Revue de chirurgie orthopédique 2006, 92, 602-605
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FAIT CLINIQUE
Fracture de la vis cervicale d’une vis-plaque à glissement À propos d’un cas à 1,5 an de recul Screw fracture after sliding hip screw fixation of an intertrochanteric fracture O. Manicom, M. Karoubi, M. Mseddi, A. Demoura, P. Hernigou Service de Chirurgie Orthopédique, Hôpital Henri-Mondor, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil.
ABSTRACT Although no cases have been reported to date, fracture of a sliding hip screw on a screw-plate fixation is a real entity since material watch registries have revealed two non-published cases. We report an illustrative case. A 67-year-old man was hospitalized for a right intertrochanteric fracture. The patient was treated with a sliding hip screw plate fixation (short cannon, 105 mm screw). On the eighth postoperative day, fracture impaction was present with complete loss of impaction reserve associated with secondary discrete divergence in the cannon-screw alignment. Weight-bearing was postponed until the 45th postoperative day. At three months, bone healing had not been achieved. A clear image was also visible at the plate end of the cannon. The patient complained of persistent pain but there were no signs of infection. At the fifth month, the patient fell from the standing position and standard x-rays visualized the nonunion of the intertrochanteric fracture plus a infratrochaneric diaphyseal fracture line in addition to a fracture of the sliding hip screw. The plate screws were intact. The patient underwent revision osteosynthesis with a Medoff plate. Fracture of a sliding hip screw is a rare event. In the present case, the mechanism involved an insufficient impaction reserve and use of a short cannon. Treatment requires extraction of the distal fragment of the screw and a new cemented osteosynthesis. Key words: Sliding hip screw, screw fracture, hip.
RÉSUMÉ Cette étude rapporte un cas de fracture de vis cervicale survenue sur une vis-plaque à glissement. L’indication de cette vis-plaque à glissement avait été une fracture per-trochantérienne. Compte tenu de la rareté de cet événement (aucun cas à notre connaissance rapporté jusqu’ici dans la littérature), les auteurs discutent le mécanisme de survenue de la fracture de la vis cervicale (insuffisance de la réserve d’impaction et utilisation d’un canon court), ainsi que le traitement de cet événement. La thérapeutique a été l’extraction du fragment de vis distale suivie d’une nouvelle ostéosynthèse armée par du ciment. Mots clés : Fracture de matériel d’ostéosynthèse, vis-plaque à glissement, hanche, fracture cervicale.
Correspondance : O. MANICOM, à l’adresse ci-dessus. E-mail :
[email protected] Acceptation définitive le : 5 janvier 2006
FRACTURE DE LA VIS CERVICALE D’UNE VIS-PLAQUE À GLISSEMENT
INTRODUCTION
Aucun cas de fracture de vis cervicale (vis-plaque ou clou de type gamma) n’a été jusqu’ici publié dans la littérature. Pourtant, cette complication existe puisque l’enquête de matério-vigilance effectuée en rapporte deux cas non publiés et survenus avec des vis-plaques à glissement. Cette éventualité est mise en évidence par l’observation que nous rapportons. OBSERVATION Monsieur P., âgé de 67 ans hospitalisé pour une fracture pertrochantérienne droite, a eu une réduction ostéosynthèse par visplaque à glissement THS (canon court, vis de 105 mm) (fig. 1). Au huitième jour postopératoire, il existait une impaction du
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foyer de fracture, avec une perte complète de la réserve d’impaction (fig. 2 et fig. 3), associée secondairement à une discrète divergence entre les axes de la vis et du canon (fig. 4). L’appui a été différé jusqu’au 45e jour postopératoire. À 3 mois, la consolidation n’était pas acquise, d’autre part une image claire était visible à l’extrémité du canon de la plaque (fig. 5). Par ailleurs, Monsieur P. présentait des douleurs persistantes, mais sans aucun signe d’infection (VS et CRP normales, cicatrice propre). Au 5e mois, après une chute de sa hauteur, les radiographies montraient la pseudarthrose de la fracture per-trochantérienne associée à un trait sous trochantéro-diaphysaire, ainsi qu’une fracture de la vis cervicale (fig. 6). Les vis de la plaque n’étaient pas cassées. Il a été réalisé une nouvelle ostéosynthèse par visplaque Medoff (fig. 7). La principale difficulté technique était l’ablation du fragment de vis enclavée dans la tête. L’absence d’ancillaire permettant d’extraire le fragment de vis cervicale a compliqué cette extraction. L’utilisation d’un tourne à gauche
FIG. 1. – Fracture per-trochantérienne avant l’ostéosynthèse.
FIG. 3. – Clichés au 8e jour montrant la perte de la réserve d’impaction.
FIG. 2. – Clichés postopératoires immédiats.
FIG. 4. – À 1 mois, il apparaît une divergence entre l’axe de la vis et le canon de la plaque, divergence faisant suspecter une micro-mobilité de la vis dans le canon de la plaque.
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chondrolyse ni l’apparition d’une nécrose au recul d’1,5 an. L’examen histologique a confirmé qu’il existait une métallose localisée au niveau du canon. Tous les prélèvements bactériologiques réalisés étaient stériles. L’enquête de matério-vigilance n’a pas mis en évidence d’anomalie métallurgique sur le matériel. DISCUSSION
FIG. 5. – Une zone claire est visible à l’extrémité du canon. Apparue dès le 3e mois postopératoire, elle peut correspondre à un aspect de contraste en rapport avec une métallose plus dense, développée rapidement. aurait facilité l’extraction de la vis. Mais, nous n’avions pas de taille adaptée. L’utilisation des ciseaux de Letournel a permis de désenclaver la vis puis de l’extraire. Mais elle a augmenté le défect osseux de la tête et du col fémoral et exposait au risque d’effraction articulaire. L’absence d’effraction articulaire ayant été vérifiée par l’absence de fuite du produit de contraste, il était possible d’utiliser le ciment acrylique pour stabiliser la prise d’une nouvelle vis cervicale. La stabilité de la nouvelle vis a été assurée par du ciment et l’utilisation du ciment n’a entraîné ni la survenue d’une
La fracture de la vis cervicale est une complication exceptionnelle et à notre connaissance non publiée à ce jour. Des séries prospectives randomisées n’ont pas rapporté cette complication : en particulier celle de Saudan et al. (1) avec 100 fixations intra-médullaires (FIM) et 106 vis-plaques à glissement (VPG) ; celle d’Adams et al. (2) avec 203 FIM et 197 VPG ; celle de Lunsjo et al. (3) avec 569 VPG (Medoff, DHS, et DCS) ; la méta-analyse de Parker et Handoll (4) avec 623 FIM et 1952 VPG, la métaanalyse de Schipper et Marti (5) avec 1165 FIM et 1221 VPG ; celle de Chinoy et Parker (6) avec 2855 cas ; celle de Jensen et al. (7) avec 346 VPG ; celle d’ Harrington et al. (8) avec 52 VPG et 50 FIM ; celle de Watson et al. (9) avec 160 VPG (69 Médoff et 91 DHS). Aucune des 7 458 fractures per-trochantériennes traitées par une VPG que nous avons retrouvées dans la littérature, n’a présenté de fracture de leur vis cervicale. Les événements que nous avons observés peuvent correspondre au mécanisme suivant : la perte de la réserve d’impaction du foyer de fracture avant la consolidation a transformé la vis-plaque en clou-plaque (montage plus statique), comme l’ont rapporté Chinoy et Parker (6). La divergence observée radiologiquement entre les axes de la vis et du canon, et la métallose notée en peropératoire étaient en faveur d’une micro-mobilité en varus valgus de la vis dans
a b
FIG. 6. – a) Fracture de la vis cervicale à la jonction entre la collerette d’impaction et le canon. b) Les zones denses évocatrices de la métallose (cf. fig. 5) sont retrouvées au voisinage de la rupture.
FRACTURE DE LA VIS CERVICALE D’UNE VIS-PLAQUE À GLISSEMENT
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CONCLUSION
La fracture de la vis cervicale d’une vis-plaque à glissement apparaît comme un événement exceptionnel. L’extraction du fragment distal de la vis suivie d’une nouvelle ostéosynthèse armée par du ciment est une des solutions thérapeutiques et a été utilisée avec succès dans notre observation.
Références
FIG. 7. – Ostéosynthèse itérative. Réintervention par une visplaque de Medoff. Le défect osseux a été comblé par du ciment.
le canon. Pour une même longueur de vis, la micro-mobilité en varus valgus et les contraintes exercées sur la vis sont plus importantes en cas de canon court que de canon long. Ce montage plus statique en l’absence de réserve d’impaction, la micro-mobilité, et le canon court ont augmenté les contraintes à la jonction collerette-canon, à l’origine de la fracture de la vis au niveau de la collerette. En cas d’absence de réserve d’impaction, pour prévenir une telle complication, il faut donc différer la mise en appui. Lorsque cette complication est survenue, différentes solutions thérapeutiques peuvent être évoquées : chez les patients les plus âgés, il peut être éventuellement discuté une reprise par prothèse totale de hanche. Lorsque l’âge des patients le permet, sur ce type de fracture per-trochantérienne, le plus logique est bien entendu de rechercher une consolidation. Dans ce cas précis, l’ostéosynthèse itérative a été effectuée à l’aide d’une vis-plaque Medoff [Watson et al. (9), Cheyrou et al. (10)]. D’autres types d’ostéosynthèse auraient pu être évoqués tels que la reprise par un clou Gamma, mais ce type de réintervention n’aurait pas modifié la difficulté de la réintervention qui résidait essentiellement dans l’ablation de la vis d’ostéosynthèse. Laisser la vis d’ostéosynthèse fracturée et rajouter un matériel d’ostéosynthèse supplémentaire telle qu’une lame-plaque (la lame étant moins volumineuse qu’une autre vis ou qu’un clou-plaque), aurait pu se discuter mais aurait sans doute fragilisé (même si la lame est relativement fine), le spongieux de la tête fémorale et aurait exposé secondairement au balayage du matériel dans la tête fémorale.
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