Compte rendu de congrès / Annales d’Endocrinologie 71 (2010) 30–37
Flore intestinale et maladies métaboliques D’après les conférences de R. Burcelin. Congrès de l’Alfediam, Strasbourg 17–20 mars 2009 O. Hautier Nantes (Pr B. Charbonnel) L’étude de la flore intestinale a fait l’objet d’un nouvel intérêt récemment, notamment en ce qui concerne les maladies métaboliques. Plusieurs études suggèrent que l’obésité est associée à une modification de cette flore intestinale. La flore intestinale, dont le rôle est incomplètement connu, intervient dans de nombreux mécanismes, tels que le métabolisme glucidique et des acides aminés, la synthèse de vitamines et la biotransformation de xénobiotiques. Composée de près de 500 espèces microbiennes, la flore intestinale est acquise dès les premières heures de vie, héritée de la flore maternelle, se stabilisant dans les deux premières années, puis restant stable durant le reste de la vie. Il existe une variabilité interindividuelle manifeste constituant une sorte de carte d’identité propre. Cette colonisation module un état immuno-inflammatoire stable, participant à la maturation du système digestif, mais aussi, à l’inverse, cet état module la composition de la flore intestinale. Il semble donc y avoir un état symbiotique entre la flore intestinale et les espèces bactériennes hôtes aboutissant à un état d’équilibre étroit. Il existe deux espèces bactériennes prédominantes et coexistantes dans l’intestin : les Bacteroides et les Firmicutes. Chez le patient obèse, il existe une modification du rapport Bacteroides/Firmicutes en faveur des Firmicutes. De récentes études ont montré la modification de la flore intestinale avec augmentation de Bacteroides chez l’obèse après un régime pauvre en graisses ou pauvre en glucides amenant à une perte de poids [1]. Des modèles de souris génétiquement obèses (ob/ob) ont une proportion plus élevée de Firmicutes et une baisse des Bacteroides [2]. Ceci sous-entend qu’une modification de l’alimentation entraîne une modification de l’équilibre de la flore intestinale. À partir de ces études, deux hypothèses peuvent être émises pour expliquer ces modifications métaboliques : – l’augmentation de la transformation de l’énergie ingérée non digestible en substrat digestible favorisant l’obésité ; – l’induction d’une inflammation métabolique favorisant l’insulinorésistance et le développement du tissu adipeux. Hypothèse de l’efficacité énergétique.– Cette hypothèse serait expliquée par une plus grande capacité à récupérer l’énergie fournie par les produits de dégradation, non assimilables de manière habituelle par l’hôte, des nutriments ingérés. Des acides gras volatiles – le butyrate, le propionate – sont produits de manière plus importante par la flore intestinale des souris obèses. Ces molécules sont également des activateurs moléculaires. Ainsi, elles favorisent le stockage des graisses dans l’adipocyte via l’inhibition de FIAF (fasting-induced adipocyte factor), un inhibiteur de la lipoprotéine lipase. Des souris axéniques ne développent ni obésité ni augmentation de la stéatose hépatique, mais prennent du poids si on leur transfère une flore issue de souris obèses [3]. Donc, il semblerait que la flore intestinale et son génome interviennent dans le stockage énergétique de l’hôte. Hypothèse de l’inflammation métabolique.– Diabète et obésité semblent associés à un processus inflammatoire chronique et latent, ayant des conséquences en termes d’insulinorésistance. Chez des modèles animaux de souris nourries par un régime hyperlipidique, il a été constaté que de nombreux tissus (tissu adipeux, foie) sont le siège d’une production de cytokines inflammatoires (TNF-␣, IL-1, IL-6). Ces dernières bloquent la signalisation de l’insuline, favorisant une insulinorésistance hépatique avec une stéatose et périphérique avec une diminution du transport du glucose [4,5]. En ce qui concerne l’adipocyte, ces molécules participent à la plasticité du tissu adipeux en favorisant le recrutement de précurseurs adipocytaires et angiogéniques. Cette endotoxinémie métabolique, à l’origine du processus inflammatoire, est augmentée chez les souris nourries par un régime hyperlipidique. Une autre hypothèse actuellement proposée est que le LPS (lipopolysaccharide bactérien), une molécule inflammatoire naturellement absorbée par l’intestin, intervienne dans ce phénomène inflammatoire [6]. Le LPS est produit par les bactéries de la flore intestinale et peut transloquer à travers l’épithélium intestinal pour être transporté par les lipoprotéines jusqu’aux organes cibles où il induit l’inflammation. En effet, le LPS active la production de cytokines, en se fixant sur le complexe CD14/TLR4/MD2.
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En réponse à une perfusion de LPS, les souris développent une insulinorésistance hépatique, une intolérance au glucose, une prise de poids. Chez l’homme également, le LPS est augmenté uniquement chez les patients ayant un régime gras [6]. Lorsqu’une antibiothérapie est administrée à des souris obèses et diabétiques, on constate une amélioration de l’équilibre glycémique. Rôle de la flore intestinale sur le système immunitaire et conséquences sur l’inflammation.– La flore intestinale a un rôle dans la maturation du système immunitaire, amenant à une meilleure tolérance face aux agents pathogènes. Certaines cellules immunitaires sont impliquées dans la stabilisation de la prolifération de certaines bactéries par sécrétion de peptides (défensines, lectines, lysosymes, phosphodi-esterases. . .). On pourrait penser qu’un déséquilibre dans cette réaction immunitaire induirait une exacerbation du phénomène inflammatoire. Ainsi, une réaction inflammatoire intestinale adaptée ne serait-elle pas essentielle à la réduction de survenue du diabète de type 1 (la délétion du gène MyD88 essentiel à la réaction inflammatoire diminue l’incidence du diabète de type 1). A contrario, l’absence de flore intestinale augmente l’incidence du diabète de type 1, ce qui montre son rôle de minimisation des phénomènes d’auto-immunité [7,8,9]. Conclusion.– La composition de la flore intestinale semble être dictée par des mécanismes environnementaux et génétiques propres à chaque individu. L’état d’équilibre entre flore intestinale et l’hôte module la réaction inflammatoire intestinale par des phénomènes locaux décrits et oriente le profil métabolique des individus. L’ensemble des conséquences (développement du tissu adipeux, insulinorésistance, lipogenèse hépatique) semble découler de cette réponse immuno-inflammatoire. L’étude de ces mécanismes est déterminante afin de comprendre l’apparition de ces maladies métaboliques. Cette étape serait le rationnel d’une approche thérapeutique visant à moduler la composition de la flore par des facteurs alimentaires tels que les prébiotiques et probiotiques. Références [1] Ley RE et al. Obesity alters gut microbial ecology. Proc Natl Acad Sci U S A 2005;102:11070–5. [2] Ley RE et al. Microbial ecology: human gut microbes associated with obesity. Nature 2006;444:1022–3. [3] Bäckhed et al. The gut microbiota as an environmental factor that regulates fat storage. Proc Natl Acad Sci U S A 2004;101:15718–23. [4] Hotamisligil GS et al. Adipose expression of tumor necrosis factor-alpha: direct role in obesity-linked insulin resistance. Science 1993;259:87–91. [5] Weisberg SP et al. Obesity is associated with macrophage accumulation in adipose tissue. J Clin Invest 2003;112:1796–808. [6] Cani PD et al. Metabolic endotoxemia initiates obesity and insulin resistance. Diabetes 2007;56:1761–72. [7] Sweet MJ, Hume DA. Endotoxin signal transduction in macrophages. J Leukoc Biol 1996;60:8–26. [8] Sansonetti PJ, Di Santo JP. Debugging how bacteria manipulate the immune response. Immunity 2007;26:149–61. [9] Wen L et al. Innate immunity and intestinal microbiota in the development of Type 1 diabetes. Nature 2008;455:1109–13. doi:10.1016/j.ando.2009.10.005
Paragangliomes : définition, évaluation clinique et génétique D’après les conférences de C. Cardot-Bauters et A.P. Gimenez-Roqueplo. 25e Congrès de la Société franc¸aise d’endocrinologie, Lille, 1–4 octobre 2008 I. Benoit Nantes (Pr B. Charbonnel) Introduction/définition.– Les paragangliomes (PGL) et les phéochromocytomes sont des tumeurs rares dont la prévalence est de 1/10 000. En 2004, l’OMS a défini les PGL comme des tumeurs développées aux dépens du tissu chromaffine extrasurrénal du système nerveux sympathique ou parasympathique et réservait le terme de phéochromocytome aux PGL fonctionnels de la médullosurrénale [1]. Les PGL sont génétiquement déterminés dans 20 à 30 % des cas. Ils surviennent alors plus précocement, sont plus souvent multifocaux, récidivants et malins