Frédérique Frin ou la fascination du regard

Frédérique Frin ou la fascination du regard

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com ScienceDirect L’évolution psychiatrique 79 (2014) 582–583 En couverture Frédérique Frin ou la fascina...

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Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

ScienceDirect L’évolution psychiatrique 79 (2014) 582–583

En couverture

Frédérique Frin ou la fascination du regard Frédérique Frin or the fascination of the sight Vannina Micheli-Rechtman (Psychiatre, psychanalyste, Docteur en Philosophie) a,∗ , Aurore Cartier (Secrétaire de rédaction) b a

Centre de recherches psychanalyse, médecine et société (CRPMS EA 3522), université Paris VII-Denis Diderot, 11, boulevard Saint-Germain, 75006 Paris, France b L’évolution psychiatrique, 2, impasse Raoul-Dufy, 78990 Elancourt, France

Frédérique Frin est peintre. Diplômée de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts à Paris et de l’université Paris 1, elle enseigne les arts plastiques. Elle vit et travaille à Saint-Denis en région parisienne. De 1982 à 2010, elle participe à des expositions collectives en Tunisie, en Suisse et en France. Et de 1993 à 2000, elle organise les journées Portes Ouvertes annuelles des ateliers d’artistes à Saint-Denis pour le collectif ADAA et des expositions collectives : événement Musée revisité en 1999 au Musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis. Ses deux expositions personnelles à Paris (1997 Galerie Debaigt et mars 2014 Galerie JSK) témoignent de son parcours et de son intérêt pour la figure de l’œil et pour le regard. Comme elle le précise : « Depuis quelques années s’impose à moi ce que j’appelle la figure de l’œil ou le questionnement du regard à partir de cette béance de l’œil, mais aussi d’autres parties du corps organique, végétal ou minéral. Le regard offrant cette ambiguïté permanente de l’iris, entre voyure et mirage. ». Elle choisit souvent la forme circulaire et concentrique qui évoque l’iris, tel un isthme d’une rive à l’autre des paupières de l’œil ou des bords d’une ouverture figurée dans le tissu du corps ou du paysage. L’œil apparaît pour l’artiste comme un point d’abîme dans lequel on peut se perdre voire perdre la raison, et simultanément, l’œil peut être aussi un écran qui offre en surface de quoi se jouer des profondeurs. L’artiste met en scène la notion d’entrevoyure qui devient le thème de sa dernière exposition à Paris : Entrevoir, lire entre les lignes et les traces, mettre en lumière, jouer de la polysémie du mot regard. Un regard désigne en architecture une ouverture, ce qui permet l’accès visuel à un autre espace, autrement dit la voyure. On saisit donc que ces regards en forme d’yeux que Frédérique ∗

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (V. Micheli-Rechtman).

0014-3855/$ – see front matter http://dx.doi.org/10.1016/j.evopsy.2014.06.001

V. Micheli-Rechtman, A. Cartier / L’évolution psychiatrique 79 (2014) 582–583

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Frin met en lumière suggèrent des regards tous différents, et ainsi donnent à voir l’ambivalence de tout regard humain. Cette peinture mi figurative, mi abstraite, révélant toute son émotion et sa puissance, nous montre comment faire jaillir la lumière en travaillant avec les matériaux parfois inertes que l’artiste va rencontrer et alors la lumière s’infiltre et soudain jaillit dans un double mouvement. La lumière nous arrive lorsque la force du geste griffe, giffle, entame, même déchire, ou fait tourbillonner la matière jusqu’à ce que le fond du tableau nous ouvre sur une clarté. Ou bien elle se dépose simplement à la surface nous renvoyant aux matières fondamentales comme la terre et l’eau. Frédérique Frin s’intéresse aussi à l’alternance des supports, la toile ou le papier, que l’artiste préfère certaines fois pour son apparente fragilité, sa porosité aux lieux et aux éléments, car comme elle le dit « tel un tympan, il incarne la précarité de l’existence et la disparité des échelles du temps et de l’espace. ». Le travail de la matière est essentiel pour Frédérique Frin, révélant toute l’émotion et la puissance de sa peinture, lorsqu’elle nous parle de l’érosion accélérée de la première geste picturale qui peut être provoquée parfois par le passage de l’eau arrachant ainsi une partie des pigments, et aiguisant ainsi le regard « à lire entre les traces, sur le papier, des vestiges à penser. Sorte de temps géologique en raccourci. « Même la pierre est liquide », dit Pennone, « c’est une question de temps ». . . ».1

1 Œuvre en couverture : Rhizome rouge bleu jaune, 70 × 70 cm, Pigments acryliques sur papier marouflé, 2012, copyright Frédérique Frin.