Table ronde Les fentes labio-palatines
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www.sciencedirect.com Mots clés : Maladies rares, Centres de compétence, Centres de référence, Fentes labio-palatines, Réseau
Fentes labio-palatines : les Centres de Référence et de Compétence. Le principe du réseau de soins Reference Centers, Cleft Centers. Network of care E. Galliani, C. Bach, B. Vi-Fane, S. Soupre, I. Pavlov, C. Trichet-Zbinden, M.-F. Delerive-Taieb, J.-B. Leca, A. Picard, M.-P. Vazquez* Centre de référence des malformations rares de la face et de la cavité buccale. Service de chirurgie maxillo-faciale et plastique, AP-HP, Hôpital Trousseau, Paris, France
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e Plan Maladies Rares du ministère de la Santé a désigné de 2005 à 2007 les Centres de Références nationaux (CR), puis les Centres de Compétences régionaux (CC) dont les Centres des Fentes labio-palatines. Une maladie rare touche moins de 1 personne sur 2000 (fréquence), ou moins de 30 000 personnes par pathologie en France (prévalence). On dénombre environ 7000 maladies rares dont 80 % sont d’origine génétique. L’accès aux soins est souvent chaotique en raison de la segmentation médicale, de la méconnaissance de l’existence de centres spécialisés, d’une interface insuffisante ville-hôpital. Depuis 1999 des initiatives ont reçu des financements européens, comme la base de données Orphanet http://www.orpha.net ou Eurocat http://www.eurocat-network.eu. Les objectifs sont l’échange d’informations accessibles aux professionnels, aux malades, aux associations. Les missions des CR sont définies par le ministère : i) organiser la prise en charge et le suivi interdisciplinaire dans le cadre d’une filière de soins identifiée ; ii) guider les professionnels de santé participant à la prise en charge de proximité ; iii) participer à la surveillance épidémiologique, à l’animation de la recherche, à la mise en place de bonnes pratiques, en liaison avec les équipes nationales et internationales ; iv) s’engager dans une dynamique de coordination entre les CC ; v) être l’interlocuteur des autorités administratives et des associations de malades pour œuvrer à l’amélioration de la prise en charge et de la qualité de vie du malade. La fente labio-palatine est exemplaire de la nécessité de centres spécialisés multidisciplinaires, comme c’était déjà le cas en Europe du Nord, avec un réseau de soins de proximité identifié.
1. Les Centres de Fentes Labio-Palatines (FLP) ou le concept des « Cleft Centers » anglo-saxons Les FLP sont répertoriées dans la liste des maladies rares d’Orphanet pour l’Europe, dans le « Rare Diseases Office » aux USA, dans les textes du ministère de la santé britannique. Elles peuvent sembler « non rares » lorsque les formes cliniques sont regroupées, mais * Auteur correspondant. e-mail :
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sont un exemple de « maladies rares » à 2 titres : i) Elles ont une grande hétérogénéité clinique et peuvent être isolées ou associées à des centaines de syndromes. Les phénotypes (et génotypes) sont variés avec des incidences thérapeutiques spécifiques. Leur fréquence, toutes formes anatomiques et syndromiques confondues, est de 1 sur 1000 naissances en Europe, mais la répartition est la suivante : fentes labiales : 25 % soit 1 sur 4000 à 10 000 naissances ; fentes labio-palatines : 45-50 % soit 1 sur 2 000 à 5 000 naissances dont au moins 35 % de formes génétiques ; fentes vélo-palatines : 25-30 % soit 1 sur 3300 à 1 sur 10 000 naissances, dont au moins 20 % de formes génétiques. On considère que 70 % des FLP sont « non syndromiques ». Les 30 % de FLP syndromiques font partie de plus de 300 syndromes malformatifs (http://www.orpha.net). Le Syndrome de van der Woude (1 pour 30 000 naissances) est exemplaire des problèmes diagnostiques (phénotype, génotype) et thérapeutiques (hypoplasie osseuse et tissulaire, agénésies dentaires,) et donc de la nécessité d’un travail concerté entre spécialistes expérimentés regroupés en un centre fonctionnel unique. Les mutations intéressent le gène IRF6. Dans notre expérience, 11 % des enfants porteurs de FLP familiales non syndromiques ont aussi une mutation IRF6 et 4 % une mutation de MSX, d’où l’intérêt d’une recherche coordonnée et concertée entre les Centres ; ii) Les FLP nécessitent une expertise multidisciplinaire avec des professionnels tous au fait de la stratégie et du plan de traitement. L’enfant est pris en charge depuis la période anténatale, la naissance, jusqu’à la fin de la croissance sur les plans du diagnostic anténatal, de la néonatalogie, de la pédiatrie, de la génétique, de la chirurgie maxillo-faciale, de la chirurgie plastique, de l’orthodontie, de la pédodontie, de l’ORL, de l’orthophonie et de l’implantologie, ce qui constitue un effet multiplicateur des consultations et actes médico-chirurgicaux avec une permanence de la concertation multidisciplinaire pendant toute cette période. Les FLP sont décelables à l’échographie morphologique fœtale dès 20 semaines. Dans ce cas elles doivent être évaluées par un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal http://wwwcpdpn.com, avec en particulier l’avis d’un chirurgien maxillo-facial ou plasticien expert afin de déterminer précisément la forme anatomique, le syndrome, et le pronostic. À la naissance les FLP constituent un important préjudice fonctionnel, morphologique et esthétique mais parfois vital. Puis le chirurgien est le référent mais le parcours de soins est multidisciplinaire. Un enfant atteint d’une
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FLP bilatérale va cumuler en moyenne de la naissance à 18 ans : 5 à 8 interventions chirurgicales et 80 consultations dans les différentes spécialités ainsi que de nombreux actes spécialisés dans le domaine de l’orthodontie, la pédodontie, l’ORL et l’orthophonie. Dans le cas des formes syndromiques il y a l’intrication avec la prise en charge des autres anomalies. Les stratégies thérapeutiques retentissent sur la vie scolaire et socio-familiale. D’où la nécessité de centres de compétence des FLP et des réseaux de soins permettant un maillage national et une partie des soins au plus près du domicile, en lien avec le centre de prise en charge. Les acteurs au plus près du domicile sont les pédiatres, les orthodontistes, les pédodontistes, les ORL, les orthophonistes, les psychologues, les assistantes sociales. Ils doivent être informés de la prise en charge et doivent pouvoir joindre le centre à tout moment. Chaque centre de FLP doit organiser son propre réseau de proximité, les liens directs avec les professionnels du réseau, les formations. L’idéal est un site internet interactif et une ligne téléphonique dédiée. Le Plan Maladies Rares français a labellisé en 2007 2 Centres de Référence nationaux (CR) et 13 Centres de Compétence régionaux des FLP (CC). Les 2 CR coordonnent la surveillance épidémiologique (Logiciel CEMARA) en coopération avec Orphanet (www.orpha. net), les actions communes en particulier les plaquettes d’information, les formations et les activités de recherche clinique et fondamentale. Les CC ont été désignés sur l’importance de leur file active, la constitution de l’équipe, la contribution à la structuration de la filière de soins et la collaboration avec les partenaires locaux sanitaires, sociaux, institutionnels et associatifs. Une convention détaille les modalités de collaboration établies entre les CR et les CC. L’organisation se met progressivement en place. Les CR ont établi leur stratégie et constitué leurs réseaux de soins. Ils seront évalués à mi-parcours par une commission nationale ad hoc.
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Tous les CR et les CC se sont réunis la veille du congrès de l’AFFF (Association Francophone des Fentes Faciales) à Marseille en mars 2010 pour mettre en place la saisie épidémiologique nationale, la stratégie des bonnes pratiques et les collaborations de recherche. C’est une ère nouvelle qui s’ouvre dans l’organisation de la prise en charge des enfants porteurs de FLP, dans la pérennité du savoirfaire, dans la formation des professionnels, dans la recherche transnationale et internationale basée sur une épidémiologie et un phénotypage communs. Les réseaux de soins FLP permettront d’améliorer la qualité de vie de l’enfant dans tous ces aspects, éviteront des parcours chaotiques pour une pathologie dont le traitement multidisciplinaire et l’accompagnement s’échelonnent depuis la naissance jusqu’à la fin de la croissance.
2. Informations et références Les références et les textes administratifs peuvent être obtenus sur demande auprès de l’auteur. – Orphanet, http://www.orpha.net, est un serveur d’information sur les maladies rares. Son but est de contribuer à améliorer le diagnostic, la prise en charge et le traitement des maladies rares. Il est constitué d’une encyclopédie en ligne écrite par des experts et supervisée par un comité éditorial international, et d’un répertoire des services spécialisés à destination des malades et des professionnels. Ce répertoire inclut des informations sur les consultations, les laboratoires de diagnostic, les projets de recherche et les associations de malades. – http://www.plateforme-maladiesrares.org, http://www.alliancemaladies-rares.org, http://www.eurordis.org, http://www.institutmaladiesrares.net, http://www.maladiesraresinfo.org, http:// www.maladies-orphelines.fr