Pancréatites médicamenteuses ou la frustration du pathologiste

Pancréatites médicamenteuses ou la frustration du pathologiste

Ann Pathol 2004 ; 24 : 1S47-1S54 [5] Beaugerie L, Luboinski J, Brousse N, Cosnes J, Chatelet FP, Gendre JP, et al. Drug-induced lymphocytic colitis. ...

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Ann Pathol 2004 ; 24 : 1S47-1S54

[5] Beaugerie L, Luboinski J, Brousse N, Cosnes J, Chatelet FP, Gendre JP, et al. Drug-induced lymphocytic colitis. Gut 1994 ; 35 : 426-8. [6] Goldstein NS, Cinenza AN. The histopathology of nonsteroidal anti-inflammatory drug-associated colitis. Am J Clin Pathol 1998 ; 110 : 622-8.

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[7] Püspök A, Kiener H-P, Oberhuber G. Clinical, endoscopic, and histologic spectrum of nonsteroidal anti-inflammatory drug-induced lesions in the colon. Dis Colon Rectum 2000 ; 43 : 685-91. [8] Thiéfin G. Toxicité intestinale des médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens. Hepato-Gastro 1999 ; 6 : 37-43.

Pancréatites médicamenteuses ou la frustration du pathologiste RUSZNIEWSKI P Service de Gastroentérologie, Fédération Médico-Chirurgicale d’Hépatogastroentérologie, Hôpital Beaujon, Clichy.

L’étiologie médicamenteuse est affirmée chez 2,3 % des malades atteints de pancréatite aiguë (PA), selon l’enquête réalisée au moment de la Conférence de Consensus sur la pancréatite aiguë, en janvier 2001. Il faut toutefois rappeler que, selon les conclusions de cette conférence, le diagnostic de PA repose sur l’association d’une douleur abdominale aiguë évocatrice, et d’une élévation de la lipasémie à plus de 3 fois la normale. Or, ces deux éléments — et surtout le premier, clinique — sont rarement réunis chez les patients porteurs d’une PA médicamenteuse, de sorte qu’il s’agit le plus souvent d’une élévation asymptomatique des enzymes pancréatiques (amylase et lipase). La démarche diagnostique est en fait « contaminée » par celle des hépatites médicamenteuses, au cours desquelles le diagnostic, évoqué devant une cytolyse ou une cholestase, peut être aisément confirmé par une ponction-biopsie hépatique, qui apporte des arguments en faveur de l’origine médicamenteuse des lésions. En pratique, la biopsie pancréatique d’une zone de parenchyme macroscopiquement normal (c’est-à-dire en dehors d’un kyste ou d’une tumeur solide) n’est presque jamais réalisée car potentiellement source de complications, et la documentation histologique des PA médicamenteuses est donc inexistante. Seuls, les signes radiologiques permettent de confirmer le diagnostic dans les formes les plus sévères, mais ils manquent dans les formes frustres, et il est alors difficile de porter un diagnostic formel. Dans ce contexte, le diagnostic repose sur les notions d’imputabilité intrinsèque et extrinsèque. L’imputabilité intrinsèque consiste à éliminer dans un premier temps les autres causes de PA, ce qui est parfois difficile. La recherche d’une cause alcoolique par un interrogatoire adapté, d’une cause biliaire par l’échoendoscopie si aucun calcul n’a été trouvé par les techniques non invasives, d’une cause tumorale voire des manifestations pancréatiques de la maladie pour laquelle le médicament incriminé est prescrit (lupus, maladie inflammatoire chronique de l’intestin…) est indispensable. Les critères chronologiques sont également de grande importance pour affirmer l’imputabilité intrinsèque. Le début quelques heures à quelques jours après l’introduction des médicaments, la régression des anomalies cliniques, biologiques et radiologiques dans les trois semaines suivant l’arrêt, sont très suggestifs de l’origine médicamenteuse. Une réadministration déclenchant une nouvelle PA serait très suggestive, mais elle n’est pas éthique si la pan-

créatotoxicité du médicament est connue. Enfin, certaines manifestations associées (symptômes allergiques, hyperéosinophilie, hypertriglycéridémie, hypercalcémie…) viennent renforcer l’imputabilité intrinsèque. L’imputabilité extrinsèque est fondée sur l’analyse de la littérature, disponible dans le fichier Pancréatox. Elle est gradée de B0 à B3 : B0, absence de cas dans la littérature ; B1, élévation asymptomatique des enzymes pancréatiques ; B2, pancréatite aiguë sans réintroduction du médicament ; B3, pancréatite aiguë avec réintroduction positive. Comme pour les autres atteintes médicamenteuses, le mécanisme des PA est soit direct, de type immunoallergique ou toxique, à doses thérapeutiques ou par surdosage, soit indirect, par un effet induit. Ce dernier mécanisme est particulièrement fréquent pour les antirétroviraux, responsables d’hypertriglycéridémie. Il peut aussi s’agir d’une hypercalcémie, ou d’un spasme du sphincter d’Oddi. La liste des médicaments incriminés est longue, dominée par les antirétroviraux. Plus de 2 100 cas de PA ont été décrits avec la didanosine (DDI), dont 75 d’évolution grave. La zidovudine, la stavudine, la zalcitabine et le ritonavir ont été moins fréquemment incriminés. Trois à 13 % des patients traités par antirétroviraux présentent une PA médicamenteuse, favorisée par un taux bas de lymphocytes CD4 et la prise concomitante de pentamidine. Le National Institute of Allergy and Infectious Diseases a recommandé aux États-Unis la recherche systématique d’un antécédent de pancréatite avant la mise sous didanosine, et contre-indiqué ce médicament en cas d’antécédents pancréatiques. L’abstinence vis-à-vis de l’alcool, la limitation des autres prescriptions médicamenteuses et l’arrêt de la didanosine pendant un traitement par pentamidine sont également souhaitables. Parmi les autres médicaments incriminés, il faut mentionner la L-asparaginase (270 cas publiés), l’acide valproïque, l’azathioprine, la 6-mercaptopurine et la mésalazine. Presque aucun cas de pancréatite chronique médicamenteuse n’a été décrit, à l’exception de quelques observations discutables avec le furosémide. Au total, le diagnostic de PA médicamenteuse est souvent difficile, car l’exclusion d’une cause associée, souvent plus fréquente, est difficile en pratique. Cette difficulté est maximale chez les malades infectés par le virus de l’immunodéficience humaine, qui constituent la population où ce diagnostic est le plus souvent évo-

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qué. L’absence de moyen simple et sûr d’obtenir une preuve histologique complique encore le problème. Devant l’absence de signification pathologique certaine d’une élévation asymptomatique des enzymes pancréatiques, le dosage systématique de celles-ci durant un traitement connu pour être pancréatotoxique n’est pas recommandé. Le risque d’arrêter un traitement très efficace pour la maladie causale est très certainement supérieur à celui de voir survenir une authentique PA chez ces malades.

Références [1] Rünzi M, Layer P. Drug-associated pancreatitis : facts and fiction. Pancreas 1996 ; 13 : 100-9. [2] Delcenserie R. Quels sont les critères d’imputabilité d’une pancréatite aiguë à un médicament ? Gastroenterol Clin Biol 2001 ; 25 : S18-21. [3] Biour M, Delcenserie R, Grangé JD, Weissenburger J. Pancréatotoxicité des médicaments. Gastroenterol Clin Biol 2001 ; 25 : 1S22-7. [4] Perry RC, Cushing HE, Deeg MA, Prince MJ. Ritonavir, triglycerides, and pancreatitis. Clin Infect Dis 1999 ; 28 : 161-2.

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