Faut-il encore faire des transfusions autologues différées programmées ?

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Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 23 (2004) 468–473 www.elsevier.com/locate/annfar

Mise au point

Faut-il encore faire des transfusions autologues différées programmées ? Do we need autologous blood donation? J.-F. Schved EFS Pyrénées Méditerranée, site de Montpellier, 240, avenue Émile-Jeanbrau, 34094 Montpellier cedex 5, France Reçu le 16 mai 2003 ; accepté le 7 janvier 2004 Disponible sur internet le 25 mars 2004

Résumé La transfusion autologue différée programmée (TAP) a deux objectifs : la sécurité et l’épargne de sang homologue. Depuis ses premières utilisations, les conditions de réalisation et les critères qui ont amené à proposer cette méthode ont changé. L’expérience acquise, les données nouvelles sur le risque transfusionnel et l’amélioration des techniques anesthésiques et chirurgicales incitent donc à en évaluer l’intérêt réel. La première justification de l’utilisation de la TAP est l’élimination du risque d’infection transfusionnelle par agents transmissibles, viraux : agents des hépatites, VIH ou virus émergeants. Le risque résiduel actuel, réduit par la sélection des donneurs, la déleucocytation et l’introduction du dépistage génomique viral en qualification des dons justifie difficilement à lui seul la TA. En revanche, doit être pris en compte le problème du risque bactérien en transfusion, au moins égal en transfusion homologue et autologue. La réduction attendue du risque immunohématologique de la transfusion n’est peut-être pas non plus un critère majeur de décision. L’épargne de sang homologue réalisée par la TAP est un argument important, retrouvé dans plusieurs études. Une méta-analyse montre une réduction de l’exposition au sang homologue (TH) chez les patients ayant suivi un protocole de TAP (OR = 0,17). Ceci doit être mis en balance avec l’augmentation du risque d’exposition à la transfusion (TH + TAP) retrouvée chez les patients en TAP (OR : 3,31). La réduction des transfusions homologues peut, elle-même, être remise en question par l’analyse des critères de prescription qui seraient différents selon que le patient a effectué ou non un don autologue préopératoire. Une étude contrôlée récente effectuée en orthopédie ne retrouve d’ailleurs pas cette réduction de l’exposition à la transfusion homologue. Enfin, les études économiques semblent montrer un surcoût lié en partie au taux de non-utilisation des produits prélevés autologues. En conclusion, la TAP est actuellement une thérapeutique insuffisamment évaluée et dont l’intérêt réel reste à démontrer. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract The aim of preoperative autologous blood donation (ABD) was to reduce both the risk of transfusion transmitted disease and the need of blood from donors. Since ABD has been developed, the conditions of surgery and the criteria of choice have been modified thus leading to actualise the evaluation of this therapy. The first theoretical advantage of ABD is prevention of transfusion-transmitted disease namely viral infections such as HIV or hepatitis virus or emerging virus. Actually, the very low residual risk that remains from allogeneic transfusion after appropriate selection of donors, leukoreduction and nuclear acid testing does not argue for ABD. On the other hand, the risk of bacterial contamination must be taken in account for both ABD and homologous transfusion. A meta-analysis showed that ABD reduces the exposure to homologous transfusion (OR: 0.17). Clinical studies showed that patients who predonated autologous blood were more likely to receive any blood transfusions (autologous and/or allogeneic) than those who did not (OR: 3.31). More, the reduction of exposure to allogeneic transfusion may be questioned in view of prescription bias. Additionally, ABD is poorly cost-effective. It leads to significant blood wastage as in most of the studies about half of the units are discarded. In conclusion the interest of ABD has not been sufficiently evaluated. The interest of this therapy remains to be demonstrated. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Transfusion autologue programmée ; Sécurité transfusionnelle ; Hémovigilance Keywords: Preoperative autologous blood donation; Transfusion

Adresse e-mail : [email protected] (J.-F. Schved). © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annfar.2004.01.009

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1. Introduction Les années 1980 ont vu se développer, essentiellement à la suite des cas de transmission transfusionnelle du virus de l’immunodéficience humaine et des virus des hépatites (VHC surtout) les techniques d’épargne transfusionnelle et tout particulièrement les différentes techniques de la transfusion autologue (TA). Recommandée par la circulaire du 28 août 1987, recommandée par le groupe de travail de la Société nationale de transfusion sanguine qui concluait en 1988 que « Le meilleur sang qu’un malade puisse recevoir c’est le sien », et réglementée par l’arrêté du 20 juin 1990, la TAP n’a en fait jamais approché le seuil des 10 % des transfusions de globules rouges qu’il avait été estimé possible d’atteindre [1]. Ces dernières années ont même vu régulièrement baisser le nombre de TAP réalisées. Les progrès réalisés dans tous les domaines de la transfusion : sélection des donneurs, qualification, optimisation des circuits et développement des vigilances, l’amélioration des techniques chirurgicales et anesthésiques amènent à évaluer l’intérêt réel de cette technique et sa place dans les techniques d’épargne transfusionnelle. Nous n’aborderons ici que la transfusion autologue différée. Les autres techniques utilisant la TA comme l’hémodilution préopératoire et la récupération per- ou postopératoire relèvent principalement de l’établissement de santé et obéissent à une gestion tout à fait différente, même si à bien des égards, l’hémodilution normovolémique intentionnelle préopératoire s’apparente dans ses concepts et ses résultats à la TAP [2].

2. Transfusion autologue programmée et risque infectieux La raison principale du développement de la TAP a été la prévention du risque infectieux en provenance du donneur, lié à la transfusion homologue (TH). Le terme de risque infectieux recouvre en théorie le risque de maladies transmissible par virus, bactéries, parasites, agents mycosiques, et agents non conventionnels (ATNC). En pratique, en dehors de l’hypothétique transmission d’ATNC, hypothèse qui ne repose sur aucune donnée de pathologie humaine, le risque infectieux actuel se résume aux virus et aux bactéries. Le risque parasitaire en France est le paludisme. L’exclusion des donneurs ayant séjourné depuis moins de quatre mois en pays d’endémie et la pratique de tests pour ceux ayant séjourné depuis au moins deux ans a pratiquement éliminé ce risque : aucun cas de paludisme transfusionnel n’a été rapporté en France depuis 1994. Le risque viral résiduel de la transfusion homologue a été considérablement réduit par la sélection des donneurs, les progrès de la qualification biologique des dons et en particulier l’introduction du dépistage génomique viral (DGV), puisqu’il est estimé dans la littérature à 1 pour 1 900 000 pour le VIH et 1 pour 1 600 000 pour HCV [3]. Ces chiffres ont été

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confirmés en France depuis l’introduction du DGV [4]. Le seul risque résiduel appréciable en fait est le risque VHB estimé en France à 1 pour 450 000. Ce risque lui-même doit être modulé en tenant compte de l’augmentation du nombre de receveurs vaccinés (proportion variable suivant la tranche d’âge et l’origine des patients), et des conséquences réelles de l’injection de produits virémiques VHB : bien qu’une hépatite aiguë apparaisse chez 35 % des receveurs, l’infection ne passe à la chronicité que chez 10 % de patients, ce qui, rapporté aux chiffres précédents induit un risque d’infection chronique de 1 pour 5 000 000. Les autres risques viraux résiduels sont du même ordre : 1 pour 1 000 000 à 1 pour 5 à 7 000 000 sur produits déleucocytés [5,6]. Rappelons qu’en France il a été décidé, en l’absence de bénéfice escompté pour le receveur, que le DGV ne serait pas appliqué à la TAP. Ce choix, laisse donc coexister dans les circuits de distribution des établissements de santé des produits n’ayant pas bénéficié des mêmes méthodes de qualification biologique. Le risque bactérien est maintenant devenu l’une des préoccupations majeures en transfusion sanguine. Il peut être lié à une bactériémie chez le donneur, la plus fréquente et la plus grave étant Yersinia enterocolitica, dont la fréquence serait de 1 pour 65 000 à 1 pour 1 000 000 [5,6]. Le risque de contamination bactérienne du prélèvement est probablement le même en TH et TAP. Le risque de prolifération bactérienne augmentant avec la durée de conservation des produits, on peut même se demander si le risque bactérien ne pourrait pas être accru lors des TAP où les durées de conservation sont nécessairement longues (3 semaines en moyenne) pour permettre la régénération médullaire pré-opératoire. Ceci n’a à ce jour pas été démontré. L’interrogation vaut aussi pour les germes cutanéomuqueux (staphylocoque, serratia, klebsielle) introduits dans le prélèvement à la faveur de la ponction veineuse. Nous ne disposons à ce jour d’aucune donnée comparative solide entre TAP et TH sur le risque bactérien. Dans l’étude OSTHEO, le taux de complications infectieuses après arthroplastie de hanche ou de genou était plus élevé chez les patients ayant reçu un TH (13 %) que chez ceux ayant reçu uniquement un produit autologue (4 %) [7], avec en particulier une plus forte incidence d’infections de la plaie opératoire. Cette différence a été retrouvée dans une étude [8], où la fréquence des infections développées chez les patients transfusés en homologue (7 %) était supérieure à celle des patients transfusés en autologue (4 %) ou non transfusés (3 %). Ces données issues d’études ouvertes non randomisées doivent être interprétées avec précaution puisque la recherche d’un état infectieux latent est systématique dans un certain nombre de protocoles de TAP. En outre, la sélection des patients pour la TAP exclut les patients en état général précaire ou condition physique altérée qui sont les plus à même de nécessiter une TH. Ainsi, en l’absence d’étude comparative vraie sur de grandes séries de patient, il est logique de penser que le risque bactérien lié à la TH ou à la TAP est du même ordre de grandeur.

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3. Transfusion autologue et risque immunohématologique L’un des avantages indéniables de la TAP est la suppression du risque d’accidents hémolytiques liés à la présence d’alloanticorps non décelés ou méconnus. Ces accidents parfois graves ont vu leur fréquence diminuer grâce à l’application des bonnes pratiques de distribution et la mise en place de l’hémovigilance. En fait, le risque principal reste l’incompatibilité ABO dont l’incidence est estimée entre 1 pour 250 000 et 1 pour 1 000 000. Le rapport 2001 de l’unité d’hémovigilance de l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (http://agmed.sante.gouv.fr/pdf5hmv2001.pdf) fait état, pour 2001 de 17 incidents immédiats ABO (12 par CGR) dont cinq grades 3 et un grade 4 pour 2 380 526 PSL distribués. Le risque d’erreur existe tout autant en autologue qu’en homologue. L’étude, dans ce rapport des cas rapportés entre 1994 et 2001, retrouve 11 incidents transfusionnels ABO rapportés avec l’utilisation de produits autologues sur un nombre total pendant cette période de 197 incidents ABO. Dans la mesure où il est démontré que dans un certain nombre d’indications, la TAP augmente le nombre global d’unités transfusées, incluant unités autologues et homologues [9], il est possible que la TAP augmente le risque d’accidents ABO. Enfin, rappelons que 8 à 25 % des patients ayant suivi un protocole de TAP reçoivent malgré tout une TH [10,11], et restent donc exposés aux autres risques immunohématologiques (alloanticorps non décelés ou méconnus). 4. Autres risques liés à la transfusion Effet immunosuppresseur : l’effet immunosuppresseur de la TH reste discuté. Cet effet pourrait être lié à la présence de leucocytes homologues ou de dérivés solubles issus de ces cellules [12]. Ce risque a été réduit par la déleucocytation systématique des produits sanguins labiles, mise en place, en France en 1998. Nous avons signalé précédemment (chapitre risque bactérien) la plus grande incidence d’infections de plaies opératoires après transfusion homologue. Il n’y a aucun argument pour imputer cette différence à un effet immunosuppresseur de la transfusion homologue, des biais de recrutement des patients étant probables. Une étude randomisée [13] avait montré une augmentation de la survie sans rechute à quatre ans chez des patients opérés de cancer colorectal sans recours à la TH. Dans cette étude, le rôle immunosuppresseur de la TH n’a pas été établi, d’autres paramètres ayant pu intervenir. Dans ce travail, d’ailleurs, le risque de récidive des patients sous TAP était identique à celui des patients recevant une TH. Le risque de surcharge volémique, estimé à 3–4 % (7, rapport hémovigilance Afssaps 2001) est identique en autologue et homologue [7]. Ici encore, dans la mesure où il semble que les indications de transfusion soient plus larges en autologue [9,10,14,15], la question de l’augmentation du risque doit être posée.

5. La TAP permet-elle une épargne transfusionnelle ? L’un des arguments avancés en faveur de la TAP est l’épargne transfusionnelle. Celle-ci doit s’envisager sous deux aspects : quantitatif et qualitatif. 5.1. Aspect quantitatif La question est de savoir si la TAP permet de réduire les besoins en produits sanguins issus de donneurs bénévoles. Nous avons vu que les prévisions les plus optimistes permettaient d’envisager que la TAP puisse couvrir 10 % des besoins transfusionnels. En pratique, ce chiffre n’a jamais été atteint, la pratique actuelle situe entre 3 et 5 % la part de la TAP dans la transfusion. Aucune étude n’a montré en fait qu’il y ait eu économie réelle, le problème principal auquel sont confrontés les établissements de transfusion sanguine (ETS) étant la gestion optimale des stocks oscillant sans cesse entre le trop et le trop peu. En revanche, on doit relever la fréquence de non-utilisation des produits prélevés : 13 % dans l’étude OSTHEO [7], mais 30 à 50 % dans d’autres études [14,16,17]. Tous ces produits ont suivi, avant d’être détruits le cheminement normal des produits sanguins dans les ETS : collecte suivant les bonnes pratiques, qualification biologique du don, préparation, contrôles de qualité et distribution. 5.2. Aspect qualitatif Il a longtemps été admis, sans démonstration clinique solide que la TAP permettait de réduire le nombre de patients exposés à l’injection de produits homologues. Cette notion demande à être largement réévaluée. 5.2.1. Modèle mathématique Une modélisation mathématique met en doute la validité du concept [18]. Les auteurs ont calculé les hématocrites finaux pour des patients ayant, en théorie un volume initial de cinq litres, un hématocrite (Hte) initial de 45 %, un Hte seuil pour la transfusion de 25 %, et qui auraient perdu de 500 à 5000 ml de sang. Les calculs ont été faits dans deux situations possibles : avec ou sans don autologue préopératoire. Dans ce modèle, dans tous les cas où le seuil transfusionnel d’Hte n’est pas atteint, les patients ayant fait un don autologue, quelle qu’en soit la quantité ont un hématocrite final plus bas. Surtout, les patients ayant effectué un don autologue préopératoire atteignent plus souvent le seuil d’Hte nécessitant une transfusion. En d’autres termes, un patient a d’autant plus de risque d’avoir besoin de transfusion qu’il aura effectué un don autologue préopératoire. Certes un modèle mathématique a ses limites, mais il a l’avantage de ne pas être influencé par le choix, encore en partie subjective, du praticien posant l’indication de la transfusion ; il fixe un seuil théorique d’Hte transfusionnel en pratique impossible à déterminer et variable d’un sujet à l’autre, et présuppose que les indications de TH et de TA sont identiques face à ce seuil. Or on sait, et cela

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constitue, nous le verrons, le biais des études cliniques, que l’attitude du transfuseur ne sera pas la même selon qu’il dispose de sang autologue et de sang homologue. La question de savoir s’il faut fixer des seuils transfusionnels différents en autologue et en homologue n’est d’ailleurs pas tranchée [19,20]. 5.2.2. Études cliniques Les études cliniques randomisées permettant d’évaluer correctement l’économie de produits homologues sont rares. Dans une méta-analyse publiée en 1998, des auteurs [9] ont recensé 61 études comparatives, mais 21 ont dû être rejetées du fait de l’absence de groupes contrôles. La méta-analyse a donc porté sur six études contrôlées randomisées et 34 études de cohorte. Parmi celles-ci, 25 furent rejetées pour groupe témoin non approprié. Les six études randomisées portaient sur la chirurgie de hanche (total 61 patients avec TAP et 30 contrôles), la résection colique (total 542 patients avec TAP et 435 contrôles) ou la résection hépatique (10 patients, 21 contrôles). Ces six études ont montré une réduction significative de l’exposition au sang homologue chez les patients ayant eu une TAP (OR = 0,17 ; IC 95 % : 0,08–0,37). En revanche, les patients ayant suivi un protocole de TAP ont reçu plus de transfusions (TH + TAP) que les autres (OR = 3,03 ; IC 95 % : 1,70–3,59). Les neuf études de cohorte effectuées en chirurgie du cœur, de hanche, de prostate, des vaisseaux, pour hystérectomie ou mammoplastie donnent des résultats similaires avec réduction d’exposition aux produits homologues (OR = 0,19 ; IC 95 % : 0,14–0,26) et augmentation des transfusions homologues et/ou autologues (OR = 12,32 ; IC 95 % : 5,90–25,40). S’opposant à l’intérêt de la diminution des TH, cette augmentation finale des transfusions après TAP amène plusieurs commentaires. Elle relève de deux explications additives : d’une part sur l’ensemble de l’étude, et comme le laissait prévoir le modèle mathématique, l’hématocrite préopératoire était plus bas chez les patients ayant effectué un don autologue (moyenne : –3,5 %). En cas de saignement, ces patients atteignent donc plus vite et plus souvent le seuil transfusionnel. D’autre part, l’indication de transfusion est plus large lorsque le prescripteur dispose de produits autologues. Cette notion avait été bien mise en évidence dans un travail effectué en chirurgie gynécologique [15] : sur 263 patientes admises pour hystérectomie, 140 patientes avaient effectué un protocole de TAP préopératoire ; 25 furent transfusées, alors qu’une seule des 123 patientes n’ayant pas effectué de don préopératoire dut être transfusée. Dans cette étude, le don autologue apparaissait comme le principal facteur de risque de transfusion, facteur de risque indépendant. Tout ceci a été confirmé dans une étude récente effectuée en chirurgie cardiaque [14] : dans ce travail où, sur 489 unités prélevées, 246 (50,3 %) ont été détruites, 9 % des donneurs autologues ont reçu des TH contre 36 % des nondonneurs pour autologue. Mais au total ce sont 73 % des donneurs autologues qui reçoivent des transfusions. Les auteurs ont constaté que 48 % des TAP ont été effectuées

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alors que les critères de seuil transfusionnel n’étaient pas atteints, alors que seulement 12 % des non TAP recevaient du sang homologue malgré l’absence des critères requis pour la transfusion. Plus intéressant encore, les critères de transfusion homologue ont été beaucoup plus stricts chez les patients TAP que chez les patients n’ayant pas effectué de don autologue : à situation clinique identique, le transfuseur hésitera plus à passer du sang homologue chez un patient ayant fait un don préopératoire que chez celui pour lequel il n’y a pas eu de don autologue. Il y a donc là un énorme biais à prendre en compte dans les études comparant la consommation de produits homologues en situation TAP et non TAP. La chirurgie orthopédique non traumatologique est actuellement l’indication la plus fréquente de la TAP. Récemment a été publiée la première étude contrôlée randomisée permettant d’apprécier l’efficacité réelle de la TAP comme méthode d’épargne transfusionnelle pour l’arthroplastie de hanche [21]. Sur les 96 patients inclus, tous avec une hémoglobine supérieure à 12 g/dl, 42 participèrent après à un programme de TAP, alors que 54 ne faisaient pas de don autologue prétransfusionnel. Les indications de transfusion allogénique étaient une perte sanguine estimée supérieure à 25 %, une tachycardie hypoxique ou une hémoglobine inférieure à 7 g/dl (8 g/dl en cas de comorbidité). Le produit autologue était transfusé lorsque l’hémoglobine était inférieure à 11 g/dl en période postopératoire immédiate et 10 g/dl ensuite. Les résultats de cette étude contrôlée ont été particulièrement intéressants : sur les 42 patients ayant effectué un don autologue, dix ont dû recevoir une unité autologue, et 19 ont reçu deux unités, aucun n’a reçu de transfusion homologue. Aucun des 54 patients non-donneurs autologues n’a eu besoin de transfusion. Ces résultats confirment de façon probante les données théoriques et pratiques issues de la littérature et mettent très sérieusement en doute l’intérêt de la TAP en orthopédie. En conclusion, la TAP réduit, de façon probablement modeste lorsque les indications sont rigoureuses, le risque d’exposition au don homologue. Elle augmente, en revanche, le risque d’exposition global à la transfusion (TH + TA) Le patient ayant effectué un don autologue est donc plus exposé que le témoin aux risques communs à toutes transfusions : incompatibilité ABO, risque bactérien, surcharge volémique.

6. Le coût économique de la TAP Nous disposons de quelques études de coût dans la littérature. Un travail a comparé le coût pour l’établissement de santé de TH et de TAP [22]. Pour une moyenne de 2,3 unités transfusées, le total des charges hospitalières était supérieur de 4800 USD pour la TAP soit 1000 à 1500 USD de plus par unité de sang homologue. En fait d’autres études ont évalué le coût réel de la TAP : en 1992, le prix de revient d’une unité de TH aux États-Unis a été évalué à 150 USD contre 198 USD pour une unité de TAP [23]. Dès cette année, l’étude montrait un rapport coût/efficacité inacceptable. Une

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étude très complète a été effectuée au Canada [24] : le coût moyen d’une transfusion exécutée en service aux hospitalisés était de 210 $ (canadiens) pour une unité de sang homologue et de 338 $ pour une unité autologue. Cette différence de coût est due essentiellement à deux facteurs : d’une part le surcoût lié à la collecte en établissement de santé, d’autre part et surtout le prix lié à la non-utilisation de 30 à 50 % des produits de TA prélevés. Cette notion de surcoût du produit doit s’intégrer en fait dans une analyse plus globale de coût–efficacité. Ces études sont exprimées en coût par année de vie ajustée pour la qualité de vie (Quality-adjusted life year : QALY), dans lequel l’indice QALY mesure le nombre d’années de vie supplémentaire pour une personne, pondéré par son état de santé, généralement mesuré sur une échelle de 0 à 1. Un geste médical (intervention ou autre) est généralement considéré comme efficace si l’indice QALY est inférieur ou égal à 50 000 USD. Les chiffres atteints par la TAP sont de 235 000 $ à 740 000 $ pour l’arthroplastie de hanche, de plus de 500 000 $ pour la prostatectomie ou le pontage coronarien [17,23,25]. Ce surcoût de la TAP pourrait être atténué si l’on tient compte d’une augmentation du risque infectieux lié à la transfusion allogénique [26]. Néanmoins, ces chiffres ne tiennent pas compte de la réduction du risque viral induit en TH par le DGV.

7. Et le patient ? L’un des principaux arguments incitant à la prescription de TAP est la demande, voire l’exigence des patients, encore inquiets du risque de maladie transmissible. Un travail apporte un éclairage intéressant sur cette demande [10]. L’étude a été effectuée auprès de 80 patients programmés pour une chirurgie cardiaque (40 TAP – 40 non TAP) et 73 patients devant subir une intervention orthopédique (38 TAP – 35 non TAP). Sur l’ensemble, 93 % des patients ayant suivi un protocole de TAP se déclaraient satisfaits et prêts à recommencer. L’analyse des motivations incite en fait à la réflexion : à la question de savoir quel était à leur avis leur risque de recevoir une transfusion en l’absence de TAP, la réponse était de 80 % (valeur médiane), alors que ce risque était évalué par ces mêmes patients entre 0 et 5 % s’ils recouraient à la TAP préopératoire. La réalité, dans cette étude, était tout autre : pour la chirurgie cardiaque, 15 % des donneurs autologues reçurent une TH contre 35 % pour les non-donneurs, alors qu’en chirurgie orthopédique 8 % des donneurs autologues reçurent une TH contre 46 % des nondonneurs. Là encore, le nombre de patients transfusés (TAP+TH) était très supérieur chez les donneurs TAP. Ainsi avant de prendre en compte la demande du patient, il convient de lui donner tous les arguments, et ceci de façon objective, et de lui indiquer : • que la réduction du risque d’exposition aux produits homologues n’est pas de 80 à 0 % mais dépend du type de chirurgie ;

• que le risque viral lié à une transfusion homologue est actuellement quasi nul surtout s’il est vacciné contre l’hépatite B ; • et surtout que la transfusion autologue a ses propres risques, ce qui est habituellement, partiellement ou totalement oublié : nous avons vu le risque bactérien, le risque d’accident hémolytique, le risque de surcharge volémique. Il faut y ajouter le risque lié au don autologue lui-même : le risque d’accident grave (conduisant à l’hospitalisation) pour le donneur, qui peut être lié à une pathologie préexistant chez le donneur est évalué à 1 pour 16 783 [25], soit un risque 12 fois supérieur au don de sang chez le donneur bénévole sain, estimé à 1 pour 200 000 [17,27]. Enfin, il est un risque supplémentaire, mais non évalué : dans le travail, certes réalisé au Canada, pays de longues distances, 20 patients sur les 153 faisaient un voyage de plus de 100 km pour effectuer le don autologue [8]. La route est toujours coûteuse et parfois dangereuse et la traumatologie routière est souvent coûteuse et parfois consommatrice de sang homologue.

8. Conclusion La transfusion autologue programmée a été initiée et développée dans une période de doute et d’incertitude sur la sécurité transfusionnelle. L’expérience et le développement de l’hémovigilance ont permis de mieux apprécier les risques actuels et même futurs de la transfusion homologue. Ces risques ont été largement réduits par les progrès réalisés à toutes les étapes du circuit transfusionnel, depuis la collecte jusqu’à la distribution, par l’amélioration des techniques chirurgicales, par une définition plus restrictive des indications de transfusion qui a entraîné une réduction de besoins transfusionnels, par l’utilisation d’agents pharmacologiques susceptibles de réduire les besoins transfusionnels dans certaines indications [28] et le développement des vigilances. En parallèle, le seul progrès constaté en TAP est l’utilisation de l’érythraphérèse dont le principal avantage est de réduire le nombre d’interventions nécessaires pour effectuer un don autologue. En fait, le bénéfice escompté de la transfusion autologue a été peu évalué de façon prospective et suffisamment rigoureuse. Les données récentes vont toutes dans le sens d’un intérêt très limité de cette technique qui pourrait ne garder que de rares indications : groupes rares, impasse transfusionnelle par allo-immunisation. Ces indications nécessiteront, elles aussi et comme toute thérapeutique, une évaluation clinique permettant d’apprécier le bénéfice réel pour le patient.

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