EMC-Dentisterie 1 (2004) 228–243
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Fractures de la mandibule Mandibular fractures G. Touré a, J.-P. Meningaud b,*, J.-C. Bertrand b a
Service de chirurgie maxillofaciale, centre hospitalier intercommunal, 40, allée de la Source, 94190 Villeneuve-Saint-Georges, France b Service de chirurgie maxillofaciale, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France
MOTS CLÉS Mandibule ; Étage inférieur ; Biomécanique ; Fractures ; Rixe ; Homme jeune
Résumé La fracture de mandibule est l’une des fractures les plus fréquentes du squelette humain. La mandibule représente l’étage inférieur de la face et le seul os mobile de la face. L’étude anatomique et biomécanique rend compte du comportement et des zones de fragilité de cet os vis-à-vis des traumatismes. Les fractures de la mandibule présentent un caractère multifactoriel ; les deux étiologies les plus fréquentes sont les rixes et les accidents de la circulation. Il s’agit de fractures de l’homme jeune. L’examen clinique minutieux tient une place importante dans le diagnostic qui est confirmé par un bilan radiographique approprié. Si l’évolution est habituellement favorable après un traitement bien conduit, la surveillance doit être rigoureuse dans tous les cas. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
KEYWORDS Mandible; Fracture; Anatomy; Biomechanism; Interpersonal violence; Young male
Abstract The mandible has been reported to be one of the most fractured bone in human. Several factors are involved in mandible fracture such as anatomy and biomechanisms. Long-term studies show a progressive increase in the incidence of mandibular fractures. The two predominant mechanisms of these injuries are interpersonal violence associated with addictive substance abuse, and vehicle accidents. Young males constitute the predominant population concerned by mandibular fractures. In this context, the accuracy of clinical signs and symptoms is high. Appropriate radiographic evaluation is utilised to confirm diagnosis. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Introduction Les fractures de la mandibule sont les fractures les plus fréquentes du massif facial (fractures isolées des os nasaux exclues). La topographie et la mobilité de la mandibule par rapport à la base du crâne expliquent sa vulnérabilité. Leur traitement vise à restituer une anatomie fonctionnelle et stable. Si les fractures de la mandibule sont en règle générale des fractures de * Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (J.-P. Meningaud). © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcden.2004.05.001
l’adulte jeune, les fractures de l’enfant et du sujet âgé méritent néanmoins un grand intérêt par leurs caractéristiques mais aussi par leur relative fréquence. Les études anatomiques et biomécaniques permettent de mieux comprendre le comportement de l’os mandibulaire vis-à-vis du traumatisme et donc de mieux adapter le traitement.
Anatomie La mandibule est un os membraneux constitué par la fusion des deux os dentaires. C’est un os impair
Fractures de la mandibule médian, symétrique qui constitue l’étage inférieur de la face. Unique structure mobile de la face, elle comprend un corpus en forme d’arc horizontal qui porte les dents et sur lequel s’insèrent les muscles abaisseurs. À l’aplomb des prémolaires se situe le foramen mentonnier, orifice de sortie du nerf alvéolaire inférieur. Le corpus est prolongé en arrière de deux branches, les ramus, qui sont des lames quadrilatères verticales aplaties transversalement et surmontées de deux processus, condylaire et coronoïdien, séparés par l’incisure mandibulaire. Sur le ramus s’insèrent de puissants muscles élévateurs, à sa face interne se trouve l’orifice d’entrée du nerf alvéolaire inférieur bordé en avant par la lingula.1,2 La tête condylienne est une saillie ovoïde à grosse extrémité médiale, orientée en arrière et en dedans soutenue par un col rétréci. Elle s’articule avec la base du crâne par l’intermédiaire de l’articulation temporomandibulaire, diarthrose de type bicondylien qui forme une unité fonctionnelle avec l’articulé dentaire. L’architecture du col mandibulaire en fait une zone de faiblesse qui protège la base du crâne en absorbant les ondes de choc. Malgré la faible épaisseur et la fragilité du toit de la fosse mandibulaire temporale, les luxations crâniales avec impactions intratemporales du processus condylaire sont extrêmement rares. Les changements de courbure au niveau de la symphyse, les deux angles mandibulaires et les dents incluses créent des zones de faiblesse favorables à la survenue de fracture.3,4 L’os mandibulaire est un os corticospongieux qui présente une corticale externe dont les propriétés lui permettent de supporter l’essentiel des contraintes mécaniques. Entre les corticales interne et externe se trouve l’os spongieux dans lequel est creusée la gouttière du pédicule alvéolaire inférieur. Le bord inférieur ou basilaire est épais et convexe. Le bord supérieur ou arcade alvéolaire est creusé par les alvéoles dentaires. L’os alvéolaire apparaît et disparaît avec les dents. Les sollicitations mécaniques de la fonction occlusale sont nécessaires à son maintien. Les apex des incisives centrales et latérales sont plus proches de la corticale externe que de la corticale interne. L’apex de la canine en fait la dent la plus longue de l’arcade dentaire inférieure et il est situé à proximité de la corticale externe ; en outre, à son niveau, se situe le changement de courbure de la mandibule. Le site d’implantation de la canine devient ainsi une zone de faiblesse. Les racines des prémolaires sont équidistantes des corticales interne et externe et les racines des molaires inférieures sont d’autant plus proches de la table interne qu’elles sont postérieures (Fig. 1). La topographie des apex dentaires trouve une application dans le traitement chirurgical des fractures.
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Figure 1 Position des apex dentaires par rapport aux tables osseuses.
Le nerf alvéolaire inférieur parcourt le canal dentaire de son origine, le foramen mandibulaire, au foramen mentonnier. Il innerve les dents, la gencive et la région labiomentonnière. La vascularisation intraosseuse est sous la dépendance de l’artère maxillaire et assurée essentiellement par l’artère alvéolaire inférieure qui se termine par l’artère mentonnière au niveau du foramen mentonnier. L’artère sous-mentale ou submentonnière (issue de l’artère faciale) apporte une vascularisation périostée. Il existe des anastomoses entre les deux systèmes. La croissance osseuse de la mandibule est sous la dépendance des noyaux cartilagineux condyliens et de l’ossification périostée sous l’action combinée de l’ensemble des muscles s’insérant sur la mandibule : les muscles linguaux, masticateurs et peauciers. L’ostéogenèse d’origine périostée est en relation avec la croissance du condyle. L’adaptation morphofonctionnelle de la mandibule est sous l’influence des stimuli sensitivomoteurs et de la dynamique de la croissance. La coordination de la croissance de la mandibule et du reste de la face se fait par l’intermédiaire de l’articulé dentaire et du complexe condylo-discomusculaire. La mandibule provient d’une ossification de type membraneux et de la fusion de plusieurs sousunités qui représentent différents sites d’induction. L’induction neurale trigéminale est assurée par le nerf alvéolaire inférieur qui crée un axe neuromatriciel. L’induction neuroectodermique correspond à l’invagination des lames dentaires et à l’édification des procès alvéolaires et dentaires. L’induction musculaire aboutit à la formation des processus d’insertion des muscles (symphyse mentonnière, coroné, condyle, angle). Les deux os dentaires droit et gauche sont indépendants jusqu’à l’âge de 1 an, avant l’ossification totale de la symphyse mentonnière. D’où la possibilité de disjonction et de fracture symphysaire médiane chez le nouveau-né et le nourrisson. Chez l’adulte, les fractures symphysaires sont en règle paramédianes.
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Biomécanique2,4,5 Étude par la méthode des éléments finis (MEF) ou modélisation physicomathématique L’os mandibulaire est une structure vivante anisotrope et viscoélastique, dont l’étude biomécanique est complexe et pose des problèmes qui ne sont pas tous résolus. L’étude par la MEF permet une approche physicomathématique. Elle consiste à établir un modèle plus simple que la structure à étudier. La structure réelle est découpée en un nombre d’éléments géométriques simples et homogènes dont le comportement mécanique est facile à déterminer. Son application à la mandibule, bien que séduisante et permettant une analyse tridimensionnelle, présente plusieurs difficultés : la connaissance exacte des propriétés mécaniques de l’os mandibulaire et la validation par des données expérimentales fiables. Malgré ces difficultés, l’étude par la MEF prend de plus en plus d’importance dans les études biomécaniques. Les modèles tridimensionnels actuels sont très perfectionnés et permettent des représentations réalistes, indéfiniment réutilisables dans des conditions variées. La validité du modèle par éléments finis a été confirmée par : • la reproduction de fractures à la suite de sollicitations sur le menton conformes aux données anatomocliniques classiques ; • la suppression des muscles du modèle donne lieu à des fractures aberrantes démontrant ainsi l’importance de l’environnement immédiat anatomique dans la mécanique mandibulaire ; • la démonstration que la mandibule est une structure à revêtement travaillant ; son inertie est déterminée par la corticale ; le tissu spongieux maintient la distance intercorticale quelles que soient les pressions exercées ; • l’assimilation du condyle à un « pion de centrage » destiné à guider des mouvements complexes par l’étude des contraintes et des moments de force ; • la description d’un système de protection de la base du crâne par l’absorption de l’énergie cinétique par les tissus périmandibulaires (muscles suspenseurs et plexus vasculaires), la cavité articulaire et les « fusibles mécaniques » que représentent les différentes zones de fragilité de la mandibule.6
G. Touré et al. seuses s’inscrivent sur le revêtement sous forme de franges lumineuses qui sont étudiées en lumière polarisée. Elle permet une analyse de la structure réelle par un examen de surface. Les études de photoélasticimétrie effectuées par Kessler trouvent dans l’axe du col mandibulaire des flux de contrainte en compression (segment antérieur) et en traction (segment postérieur) ; et parallèlement à l’incisure mandibulaire, des flux de contrainte en traction. Par ailleurs, il est admis que les forces de traction s’exercent au niveau du rebord alvéolaire et les forces de compression sur le bord basilaire. L’ostéosynthèse a pour objet de transformer les forces de traction en forces de compression, sinon de s’opposer aux forces de traction. Or, Kessler note également des flux de traction au niveau du bord basilaire. Ce dernier point est en contradiction avec les principes habituellement admis, et énoncés notamment par Champy.
Théories sur le fonctionnement biomécanique de la mandibule Plusieurs théories ont été émises quant au fonctionnement biomécanique de la mandibule. La mandibule peut être assimilée à une structure anatomique avec des « fusibles mécaniques ». En mécanique, quand la rupture d’une structure est inévitable, elle est prévisible en des endroits précis. Les sièges préférentiels des fractures peuvent être assimilés à des « fusibles mécaniques ». On conçoit ainsi qu’un traumatisme du menton entraîne successivement selon son intensité une fracture sous-condylienne, angulaire, parasymphysaire et symphysaire. Aussi bien les études biomécaniques de la mandibule que les statistiques des fractures confirment l’existence de zones d’élection pour les foyers de fractures.7,8,9 En assimilant la région condylienne à un « fusible mécanique », on comprend la rareté des fractures de la fosse temporale avec pénétration intracrânienne du processus condylaire. La protection du crâne est liée à la conjonction de trois éléments : musculaires, articulaires, mandibulaires. La mandibule est un os appendu, soutenu par les muscles élévateurs qui absorbent une partie de l’énergie cinétique due aux traumatismes. La disposition des veines périarticulaires et de la fosse infratemporale de même que la pression positive de la cavité discotemporale jouent un rôle dans la dispersion de l’énergie cinétique.
Classification classique
Photoélasticimétrie par réflexion C’est l’étude des déformations se produisant dans un revêtement biréfringent. Les déformations os-
La classification classique des fractures de la mandibule depuis Dingman et Natvig subdivise la mandibule en sept unités topographiques (Fig. 2) :10
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Figure 2 Répartition topographique des fractures mandibulaires. 1. Région condylienne ; 2. région de la branche montante ; 3. région de l’angle ; 4. région de l’apophyse coronoïde ; 5. région des procès alvéolaires ; 6. région de la branche horizontale ; 7. région de la symphyse.
• au niveau de la portion dentée : la symphyse entre les faces distales des deux canines, la branche horizontale entre la face mésiale de la première prémolaire et la face distale de la deuxième molaire, l’angle réalisé par une ligne verticale passant par la face distale de la deuxième molaire et une ligne horizontale prolongeant le rebord alvéolaire mandibulaire ; • au niveau de la portion non dentée : la branche montante entre l’angle et l’échancrure mandibulaire (incisure mandibulaire) ; la région condylienne au-dessus d’une ligne prolongeant en bas et en arrière le bord postérieur du coroné ; le coroné est situé au-dessus d’une ligne prolongeant le bord antérieur du col condylien. Se référant à des données embryologiques, anatomiques et biomécaniques, la classification proposée par Gola et al.2 mérite d’être connue : les fractures du corpus comprennent les fractures de la symphyse (symphysaire médiane et paramédiane), les fractures préangulaires et les fractures alvéolodentaires ; les fractures du ramus comprennent les fractures de l’angle, du condyle (capitale ou condylienne, cervicale ou sous-condylienne, basicervicale ou sous-condylienne basse) et du coroné (intra-, extratemporale).
Épidémiologie - Physiopathologie1,2,11,12 Épidémiologie Malgré quelques variations liées aux biais de recrutement, il est possible de préciser les données essentielles. La fracture de la mandibule survient dans 70 à 80 % des cas chez l’adulte jeune de sexe masculin. Les circonstances de survenue sont variables et comprennent les accidents de la circulation
Figure 3 Déformations de l’arcade dentaire. A. Décalage. B. Chevauchement. C. Torsion. D. Angulation.
notamment des deux roues, les agressions, les accidents de sport, les accidents domestiques dont essentiellement les chutes,13 plus rarement les fractures pathologiques et iatrogènes. Malgré le caractère multifactoriel (niveau socioéconomique, centre urbain ou rural, criminalité...) de l’épidémiologie des fractures de la mandibule, des modifications ont été observées ces dernières années ; elles sont essentiellement géographiques. Dans les centres urbains, les fractures de la mandibule surviennent dans environ 80 % des
232 cas à la suite de violences interpersonnelles, chez des sujets de sexe masculin et dans plus de la moitié des cas associées à l’usage de substances addictives (alcool, marijuana, cocaïne, héroïne, LSD...). La ceinture, l’air bag, l’ABS, le casque intégral ont considérablement fait chuter le taux de fractures liées à des accidents de circulation.14 L’épidémiologie en fonction des foyers de fracture sera détaillée dans les chapitres correspondants.
Physiopathologie Mécanismes Deux types de traumatisme peuvent aboutir à la fracture de la mandibule : • direct, la fracture se produit au niveau du point d’impact, indépendamment de l’architecture osseuse et dentaire du site lorsqu’une grande force est appliquée sur une petite surface de la mandibule ; • indirect, la fracture se produit à distance du point d’impact, au niveau des zones de faiblesse que sont le col, l’angle et la parasymphyse. Un traumatisme latéral peut entraîner une fracture parasymphysaire par diminution de la distance bigoniale ou un traumatisme antéropostérieur peut entraîner une fracture angulaire par augmentation de la distance bigoniale.
G. Touré et al. Déplacements des fragments fracturaires (Fig. 3) Les déplacements se font sous l’influence de plusieurs facteurs : le mécanisme de la fracture, le siège et le nombre des traits de fractures, leur orientation, l’articulé dentaire et l’action des muscles. On distingue trois types de déplacements : l’angulation dans le plan frontal, le chevauchement dans le plan horizontal et le décalage dans le plan vertical. Ainsi, les muscles abaisseurs de la mandibule et protracteurs de la langue qui s’insèrent sur la symphyse provoquent une glossoptôse en cas de fracture parasymphysaire bilatérale par recul de la symphyse et de ses insertions musculaires. Le muscle ptérygoïdien latéral entraîne un déplacement ventromédial du fragment crânial des fractures du condyle. Son action sur le disque peut compromettre la fonction articulaire en le lésant ou en le désolidarisant du processus condylaire. Le trait de fracture peut être favorable ou défavorable selon les déplacements induits par la résultante des forces musculaires de part et d’autre du point de rupture. Les muscles peuvent faciliter la coaptation des fragments osseux ou au contraire leur séparation (Fig. 4, 5). L’édentation augmente l’amplitude des déplacements par inexistence de cale dentaire. Sur le ramus, les muscles élévateurs (temporal, masséter et ptérygoïdien médial) auront leur action majorée par l’absence de dents postérieures.
Figure 4 A. Fractures de la symphyse : favorable (A1), non favorable (A2). B. Fractures de l’angle favorable (B1, B3), non favorable (B2, B4).
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233 associées viscérales ou ostéoarticulaires, notamment du rachis cervical.
Interrogatoire L’interrogatoire du blessé ou des témoins du traumatisme précise la date, l’heure, les circonstances de l’accident, afin d’évaluer l’importance du traumatisme et de la possibilité de lésions associées. Il précise une modification de l’engrènement dentaire. Les antécédents généraux à type de crise comitiale, d’insuffisance cardiorespiratoire, de diabète, d’anorexie..., les terrains psychologique et somatique doivent être soigneusement appréciés afin d’éviter une décompensation postopératoire et de proposer une prise en charge globale et appropriée. On apprécie également les antécédents maxillofaciaux familiaux, congénitaux, acquis, et de traitement orthodontique. Les signes fonctionnels peuvent être importants avec une douleur, une gêne, une impossibilité de la mastication, de la déglutition et de la phonation.
Examen physique
Figure 5 Action des muscles manducateurs. A. 1. Rétropulseurs : muscle temporal (partie postérieure) et muscle masséter (partie profonde) ; 2. propulseur : muscle ptérygoïdien latéral ; 3. élévateurs : muscle masséter, muscle ptérygoïdien médial, muscle temporal (partie antérieure) ; 4. abaisseurs-rétropulseurs : muscles digastriques et géniohyoïdiens. B. 1. Muscles mylohyoïdiens ; 2. muscles géniohyoïdiens. C. 1. Muscle temporal ; 2. muscles ptérygoïdiens latéraux ; 3. muscles digastriques ; 4. muscles géniohyoïdiens ; 5. muscles ptérygoïdiens médiaux.
Diagnostic Le diagnostic repose sur le triptyque : interrogatoire, examen clinique et imagerie. L’examen du traumatisé de la face se passe bien souvent dans un service d’urgence, il doit être toujours précédé d’un examen général afin d’éliminer des urgences vitales et de dépister des lésions
Il doit être méthodique et noté sur un schéma. Des photographies peuvent être utiles. L’examen est exobuccal et endobuccal (Fig. 6, 7, 8). L’examen exobuccal : l’inspection recherche des éraflures, des plaies (siège, profondeur, degré et type de souillure, pigmentation...), des ecchymoses, des hématomes ou des déformations osseuses, avec modification nasale, élargissement de la distance intercanthale, effacement de la pommette, l’extériorisation d’une épistaxis, d’une otorragie, une rétrogénie, une déviation de la pointe du menton ou une plaie du menton. La palpation minutieuse recherche une irrégularité douloureuse du contour mandibulaire. Une douleur de la région condylienne sera appréciée directement ou par introduction d’un doigt dans le conduit auditif externe, par palpation prétragienne ou à la pression sur le menton. La recherche d’un trouble de la sensibilité labiomentonnière est systématique. À l’examen endobuccal, on recherche : les plaies muqueuses, les luxations ou les fractures dentaires, un hématome pelvilingual ; le type de denture (définitive, mixte, lactéale), l’état des dents (caries, amalgames, édentation...), du parodonte, l’existence de prothèses fixes ou amovibles, un trouble de la dynamique mandibulaire, une limitation douloureuse de l’ouverture buccale ou de la fermeture buccale favorisant l’écoulement d’une salive sanguinolente, une anomalie et/ou une modification de l’articulé dentaire (déviation du point
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Figure 7 Recherche de la mobilité des fragments. A. Par la palpation bimanuelle. B. Par la morsure sur une cale.
Figure 8 Exploration neurologique (territoire du nerf alvéolaire inférieur).
Figure 6 Palpation faciale de la mandibule. A. Une pression antéropostérieure réveille une douleur préauriculaire en cas de fracture condylienne. B. Palpation du bord basilaire. C. Une pression latérale réveille une douleur symphysaire. D. Palpation de la région condylienne.
interincisif, béance, linguoversion...) sinon une modification de l’articulé dentaire. Tous les patients n’étant pas en classe I, la référence à un
articulé antérieur se fait le plus souvent grâce aux facettes d’usure dentaires. La palpation explore le vestibule inférieur gingivojugal ; en cas de doute, la morsure d’une cale entraîne une mobilité douloureuse. La vitalité des dents de part et d’autre du foyer de fracture est testée. Une hypoesthésie en aval du trait de fracture témoigne d’une lésion du nerf alvéolaire inférieur. Le déclenchement d’une douleur prétragienne à la mobilisation du menton fait suspecter
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une fracture du condyle. De même, le déclenchement d’une douleur antérieure à la pression des angles mandibulaires oriente vers une fracture symphysaire. L’examen clinique permet d’affirmer ou de suspecter la fracture de la mandibule ; des lésions associées maxillofaciales et générales sont recherchées. Au terme de ce bilan clinique, des radiographies sont demandées.
Imagerie L’orthopantomogramme (Fig. 9) sera demandé chaque fois que sa réalisation est possible. Il permet l’étalement de la totalité de la mandibule sur un seul cliché et d’apprécier l’état dentaire. Il présente certains inconvénients : pour la plupart des appareils, la nécessité d’être assis ou debout ; au niveau symphysaire, il y a une superposition de densités osseuses ; la direction et l’importance des traits et des déplacements peuvent être parfois mal appréciés.13 Cependant, lorsqu’il est correctement effectué et lu avec attention, il permet le diagnostic dans tous les cas. Pour une meilleure appréciation des lésions dentaires, des clichés rétroalvéolaires sont nécessaires. Quand le cliché panoramique n’est pas réalisable ou pour le compléter, d’autres incidences sont utiles (Fig. 10, 11, 12, 13) : • l’incidence face basse bouche ouverte (front nez - plaque) permet d’apprécier en partie la région condylienne, la branche montante, les angles et la partie postérieure de la branche horizontale ; la région symphysaire projetée sur le rachis est mal visualisée. Elle permet d’apprécier les déplacements dans un plan frontal ; • les clichés occlusaux permettent la mise en évidence des fractures symphysaires ou de la branche horizontale, les fractures unicorticales et en « bois vert ». • les incidences de Blondeau et de Waters visualisent le bord basilaire et le processus coro-
Figure 9 Orthopantomogramme. Technique.
Figure 10 Incidence face basse : double fracture angulaire (A, B).
noïde. D’autres incidences, telle l’incidence de Worms ou le profil simple réalisé si possible en téléradiographie peuvent être utiles. L’incidence de Hirtz montre l’ensemble de la mandibule et le déplacement de la tête condylienne. Une incidence de Schüller peut être utile dans les fractures du condyle. La multiplicité des incidences peut être avantageusement remplacée par la tomodensitométrie, notamment chez le polytraumatisé qui nécessite dans tous les cas une imagerie encéphalique. La tomodensitométrie en incidence axiale, avec reconstructions coronales, voire sagittales, est utile dans l’analyse de la trame osseuse des fractures pathologiques et dans le diagnostic des fractures hautes du condyle (intracapitales). Ce bilan radiographique confirme le diagnostic de fracture et permet de préciser les choix thérapeutiques. L’analyse précise le siège des traits de fracture, les déplacements des différents fragments, la denture, l’existence d’une anomalie osseuse sous-jacente (fracture pathologique). Quelques pièges radiographiques,13 bien que rares, sont intéressants à connaître ; ils sont rencon-
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Figure 11 Blondeau. Noter la bonne visualisation du bord basilaire et des coronés.
trés généralement sur le panoramique dentaire. Les erreurs par « excès » sont des fractures monocorticales internes qui apparaissent comme des fractures complètes mais ne sont pas retrouvées lors de l’intervention chirurgicale par un abord vestibulaire. Des erreurs d’appréciation topographique sont possibles du fait de l’étalement de la mandibule sur le cliché panoramique dentaire. Les fractures obliques, à biseau tangentiel de la branche horizontale, ou spiroïdes, donnent un aspect de double fracture lié à la vision distincte des traits des corticales interne et externe. Des fractures sagittales à biseau très allongé de la branche horizontale, des fractures monocorticales internes, les fractures peu déplacées en « bois vert » peuvent être ignorées sur le panoramique. L’examen clinique reste primordial.14 Le diagnostic repose sur la confrontation radioclinique. La mandibule doit être appréciée dans les trois plans de l’espace. Une incidence de face basse sera donc associée au panoramique dentaire, et dans certains cas à un cliché occlusal. Les difficultés d’interprétation au niveau de la région condylienne sont résolues par l’exploration par tomodensitométrie.
Figure 12 Incidence de Waters (explore bien le bord basilaire jusqu’aux angles et les coronés).
Formes cliniques Les formes radiocliniques de la mandibule sont nombreuses selon le nombre de traits, la topographie, les lésions associées, les complications, le terrain.
Formes topographiques Fractures symphysaires et parasymphysaires Elles surviennent le plus souvent à la suite d’un traumatisme direct. Ce dernier peut provoquer une ou plusieurs fractures à distance (condyle, angle...). Le trait médian symphysaire entre les deux incisives est rare chez l’adulte. Il peut parfois détacher un troisième fragment osseux basilaire ou être comminutif. Un arrachement des apophyses geni peut être à l’origine d’un hématome du plancher buccal. Le déplacement est faible du fait de l’équilibre des forces de part et d’autre de la fracture. Du fait de la solidité de l’éminence mentonnière, les fractures symphysaires sont presque toujours parasymphysaires, l’alvéole de la canine étant un point faible statique.
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Figure 14 Fracture verticale du ramus gauche.
Figure 13 Occlusal
Le trait paramédian unilatéral entraîne un déplacement modéré. Il épargne habituellement le nerf alvéolaire inférieur. Le fragment le plus court est attiré en haut et en dedans par les muscles élévateurs, et l’autre fragment subit un abaissement sous l’action des muscles abaisseurs sus-hyoïdiens. La fracture paramédiane bilatérale détache un fragment symphysaire qui se déplace dans le sens rostrocaudal avec ptôse de la langue dans l’oropharynx. Les deux fragments latéraux sont attirés en haut et en dedans sous l’effet des muscles élévateurs. Fractures de la branche horizontale Le mécanisme est le plus souvent direct. Le trait est vertical ou souvent oblique en bas et en arrière, de haut en bas. Il y a une ascension médiale du fragment postérieur, avec chevauchementraccourcissement, déviation du menton du côté fracturé. Les déplacements se font dans l’espace selon l’action des muscles élévateurs sur le fragment caudal et des muscles abaisseurs sur le segment rostral. Les deux segments subissent des mouvements inverses. L’amplitude des déplacements peut être augmentée par l’orientation du trait et par l’édentation. La gencive est habituellement déchirée et le pédicule alvéolaire inférieur est souvent blessé. Fractures de l’angle Elles sont très fréquentes. L’impact a souvent lieu à distance, sur le menton, et peut fracturer les deux
angles mandibulaires ; plus rarement, il est direct sous la forme d’un choc sur la joue. Le trait de fracture est généralement oblique en bas et en arrière et passe par l’alvéole d’une dent de sagesse partiellement ou totalement incluse qui fragilise la région. Les déplacements dépendent du trait de fracture, de la présence de la dent de sagesse sur l’arcade, de la position de la mandibule lors du traumatisme et de la violence du choc. Le déplacement peut être minime et accompagné d’une tuméfaction douloureuse de l’angle, d’un trismus et d’un trouble modéré de l’occlusion. Les déplacements entraînent une latérodéviation mandibulaire, avec déviation du point interincisif du côté fracturé, une béance controlatérale qui augmente des incisives aux molaires. L’hypoesthésie labiomentonnière est fréquente. Fractures de la branche montante (Fig. 14) Cette région est en effet bien protégée par d’épais muscles masticateurs. Lorsqu’elles sont sans déplacement, l’articulé dentaire est conservé, il y a une ecchymose jugale, conséquence du choc, une douleur à la palpation directe et à la pression sur le menton. Fracture verticale Elle s’étend de l’angle à l’incisure, à la suite d’un cisaillement qui entraîne une ascension modérée du volumineux fragment antérieur et un déplacement en dehors du petit fragment postérieur avec une bascule interne du condyle. Le tableau clinique est caractérisé par des contacts dentaires molaires précoces homolatéraux, une béance controlatérale, une limitation douloureuse de l’ouverture buccale et une tuméfaction jugale ; il n’y a habi-
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tuellement pas d’atteinte du nerf alvéolaire inférieur. Fracture horizontale Plus ou moins oblique, elle est due à un choc direct. Si le choc est violent, le petit fragment crânial est attiré en haut, en avant et en dedans sous l’action du temporal et du ptérygoïdien latéral ; le fragment caudal est attiré vers le haut par le masséter et le ptérygoïdien médial. Le tableau clinique est celui d’un raccourcissement du ramus. Le nerf alvéolaire inférieur peut être lésé par le fragment crânial. Fractures de la région condylienne (Fig. 15, 16) Elles sont uni- ou bilatérales, articulaires ou extraarticulaires. Elles intéressent la tête condylienne et le col sous-jacent, jusqu’à une ligne oblique qui prolonge le bord postérieur du processus coronoïde. L’appareil capsulo-disco-ligamentaire est toujours concerné à des degrés divers. Le mécanisme est en règle indirect, à la suite d’un traumatisme sur le menton. Les déplacements sont classiquement une bascule ventromédiale du fragment crânial par le muscle ptérygoïdien latéral et une ascension du fragment caudal par les muscles élévateurs (ptérygoïdien médial et masséter). Très rarement, il peut y avoir une pénétration intracrânienne du processus condylaire, un déplacement postérieur par fracture de l’os tympanal, latéral par déchirure du ligament latéral et une fracture de l’arcade zygomatique. En cas d’arrachement du muscle ptérygoïdien latéral, il y a un risque de nécrose condylienne. Dans la pratique, cet arrachement est le plus souvent lié à une intervention intempestive. Les lésions discales sont davantage dues à des contusions articulaires qu’à des fractures non déplacées ou capitales car la fracture peut être comprise comme un mécanisme de protection des structures sus-jacentes. Il peut exister des déchirures des attaches discales, avec un hématome, une inflammation ; la déchirure discale avec perforation va entraîner la mise en contact directe du processus condylaire et de la fosse mandibulaire,
Figure 15 Fractures du condyle (A, B). a. Fracture capitale ; b. fracture cervicale ; c. fracture basicervicale.
Figure 16 Trois types de fracture capitale. A. Fracture du pôle médial de la tête condylienne. B. Fracture-décapitation. C. Fracture comminutive de la tête condylienne avec section de la lame rétrodiscale inférieure.
qui va favoriser la survenue d’arthrose, voire d’une ankylose. L’examen clinique recherche une douleur spontanée, augmentée par l’ouverture buccale, une douleur prétragienne, une otorragie, une dysocclusion avec latérodéviation du point interincisif, un contact molaire précoce homolatéral, une béance controlatérale, une rétrognathie et une latérodéviation mandibulaire lors de l’ouverture buccale. Fractures sous-condyliennes basses ou basicervicales Ce sont les plus fréquentes de la région condylienne. Ces fractures passent par la base du col. Ce sont des fractures extra-articulaires. Elles siègent dans une zone limitée en bas par une ligne qui prolonge le bord postérieur du coroné et en haut par une ligne horizontale juste au-dessus de l’incisure mandibulaire. Sur les radiographies, le trait de fracture est souvent oblique en bas et en arrière de profil, oblique en bas et latéralement de face ; dans ce cas, les muscles ont tendance à coapter les fragments et à minimiser les déplacements. Quand le trait est oblique en bas et en dedans, les déplacements sont favorisés.
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Fractures cervicales ou sous-condyliennes hautes Ce sont des fractures articulaires qui concernent le col anatomique du processus condylaire. Le mécanisme de survenue est indirect, suite à un choc sur le menton. De profil, le trait est souvent horizontal ; de face, il est horizontal ou oblique en bas et en dedans. Le fragment crânial a un déplacement ventromédial sous l’influence du muscle ptérygoïdien latéral. L’artère centro-osseuse est rompue et la tête ne reçoit son irrigation que par l’intermédiaire du ptérygoïdien latéral. Fractures - luxations Dans les fractures-luxations, il y a une vacuité de la fosse mandibulaire. Le disque reste solidaire du processus condylaire quand la fracture passe sous la lame rétrodiscale inférieure et que celle- ci n’est pas lésée. Mais quand il y a rupture de la lame rétrodiscale inférieure et que la lame rétrodiscale supérieure est seulement tendue, le disque ne suit pas le processus condylaire en dehors de la fosse mandibulaire. S’il y a une désinsertion totale du disque avec luxation antérieure, il faut en tenir compte lors du traitement. Fractures condyliennes vraies ou capitales Ce sont des fractures articulaires qui exposent à l’arthrose ou à l’ankylose. Elles s’accompagnent de lésions de l’appareil discal. Plusieurs types de traits sont observés. Le plus souvent, c’est la partie médiale de la tête qui cède, avec un déplacement ventromédial. Parfois, il s’agit d’une fracture horizontale qui détache l’ensemble de la tête (fracture – décapitation). Le déplacement est fréquent, la perte de hauteur du ramus faible, le risque de nécrose élevé quand un repositionnement chirurgical est tenté. Enfin, il arrive que le processus condylaire (tête) éclate en plusieurs fragments, le condyle est aplati, le disque et le cartilage articulaire sont souvent
endommagés. La palpation de l’articulation est douloureuse, une otorragie est possible par fracture de la paroi antérieure du conduit auditif externe. Fractures du processus coronoïde (coroné) Le coroné donne insertion au muscle temporal, profondément situé et protégé par d’épais muscles masticateurs et par le zygoma. Sa fracture est rare et souvent associée à une autre fracture mandibulaire ou à celle du zygoma. Le trait de fracture est oblique en bas et en avant, souvent linéaire. La traduction clinique est pauvre (trismus modéré, ecchymose muqueuse, douleur à la palpation du coroné) et le diagnostic est radiographique (Fig. 17). Fractures partielles du bord basilaire isolées Elles surviennent à la suite d’un traumatisme direct qui éclate le bord basilaire détachant une ou plusieurs esquilles osseuses (Fig. 18). Fractures alvéolodentaires, avec ou sans perte de substance osseuse alvéolaire Elles peuvent être isolées sans interruption de la continuité de la mandibule ou associées à une fracture de la mandibule. Le groupe incisivocanin est le plus concerné. Les expulsions traumatiques, les luxations ou fractures dentaires sont notées.
Fractures plurifocales Associations de fractures Elles sont fréquentes. Elles sont bifocales, trifocales, rarement plus, symétriques ou asymétriques, unilatérales ou bilatérales ; elles doivent faire rechercher d’autres lésions dans le cadre d’un polytraumatisme ; elles sont instables et nécessitent souvent un traitement chirurgical. Malgré une grande variabilité, certaines associations sont classiques :
Figure 17 Fracture du coroné droit.
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Figure 18 Fracture-éclatement du bord mandibulaire.
• fracture bicondylienne associée à une fracture symphysaire : le mécanisme est direct au niveau de la symphyse et indirect au niveau des condyles. Tout traumatisme ou plaie du menton doit faire rechercher une fracture du condyle ; • fracture symphysaire ou parasymphysaire d’un côté et angulaire ou condylienne controlatérale ; • fracture condylienne bilatérale avec rétrogénie, une béance interincisive, contact molaire prématuré bilatéral, trismus ; • fracture parasymphysaire d’un côté et de l’angle ou du condyle ou de la branche horizontale du même côté ; • fracture parasymphysaire bilatérale, fracture des deux angles, associées à une fracture de la branche horizontale ou du condyle.
Les associations varient en fonction de l’importance du traumatisme, de la position de la mandibule lors de l’impact et de la denture (Fig. 19). Des associations sont évocatrices de l’étiologie de la fracture : le complexe condyle-symphyse est évocateur d’accident de véhicules, tandis que le complexe branche horizontale ou parasymphyse et angle évoque une altercation. Fractures comminutives Les fractures comminutives sont liées à un impact violent direct, qui entraîne un éclatement de l’os sous-jacent. Les traumatismes balistiques en sont la forme emblématique. Fractures associées La recherche d’autres lésions faciales, orthopédiques ou neurologiques, est guidée par les circons-
Figure 19 Fracture quadrifocale de la mandibule (parasymphysaire droite, sous-condylienne bilatérale et coroné gauche).
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tances de survenue et s’impose dans le cadre d’un polytraumatisme.
Il y a un cal vicieux quand la consolidation se fait en mauvaise position.
Fractures compliquées
Retentissement articulaire Il peut se manifester par un dysfonctionnement, une arthrose, une ankylose, une cicatrisation fibreuse des muscles masticateurs (masséter, temporal) avec constriction permanente des mâchoires ou un trouble de la croissance mandibulaire chez l’enfant.
Complications immédiates Elles sont dues au terrain (décompensation d’une tare : diabète, éthylisme, insuffisance respiratoire...), aux lésions associées faciales (étage moyen), viscérales, neurologiques, orthopédiques, rarement à la fracture mandibulaire seule. L’asphyxie peut être due à une double fracture symphysaire avec glossoptose, ou à des corps étrangers (dents, corps étrangers, caillots, prothèse...). L’hémorragie est rarement grave sauf en cas de trouble de l’hémostase ou de lésions associées. L’ouverture de la fracture en endobuccal par effraction de la muqueuse buccale est quasi constante au niveau du corpus mandibulaire. L’ouverture en exobuccal est plus rare. Les lésions cutanées sont d’importance variable ; l’examen clinique recherchera des signes de lésion du rameau mentonnier (rameau marginal) du nerf facial. Les lésions vasculonerveuses : lésion de l’artère faciale, du rameau mentonnier du nerf facial, du pédicule alvéolaire inférieur (le nerf est très rarement rompu) ; le nerf lingual est rarement lésé ; dans les fractures très déplacées du condyle - plaie ou faux anévrisme secondaire à un traumatisme de l’artère maxillaire, contusion du nerf facial, du nerf auriculotemporal, avec paresthésie ou syndrome de Frey, de la corde du tympan avec dysgueusie, glossodynie, du nerf buccal avec hypoesthésie jugale - sont des éventualités rares. Les pertes de substance uni- ou pluritissulaires, souvent d’origine balistique, posent le problème de la réparation. Tous les tissus peuvent être concernés : cutané, musculaire, muqueux et osseux avec des fractures comminutives. Complications secondaires et tardives Ce sont l’infection, les troubles de la consolidation osseuse et les retentissements articulaires. Infection L’abcès périmandibulaire est la conséquence d’une plaie muqueuse, d’un foyer dentaire infectieux, du manque d’asepsie opératoire et du manque d’hygiène postopératoire. L’ostéite mandibulaire est plus rare. Anomalies de consolidation Il y a un retard de consolidation lorsque la fracture présente une mobilité douloureuse au-delà de 2 mois. Il y a une pseudarthrose quand la fracture ne consolide pas au-delà de 6 mois. Elle peut être lâche, serrée, septique ou aseptique. Le foyer de fracture est mobile et indolore.
Fractures pathologiques (Fig. 20) Elles surviennent sur un os pathologique, dans le cadre d’une ostéite radique, d’une tumeur osseuse primitive ou secondaire, ou d’un volumineux kyste. Les fractures pathologiques représentent environ 5 % de l’ensemble des fractures mandibulaires, l’âge moyen de survenue est d’environ 60 ans ; les circonstances de survenue les plus fréquentes sont la mastication puis les chutes ; plus de la moitié de ces fractures siègent au niveau du corps mandibulaire, puis par fréquence décroissante l’angle, la région condylienne et la symphyse ; l’étiologie la plus fréquente dans la littérature est l’ostéoradionécrose.15
Fractures mandibulaires selon le terrain Fractures de l’enfant (Fig. 21) La mandibule est relativement moins volumineuse et plus en retrait par rapport au squelette craniofacial. Son élasticité plus importante explique les fractures en « bois vert ». La jonction corporéoramique se trouve en arrière de la dernière dent sur l’arcade et se modifie en fonction de l’âge. Les points de fragilité se situent au niveau du germe de la canine définitive, de celui de la deuxième molaire et surtout au niveau du col du condyle. Cette zone de faiblesse devient progressivement basicervicale avec la croissance. Les fractures de l’enfant sont dominées par les fractures du condyle, en raison de leur fréquence (40 à 70 % des fractures de mandibule) et des complications redoutables susceptibles de survenir en l’absence de diagnostic et de prise en charge adéquate. Dans la période néonatale, les fractures du condyle passent souvent inaperçues et elles n’en sont pas pour autant moins redoutables. Elles seront révélées par des complications : limitation de l’ouverture buccale, ankylose temporomandibulaire, anomalie de développement de la face avec une microrétrognathie ou une asymétrie faciale. Plus tard le diagnostic sera systématiquement évoqué devant tout traumatisme du menton (chute sur le menton, plaie, éraflure...) ; il est d’autant
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Figure 20 A, B. Fracture sur ostéite radique.
Figure 21 Fractures mandibulaires de l’enfant : rôle des germes dentaires. A. 2 ans. B. 6 ans.
plus difficile que l’enfant est jeune ou qu’il s’agit d’un contexte de polytraumatisme. Ces fractures posent également des problèmes thérapeutiques de contention en denture lactéale ou mixte, de rééducation quand la collaboration de l’enfant est nécessaire. Après l’apparition de la deuxième molaire sur l’arcade, les fractures de l’enfant s’identifient à celles de l’adulte.
Fractures de l’édenté et du sujet âgé18,19 La proportion des sujets âgés augmente parmi les traumatisés de la face, 5 à 29 % selon les séries. Au-delà de 60 ans, le sex-ratio homme – femme est d’environ 1 : 1,1. Les causes les plus fréquentes sont les accidents de la circulation et les chutes. Les chutes qui entraînent les lésions les plus sévères sont celles qui s’accompagnent de troubles de la conscience ; la lésion maxillofaciale la plus fréquente est alors la fracture mandibulaire.12,16,17 La mandibule du sujet âgé se caractérise par la fréquence de l’édentation et de l’ostéoporose qui entraînent la résorption de l’os alvéolaire et la fragilisation osseuse. La symptomatologie est pauvre en cas de traumatisme minime et de fracture peu déplacée. L’absence des dents, donc de cale, fait que l’ensemble des forces est orienté sur le condyle ; en cas de déplacement, la course des fragments osseux sera plus grande. La région symphysaire est située entre le deux foramens mentonniers. Les fractures siègent le plus souvent au niveau du condyle et de la branche horizontale. Quand la fracture est unifocale, le siège condylien prédomine ; quand les fractures sont plurifocales, le siège molaire devient le foyer le plus fréquent, l’angle étant protégé par les muscles masticateurs (Fig. 22). Ces fractures posent des problèmes thérapeutiques : prise en charge, nutrition d’un sujet âgé, retentissement sur l’état général et psychologique, absence de la référence occlusale, sauf si le sujet est porteur d’une prothèse. L’évolution de ces fractures est dominée par les problèmes de vascularisation avec risque de retard de consolidation et de pseudarthrose.
Conclusion Les fractures de la mandibule sont des fractures fréquentes qui existent aux extrêmes de la vie avec
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Figure 22 Fracture parasymphysaire gauche d’une mandibule édentée.
une prédominance de l’adulte jeune de sexe masculin. Le plus souvent, le diagnostic repose sur l’examen clinique, un cliché panoramique et un cliché de face basse bouche ouverte.
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