, Rabat) a rapporté les résultats d’une étude dont le but était de déterminer les facteurs prédictifs de CAP après chirurgie de kyste hydatique du foie et d’instaurer un système de notation associé au risque. Il s’agissait d’une étude rétrospective monocentrique de 672 cas présentant un KHF dont 664 ont été opérés sur une période de 15 ans. Le taux de morbidité globale était de 20,8 % (n = 137) et le taux de DAC était 18,4 % (n = 121). Cinq facteurs prédictifs indépendants de CAP après chirurgie de kyste d’hydatique du foie ont été retenus : présence des complications préopératoires OR = 3,10 (CI 1,85-5,17 de kyste de 95 %), 3 kystes hépatiques ou plus OR = 2,55 (CI 1,42-4,59 de 95 %), un périkyste épais OR = 2,59 (CI 1,27-5,29 de 95 %), présence de fistules biliaires OR = 2,27 (CI 1,38-3,72 de 95 %) et le capitonnage de la cavité résiduelle OR = 2,23 (CI 1,12-4,44 de cavité de 95 %). Les auteurs concluent que la présence de complications préopératoires du kyste, de 3 kystes hépatiques ou plus, d’une fistule biliaire, d’un périkyste épais et le capitonnage de la cavité résiduelle représentent les facteurs prédictifs significatifs de CAP du traitement chirurgical. La détermination de ces facteurs permettra de mieux évaluer et adapter la prise en charge du kyste hydatique hépatique afin de réduire la morbimortalité de ce traitement.
Pancréas Au moment du diagnostic, 20 à 25 % des adénocarcinomes de la tête du pancréas sont localement avancés. En fonction du degré d’atteinte vasculaire, ces tumeurs sont classées borderline ou non résécables. L’équipe de D. Collet et A. Sa Cunha (A. Rault, Bordeaux) a rapporté les résultats d’une étude dont le but était d’étudier la toxicité, le taux de réponse de la chimiothérapie d’induction et de la radiochimiothérapie, le taux de résécabilité secondaire. Vingt-cinq malades ont été inclus dans l’étude, 14 avaient une tumeur borderline et 11 une tumeur non résécable. La chimiothérapie d’induction associait de la gemcitabine (1 000 mg/m² J1 et J15), du cisplatine (60 mg/m² J2) et du tegafur-uracil (300 mg/m² de J1 à J7), toutes les deux semaines pendant 3 mois. En
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l’absence de progression une radio-chimiothérapie était réalisée ((tégafur-uracile (250 mg/m² de J1 à J5)) associée à une radiothérapie (50-54 Gy). En l’absence de progression au bilan d’évaluation après la radio-chimiothérapie, les malades avaient une exploration chirurgicale. Vingt-trois (92 %) malades ont reçu la chimiothérapie et la radio-chimiothérapie. Dix-neuf malades ont eu une laparotomie exploratrice, et 12 ont eu une duodénopancréatectomie céphalique (DPC). Une DPC a été possible chez 2 (18 %) des 11 malades ayant une tumeur non résécable et 10 (70 %) des 14 malades ayant une tumeur borderline. La médiane de survie globale était de 15,4 mois pour l’ensemble des malades. La médiane de survie globale était de 25 mois pour les malades ayant eu une DPC et de 11 mois pour les malades non réséqués (p = 0,029). Les auteurs concluent que la chimiothérapie d’induction et la radio-chimiothérapie utilisées dans cette étude ont été bien tolérées, et ont permis une résection chez 70 % des malades ayant une tumeur borderline et chez 18 % les malades ayant une tumeur non résécable, avec une médiane de survie de 25 mois. Cet essai confirme que chez les malades ayant des adénocarcinomes du pancréas localement avancés, des stratégies associant chimiothérapie, radiothérapie et chirurgie peuvent conduire à des survies prolongées. Les pancréatectomies réglées pour tumeurs pancréatiques exposent à un risque de fistule pancréatique (FP) postopératoire et d’insuffisance pancréatique. L’énucléation pancréatique (EP) permet de préserver les fonctions pancréatiques, mais peut exposer à la récidive tumorale et au développement de FP. Le but de l’étude multicentrique présentée par C. Brient a été d’évaluer la morbidité et les résultats à long terme des EP. Les données de patients opérés de 1991 à 2008 d’énucléation pancréatique dans 5 centres hospitalo-universitaires (Nantes, Rennes, Angers, Nancy, Toulouse) ont été revues rétrospectivement. Le bilan radiologique pré-opératoire incluait un scanner abdominal, une échographie abdominale et/ou un Octréoscan (si suspicion de tumeur endocrine). La FP a été définie selon les critères de l’International Study Group of Pancreatic Fistula. La taille de la tumeur (supérieure vs inférieure à 2 cm), sa localisation, son type, sa distance au canal pancréatique principal, ont été étudiés comme facteurs prédictifs de FP. Soixante-sept patients ont subi une EP, 15 avec geste associé, 37 % avec échographie peropératoire. L’histologie a confirmé 44 tumeurs endocrines, 25 autres tumeurs. Dix-huit (27 %) patients ont présenté une FP. La fréquence de la FP a été de 26 % si tumeur supérieure à 2 cm vs 29 % (p = 0,9), 30 % si tumeur endocrine vs 19 % (p = 0,49), 20 % si EP de la tête/ uncus vs 37 % du corps/queue (p = 0,26), 53 % si distance au canal de Wirsung inférieure à 2 mm vs 17 % (p = 0,048). La durée moyenne d’hospitalisation a été de 24j avec FP, 9 sans (p < 0,05). Après un suivi moyen de 35 mois, 1 patient a présenté une récidive, aucun diabète. Les auteurs concluent que l’énucléation pancréatique est responsable d’un haut risque de fistule pancréatique. Les tumeurs endocrines ne sont pas associées à une augmentation de ce risque. La distance entre la tumeur et le canal pancréatique principal semble être un facteur prédictif de fistule pancréatique.
Œsophage-estomac L’adénocarcinome gastrique (AD) à cellules indépendantes (CI) se définit par un contingent majoritaire de CI sur la pièce de gastrectomie. L’équipe de C. Mariette et JP. Triboulet (Lille) avait déjà montré que le caractère à CI était un
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facteur pronostique péjoratif, et nécessitait une modification de la prise en charge. Le but de ce travail, présenté par D. Amielh (Lille) était d’évaluer la fiabilité de l’anatomopathologie sur biopsies préthérapeutiques à prédire l’ADCI. Entre 1997 et 2007, parmi les 225 patients opérés d’une gastrectomie, 180 ont eu un diagnostic d’adénocarcinome posé sur biopsies au cours d’une endoscopie digestive haute préthérapeutique et/ou sur pièce opératoire. Les résultats anatomopathologiques des biopsies endoscopiques ont été comparés à ceux de la pièce opératoire dans les groupes ADCI et AD non CI, défini par l’absence ou la présence d’un contingent minoritaire de CI (ADNCI). La valeur pronostique du résultat de ces biopsies a été étudiée. Parmi les 180 patients, 60 (33,3 %) étaient porteurs d’un ADCI. L’évaluation préthérapeutique était correcte chez 47 des 60 patients du groupe ADCI (sensibilité : 78,3 %) et 116/120 patients du groupe ADNCI (spécificité : 96,6 %). Les valeurs prédictives positive et négative du caractère à CI étaient respectivement de 92,2 % et 89,9 %. En analyse multivariée, la présence de CI sur les biopsies préopératoires était fortement prédictive du diagnostic définitif d’ADCI (p < 0,001) et était associée à un pronostic péjoratif (HR = 1,7, p = 0,014) avec un taux de récidive plus précoce (p = 0,009). Les auteurs concluent que pour la première fois, il est montré que l’échantillonnage réalisé par les biopsies préthérapeutiques en endoscopie permet de prédire de façon fiable la présence d’un contingent majoritaire de CI dans l’AD et le pronostic. Les modifications majeures de la stratégie thérapeutique proposées (modalités du traitement néoadjuvant et de la chirurgie) peuvent donc être envisagées en intention de traiter.
Obésité Les fistules anastomotiques et désunions de lignes d’agrafes restent la complication chirurgicale la plus redoutée après chirurgie bariatrique. Difficile à traiter, leur mortalité varie de 6 à 17 %. L’équipe de Marseille de M. Barthet et S. Berdah (O. Emunggania) a rapporté les résultats d’une nouvelle stratégie endoscopique de prise en charge chez ces malades fragiles. Entre juillet 2007 et avril 2009, 15 malades ont eu une prise en charge endoscopique pour fistule après chirurgie de l’obésité (13 Sleeve, 2 Gastric Bypass). Treize des quinze malades (86 %) avaient eu une reprise chirurgicale initiale. Le délai médian avant prise en charge endoscopique étant de 34 jours (6-352). Les fistules étaient multiples dans 5 cas (33 %) et complexes dans 7 cas (46 %). Un drainage endoscopique (drain nasofistule et/ ou nécrosectomie) a été effectué dans 11 cas (73 %). Une diversion par endoprothèse couverte type TTS colorectale a été réalisée chez 14 malades (93 %). Le traitement d’une cavité résiduelle a été nécessaire par clips dans 9 cas (60 %), par un encollage (cyanoacrylate) dans 9 cas (60 %). Aucun décès ni morbidité majeure n’ont été relevés. Une migration de la prothèse est survenue dans 8 cas (53 %), traité par une nouvelle prothèse plus large ou par deux prothèses imbriquées. Le taux de succès final était de 100 %. Une fermeture primaire a été obtenue dans 4 cas. La fermeture a été obtenue dans un délai médian de 81 jours (6-216) en répétant la procédure, avec un nombre moyen d’endoscopies de 4,4 (2-11). Les auteurs concluent qu’une stratégie endoscopique séquentielle associant drainage, suture et diversion par endoprothèse couverte permet d’obtenir la cicatrisation des fistules anastomotiques après chirurgie bariatrique au prix d’une
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faible morbidité. Elle offre une véritable alternative à une difficile réintervention chirurgicale. Elle nécessite une bonne collaboration médico-chirurgicale pour une prise en charge précoce de ces fistules. Le Mini Bypass Gastrique Laparoscopique (MBGL), bypass en oméga, est une des techniques développées récemment pour le traitement de l’obésité morbide. Aussi efficace que le Roux en Y Bypass Gastrique Laparoscopique (RYBGL), elle présente l’avantage d’une seule anastomose et d’une moindre morbidité. J. Journu a rapporté l’expérience de l’HEGP (JM. Chevallier, Paris) dans l’évaluation de cette technique. Entre octobre 2006 et mai 2009, 264 patients (61 hommes et 203 femmes) ont eu un MBGL. L’âge moyen était de 41,6 ans (déviation standard, DS : 11), le poids moyen pré-opératoire était de 134 kg (DS : 24) et l’indice de masse corporelle (IMC) moyen était de 48,1 kg/m² (DS : 7,8). 61 patients (23,1 %) avaient déjà été opérés d’une gastroplastie restrictive : 48 anneaux gastriques, 10 gastroplasties selon Mason et 3 sleeve gastrectomies. Les patients ont été suivis à 1 an (n = 179) et à 2 ans (n = 51). Le temps opératoire moyen a été de 124 minutes et la durée moyenne d’hospitalisation de 6,8 jours. Il n’y a eu aucun décès. Le taux de morbidité précoce a été 4,5 % (n = 12). 8 patients ont été réopérés : 3 occlusions, 2 abcès périgastriques, 2 fistules anastomotiques, 1 hémorragie intra-abdominale. 2 cas d’hémorragie sur l’anastomose ont été traités par endoscopie. 2 patients dont le drainage était purulent ont été traités médicalement. À 2 ans, l’IMC moyen a été de 29 kg/m² (DS : 5,5) et la perte d’excès de poids moyenne de 72 % (DS : 18). 8 reflux biliaires ont été traités médicalement. La conclusion des auteurs est que le MBGL a une efficacité observée à 2 ans comparable à celle du RYBGL ainsi qu’une mortalité nulle et une morbidité postopératoire très faible. Par son caractère facilement reproductible, la technique du mgBL représente actuellement une alternative intéressante dans le traitement chirurgical de l’obésité morbide et son enseignement. À plus long terme, des endoscopies avec biopsies gastriques seront nécessaires pour confirmer cette évaluation.
Autres L’ischémie mésentérique aiguë (IMA) est une pathologie de traitement controversé dont le pronostic reste sombre malgré les progrès de la réanimation et prise en charge rapide. N. Chilintseva a présenté les résultats d’une étude bicentrique (G. Mantion, Besançon et S. Rohr, Strasbourg) dont le but de ce travail était de comparer la morbidité et la survie des patients opérés en une seul fois (lap1) et ceux qui ont bénéficié d’une laparotomie écourtée avec laparotomie de second regard (lap2). De 1993 au 2006, parmi 126 patients opérés pour ischémie intestinale aiguë d’origine artérielle dans 2 services universitaires, 65 présentaient des lésions du grêle ± du colon droit et 45 ont eu une relaparotomie. Les données épidémiologiques des patients et les pathologies sous-jacentes étaient étudiées. Les résultats fonctionnels (grêle court, absence de stomie) ainsi que la morbidité et la mortalité postopératoire étaient comparées. L’âge médian était de 74 ans, le score ASA II-8 patients, III-35 patients, IV-2 patients. Quarante-cinq patients avaient une lap2 avec totalisation de la nécrose chez 5 patients et résection complémentaire chez 21 patients. Lors de la lap2 étaient réalisées 28 anastomoses et 10 stomies (22 %), 2 ré-abandons des extrémités en vue d’une 3e laparotomie. Dans le groupe lap1 étaient réalisées 10 stomies (50 %) (p
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= 0,02). Un grêle court (<1 m) était noté chez 7 patients du groupe lap2 et chez 1 patient du groupe lap1. La morbidité stade Dindo < IIIb était de 53,3 %. La survie des patients du groupe lap2 était de 57,7 % (26/45) vs 40 % pour lap1. Les auteurs concluent que la stratégie de laparotomie de second regard suivant une laparotomie écourtée a montré son efficacité en traumatologie abdominale. Cette stratégie facilite les mesures de réanimation. Dans l’IMA, la seconde laparotomie réévalue l’état de l’intestin, permet de compléter la résection intestinale si nécessaire et de rétablir la continuité intestinale en diminuant significativement le nombre de stomies. Cette technique est efficace avec une survie de plus de 57 % et doit être proposée en cas d’IMA. La chirurgie est souvent requise pour traiter les patients ayant une entérite radique (ER). Les résections étendues (avec moins de 2 m de grêle restant) exposent au risque de grêle court et sont associées à une morbidité importante. L’équipe d’Y. Panis (J. Lefevre, Clichy) a rapporté les résultats d’un travail dont les buts étaient d’évaluer la morbimortalité, la survie de patients opérés pour ER et les facteurs de risque (FDR) de réintervention (RI). Depuis 1980, 108 patients avec une ER (95 femmes, 88 %) diagnostiquée à un âge médian de 56,6 (22-95) ans ont été inclus. Parmi eux, 103 (95 %) étaient sous nutrition parentérale avant la chirurgie. La morbidité postopératoire était classée selon Dindo. Deux cent soixante-trois interventions ont été réalisées, avec un nombre d’interventions médian par patient de 2 [1-5]. À la fin du suivi, la longueur médiane de grêle restant était de 108 cm [16-200] et 70 % des patients avaient encore leur côlon. Le délai médian de suivi était de 6 ans [0,2-27]. La mortalité était de 2 %. La morbidité était de 71 % : Dindo I (20 %), 2 (25 %), 3 (20 %), et 4 (4 %). Les taux de survie étaient de 96 %, 71 % et 51 % à 1, 5 et 10 ans après la première chirurgie. Après une première chirurgie, 66 patients (61 %) étaient réopérés. Le taux de RI était de 42 % et 59 % à 1 et 5 ans. En analyse multivariée, les FDR de RI étaient : sexe masculin (Odds ratio 2,4 [IC 95 % 1,2-4,8], p = 0,02), fistule anastomotique (3,2 [1,6-6,7], p < 0,001) et intervention en urgence (1,9 [3,8-4,2], p = 0,02). Une résection iléocolique diminuait le risque de RI (0,1 [0,05-0,23], p < 0,001). Les auteurs concluent que malgré une morbidité élevée, la survie des patients opérés d’une entérite radique reste bonne (71 % à 5 ans). Le risque de réintervention est élevé (61 %) et pourrait être réduit notamment en privilégiant la résection iléocolique lors d’une première chirurgie. L’équipe de Marseille de C. Brunet et S. Berdah (T. Bège) a rapporté les résultats de l’évaluation du diagnostic et de la prise en charge des lésions du mésentère chez le polytraumatisé. Il s’agissait d’une étude rétrospective sur 5 ans (2004-2009) comprenant 501 malades polytraumatisés admis dans notre « trauma center » régional. Le scanner corps entier initial, effectué systématiquement chez tous les malades stabilisés, a permis le diagnostic de 17/501 (3,4 %) cas de lésions du mésentère en relation avec un traumatisme abdominal fermé (12 hommes/5 femmes, âge moyen 42 ans). L’Injury Severity Score initial moyen était de 20,8 (4-50). Sept malades ont été opérés (41 %) : à J0 (suspicion de perforation digestive n = 3 ; instabilité hémodynamique n = 1), à J1 (récidive hémorragique n = 1) et à J21 (suspicion de perforation grêle n = 1). Au total, il existait une perforation digestive dans six cas (grêle n = 4 ; grêle et colon n = 2). Trois des 17 malades (18 %) sont décédés de lésions associées. Aucun faux positif du scanner n’a conduit à une chirurgie inutile en revanche, la valeur prédictive négative du scanner initial n’était que
S30
D. Goere, C. Mariette
de 75 % pour les lésions intestinales associées. Les auteurs concluent que les traumatismes du mésentère sont des lésions rares mais graves du polytraumatisé. Le scanner corps entier systématique est un examen performant pour leur diagnostic. Un traitement conservateur est réalisable mais une réévaluation clinique et paraclinique précoce est indispensable pour déceler des lésions intestinales passées initialement inaperçues ou une aggravation des lésions initiales.
Quelles stratégies thérapeutiques oncochirurgicales dans la prise en charge des métastases hépatiques du cancer colorectal ? Seront développés dans ce chapitre les principaux thèmes abordés au cours du symposium organisé par le laboratoire Roche (d’après les communications des Messieurs D. Elias (Villejuif), C. Penna (Boulogne) et J. Bennouna (Nantes)). Les intervenants ont centré leur discussion sur le traitement des métastases hépatiques (MH) d’origine colorectale (CCR) à l’ère des thérapies ciblées. Au cours des années 2000, de nouvelles molécules, les thérapies ciblées, dont le bevacizumab, sont apparues, ce qui a modifié considérablement la prise en charge du cancer colorectal métastatique. Ces molécules de plus en plus efficaces et de plus en plus nombreuses, vont encore modifier les stratégies thérapeutiques, et les rendre de plus en plus complexes.
Évaluation de la résécabilité La stratégie thérapeutique repose sur l’évaluation de l’extension métastatique et des possibilités de résection à visée curative. Trois groupes de patients sont ainsi définis selon la conférence de consensus européen publiée en 2009 [1], représentés sur la figure 1 : • les patients ayant des MH résécables d’emblée ; • les patients ayant des MH potentiellement résécables ; • les patients ayant des MH définitivement non résécables (a priori) ; • l’évaluation de la résécabilité débouchant sur une stratégie thérapeutique, doit se faire en réunion de concertation pluridisplinaire. L’évolution des traitements et des possibilités thérapeutiques souligne à nouveau l’importance de ces réunions, durant lesquelles les dossiers de patients doivent être discutés et réévalués régulièrement après mise en route du traitement.
Évolution des stratégies thérapeutiques Depuis 2004, le bevacizumab - inhibiteur du VEGF (vascular endothelial growth factor) - et le cetuximab - inhibiteur du récepteur de l’EGF (epidermal growth factor) - sont de plus en plus prescrits chez les patients atteints de métastases d’origine colorectale (Fig. 2) [2]. L’administration de ces nouvelles molécules a eu un impact pronostique, puisque l’on constate une augmentation des propositions de traitement chirurgical des MHCCR et de la survie des patients opérés. De la même façon, on assiste à une augmentation de la survie
Métastases Hépatiques
Résécable(s))
Difficilement Résécable(s) - oncologiques (> 1 facteur) -> 4 métastases - Taille > 5 cm - Synchrones - Primaire N+ - Marqueurs tumoraux augmentés
Non Résécable(s) Avec très peu de chance de devenir résécables
- Difficulté technique - Proche des veines hépatiques - Proche des 2 branches portales
Chimio combinée préop
Chimio préop ± thérapies ciblées
Chimio palliative ± thérapies ciblées
Résection Résection si réponse suffisante Figure 1. Choix thérapeutiques pour les patients atteints de métastases hépatiques d’origine colorectale : 3 situations cliniques (Consensus Européen).
Faits marquants du 5e Congrès Francophone de Chirurgie Digestive et hépatobiliaire
S31
globale des patients atteints de métastases non résécables, recevant une chimiothérapie palliative, et ceci depuis 2004, donc depuis l’arrivée des thérapies ciblées.
Métastases hépatiques résécables d’emblée Lorsque les métastases sont d’emblée résécables, la question longtemps posée était le bénéfice éventuel de l’administration d’une chimiothérapie adjuvante, après résection des MH. Deux essais contrôlés et une analyse compilée de ces études ont permis de démontrer une augmentation modérée de la survie sans récidive dans le groupe traité par chimiothérapie en postopératoire [3-5]. Cependant le bénéfice était faible, sans augmentation de la survie globale, mais la chimiothérapie utilisée n’était peut-être pas optimale puisque reposant sur du 5-FU. Enfin, en 2008, ont été publiés les résultats d’un essai de l’EORTC [8] comparant une chirurgie seule à une chirurgie encadrée par 3 mois de Folfox avant et après, pour des patients atteints de MHCCR résécables d’un nombre inférieur ou égal à 3 (n = 364 randomisés, 303 opérés). L’administration péri-opératoire de Folfox permettait d’augmenter la survie sans récidive à 3 ans de 9 %. Par conséquent, actuellement, la stratégie thérapeutique repose sur l’administration de Folfox en péri-opératoire (3 mois avant et 3 après) pour les patients atteints de MHCCR résécables d’emblée.
Métastases hépatiques potentiellement résécables Pour les patients atteints de MHCCR potentiellement résécables, la stratégie thérapeutique repose certainement sur la mise en route d’un traitement agressif afin de rendre les lésions résécables. La définition de la résécablité et de la non résécabilté reste floue et variable selon les études. Cependant, on s’accorde à définir la résécabilité selon 2 critères : • la possibilité d’une résection complète R0 ; • en laissant un volume hépatique suffisant pour subvenir aux besoins. D’autre part, le taux de résection est directement corrélé au taux de réponse à la chimiothérapie [7], ce qui justifie d’avoir une attitude agressive chez ces patients ayant des lésions potentiellement résécables. Parmi les schémas thérapeutiques visant à augmenter les taux de réponse objective, on dispose de l’association de 5FU-oxaliplatine-irinotécan [8,9], permettant d’obtenir une réponse objective chez 70 % des patients, et de l’utilisation de la chimiothérapie intra-artérielle hépatique à base d’oxaliplatine qui permet d’obtenir une réponse objective chez 55 à 64 % des patients, même après échec d’une chimiothérapie systémique [10,11]. À côté de ces associations de chimiothérapies, les thérapies ciblées permettent aussi d’augmenter les taux de réponse objective (Tableau 1) et de réponse pathologique. Dans le travail de Ribero et al. [12], le pourcentage de cellules tumorales viables au sein des MHCCR, était significativement inférieur chez les patients traités en préopératoire par oxaliplatine + 5-FU + bevacizumab, comparé à celui des patients traités par oxaliplatine + 5-FU (Fig. 3). Ces résultats ont été confirmés dans une
Figure 2. Évolution des prescriptions des chimiothérapies entre 1998 et 2006, avec un changement brutal en 2004, lors de l’arrivée des thérapies ciblées.
autre étude, rapportée à l’ASCO GI en 2009, avec des taux de réponse pathologique complète significativement supérieurs lorsque les patients recevaient du bevacizumab en plus du Folfox [13]. Ainsi, lorsque les lésions sont potentiellement résécables, il convient d’utiliser une association de chimiothérapies efficace, permettant d’obtenir une réponse objective rapidement, avec une faible toxicité hépatique, et n’entraînant pas une sur-morbidité postopératoire. Le bevacizumab répond-il à ces impératifs ?
Le bevacizumab permet-il d’augmenter les taux de résécablité ? Des taux de résection secondaire ont été rapportés récemment (Tableau 2) [14]. Il s’agit de l’étude observationnelle First BEAT dans laquelle 1 914 patients atteints de métastases CCR (pas uniquement hépatique) ont reçu une chimiothérapie couplée ou non au bevacizumab. Le taux de patients rendus opérables et opérés était supérieur chez les patients traités par bevacizumab, avec un taux de résection R0 de 12 % pour les patients atteints uniquement de MH, et de 15,4 % de résection R0 lorsque le bevacizumab est associé à un schéma à base d’oxaliplatine. Dans l’essai de phase III NO16966, le taux de résection n’était pas
Figure 3. Pourcentage de cellules tumorales viables résiduelles après traitement par Folfox versus Folfox + Bevacizumab.
1400
Saltz [15] NO 16966
134 Wt K-RAS
Bokemeyer OPUS 61 37
FOLFOX4
FOLFOX- cetuximab
59,3
FOLFIRI - cetuximab
7,7 mo.
7,2 mo.
9,9 mo.
8,7 mo.
34 (4,9)
43 (6,1)
49 (7,4)
64 (9,7)
44 (6,3)
116 (12,2)
153 (16,1)
59 (8,4)
173 (9,0)
225 (11,8)
Nombre de patients Résection R0 (%)
79,1
74,6
76,6
75,8
76,9
% de résections à visée curative effectivement R0
-
-
43 (6,5)
99 (10,4)
145 (7,6)
Résections hépatiques à visée curative (%)
1,79 (1,122,88) 19,2 mo. 28 mo.
-
-
34 (5,1)
46 (8,0)
114 (6,0)
Résections hépatiques R0 (%)
22,8 mo.
18,5 mo.
23,5 mo.
-
-
79,1
76,8
78,6
% de résections hépatiques effectivement R0
0,86 (1,591,22)
p = 0,0094
0,796
p = 0,9
23,1 mo. 17,6 mo. 18,9 mo.
20 mo.
0,89 (0,76 1,03)
0,66 p < 0,001
HR
19,9 mo. 21,3 mo.
15,6 mo. 20,3 mo.
SG
BEAT : Bevacizumab expanded access trial ; FOLFOX : 5-FU + oxaliplatine ; XELOX : capecitabine + oxaliplatine ; R0 : résection macroscopiquement et microscopiquement complète.
NO 6966 : - XELOX ou FOLFOX bevacizumab (n=699) - XELOX ou FOLFOX4 + placebo (n=701)
First BEAT : - Tous les patients évaluables (n=1914) - Patients traités par Oxiliplatine - Patients traités par Irinotécan
Nombre de patients opérés à visée curative (%)
Tableau 2. Resection secondaire après traitement par chimiothérapie + bevacizumab. Résultats de l’étude First Beat et l’essai NO16966.
0,570 (0,358-0,907)
0,68 (0,50-0,94)
p = 0,28
8,3 mo. 11,2 mo.
53,3 57,9
mIFL + Bev FOLFIRI + Bev 43,2
1,51 (1,16-1,97) 1,36 (1,04-1,80)
7,6 mo. 5,9 mo. 5,8 mo.
47,2 43,3 38,6
FOLFIRI mILF Capeiri
FOLFIRI
0,83 (0,72 - 0,95)
0,54 p < 0,001
8 mo. 9,4 mo.
6,2 mo. 10,6 mo.
35 45
HR
38 38
SSP
RO (%)
Xelox/FOLFOX4 Xelox/FOLFOX4-Bev
IFL + P IFL + Bev
Traitements
RO : réponse objective ; SSP : survie sans progression ; SG : survie globale ; Wt : Wildtype ; mo : mois.
348 Wt K-RAS
Van Cutsem [17] CRYSTAL
117
430
815
Hurwitz [37] AVF 2107
Fuchs BICC-C
N
Études
Tableau 1. Résultats des essais comparant une chimiothérapie associée ou non à une thérapie ciblée.
S32 D. Goere, C. Mariette
Faits marquants du 5e Congrès Francophone de Chirurgie Digestive et hépatobiliaire
significativement supérieur chez les patients traités par du bevacizumab (6,3 % vs 4,9 %, p = 0,24) [15]. Lors du congrès de l’ESMO en 2009, les résultats de l’essai BOXER, un essai de phase II, ayant inclus 46 patients avec des MH jugées non résécables, traités par Folfox + bevacizumab ont été rapportés [16]. Les taux de réponse (complète et partielle) étaient de 78 % (35/45 patients), et le taux de résection secondaire était de 32 %. Ainsi, l’adjonction de bevacizumab à une chimiothérapie (Folfox ou Folfiri) permet d’augmenter les taux de réponse objective et de réaliser une résection à visée curative chez 6 à 19 % des patients. Ces résultats sont comparables à ceux obtenus avec l’adjonction du cetuximab au Folfox, rapportés dans les essais CRYSTAL et OPUS [17,18] avec un taux de résection secondaire de 9,8 et 4,7 %. Les questions que se pose ensuite le chirurgien sont l’impact du bevacizumab sur le foie et les conséquences sur une chirurgie hépatique.
Quel est l’impact du bevacizumab sur le foie ? Lésions histologiques liées au bevacizumab ? Des lésions hépatiques chimio-induites ont été bien décrites. Il s’agit du syndrome d’obstruction sinusoïdale induite par l’oxaliplatine [19-21], de la stéatohépatite associée à l’irinotécan [22,23], et de la stéatose [24,25] pour laquelle l’imputabilité de la chimiothérapie est discutée. Une augmentation de la mortalité a été observée chez les patients atteints de stéato-hépatite après traitement par irinotecan [23], et chez les patients traités pendant plus de 6 mois avant la chirurgie [26]. Une augmentation du taux de complications a aussi été rapportée et dépend de la durée de la chimiothérapie préopératoire [26,27]. Aucune lésion hépatique spécifique liée à l’administration de bevacizumab n’a été décrite. Au contraire, un effet protecteur du bevacizumab vis-à-vis des lésions d’obstruction sinusoïdale liée à l’oxaliplatine a été rapporté dans 3 études [12,13,28]. Cette protection semble plus importante lorsque le bevacizumab est administré pendant plus de 8 cycles avant la chirurgie [13]. Cependant, l’impact de cet effet protecteur sur la morbidité n’est pas démontré.
Complications post-opératoires liées au bevacizumab ? La morbimortalité après hépatectomie réalisée chez des patients traités par bevacizumab a été rapportée dans 4 études rétrospectives [29-32]. Le bevacizumab ne semble pas avoir d’effet majeur sur la morbidité, pas d’effet spécifique, mais ceci à la condition de respecter un délai de 6 semaines entre l’arrêt du bevacizumab et l’intervention chirurgicale.
Impact du bevacizumab sur la régénération hépatique ? Les taux de régénération hépatique évalués sur des volumétries réalisées avant et après embolisation portale, chez des patients traités par bevacizumab ont été rapportés dans 2 études [33,34]. Les résultats de ces 2 études sont contradictoires :
S33
• pour l’équipe de Beaujon (n = 30) la régénération était moindre lorsque les patients recevaient du bevacizumab ; • alors que pour l’équipe du MD Anderson (n = 65), il n’y avait pas de différence significative entre les 3 groupes de patients : non traités vs traités par chimiothérapie vs recevant du bevacizumab. On ne peut donc conclure formellement sur l’impact du bevacizumab sur la régénération hépatique.
Métastases hépatiques définitivement non résécables Pour les patients atteints de MH définitivement non résécables, les objectifs principaux du traitement sont la durée et la qualité de vie. Les thérapies ciblées : bevacizumab, cetuximab et panitunumab, occupent une place dans la stratégie thérapeutique chez ces patients. De nombreuses études de phase III ont comparé des traitements associant une chimiothérapie « conventionnelle » à une thérapie ciblée, à une chimiothérapie seule (Tableau 2). Récemment, les résultats d’un essai randomisé multicentrique français (essai MEXICO), ont été rapportés à l’ESMO [35]. Les patients recevaient du bevacizumab associé à du XELIRI ou à du FOLFIRI. L’efficacité (réponse objective et PFS) ainsi que la tolérance étaient comparables entre les 2 groupes, confirmant l’efficacité du Xeloda® dans cette association. Ainsi, l’association d’une chimiothérapie au bevacizumab permet de diminuer le risque de progression de l’ordre de 30 %, d’augmenter la survie globale, jusqu’à 24 mois. L’association d’une chimiothérapie à une thérapie ciblée permet d’obtenir une survie sans progression supérieure à 11 mois avec l’Avastin alors que l’Erbitux donne des survies sans progression toujours inférieures à 10 mois cependant on ne peut comparer ces résultats. Chez ces patients atteints de MHCCR non résécables, il convient d’évaluer régulièrement l’efficacité du traitement, les effets secondaires et de discuter de pause thérapeutique.
Bevacizumab et mutation KRAS Le statut K-ras, c’est-à-dire la présence ou non d’une mutation de l’oncogène K-ras, est le principal facteur prédictif de non-réponse au cetuximab mais pas le seul. Ceci a été confirmé dans une méta-analyse publiée en 2008 [36], compilant 8 études, soit 817 patients atteints de MHCCR dont 306 porteurs d’une mutation K-ras. La présence de la mutation était significativement corrélée à l’absence de réponse aux inhibiteurs d’EGFR (sensibilité 0,47 [0,43-0,52] et spécificité 0,93 [0,83-0,97]). Cependant, d’autres facteurs interviennent dans la réponse aux antiEGFR, puisque parmi les 60 % de patients K-ras sauvages, seuls 22 à 25 % répondent au cetuximab. La présence d’une mutation de BRAF (présente chez 10 % des patients) est un des autres facteurs de nonréponse au cetuximab. L’effet d’une mutation K-ras sur la réponse au bevacizumab n’a pas été clairement établie. Dans un travail publié en 2009, Hurwitz et al. ont rapporté un bénéfice clinique lorsque l’on associait du bevacizumab à l’irinotecan (schéma IFL) quel que soit le statut K-ras des patients (n = 230) [37]. Ainsi, la médiane de survie était significativement supérieure chez les patients K-ras sauvages recevant du bevacizumab (n = 85), atteignant 27,7 mois versus 17,6 (p
S34
D. Goere, C. Mariette
= 0,04) chez les patients K-ras sauvages traités par IFL seul (n = 67). Pour les patients porteurs d’une mutation K-ras, la survie médiane était aussi supérieure chez les patients recevant du bevacizumab, mais de façon non significative (19,9 mois versus 13,6, p = 0,26). La survie médiane sans progression était significativement augmentée lorsque les patients recevaient du bevacizumab, quel que soit leur statut K-ras : 13,5 mois pour les patients K-ras sauvages, traités par bevacizumab + IFL versus 7,4 mois (p < 0,0001) pour les patients traités par IFL seul, et 9,3 mois pour les patients K-ras mutés, traités par bevacizumab + IFL versus 5,5 mois pour les patients traités par IFL seul (p = 0,0008) Cependant, on constate que la survie médiane sans progression était inférieure pour les patients K-ras mutés comparée à celle des patients K-ras sauvage (13,5 mois versus 9,3 mois, pour les patients traités par bevacizumab + IFL). Une augmentation significative du taux de réponse en associant le bevacizumab à l’IFL, n’était constatée que chez les patients K-ras sauvages (Tableau 3).
Conclusion En conclusion, la stratégie thérapeutique dépend de l’objectif fixé : métastases définitivement non résécables, potentiellement ou d’emblée résécables, et doit être discutée, déterminée et évaluée en réunion de concertation multidisciplinaire. Les thérapies ciblées, tel que le bevacizumab, associées aux chimiothérapies « classiques » permettent d’augmenter les taux de réponse, les survies globales et sans progression chez les patients atteints de métastases hépatiques non résécables. Lorsque les lésions sont potentiellement résécables, elles permettent d’augmenter les taux de résécabilité, sans avoir d’effet délétère majeur sur la chirurgie hépatique. Lorsque les métastases hépatiques sont d’emblée résécables, la place des thérapies ciblées reste à déterminer.
Conflit d’intérets : D. Goere : Aucun C. Mariette : Aucun
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Tableau 3. Taux de réponse objective (R.O.) au bevacizumab en fonction du statut K-ras. KRAS normal
Taux de R.O.
KRAS muté
IFL (n = 67)
IFL + B (n = 85)
IFL (n = 67)
IFL + B (n = 85)
37,3 %
60 %
41.2 %
43.2%
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