Faut-il revasculariser les sténoses carotides asymptomatiques ?

Faut-il revasculariser les sténoses carotides asymptomatiques ?

Modele + ARTICLE IN PRESS BANM-49; No. of Pages 7 Bull Acad Natl Med (2019) xxx, xxx—xxx Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.c...

672KB Sizes 0 Downloads 156 Views

Modele +

ARTICLE IN PRESS

BANM-49; No. of Pages 7 Bull Acad Natl Med (2019) xxx, xxx—xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

REVUE GÉNÉRALE

Faut-il revasculariser les sténoses carotides asymptomatiques ?夽 Carotid revascularization in patients with asymptomatic carotid stenosis?

J.-L. Mas a,∗,b,c a

Service de neurologie, hôpital Sainte-Anne, 1, rue Cabanis, 75014 Paris, France Inserm U1266, 75014 Paris, France c Université de Paris, France b

Rec ¸u le 16 mars 2019 ; accepté le 10 avril 2019

MOTS CLÉS Stenose Carotide ; Endarteriectomie ; Angioplastie ; Stent ; Infarctus cérébral

KEYWORDS Carotid stenosis; Endarterectomy; Angioplasty; Stents; Cerebral Infarction

夽 ∗

Résumé Le risque d’un premier infarctus cérébral ou accident ischémique transitoire dû à une sténose carotide athéroscléreuse a diminué au cours des vingt dernières années. Il est globalement inférieur à 1 % par an. La valeur ajoutée de la revascularisation des sténoses carotides asymptomatiques par chirurgie ou stenting chez les patients recevant un traitement médical optimal est controversée et fait l’objet de nouveaux essais randomisés. En attendant les résultats de ces essais, la décision de revasculariser une sténose carotide asymptomatique doit être individualisée en tenant compte de facteurs associés à un risque plus élevé d’infarctus cérébral homolatéral, de l’espérance de vie du patient et du risque de l’intervention. La participation des patients aux essais thérapeutiques est capitale pour résoudre les incertitudes actuelles sur le bénéfice de la revascularisation des sténoses carotides asymptomatiques. © 2019 l’Acad´ emie nationale de m´ edecine. Publi´ e par Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es. Summary The risk of a first ischemic stroke due to atherosclerotic carotid stenosis has decreased over the last 20 years. It is less than 1% per year overall. The benefit of carotid revascularization in patients with asymptomatic carotid stenosis receiving optimal medical treatment is controversial and is the subject of new randomized clinical trials. Pending the results of these trials, the decision to revascularize asymptomatic carotid stenosis should be individualized, taking into account the factors associated with a higher risk of ipsilateral stroke, patient’s life expectancy and risks of intervention. Patient participation in randomized trials is crucial to resolve current uncertainties about the benefit of carotid revascularization in patients with asymptomatic carotid stenosis. © 2019 l’Acad´ emie nationale de m´ edecine. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Séance du 15 octobre 2019. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected]

https://doi.org/10.1016/j.banm.2019.04.015 0001-4079/© 2019 l’Acad´ emie nationale de m´ edecine. Publi´ e par Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.

Pour citer cet article : Mas J-L. Faut-il revasculariser les sténoses carotides asymptomatiques ? Bull Acad Natl Med (2019), https://doi.org/10.1016/j.banm.2019.04.015

Modele + BANM-49; No. of Pages 7

ARTICLE IN PRESS

2

J.-L. Mas

Abréviations ACAS Asymptomatic Carotid Atherosclerosis Study ACST-1 Asymptomatic Carotid Surgery Trial I ACTRIS Endarterectomy combined with optimal medical therapy versus optimal medical therapy alone in patients with asymptomatic severe atherosclerotic carotid artery stenosis at higher-than-average risk of ipsilateral stroke CREST Carotid Revascularization Endarterectomy versus Stenting Trial ECST-2 European Carotid Surgery Trial 2 SPACE-2 Stent-Protected Angioplasty versus Carotid Endarterectomy 2 SAPPHIRE Stenting and Angioplasty with Protection in Patients at High Risk for Endarterectomy

Introduction L’artère carotide interne proximale est une localisation privilégiée de l’athérosclérose des artères à distribution cérébrale. La prévalence des sténoses carotides liés à cette maladie augmente avec l’âge. Dans une méta-analyse de quatre études de population [1], leur prévalence allait chez l’homme de 0,2 % avant 50 ans à 7,5 % à partir de 80 ans pour les sténoses modérés ou sévères (>= 50 %) et de 0,1 % à 3,1 % pour les seules sténoses sévères (>= 70 %). La prévalence était plus faible chez la femme, respectivement 0 % à 5 % pour les sténoses modérées ou sévères et 0,9 % pour les sténoses sévères. À partir de ces chiffres, on peut estimer qu’il existe en France, environ 750 000 personnes ayant une sténose >= 50 %, dont environ 220 000 ayant une sténose >= 70 %. Environ 1 infarctus cérébral sur 10 est dû à une sténose carotide athéroscléreuse [2]. Parmi les patients ayant présenté un accident ischémique transitoire ou un infarctus cérébral en rapport avec une sténose carotide serrée, 1 sur 4 aura un nouvel infarctus cérébral dans les 2 à 3 ans suivant l’accident initial [3]. Plusieurs essais randomisés réalisés dans les années 1980—90 [3—5] ont montré que la chirurgie carotide associée au traitement médical de prévention vasculaire diminuait significativement l’incidence des infarctus cérébraux homolatéraux, aussi bien chez les patients ayant une sténose carotide dite asymptomatique (sans antécédent d’accident ischémique transitoire ou d’infarctus cérébral lié à la sténose, par convention dans les 6 mois précédents) que chez les patients ayant une sténose carotide récemment (moins de 6 mois) symptomatique. Si le bénéfice de la chirurgie carotide n’est pas contesté dans les sténoses carotides symptomatiques, il est en revanche remis en question dans les sténoses asymptomatiques, en raison notamment des progrès du traitement médical de prévention vasculaire [6,7]. Cet article présente la controverse sur le bénéfice de la revascularisation des sténoses carotides asymptomatiques, ainsi que les bases rationnelles des essais thérapeutiques récemment mis en place pour évaluer le bénéfice additionnel de la revascularisation carotide par chirurgie ou stenting chez des patients recevant un traitement médical optimal de prévention vasculaire.

Les essais cliniques randomisés Chirurgie carotide associée à un traitement médical versus traitement médical Deux essais randomisés —– ACAS [4] et ACST-1 [5] — – ont montré que chez les patients ayant une sténose carotide asymptomatique ≥ 60 %, la chirurgie carotide réduisait d’environ 50 % le risque à 5 ans d’AVC homolatéral [4] ou de tout AVC [5], comparativement au traitement médical seul. Cette réduction tient compte des AVC et des décès liés à l’intervention (par convention survenant dans les 30 jours suivant l’intervention) (Tableau 1). Dans l’étude ACST-1 [5], les patients âgés de plus de 75 ans (n = 650) ne bénéficiaient pas de la chirurgie, mais le taux élevé de décès (non liés à la sténose) pendant le suivi rendait difficile l’évaluation du bénéfice de la chirurgie dans ce groupe. Chez les patients de moins de 75 ans, la réduction du risque d’AVC à 5 ans n’était pas significative chez la femme, mais rejoignait celle de l’homme à 10 ans (réduction absolue du risque de 5 à 6 %) [3]. Contrairement aux essais chez les patients ayant une sténose carotide récemment symptomatique, ACAS [4] et ACST-1 [5] n’ont pas montré, dans le groupe médical, d’augmentation du risque d’AVC avec la sévérité de la sténose carotide.

Stenting versus chirurgie carotide Deux essais randomisés —– CREST [8] et ACT I [9] ont comparé le stenting à la chirurgie carotide chez des patients ayant une sténose carotide asymptomatique > 60—70 %, selon la méthode de mesure NASCET [2]. Le critère de jugement principal (AVC, décès ou infarctus du myocarde dans les 30 suivant l’intervention ou AVC homolatéral après j30) ne différait pas significativement entre les deux groupes, mais le risque d’AVC et de décès de l’intervention était plus élevé chez les patients traités par stenting que chez ceux traités par chirurgie : 2,5 % versus 1,4 % après chirurgie (HR : 1,88 ; IC 95 % : 0,79—4,42) dans CREST [8], 2,9 % versus 1,7 % après chirurgie (p = 0,33) dans ACT I [9]. Passé j30, le risque d’AVC homolatéral à long-terme ne différait pas selon les groupes [8,9]. Ces résultats sont en accord avec ceux obtenus dans les essais comparant le stenting à la chirurgie chez les patients ayant une sténose carotide symptomatique, qui ont montré que la chirurgie reste le traitement de première intention des sténoses carotides, notamment chez les patients âgés de 70 ans ou plus [10—12].

La controverse sur le bénéfice de la revascularisation carotide Malgré les résultats positifs d’ACAS [4] et d’ACST-1 [5], le bénéfice de la chirurgie des sténoses carotides asymptomatiques a fait l’objet de controverses. En témoigne la proportion très variable d’un pays à l’autre des endartériectomies carotides réalisées pour une sténose carotide asymptomatique, allant de 0 % au Danemark, à 16 % au Royaume-Uni, 68 % en Italie, entre 2005—2010 [13] et près de 90 % aux États-Unis entre 2004 et 2006 [14]. La controverse reposait sur le fait que les patients ayant une sténose

Pour citer cet article : Mas J-L. Faut-il revasculariser les sténoses carotides asymptomatiques ? Bull Acad Natl Med (2019), https://doi.org/10.1016/j.banm.2019.04.015

Modele +

ARTICLE IN PRESS

BANM-49; No. of Pages 7

Faut-il revasculariser les sténoses carotides asymptomatiques ? Tableau 1 n

3

Sténose carotide asymptomatique : essais comparant la chirurgie carotide au traitement médical. Risque opératoire (%)

ACASa 1662 2,3 ACSTb 3120 2,8

Risque d’AVC à 5 ans (%) groupe médical

Risque d’AVC à 5 ans Réduction relative de Réduction absolue de (%) groupe chirurgical risque risque à 5 ans (%) (%)

11,0c 11,8d

5,1c 6,4d

54 46

5,9 5,4

a Patients âgés de moins de 80 ans ayant une sténose carotide de 60 à 99 %. Les patients ont été inclus entre 1987 et 1993 et suivis jusqu’en 1997. b Patients sans limite d’âge (>75 ans : 20 %) ayant une sténose carotide de 60 à 99 %. Les patients ont été inclus entre 1993 et 2003 et suivis jusqu’en 2008. c AVC homolatéral. d Tout AVC.

Tableau 2 Facteurs associés à un risque d’AVC plus élevé que la moyenne chez les patients ayant une sténose carotide asymptomatique traités médicalement. Marqueurs d’instabilité de la plaque Ultrasons Progression rapide de la sténose [23,24] Plaque hypoéchogéne [25] Signaux micro-emboliques au Doppler transcrânien [26,27] Surface de la plaque (>40 mm2 ) [28] Zone noire juxta-luminale [29] Imagerie par résonance magnétique Hémorragie intraplaque [30] Marqueurs cérébraux Diminution de la réserve cérébrovasculaire [31] Infarctus silencieux (type embolique) en imagerie [32] AIT/AVC controlatéral [33] D’après Naylor et al. [2].

carotide asymptomatique ont un faible risque d’AVC homolatéral ne permettant d’escompter qu’un bénéfice modeste de la chirurgie. Dans les bras médicaux d’ACAS [4] et d’ACST [5], le risque annuel d’AVC homolatéral était d’environ 2 % et la réduction absolue de risque par la chirurgie de 1 % par an (Tableau 2). En d’autres termes, environ 100 patients devaient être opérés par an pour éviter un AVC. La controverse sur l’utilité de la chirurgie carotide asymptomatique s’est accentuée lorsqu’il est apparu que le risque annuel d’AVC homolatéral à une sténose carotide chez les patients traités médicalement était plus faible qu’il ne l’était au temps des essais randomisés qui avaient conclu au bénéfice de la chirurgie (patients inclus entre 1987 et 2003). Cette diminution du risque d’AVC avec le temps était apparente au sein même des essais thérapeutiques. Ainsi, le risque annuel d’AVC (tous territoires) chez les patients traités médicalement était de 3,5 % dans l’étude ACAS [4] publiée en 1995, de 2,4 % dans les 5 premières années de l’étude ACST publiée en 2004 et de 1,4 % par an dans les 5 dernières années de l’étude [5,6]. Le risque annuel d’AVC homolatéral était respectivement de 2,2 %, 1,1 % et 0,7 %. L’ensemble des études suggère que le risque annuel d’AVC homolatéral à une sténose carotide

asymptomatique se situerait actuellement entre 0,5 et 1 % [6,7,15—17]. Le déclin du risque d’AVC homolatéral à une sténose carotide asymptomatique est très vraisemblablement à mettre au crédit des progrès du traitement médical de prévention vasculaire, en particulier d’une utilisation plus large des statines, mais aussi d’un contrôle plus strict de la pression artérielle. Ainsi, dans le groupe médical de l’étude ACST [5], la proportion de patients recevant un traitement hypolipémiant est passé de moins de 10 % dans la première année de l’étude à 82 % dans les dernières années. Sur une période de 10 ans, le risque d’AVC (tous territoires) était de 24,9 % chez les patients randomisés dans le groupe médical, ne recevant pas de traitement hypolipémiant contre 14,5 % chez ceux recevant ce traitement. Le bénéfice de la chirurgie était plus important chez les patients ne recevant pas de traitement hypolipémiant. Une diminution de la pression artérielle diastolique de 84 à 77,5 mm Hg a aussi été notée entre in 1995 et 2005. Par ailleurs, des travaux portant sur la composition des plaques d’athérosclérose provenant d’endartériectomies carotides [18] ou sur la surface totale de plaques carotides en échographie [10] ont montré une diminution de la sévérité de l’athérosclérose carotide au cours des 10—15 dernières années, probablement en lien avec les progrès des traitements médicaux. Enfin, l’analyse de la base de données Medicare a montré une diminution du nombre de revascularisations carotides, par chirurgie ou stenting, aux États-Unis entre 1999 et 2004, passant de 298 pour 100 000 personne-années entre 1999 et 2000 à 128 pour 100 000 personne-années in 2013 to 2014 [19]. Ce déclin pourrait traduire une diminution des interventions inappropriées ou une diminution grâce aux progrès médicaux des sténoses carotides nécessitant une intervention carotide [20]. Les risques de la chirurgie ont aussi diminué : ils étaient de 2,3 % et 2,8 % dans ACAS [4] et ACST [5] et de 1,4 % et 1,7 % dans CREST [8] et ACT I [9]. Une revue systématique récente de registres administratifs (>1,5 millions d’interventions, depuis 2008) a montré que le risque d’AVC ou de décès périopératoires de la chirurgie carotide ne dépassait 3 % (limite maximale recommandée par l’AHA/ASA pour envisager une revascularisation carotide chez des patients asymptomatiques) que dans 1 seul des 21 (5 %) registres, alors que le risque du stenting carotide dépassait ce seuil dans 9 des 21 (43 %) registres [21]. À côté d’améliorations techniques, l’utilisation croissante de statines dans la période

Pour citer cet article : Mas J-L. Faut-il revasculariser les sténoses carotides asymptomatiques ? Bull Acad Natl Med (2019), https://doi.org/10.1016/j.banm.2019.04.015

Modele + BANM-49; No. of Pages 7

ARTICLE IN PRESS

4

J.-L. Mas

péri-opératoire a pu contribuer à une meilleure sécurité des gestes de revascularisation carotide [22]. Compte tenu du bénéfice attendu (au mieux globalement faible) de la chirurgie des sténoses carotides asymptomatiques, le dépistage des sténoses carotides en population générale n’est pas recommandé [2]. Les sociétés savantes conseillent un dépistage sélectif chez les patients ayant plusieurs facteurs de risque vasculaire, une maladie coronaire ou un artériopathie des membres inférieurs, mais le bénéfice de ce dépistage reste à démontrer. L’objectif serait d’optimiser le traitement médical et de réduire la morbidité et la mortalité cardiovasculaire, plutôt que d’identifier des candidats à une revascularisation carotide. Le dépistage est aussi conseillé avant un pontage aorto-coronaire, chez les patients âgés de plus de 70 ans, ceux ayant des antécédents d’AIT ou d’AVC, un souffle carotide ou une sténose du tronc commun de la coronaire gauche. Ces facteurs augmentent la probabilité de dépister une sténose carotide sévère et permettent de mieux informer le patient sur le risque d’AVC associé à la chirurgie coronaire [2], mais le bénéfice d’une revascularisation carotide couplée au pontage coronaire n’est pas démontré [2].

Vers une meilleure sélection des patients Facteurs associés à un risque plus élevé d’infarctus cérébral homolatéral Dans la mesure où le bénéfice global de la revascularisation carotide est, au mieux, marginal, il est crucial d’identifier les patients porteurs d’une sténose carotide asymptomatique ayant un risque d’infarctus homolatéral plus élevé que la moyenne et qui pourraient bénéficier d’une revascularisation carotide. Les caractéristiques histopathologiques des plaques vulnérables sont un cœur nécrotique riche en lipides, une chape fibreuse fine ou rompue et la présence de cellules inflammatoires, d’ulcérations ou d’une hémorragie intraplaque. Plusieurs approches utilisant les ultrasons, l’IRM ou d’autres techniques ont été développées au cours de ces dernières années pour identifier ces plaques dites « instables » ou « vulnérables », qui sont plus à risque de se compliquer d’accidents thromboemboliques [23—30] (Tableau 2). Une progression rapide de la sténose sur des examens successifs [23,24], une plaque majoritairement hypoéchogène en échographie [25], l’enregistrement de microsignaux emboliques en Doppler transcrânien [26,27] ou une hémorragie intraplaque en IRM [30] sont les marqueurs de plaque à risque les mieux documentés. D’autres facteurs comme la diminution de la vasoréactivité cérébrale [31], la présence d’un infarctus cérébral (non lacunaire) asymptomatique dans le territoire de l’artère carotide sténosée [32] ou un antécédent d’accident ischémique carotide controlatéral [33] ont aussi été associé à un risque plus important d’infarctus cérébral ipsilatéral. Il est important de noter que ces facteurs de risque ont été identifiés dans des études relativement anciennes et portant généralement sur de faibles effectifs et réalisés. La valeur prédictive de ces facteurs chez des patients recevant un traitement médical moderne est mal connue.

Espérance de vie L’espérance de vie du patient est un facteur clé de décision d’une revascularisation carotide. Compte tenu du faible risque absolu d’AVC sous traitement médical et du risque d’AVC lié au traitement, une espérance de vie d’au moins 5 ans est généralement recommandée pour considérer que la revascularisation carotide pourrait apporter un bénéfice. De plus, les patients ayant une espérance de vie limitée sont souvent à plus haut risque de revascularisation, du fait des comorbidités. Des algorithmes ont été proposés pour évaluer l’espérance de vie à 5 ans après chirurgie carotide pour une sténose asymptomatique [34,35]. Les principaux facteurs associés à une mortalité dans les 5 ans sont un cancer dans les 5 ans précédents, une bronchopneumopathie chronique obstructive, une insuffisance cardiaque et une insuffisance rénale chronique [35].

Risques de l’intervention Un autre facteur à prendre en compte est le risque de l’intervention elle-même. Les sténoses à haut risque chirurgical sont habituellement définies par la présence d’une ou plusieurs des comorbidités suivantes : cardiopathie sévère, maladie pulmonaire sévère, occlusion carotide controlatérale, paralysie controlatérale du nerf laryngé, antécédent de chirurgie radicale cervicale, radiothérapie cervicale, resténose après chirurgie, âge > 80 ans. Dans l’étude SAPPHIRE [36], portant sur des patients ayant une sténose carotide (asymptomatique dans 70 % des cas) à haut risque chirurgical (défini selon au moins un des critères ci-dessus), le risque d’AVC ou de décès à j30 étaient de 5,8 % après stenting et 6,1 % après chirurgie. Ce niveau de risque d‘une revascularisation carotide ne paraît pas compatible avec le faible risque annuel d’AVC homolatéral chez les patients ayant une sténose carotide asymptomatique.

Traitement médical Un traitement médical optimal de prévention des évènements vasculaires est un aspect majeur de la prise en charge des patients ayant une sténose carotide extracrânienne, symptomatique ou asymptomatique. Il vise à diminuer non seulement le risque d’événements cérébro-vasculaires, mais aussi celui d’évènements vasculaires dans d’autres territoires artériels, qui sont fréquemment le siège de lésions athéroscléreuses, connues ou asymptomatiques, notamment coronaires. La présence d’une sténose carotide augmente le risque d’infarctus du myocarde et de décès de cause vasculaire. Outre l’arrêt du tabac, la diminution de la consommation d’alcool (<= 2 verres soit 20 grammes d’alcool par jour, <= 10 verres par semaine), une activité physique régulière, une alimentation de type méditerranéen et la lutte contre le surpoids ou l’obésité, un contrôle strict de la pression artérielle (PA < 140/90 mm Hg), un traitement par statine (LDL < 0,7 g/L) et le traitement d’un diabète (HbA1c < 7 %) sont les éléments clés de la prévention. Un traitement antiplaquettaire au long cours par aspirine (75—325 mg) est recommandé pour réduire notamment le risque d’évènement coronaire [2]. En cas de

Pour citer cet article : Mas J-L. Faut-il revasculariser les sténoses carotides asymptomatiques ? Bull Acad Natl Med (2019), https://doi.org/10.1016/j.banm.2019.04.015

Modele + BANM-49; No. of Pages 7

ARTICLE IN PRESS

Faut-il revasculariser les sténoses carotides asymptomatiques ?

5

• Sténose carode >= 70% NASCET • >= 1 facteur de risque d’’infarctus cérébral homolatéral : -

Progression rapide de la sténose

-

Plaque hypoéchogéne

-

Signaux micro-emboliques au Doppler transcrânien

-

Hémorragie intra-plaque en IRM

-

Diminuon de la réserve cérébrovasculaire

-

Infarctus silencieux (type embolique) dans le territoire de la sténose

-

Antécédent d’infarctus cérébral/AIT carode controlatéral

Traitement Médical Opmal

AVC homolatéral à5 ans + AVC ou décès dans les 30 jours de la chirurgie

R

Chirurgie carode + Traitement Médical Opmal

• Espérance de vie >= 5 ans

Figure 1

revascularisation carotide, un traitement antiplaquettaire par aspirine est recommandé pendant la période périopératoire. Chez ceux traités par stenting, une bithérapie antiplaquettaire (aspirine + clopidogrel) est recommandée, pendant l’intervention et au moins 4 semaines après elle. Il est recommandé de débuter un traitement par statines avant chirurgie ou stenting carotide, et de ne pas arrêter ce traitement pendant la période péri-opératoire [2].

De nouveaux essais thérapeutiques Les incertitudes concernant la valeur ajoutée de la revascularisation carotide ont conduit à la mise en place de nouveaux essais thérapeutiques comparant la revascularisation carotide par chirurgie ou stenting à un traitement médical optimal. Les essais ECST-2 (ISRCTN 97744893), CREST-2 (NCT02089217) et SPACE-2 (ISRCTN 78592017) portent sur des patients non sélectionnés, donc à risque faible d’infarctus cérébral homolatéral. L’étude SPACE2 [37] a été arrêtée prématurément après inclusion de 513 patients en raison d’un recrutement insuffisant. Le risque d’AVC ou décès à j30 était de 1,97 % chez les 203 patients randomisés dans le groupe chirurgie et de 2,54 % chez les 197 patients randomisés dans le groupe stenting. Aucun AVC n’est survenu dans les 30 jours de la randomisation chez les 113 patients randomisés dans le groupe traitement médical optimal seul. Le suivi des patients est en cours. Contrairement aux autres essais, l’étude franc ¸aise ACTRIS portera sur des patients ayant une sténose >= 70 % (NASCET) présumée à haut risque d’infarctus cérébral, identifiés grâce à aux marqueurs ci-dessous (Fig. 1).

Conclusion Le bénéfice de la revascularisation des sténoses carotides asymptomatiques, comparativement à un traitement médical moderne de prévention vasculaire est en cours de réévaluation dans plusieurs essais randomisés. En attendant les résultats de ces essais, les recommandations récentes

Étude ACTRIS.

des sociétés européennes de chirurgie vasculaire [2] et de cardiologie [38] sont d’envisager une endartériectomie carotide chez les patients ayant une sténose carotide asymptomatique de 60—99 %, s’il existe au moins un facteur associé à un risque plus élevé d’infarctus cérébral homolatéral (Tableau 2), sous réserve que l’intervention puisse être réalisée avec un risque d’AVC ou décès < 3 % et que l’espérance de vie du patient soit supérieure à 5 ans (classe IIa, niveau B). Le stenting pourrait être une alternative à la chirurgie si le patient est considéré à haut risque chirurgical, sous réserve que l’intervention puisse être réalisée avec un risque d’AVC ou décès < 3 % et que l’espérance de vie du patient soit supérieure à 5 ans (classe IIb, niveau B). Il est important de noter que la pertinence de cet algorithme reste à valider. La participation des patients aux essais thérapeutiques en cours ou en préparation est capitale pour résoudre les incertitudes actuelles sur le bénéfice de la revascularisation des sténoses carotides asymptomatiques.

Déclaration de liens d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références [1] De Weerd, Greving JP, Hedblad B, Lorenz MW, Mathiesen EB, O’Leary DH, et al. Prevalence of asymptomatic carotid artery stenosis in the general population: an individual participant data meta-analysis. Stroke 2010;41:1294—7. [2] Naylor AR, Ricco JB, de Borst GJ, Debus S, de Haro J, Halliday A, et al. Management of atherosclerotic carotid and vertebral artery disease: 2017 clinical practice guidelines of the European Society for Vascular Surgery (ESVS). Eur J Vasc Endovasc Surg 2018;55:3—81. [3] Rothwell PM, Eliasziw M, Gutnikov SA, Fox AJ, Taylor DW, Mayberg MR, et al. Carotid Endarterectomy Trialists’ Collaboration. Analysis of pooled data from the randomized controlled trials of endarterectomy for symptomatic carotid stenosis. Lancet 2003;361:107—16.

Pour citer cet article : Mas J-L. Faut-il revasculariser les sténoses carotides asymptomatiques ? Bull Acad Natl Med (2019), https://doi.org/10.1016/j.banm.2019.04.015

Modele + BANM-49; No. of Pages 7

ARTICLE IN PRESS

6

J.-L. Mas

[4] Executive committee for the Asymptomatic Carotid Atherosclerosis Study. Endarterectomy for asymptomatic carotid artery stenosis. JAMA 1995;273:1421—8. [5] Halliday A, Harrison M, Hayter E, Kong X, Mansfield A, Marro J, et al. Asymptomatic Carotid Surgery Trial (ACST) Collaborative Group. 10-year stroke prevention after successful carotid endarterectomy for asymptomatic stenosis (ACST-1): a multicenter randomised trial. Lancet 2010;376: 1074—84. [6] Naylor AR. Time to rethink management strategies in asymptomatic carotid disease. Nat Rev Cardiol 2012;9: 116—24. [7] Chaturvedi S, Chimowitz M, Brown RD, Lal BK, Meschia JF. The urgent need for contemporary clinical trials in patients with asymptomatic carotid stenosis. Neurology 2016;87: 2271—8. [8] Brott TG, Hobson RW, Howard G, Roubin GS, Clark WM, Brooks W, et al. CREST Investigators. Stenting versus endarterectomy for treatment of carotid-artery stenosis. N Engl J Med 2010;363:11—23. [9] Rosenfield K, Matsumura JS, Chaturvedi S, Riles T, Ansel GM, Metzger DC, et al. ACT I Investigators. Randomized trial of stent versus surgery for asymptomatic carotid stenosis. N Engl J Med 2016;374:1011—20. [10] Mas JL, Chatellier G, Beyssen B, Branchereau A, Moulin T, Becquemin JP, et al. EVA-3S Investigators. Endarterectomy versus stenting in patients with symptomatic severe carotid stenosis. N Engl J Med 2006;355:1660—71. [11] Mas JL, Arquizan C, Calvet D, Viguier A, Albucher JF, Piquet P, et al. Long-term follow-up study of endarterectomy versus angio-plasty in patients with symptomatic severe carotid stenosis trial. Stroke 2014;45:2750—6. [12] Howard G, Roubin GS, Jansen O, Hendrikse J, Halliday A, Fraedrich G, et al. Carotid Stenting Trialists’ Collaboration. Association between age and risk of stroke or death from carotid endarterectomy and carotid stenting: a meta-analysis of pooled patient data from four randomised trials. Lancet 2016;387:1305—11. [13] Vikatmaa P, Mitchell D, Jensen LP, Beiles B, Björck M, Halbakken E, et al. Variation in clinical practice in carotid surgery in nine countries 2005—2010. Lessons from VASCUNET and recommendations for the future of national clinical audit. Eur J Vasc Endovasc Surg 2012;44:11—7. [14] Wang FE, Esterbrooks D, Kuo YF, Mooss A, Mohiuddin SM, Uretsky BF. Outcomes after carotid artery stenting and endarterectomy in the medicare population. Stroke 2011;42: 2019—25. [15] Abbott AL. Medical (nonsurgical) intervention alone is now best for prevention of stroke associated with asymptomatic severe carotid stenosis: results of a systematic review and analysis. Stroke 2009;40:e573—83. [16] Naylor AR. What is the current status of invasive treatment of extracranial carotid artery disease? Stroke 2011;42:2080—5. [17] Rothwell PM. Carotid stenting: more risky than endarterectomy and often no better than medical treatment alone. Lancet 2010;375:957—9. [18] van Lammeren GW, den Ruijter HM, Vrijenhoek JEP, van der Laan MD, Velema E, de Vries JP, et al. Time-dependent changes in atherosclerotic plaque composition in patients undergoing carotid surgery. Circulation 2014;129:2269—76. [19] Lichtman JH, Jones MR, Leifheit EC, Sheffet AJ, Howard G, Lal BK, et al. Carotid endarterectomy and carotid artery stenting in the US Medicare population, 1999—2014. JAMA 2017;318:1035—46. [20] Hackam DG, Spence JD. Decline in the severity of carotid atherosclerosis and associated risk factors from 2002 to 2014. Stroke 2018;49:2786—8.

[21] Paraskevas K, Kalmykov E, Naylor AR. Stroke/death rates following carotid artery stenting and carotid endarterectomy in contemporary administrative dataset registries: a systematic review. Eur J Vasc Endovasc Surg 2016;51: 3—12. [22] Antoniou GA, Hajibandeh S, Hajibandeh S, Vallabhaneni SR, Brennan JA, Torella F. Meta-analysis of the effects of statins on perioperative outcomes in vascular and endovascular surgery. J Vasc Surg 2015;61:519—32. [23] Kakkos SK, Nicolaides AN, Charalambous I, Thomas D, Giannopoulos A, Naylor AR, et al. Predictors and clinical significance of progression or regression of asymptomatic carotid stenosis. J Vasc Surg 2014;59:956—67. [24] Hirt LS. Progression rate and ipsilateral neurological events in asymptomatic carotid stenosis. Stroke 2014;45: 702—6. [25] Gupta A, Kesavabhotla K, Baradaran H, Kamel H, Pandya A, Giambrone AE, et al. Plaque echolucency and stroke risk in asymptomatic carotid stenosis: a systematic review and metaanalysis. Stroke 2015;46:91—7. [26] Markus HS, King A, Shipley M, Topakian R, Cullinane M, Reihill S, et al. Asymptomatic embolisation for prediction of stroke in the asymptomatic carotid emboli study: a prospective observational study. Lancet Neurol 2010;9: 663—71. [27] Topakian R, King A, Kwon U, Schaafsma A, Shipley M, Markus H. Ultrasonic plaque echolucency and emboli signals predict stroke in asymptomatic carotid stenosis. Neurology 2011;77:751—8. [28] Nicolaides A, Kakkos SK, Kyriacou E, Griffin M, Thomas DJ, Geroulakos G, et al. Asymptomatic internal carotid artery stenosis and cerebrovascular risk stratification. J Vasc Surg 2010;52:1486—96. [29] Kakkos SK, Griffin MB, Nicolaides AN, Kyriacou E, Sabetai MM, Tegos T, et al. The size of the juxta-luminal hypoechoic area in ultrasound images of asymptomatic carotid plaques predicts the occurrence of stroke. J Vasc Surg 2013;57: 609—18. [30] Gupta A, Baradaran H, Schweitzer AD, Kamel H, Pandya A, Delgado D, et al. Carotid plaque MRI and stroke risk: a systematic review and meta-analysis. Stroke 2013;44: 3071—7. [31] King A, Serena J, Bornstein NM, Markus HM, On behalf of the ACES Investigators. Does impaired cerebrovascular reactivity predict stroke risk in asymptomatic carotid stenosis: a prospective substudy of the asymptomatic carotid emboli study. Stroke 2011;42:1550—5. [32] Kakkos SK, Sabetai M, Tegos T, Stevens J, Thomas D, Griffin M, et al. Silent embolic infarcts on computed tomography brain scans and risk of ipsilateral hemispheric events in patients with asymptomatic internal carotid artery stenosis. J Vasc Surg 2009;49:902—9. [33] Nicolaides AN, Kakkos SK, Griffin M, Sabetai M, Dhanjil S, Tegos T, et al. Severity of asymptomatic carotid stenosis and risk of ipsilateral hemispheric ischaemic events: results from ACSRS. Eur J Vasc Endovasc Surg 2005;30: 275e84. [34] Wallaert JB, Cronenwett JL, Bertges DJ, Schanzer A, Nolan BW, De Martino R, et al. Optimal selection of asymptomatic patients for carotid endarterectomy based on predicted 5-year survival. J Vasc Surg 2013;58:112—8. [35] Keyhani S, Madden E, Cheng EM, Bravata DM, Halm E, Austin PC, et al. Risk prediction tools to improve patient selection for carotid endarterectomy among patients with asymptomatic carotid stenosis. JAMA Surg 2019, http://dx.doi.org/10.1001/jamasurg.2018.5119 [Article sous presse].

Pour citer cet article : Mas J-L. Faut-il revasculariser les sténoses carotides asymptomatiques ? Bull Acad Natl Med (2019), https://doi.org/10.1016/j.banm.2019.04.015

Modele + BANM-49; No. of Pages 7

ARTICLE IN PRESS

Faut-il revasculariser les sténoses carotides asymptomatiques ? [36] Gurm HS, Yadav JS, Fayad P, Katzen BT, Mishkel GJ, Bajwa TK, et al. Long-term results of carotid stenting versus endarterectomy in high-risk patients. NEJM 2008;358:1572—9. [37] Eckstein HH, Reiff T, Ringleb P, Jansen O, Mansmann U, Hacke W. SPACE-2 investigators. SPACE-2: a missed opportunity to compare carotid endarterectomy, carotid stenting, and best medical treatment in patients with asymptomatic carotid stenoses. Eur J Vasc Endovasc Surg 2016;51:761—5.

7 [38] Aboyans V, Ricco JB, Bartelink MEL, Björck M, Brodmann M, Cohnert T, et al. ESC Scientific Document Group. 2017 ESC guidelines on the diagnosis and treatment of peripheral arterial diseases, in collaboration with the European Society for Vascular Surgery (ESVS). Eur Heart J 2018;39:763—816.

Pour citer cet article : Mas J-L. Faut-il revasculariser les sténoses carotides asymptomatiques ? Bull Acad Natl Med (2019), https://doi.org/10.1016/j.banm.2019.04.015