Fibrosarcome infantile simulant un hémangiome type rapidly involuting congenital hemangioma (RICH)

Fibrosarcome infantile simulant un hémangiome type rapidly involuting congenital hemangioma (RICH)

Annales de dermatologie et de vénéréologie (2008) 135, 53—57 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com CAS CLINIQUE Fibrosarcome infantile simu...

937KB Sizes 0 Downloads 31 Views

Annales de dermatologie et de vénéréologie (2008) 135, 53—57

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

CAS CLINIQUE

Fibrosarcome infantile simulant un hémangiome type rapidly involuting congenital hemangioma (RICH) Infantile fibrosarcoma mimicking rapidly involuting congenital haemangioma (RICH) M. Cissé a,∗, L. Machet b, A. Le Touze c, M.C. Machet d, O. Lejars e, G. Lorette b a

Dermatologie-MST, CHU de Donka, B.P. 5845 Conakry, Guinée Dermatologie, CHRU Trousseau, 37044 Tours cedex 9, France c Service de chirurgie infantile, CHRU Clocheville, 37044 Tours cedex 9, France d Service d’anatomopathologie, CHRU Trousseau, 37044 Tours cedex 9, France e Service d’oncologie pédiatrique, CHRU Clocheville, 37044 Tours cedex 9, France b

Rec ¸u le 1 d´ ecembre 2006 ; accepté le 12 janvier 2007 Disponible sur Internet le 18 janvier 2008

MOTS CLÉS Fibrosarcome infantile ; Hémangiome congénital type RICH



Résumé Introduction. — Les hémangiomes sont fréquents mais un aspect ou une évolution inhabituels doivent alerter le clinicien. Les hémangiomes congénitaux, en particulier, l’hémangiome congénital de régression rapide (rapidly involuting congenital hemangioma [RICH]) peuvent comporter un risque d’erreur de diagnostic avec des tumeurs malignes congénitales comme le fibrosarcome infantile (encore appelé fibrosarcome congénital infantile). Dans ce cas, le diagnostic histologique peut rester hésitant comme dans le cas rapporté. Observation. — Un nouveau-né avait, à la naissance, une lésion angiomateuse de la plante du pied gauche, considérée initialement comme un hémangiome congénital. L’examen anatomopathologique concluait à un hémangiome immature infantile très remanié. Après l’intervention chirurgicale, la tumeur augmentait de taille en huit semaines. Une relecture des lames histologiques conduisait au diagnostic de fibrosarcome infantile. Ce diagnostic a été confirmé par la présence d’une translocation spécifique du fibrosarcome infantile (ETV6/NTRK3).

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Cissé).

0151-9638/$ — see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annder.2007.01.002

54

M. Cissé et al. Conclusion. — Il existe un risque d’erreur de diagnostic chez un nouveau-né entre une tumeur angiomateuse de RICH et les tumeurs malignes congénitales (en particulier le fibrosarcome infantile). Le clinicien doit être attentif vis-à-vis de ce type de lésion et mettre en œuvre les moyens diagnostiques nécessaires. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Infantile fibrosarcoma; RICH congenital haemangioma

Summary Background. — While haemangioma is common, an unusual appearance or course should alert the clinician’s concern. Congenital haemangioma, particularly rapidly involuting congenital haemangioma (RICH), may carry a risk of misdiagnosis as congenital malignant tumours such as infantile fibrosarcoma (also known as congenital infantile fibrosarcoma). In this case, histological diagnosis may prove inconclusive, as in the case reported herein. Patients and methods. — At birth, a newborn baby presented angiomatous lesions on the sole of the left foot that was initially considered as congenital haemangioma. Histopathological examination suggested highly remodelled immature infantile haemangioma. After surgery, the tumour increased in size within eight weeks. Reanalysis of the histology slides resulted in a diagnosis of infantile fibrosarcoma. This diagnosis was confirmed by the presence of a specific translocation seen in infantile fibrosarcoma (ETV6/NTRK3). Conclusion. — There is a risk of erroneous diagnosis in newborn infants between angiomatous tumour in RICH and malignant congenital tumours (particularly infantile fibrosarcoma). Clinicians should be attentive for this type of lesion and take all necessary diagnostic measures. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Les proliférations vasculaires infantiles sont fréquentes. Souvent, elles ne nécessitent pas de traitement mais dans certains cas, il faut savoir s’inquiéter sur l’aspect ou l’évolution. Les hémangiomes congénitaux, en particulier, l’hémangiome congénital de régression rapide (rapidly involuting congenital hemangioma [RICH]) peut poser un problème de diagnostic différentiel avec des tumeurs malignes congénitales comme la forme congénitale du fibrosarcome infantile (FSI). Le fibrosarcome infantile est une tumeur rare de l’enfant, survenant surtout les cinq premières années de vie [1]. Il représente 9,5 % du total des cancers congénitaux et 3 % de l’ensemble des tumeurs de l’enfant. La localisation aux extrémités est la plus fréquente, surtout aux membres inférieurs [1,2]. Nous rapportons une observation qui montre les difficultés diagnostiques qui peuvent exister entre RICH et FSI.

Observation Un nouveau-né avait, à la naissance, une lésion angiomateuse de la plante du pied gauche, considérée initialement comme un hémangiome congénital. La grossesse avait été normale et l’échographie anténatale sans particularité. Il était né à terme (poids 3,080 kg, taille 50 cm, périmètre crânien 32 cm). En raison de son caractère érosif, la tumeur était traitée à deux reprises par laser à colorant pulsé. Après ce traitement, une ulcération avec saignement apparaissait entraînant une consultation en urgence et une transfusion. Compte tenu de la progression de la tumeur, une exérèse partielle était réalisée. L’examen anatomopathologique montrait macroscopiquement une pièce mesurant 5 × 4,5 × 4 cm3 et pesant 40 g, d’aspect polyploïde,

partiellement recouverte par l’épiderme. À la coupe, le tissu apparaissait un peu blanc rougeâtre et mou. Microscopiquement, il s’agissait d’une lésion hétérogène. En surface, existaient une large ulcération, des plages hémorragiques ou nécrotiques et un aspect angiomateux. En profondeur, apparaissait une prolifération cellulaire ovoïde ou fusiforme dense, mêlée par places à des cavités vasculaires plus ou moins bien constituées. Dans les territoires les plus profonds, qui étaient les plus denses, la prolifération cellulaire était fusiforme, disposée en faisceaux allongés, entrecroisés, « en bancs de poissons ». L’activité mitotique était forte. La prolifération cellulaire s’étendait jusqu’aux limites de la résection chirurgicale latéralement et en profondeur. La coloration de Perls était négative. La prolifération n’exprimait pas les marqueurs épithéliaux (KL1, EMA) ou mélaniques (HMB45, PS100), ni certains marqueurs conjonctifs (actine muscle lisse, desmine, caldesmone). L’anti-CD45 montrait la présence de nombreuses cellules inflammatoires intriquées à la prolifération cellulaire. Les marqueurs vasculaires étaient d’interprétation plus délicate : le Glut1 n’était pas exprimé, le CD34 était exprimé focalement par les cellules fusiformes et le CD31 marquait de nombreuses cellules à la fois fusiformes et ovoïdes ou arrondies et des cavités capillaires. Malgré l’aspect dense de la population cellulaire et la présence prédominante des marqueurs vasculaires, il était conclu à un hémangiome immature très remanié. Après l’intervention, la tumeur reprenait sa taille initiale en huit semaines avec un aspect plus proliférant (Fig. 1). Devant cette évolution particulière, le diagnostic était discuté et une relecture des lames conduisait au diagnostic de fibrosarcome infantile (Fig. 2—4). La forte densité cellulaire, le nombre important de mitoses et le caractère extensif de la nécrose étaient en faveur de la malignité. L’interprétation du CD31 était

Fibrosarcome infantile simulant un hémangiome type rapidly involuting congenital hemangioma (RICH)

Figure 1.

Aspect clinique. Figure 4. mitoses.

Figure 2.

55

En surface, lésion d’allure angiomateuse ulcérée.

discutable : les cellules marquées correspondant plus vraisemblablement aux nombreux éléments inflammatoires notamment histiocytaires macrophagiques intriqués à la prolifération cellulaire. Un fragment de la lésion ayant été

Prolifération cellulaire fusiforme dense avec atypies et

congelé et conservé à −80 ◦ C, le diagnostic de fibrosarcome infantile pouvait être confirmé par la mise en évidence des anomalies cytogénétiques des fibrosarcomes infantiles (présence de la translocation spécifique de fibrosarcome congénital infantile ETV6/NTRK3). Un bilan d’extension comprenant échographie abdominopelvienne, scanner thoracique et écho-doppler de la jambe, était sans particularité. L’IRM du pied montrait une lésion de 65 mm d’axe antéropostérieur, 53 mm de largeur et 52 mm de hauteur sans lyse osseuse au contact. Après plusieurs réunions multidisciplinaires, une exérèse aussi complète que possible était proposée. Une chimiothérapie néoadjuvante était instaurée associant vincristine 0,03 mg/kg à j1, j8, j15 et actinomycine 30 ␮g/kg à j1 et j15 pour quatre cycles afin de minimiser la toxicité secondaire. L’IRM de contrôle montrait une réduction tumorale, puisque la tumeur ne mesurait plus que de 36 mm de largeur sur 30 mm de hauteur. En raison de la chimiosensibilité de la tumeur, mais d’une réponse partielle, deux autres cycles de chimiothérapie type vincristine 0,05 mg/kg, actinomycine 30 ␮g/kg et ciclophosphamide 50 mg/kg (VAC) étaient réalisés. Puis, le relais était pris par vincristine—actinomycine. Un an après la naissance, l’enfant avait rec ¸u 18 cures de chimiothérapie, il avait un développement staturopondéral normal et pouvait marcher. L’examen cardiopulmonaire et abdominal était normal et les aires ganglionnaires étaient libres. L’examen local montrait une disparition de la tumeur avec une cicatrice rétractile mesurant 2 cm de diamètre.

Commentaires

Figure 3. Territoire riche en cavités vasculaires remplies d’hématies.

Le diagnostic retenu a été celui de fibrosarcome infantile, mais l’aspect clinique et l’examen histologique ont fait d’abord discuter une prolifération vasculaire congénitale de type RICH. Les hémangiomes infantiles sont les tumeurs les plus fréquentes de l’enfant, survenant chez environ 10 % d’entre eux. Ils sont encore plus fréquents chez les prématurés [3] et sont en général acquis après quelques jours de vie.

56 Les tumeurs vasculaires du nouveau-né et du nourrisson ont longtemps été étiquetées du seul terme d’« hémangiome » (les anatomopathologistes parlant d’hémangiome capillaire, cellulaire ou lobulé). Les dix dernières années ont vu se préciser des différences cliniques, évolutives, anatomopathologiques et immunohistochimiques qui permettent aujourd’hui d’en distinguer plusieurs types. Cette reconnaissance a pour principal intérêt de pouvoir offrir aux parents un pronostic plus précis [3], mais comporte encore des incertitudes. Ainsi, on distingue les hémangiomes infantiles habituels débutant dans les premières semaines de vie, caractérisés par une évolution stéréotypée en trois phases : prolifération, stabilisation puis régression ; ils ont un marquage spécifique Glut1. Les hémangiomes congénitaux, donc par définition présents dès la naissance, sont plus rares. Les hémangiomes congénitaux se subdivisent en deux types : hémangiome congénital de régression rapide en quelques mois (RICH) et hémangiome congénital non involutif (non involuting congenital hemangioma [NICH]). Le RICH est pleinement développé à la naissance, la croissance ayant lieu durant la vie intra-utérine ; il n’y a pas de prédominance féminine contrairement à l’hémangiome infantile. L’aspect est tumoral, parfois inquiétant. Le RICH ne subit aucune poussée après la naissance, au contraire, il régresse en quelques mois [3]. Il est difficile de différencier cliniquement les hémangiomes congénitaux (RICH et NICH) des hémangiomes infantiles habituels. À l’écho-doppler, on trouve des lésions à flux rapide avant la régression pour le RICH et des vaisseaux plus nombreux et volumineux, à caractère veineux, dont le nombre croît et qui seuls persistent en phase de résorption [3,4]. L’IRM est identique sur des séquences pondérées en T1. Sur les séquences en T2, la tumeur est en hypersignal [5]. Les vaisseaux à flux rapides sont souvent plus nombreux dans certains RICH à la naissance ; l’inexistence d’une ulcération centrale peut être responsable d’hémorragies. Le principal élément de diagnostic différentiel entre hémangiomes infantiles et congénitaux est l’immunoréactivité pour le Glut1. Ce dernier est un marqueur des hémangiomes infantiles, acquis habituels dans tous les cas. Le marquage est négatif dans les hémangiomes congénitaux [6]. Sur le plan histologique, le RICH est très lobulaire. Une fibrose dense et annulaire peut enserrer les lobules qui sont faits de vaisseaux de divers calibres, de lymphatiques et contenant des thrombus et des dépôts d’hémosidérine, ce qui est rare dans les hémangiomes infantiles. Les cellules endothéliales peuvent être modérément turgescentes, des lobules de larges veines dysplasiques sont observés. Leur nombre s’accroît en phase tardive de régression [3]. L’immunomarquage montre des cellules CD34+ et actine+ au sein des lobules. Le diagnostic entre le RICH et les tumeurs malignes congénitales (rhabdomyosarcome embryonnaire, rhabdomyosarcome, le fibrosarcome infantile) peut être difficile. Le diagnostic finalement retenu dans notre observation a été le fibrosarcome infantile sur des arguments cliniques, évolutifs, histologiques, avec une confirmation cytogénétique par la mise en évidence de la translocation spécifique du FSI. Le fibrosarcome infantile est habituellement évoqué chez l’enfant devant

M. Cissé et al. un nodule hypodermique touchant les membres inférieurs, mais pouvant être ubiquitaire, bien limité, indolore, mobile, ferme, voire dur ou parfois ramolli. L’évolution se fait progressivement vers une augmentation rapide de taille, une tumeur saillante, en placard mamelonné et bosselé, recouvert d’un tégument aminci, bleu violacé, de consistance variable, ferme, mais remanié par la nécrose ou une hémorragie [7]. Histologiquement, il s’agit d’une prolifération de cellules fusiformes, ou « arête de poisson », atypiques en faisceaux tourbillonnant avec de nombreuses mitoses, un collagène peu abondant, une prolifération vasculaire importante avec des lacunes vasculaires sans endothélium. La tumeur a une tendance destructrice vis-à-vis des tissus sains périphériques et une grande rapidité d’évolution ; une hémorragie peut être fatale. Des métastases pulmonaires et parfois ganglionnaires peuvent survenir. Pour un clinicien, l’aspect clinique est différent d’un hémangiome habituel mais non d’un RICH, ce qui ne permet pas d’emblée d’affirmer la malignité. Au moindre doute, la biopsie ou l’exérèse sont indispensables mais ne permettent pas toujours le diagnostic d’emblée. La cytogénétique permet de confirmer le diagnostic en mettant en évidence la translocation spécifique du fibrosarcome congénital infantile (ETV6/NTRK3) [8]. Le traitement consiste classiquement en l’exérèse chirurgicale complète avec souvent une amputation [10] associée à une chimiothérapie. Cette nécessité d’une exérèse large, donc d’une amputation dans le cas présenté, a été discutée lors de plusieurs réunions multidisciplinaires et il a été conclu que l’amputation pouvait être évitée. Une récidive locale survient dans 17 à 40 % des cas dans les cinq premières années. La fréquence des métastases dépend de la localisation primitive : la mortalité est de 8 % quand la tumeur siège aux extrémités contre 25 % si le siège est céphalique [9]. Le fibrosarcome infantile est une tumeur localement agressive dont le pronostic est globalement mauvais, mais le potentiel métastatique est variable. Dans notre cas, l’exérèse a été la plus large possible sans recourir cependant à l’amputation du pied lors de la seconde intervention. Une bonne réponse à la chimiothérapie a été observée.

Références [1] McArville MB, Kaste SC, Pappo AJ. Soft-tissue malignancies in infancy. AJR 1999;173:973—7. [2] Soule EH, Pritchard DJ. Fibrosarcoma in infants and children: a review of 110 cases. Cancer 1977;40:1711—21. [3] Enjolras O. Hémangiomes congénitaux. Ann Dermatol Venereol 2003;130:367—71. [4] Boon LM, Enjolras O, Mulliken JB. Congenital hemangioma: evidence for accelerated involution. J Pediatr 1996;128:329—35. [5] Rogers M, Lam A, Fischer G. Sonographic findings in a series of rapidly involuting congenital hemangioma (RICH). Pediatr Dermatol 2002;19:5—11. [6] North PE, Waner M, James CA, Mizeracki A, Frieden IJ, Mihm Jr MC. Congenital nonprogressive hemangioma: a distinct clinicopathologic entity unlike infantile hemangioma. Arch Dermatol 2001;137:1607—20. [7] Muzaffar AR, Friedrich JB, Lu KK, Hanel DP. Infantile fibrosarcoma of the hand associated with coagulopathy. Plast Reconstr Surg 2006;15(11):81e—6e.

Fibrosarcome infantile simulant un hémangiome type rapidly involuting congenital hemangioma (RICH) [8] Sachdev R, Singhal N, Mandal AK. Congenital fibrosarcoma of the upper extremity. A case report and review of literature. Indian J Pathol Microbiol 2005;48:474—6. [9] Yan AC, Chamlin SL, Liang MG, Hoffman B, Attiyeh EF, Chang B, et al. Congenital infantile fibrosarcoma: a masquerader of ulcerated hemangioma. Pediatr Dermatol 2006;23:330—4.

57

[10] Parra Gordo ML, Soleto Roncero MJ, Terriza Rueda MD, Marcuello Olona P, Marino Espuelas JM, Castano Pascual A. Fibrosarcoma congenito de pared toracica. An Pediatr (Barc) 2004;61:565—7.