Journal de Traumatologie du Sport 28 (2011) 117–120
Cas clinique
Fracture-luxation radiocarpienne postérieure ouverte du poignet. À propos d’un cas Open posterior radiocarpal fracture dislocation. A case report A. Bennani ∗ , O. Ammoumri , S. Zizah , S. Almoubaker , O. Hamdi , F.M. Amar , K. Lahrach , A. Marzouki , F. Boutayeb Service de traumatologie orthopédie, A.-CHU Hassan II, Fès, Maroc Disponible sur Internet le 2 juin 2011
Résumé Les fractures-luxations radiocarpiennes sont des lésions rares, elles surviennent lors d’un traumatisme à haute énergie, expliquant la fréquence des lésions associées chez des patients souvent polytraumatisés. La fréquence de l’atteinte cutanée est très variable, mais reste rare (peu de cas rapportés dans la littérature). L’association d’une atteinte du nerf médian aggrave le pronostic fonctionnel de la main. Les auteurs rapportent le cas d’une fracture-luxation radiocarpienne postérieure du poignet droit, compliquée d’une ouverture cutanée antérieure, chez un jeune footballeur suite à un accident de sport. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Luxation ; Fracture ; Poignet ; Plaie
Abstract The radiocarpal fracture-dislocations are uncommon injuries, occurring at a high-energy trauma explains the frequency of associated lesions in patients with multiple trauma often. The frequency of skin involvement very varies, but is rare (few cases reported in the literature). A combination of median nerve and worsens the functional prognosis of the hand. The authors report the case of a radiocarpal fracture-dislocation of the right wrist, which was complicated by anterior cutaneous opening in a young footballer after a sports accident. © 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Dislocation; Fracture; Wrist; Wound
1. Introduction La fracture-luxation radiocarpienne est une lésion rare [1,2], comparée à l’extrême fréquence des fractures extra-articulaires de l’extrémité inférieure du radius et des luxations périlunaires. Sa fréquence varie entre 0,2 [3] et 20 % des traumatismes du poignet [4]. Elle se définit par une perte de contact totale et permanente du massif carpien avec la surface articulaire inférieure de l’auvent des deux os de l’avant-bras. Elle s’accompagne souvent de fractures et sa forme isolée reste exceptionnelle [5]. Cette lésion survient suite à des traumatismes violents expli-
∗
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (A. Bennani).
0762-915X/$ – see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jts.2011.04.009
quant la fréquence des lésions associées. L’ouverture cutanée reste relativement rare comparée aux atteintes vasculonerveuses. La survenue d’une telle lésion est peu rapportée dans la pratique sportive. 2. Observation Un footballeur professionnel de 23 ans est victime, lors d’un entraînement, d’une chute sur la main droite, le poignet en hyperextension et inclinaison latérale, provoquant douleur et impotence fonctionnelle totale du membre supérieur droit, associée à une ouverture cutanée et des paresthésies dans le territoire du nerf médian. L’examen clinique retrouvait un poignet déformé en « dos de fourchette », avec une ouverture cutanée antérieure faisant
118
A. Bennani et al. / Journal de Traumatologie du Sport 28 (2011) 117–120
Fig. 1. Ouverture cutanée antérieure à berges contuses avec déformation du poignet en dos de fourchette.
5 cm à berges contuses (Fig. 1). Les pouls périphériques étaient présents. Le bilan radiologique fait de radiographie du poignet droit face et profil, montrait une luxation radiocarpienne postérieure associée à un arrachement du rebord marginal postérieur de l’épiphyse radiale, avec une fracture de la styloïde radiale (Fig. 2). Le patient a été admis en urgence au bloc opératoire, où il a bénéficié d’une réduction sous anesthésie générale, avec un parage et exploration de la plaie, qui n’a objectivé aucune lésion tendineuse ou vasculonerveuse. Une contusion du nerf médian à la rentrée du canal carpien a été notée, nécessitant un geste de décompression. On a réalisé un embrochage percutané sous contrôle radioscopique du fragment marginal postérieur,
de la styloïde radiale et de la radio-ulnaire inférieure (Fig. 3). Le contrôle radioscopique n’a pas montré de lésion intracarpienne. Une contention plâtrée a été posée pour une durée de six semaines. L’ablation des broches a eu lieu après deux mois, suivie d’une rééducation du poignet et de la main. L’évolution radiologique a été satisfaisante sans récidive de la luxation, avec consolidation de la styloïde radiale et de la marginale postérieure. Le résultat clinique après six mois était satisfaisant, évalué sur la douleur, le statut fonctionnel, la mobilité et la force de préhension. La flexion palmaire du poignet était à 70◦ , la flexion dorsale à 45◦ , 15◦ d’inclinaison radiale et 20◦ d’inclinaison cubi-
Fig. 2. Radiographies de face et de profil montrant une fracture-luxation radiocarpienne postérieure associée à une fracture de la styloïde radiale et marginale postérieure.
A. Bennani et al. / Journal de Traumatologie du Sport 28 (2011) 117–120
119
Fig. 3. Contrôle postopératoire montrant la réduction de la luxation avec un triple brochage de la styloïde radiale, la marginale postérieure et la radio-ulnaire inférieure.
tale. Le patient a gardé des paresthésies dans le territoire du nerf médian. Il a repris normalement le sport compétitif après huit mois d’arrêt. 3. Discussion Les fractures-luxations radiocarpiennes sont des lésions rares ; peu d’études dans la littérature ont traité cette variété de traumatisme grave du poignet. Selon Gérard et al. [6], la violence du traumatisme dans la variété dorsale causale inculpe un mécanisme 1ésionnel complexe qui associe une hyperextension et une pronation du poignet, produisant ainsi son cisaillement et sa rotation. L’analyse radiographique confirme cette cinétique, la pronation étant responsable de la dislocation de l’articulation radio-ulnaire distale [6,7] et de la fracture de la styloïde ulnaire. Quant à la flexion dorsale, elle entraîne une comminution marginale postérieure. Les fractures associées sont classiques, la plus fréquente étant la fracture de la marginale postérieure ainsi qu’une fracture cunéenne externe qui emporte une partie de l’extrémité postéro-inférieure de la pointe de la styloïde radiale [4,6,8]. Les luxations radiocarpiennes peuvent s’associer également à des lésions intracarpiennes [4] ou à des atteintes périlunaires [9]. L’atteinte neurologique est fréquente dans la littérature ; Moneim [4] a décrit une atteinte médiocubitale chez deux patients ayant récupéré complètement. L’atteinte régressive du nerf médian qui semble être la plus fréquente [1,5,8,10], est due à son étirement sur le squelette déformé. Dans les traumatismes graves et ouverts, le taux de complications neurologiques passe à 100 %. Les lésions tendineuses sont exceptionnelles mais restent sous-estimées. Nyquist [10] rapporte un cas de rupture des fléchisseurs du poignet lors d’une fracture-luxation avec ouverture antérieure.
L’ouverture cutanée palmaire retrouvée dans quelques cas [7,11] étant la plus rare, fait la particularité des fracturesluxations radiocarpienne postérieures. L’association fréquente à une compression du nerf médian altère le pronostic. Bien que Mugdal et al. [1] aient retrouvé quatre ouvertures cutanées sur 12 cas, Nyquist et al. [10] ont décrit dix cas, les étiologies se limitent principalement aux accidents de la voie publique et aux chutes. Une étude approfondie de la littérature n’a montré aucun cas rapporté dans la pratique sportive. Dans la série de Nyquist et al. [10], les patients ont été traités par débridement, réduction à ciel ouvert complétée par fixation interne ou externe. La majorité des cas présentaient des fractures ou des luxations du membre ipsilatéral, ce qui explique la violence du traumatisme initial. Le nerf médian et/ou cubital étaient contus chez sept cas, nécessitant de réaliser une décompression immédiate. Six patients ont été suivis sur une durée moyenne de 15 mois. La récupération était variable. Les résultats globaux étaient médiocres, quel que soit le traitement, avec un secteur de mobilité moyen de flexionextension de 57◦ , et un remaniement arthrosique constant sur les radiographies de contrôle. Le traitement chirurgical fait appel à une réduction par traction longitudinale, une fixation externe ou interne pour immobiliser l’articulation ainsi qu’une synthèse des différentes lésions osseuses associées. L’articulation radiocarpienne est ensuite examinée à travers la plaie palmaire en explorant l’intégrité des éléments tendineux, vasculonerveux et capsulaires. La réalisation d’un parage soigneux avec débridement est nécessaire. Le canal carpien et le canal de Guyon peuvent être décompressés selon le besoin. La radioscopie peropératoire est utilisée pour identifier les fractures du carpe ou les entorses des ligaments interosseux, en particulier des ligaments scapho-lunaire ou luno-triquétral. En cas d’atteinte, la chirurgie capsulo-ligamentaire est nécessaire sous peine d’une évolution arthrosique [4,10,13], ce qui assure un bon résultat à long terme.
120
A. Bennani et al. / Journal de Traumatologie du Sport 28 (2011) 117–120
Une contention plâtrée peut être associée pendant six à huit semaines [7,12]. L’arthrite de la radiocarpienne est peu retrouvée dans la littérature. Pour Dumontier et al. [13] six des 27 patients étudiés avaient développé une arthrite de la radiocarpienne, tandis que Schoenecker [7] en a rapporté quatre sur six patients. L’évolution radiologique reste préoccupante. Les facteurs prédictifs d’un mauvais résultat comprennent : les fractures luxation ouvertes, les lésions ligamentaires radiocarpiennes associées aux lésions nerveuses, et les atteintes ligamentaires intracarpiennes, en particulier du ligament scapholunaire. L’existence d’une luxation radio-ulnaire inférieure aggrave aussi le pronostic ; sa stabilisation est nécessaire afin d’éviter une pérennisation de l’instabilité [13]. La présence d’une telle association va changer la prise en charge thérapeutique. Dans la série de Moneim et al. [4], trois patients avaient une association multilésionnelle. Les résultats ont tous été mauvais. 4. Conclusion La luxation radiocarpienne est une atteinte traumatique rare. Sa survenue lors d’une pratique sportive est exceptionnelle, car elle est le plus souvent due à un traumatisme de haute énergie, lors d’une chute d’un lieu élevé ou d’un accident grave de la voie publique. L’ouverture cutanée et l’atteinte nerveuse aggravent le pronostic fonctionnel du poignet et de la main. La prise en charge thérapeutique est urgente, faisant appel à une réduction de la luxation, une stabilisation des lésions associées, ainsi qu’une exploration de la plaie à la recherche de lésions tendineuses et vasculonerveuses. Le risque évolutif majeur est l’arthrose radiocarpienne, d’où l’intérêt d’un bon geste chirurgical dès le départ, avec une chirurgie capsuloligamentaire, si nécessaire.
Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Mugdal CS, Psenica J, Jupiter JB. Radiocarpal fracture dislocation. J Hand Surg 1999;24B:92–8. [2] Girard J. Luxation radiocarpienne à propos d’une série de 12 cas et revue de la littérature. Rev Chir Orthop 2004;90:426–33. [3] Dunn AW. Fracture and dislocation of the carpe. Surg Clin North Am 1972;52:1513–38. [4] Moneim MS, Bolger JT, Omer GE. Radiocarpal dislocation: classification and rationale for management. Clin Orthop 1985;192: 199–209. [5] Loubignac F, Colomb F, Thiry A, Nasr Z, Lovet J. La luxation radiocarpienne pure. À propos d’un cas et revue générale de la littérature. Rev Chir Orthop 1999;85:393–6. [6] Gerard Y, Schernberg F, Elzein F. Les luxations/fractures postérieures de la radiocarpienne. Rev Chir Orthop 1981;6(suppl.II):92–6. [7] Schoenecker PI, Gilula LA, Shively RA, Manske PR. Radiocarpal fracture/dislocation. Clin Orthop Rel Res 1985;197:237–44. [8] Bilos ZJ, Pankovicham, Yelda S. Fracture/dislocation of the radiocarpal joint. J Bone Joint Surg 1977;59:198–203. [9] Klein A, Bohrer SP, Martin W. Dorsal dislocation of the radiocarpal joint associated dorsal perilunar dislocation. J Can Assoc Radio 1986;37: 201–2. [10] Nyquist SR, Stern PJ. Open radiocarpal fracture dislocations. J Hand Surg Am 1984;9:707–10. [11] Bohler L. Werrenkungen der handgelenke. Acta Chir Scand 1930;67:154–77. [12] Le Nen D, Riot O, Caro P, Lefevre C, Courtois B. Luxation/fractures de la radiocarpienne. Étude clinique de six cas et revue générale. Ann Chir Main 1991;10:5–12. [13] Dumontier C, Meyer ZU, Reckendorf G, Sautet A, Lenoble E, Saffar P, et al. Radiocarpal dislocations: classification and proposal for treatment. J Bone Joint Surg 2001;83A:212–8.