Fibrillation atriale : enjeux épidémiologiques, définition, nosologie, médico-économie

Fibrillation atriale : enjeux épidémiologiques, définition, nosologie, médico-économie

Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 58 (2009) S3–S5 Fibrillation atriale : enjeux épidémiologiques, définition, nosologie, médico-économie Atrial...

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Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 58 (2009) S3–S5

Fibrillation atriale : enjeux épidémiologiques, définition, nosologie, médico-économie Atrial fibrillation: epidemiologic stakes, definition, and economic aspects A. Da Costa*, C. Roméyer-Bouchard, L. Bisch, L. Khris, K. Isaaz Service de Cardiologie, Hôpital Nord, Centre Hospitalier Universitaire de Saint-Étienne, 42055 Saint-Étienne cedex 2, France

Résumé La fibrillation atriale (FA) représente l’arythmie la plus fréquemment rencontrée en pratique clinique. Cette arythmie est associée à une morbimortalité élevée plus particulièrement par accident vasculaire cérébral et insuffisance cardiaque. La connaissance des définitions, des enjeux épidémiologiques et de l’impact médico-économique de la FA fait partie intégrante de l’évaluation, et par conséquent de la prise en charge clinique et thérapeutique de ces patients. Au travers de cet article ces différents aspects ont été soulevés afin d’aider le clinicien à mieux comprendre cette arythmie de diagnostic généralement aisé mais de prise en charge thérapeutique souvent délicate et complexe. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Atrial Fibrillation (AFib) is the most common sustained cardiac arrhythmia and a major contributor to cardiovascular morbidity and mortality in the general population. Morbidity and mortality are essentially related to stroke and heart failure. Despite a long history of medical exploration of AFib, many aspects deserve to be considered including AFib definitions, epidemiologic stakes and economic burden posed by AFib. Such aspects are integral part of the evaluation, and accordingly both clinical and therapeutic AFib patients approach. Through this article these various aspects were raised in order to help the clinician to better understand this arrhythmia which is generally easy to identify but often delicate and complex to treat. © 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Mots clés : Fibrillation atriale ; Arythmie supraventriculaire ; Définition ; Épidémiologie ; Coûts Keywords: Atrial fibrillation; Atrial arrhythmias; Definition; Epidemiology; Costs

1. Définitions La fibrillation atriale (FA) est une arythmie supraventriculaire caractérisée par une activité électrique atriale anarchique et chaotique avec pour principale conséquence une altération de la fonction mécanique des oreillettes [1]. Sur l’électrocardiogramme (ECG), la FA est caractérisée par l’absence d’onde P qui est remplacée par des oscillations électriques rapides ou ondes de fibrillations qui varient en amplitude, en forme et en cycles [1,2]. Il s’y associe une activité ventriculaire irrégulière, généralement rapide en présence d’une conduction auriculoventriculaire (AV) normale [1-3]. La réponse ventriculaire va dépendre des pro-

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected]

© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

priétés électrophysiologiques du nœud AV, mais aussi du tonus sympathique et parasympathique, ainsi que de l’existence ou non d’une voie accessoire ou de l’action des médicaments utilisés [1-4]. Il est possible en présence d’un bloc AV d’observer des cycles réguliers au cours d’une FA mais le cycle ventriculaire sera dans ce cas plus lent. Chez les patients avec pacemakers, l’observation de la FA nécessite dans certains cas l’inhibition ou le ralentissement de la stimulation ventriculaire afin de faciliter la vision des ondes F de fibrillation atriale. Un rythme rapide et irrégulier avec complexes larges est toujours possible en présence d’une FA suggérant un bloc de branche fonctionnel ou moins fréquemment une pré-excitation ventriculaire [1-4].

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2. Classification Plusieurs types de classifications ont été proposés pour définir une FA, certaines basées sur l’ECG et d’autres sur des systèmes d’enregistrement endocardique ou épicardique. Un consensus basé sur sa simplicité et le seul aspect clinique a été en définitive retenu [4-7]. Ainsi, un clinicien pourra retenir comme étant un premier épisode de FA, une FA symptomatique ou non, quelle que soit sa durée. Lorsqu’un patient présentera 2 ou plus épisodes de FA, la FA sera considérée comme récidivante. Si l’arythmie cède spontanément, la FA sera définie comme paroxystique, si elle persiste au-delà de 7 jours la FA sera considérée comme persistante [6,7]. L’arrêt de la FA par des thérapeutiques médicamenteuses ou par cardioversion électrique ne modifie pas ces définitions. Un premier épisode de FA peut-être paroxystique ou persistant. Le terme « persistant » doit être étendu aux FA permanentes même au-delà de 1þan pour lesquelles une cardioversion a été tentée ou a échoué. La durée qui caractérise une FA a été fixée arbitrairement à 30 secondes [4,6,7]. Une FA est considérée comme secondaire lorsqu’elle survient dans un contexte d’infarctus du myocarde, de chirurgie cardiaque, de péricardite, de myocardite, d’embolie pulmonaire, d’hyperthyroïdie, de pneumopathie ou de pathologie pulmonaire aiguë. Généralement, la FA n’est pas ici le problème principal et le traitement ciblé de la cause permet l’arrêt et le traitement définitif de la FA. Le terme de FA isolée est à considérer pour les patients de moins de 60þans sans cause évidente clinique ou échocardiographique incluant notamment les causes cardio-pulmonaires et l’hypertension [8]. Ces patients ont généralement un pronostic favorable. Enfin, le terme de FA non valvulaire est à réserver au patient pour lesquels la FA survient en l’absence de pathologie cardiaque post-rhumatismale, de valves cardiaques ou de chirurgie mitrale de réparation [4-8].

3. Enjeux épidémiologiques La fibrillation atriale représente l’arythmie la plus fréquemment rencontrée en pratique clinique ce qui doit représenter environ un tiers des hospitalisations pour troubles rythmiques [4,9]. L’incidence de la FA a été largement étudiée dans les pays occidentaux, et toucherait 2,2 millions de personnes en Amérique du Nord et 4,5 millions de personnes en Europe [1,4,9]. La prévalence de la FA est ainsi estimée à 1 % de la population générale [1]. L’âge médian de survenue est estimé à 75 ans, et approximativement 70 % des FA surviennent entre 65 et 75 ans. L’incidence de la FA double pour chaque tranche d’âge de 10 ans, représentant 2 à 3 nouveaux cas par an pour 1 000 habitants entre 55 et 64þans et 35 nouveaux cas par an pour 1000 habitants entre 84 et 94 ans [1]. L’étude de Rotterdam rapporte des données similaires à l’étude de Framingham [10,11]. Ainsi, au cours des 20 dernières années, le pourcentage d’hospitalisations

pour FA a augmenté de 66 % ce qui est principalement lié au vieillissement de la population, à l’augmentation des maladies cardiaques et à l’amélioration des outils de diagnostic des arythmies [40,11]. La répartition hommes et femmes est considérée comme égale mais après 75 ans les données changent sensiblement avec 60 % des patients avec FA qui seront des femmes. Les données raciales sont moins étudiées mais il semblerait que les sujets de race noire seraient moins exposés au risque de FA.

4. Médico-économie Il a été démontré dans de nombreuses études que la FA est à considérer comme un facteur de risque indépendant de décès avec un risque relatif estimé à 1,5 pour les hommes et 1.9 pour les femmes après ajustement aux autres facteurs de risque [10,11]. Le risque de décès serait principalement lié au risque d’accident vasculaire cérébral et au risque d’insuffisance cardiaque [10,11]. La FA représente par conséquent un problème économique important avec au premier plan les hospitalisations (52 %), puis l’utilisation des médicaments (23 %), les consultations (9 %), les moyens d’investigations (8 %), la perte d’emploi et enfin les procédures médicales (2 %). Le coût global annuel par patient et par an a été estimé à près de 3 000 euros en moyenne, ce qui représenterait par exemple en Europe un coût de 13 billions [13]. Par conséquent, l’impact médico-économique de la FA est à situer dans le contexte d’une population de plus en plus âgée ainsi que de contraintes financières publiques très importantes. À titre d’exemple les coûts de la prise en charge de la FA ont été étudiés dans une étude récente européenne, the « European Heart Survey on AFib » [12]. Une estimation annuelle des coûts de prise en charge a été réalisée dans 35þpays européens. Le coût moyen de prise en charge d’un patient avec FA oscillait entre 2000 et 2 500 euros par an, les soins hospitaliers et les procédures invasives représentant plus de 70 % du coût total [12]. Une première étude avait été réalisée en Europe (COCAF study), le coût moyen annuel était de 3 209 euros par patient en France [13]. En définitive, les ressources misent à la disposition du prescripteur sont bien évidemment corrélées au coût de la prise en charge, mais le but final est probablement la diminution de la morbidité chez ces patients. La difficulté dans cette pathologie reste la prise en charge thérapeutique qui sera abordée dans d’autres chapitres de cette revue de la littérature et l’évaluation médico-économique sur le long terme sur une pathologie complexe et évolutive.

5. Conclusion La fibrillation atriale est l’arythmie la plus fréquemment rencontrée en pratique clinique. Elle touche environ 1 % de la population générale et est associée à un risque d’accident vasculaire cérébral et d’insuffisance cardiaque d’où une

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morbimortalité élevée. Le diagnostic est généralement aisé et contraste avec une prise en charge thérapeutique difficile. Les coûts de la prise en charge de cette pathologie sont en croissance et devront probablement être intégrés dans le choix des options thérapeutiques. Le challenge des années futures sera de savoir si un traitement curatif est possible pour diminuer le risque d’insuffisance cardiaque, d’accident vasculaire et réduire ainsi la mortalité globale.

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Conflit d’intérêts : A. Da Costa, C. Roméyer-Bouchard, L. Bisch, L. Khris, K. Isaaz : aucun.

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