Génétique moléculaire du glaucome primitif à angle ouvert

Génétique moléculaire du glaucome primitif à angle ouvert

Pathol Biol 2001 ; 49 : 420-2  2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0369-8114(01)00200-0/ABS Résumé Généti...

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Pathol Biol 2001 ; 49 : 420-2

 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0369-8114(01)00200-0/ABS

Résumé

Génétique moléculaire du glaucome primitif à angle ouvert H.J. Garchon INSERM U 25, hôpital Necker-Enfants Malades, Paris, France

Le glaucome primitif à angle ouvert (GPAO) est la première cause de cécité irréversible dans les pays développés (avec une prévalence de 2–3 %). Il est défini par une excavation caractéristique de la papille optique associée à une altération du champ visuel. Il s’accompagne très souvent, mais non toujours, d’une hypertonie oculaire qui représente un facteur de risque majeur. La maladie progresse longtemps de façon asymptomatique si bien qu’en l’absence d’examen systématique (prise de la tension oculaire, examen du fond d’œil), elle est souvent reconnue à un stade tardif alors que le champ visuel est sévèrement atteint. Pourtant, des traitements simples existent et permettent de prévenir les lésions irréversibles du nerf optique, à la condition d’être mis en œuvre précocement. La détection précoce des patients glaucomateux et, mieux, le dépistage présymptomatique des sujets prédisposés, sont donc essentiels. Le coût économique du GPAO est considérable et a été estimé à 2,3 milliards de dollars par an aux USA. Le GPAO motive 26 % des consultations ophtalmologiques. Son coût social et humain est, lui, incalculable : handicap et gaspillage de compétences très précieuses pour la société, accidents de la voie publique, impact sur les assurances. Dans la double perspective d’une meilleure compréhension de la pathogénie du glaucome et d’un dépistage plus efficace, l’identification récente de mutations géniques associées à différentes formes de glaucome constitue un pas décisif. Les facteurs génétiques jouent en effet un rôle majeur dans la prédisposition au GPAO. La génétique du GPAO apparaît cependant complexe. À côté de familles où une transmission endélienne simple peut être reconnue, les formes familiales les plus fréquentes sont caractérisées par une pénétrance réduite. Parmi les gènes déjà identifiés sur le plan moléculaire, certains correspondent exclusivement à des formes rares de glaucome associé à une malformation oculaire plus ou moins marquée et souvent aussi à une symptomatologie extra-oculaire, comme le syndrome d’Axenfeld-Rieger, l’aniridie, l’iridogoniodys-

génésie, l’onychoarthodysplasie. Les gènes correspondants, PITX2, PAX6, FKHL7, LMX1B, codent des protéines liant l’ADN et jouant un rôle dans le développement oculaire. En revanche, deux autres gènes qui avaient été initialement impliqués dans des formes a priori rares de glaucome : le gène TIGR/MYOC dans la forme à début juvénile de GPAO (locus GLC1A, sur le chromosome 1q23) et le gène CYP1B1 (un cytochrome P450) dans le glaucome primitif congénital (locus GLC3A sur le locus 2p12) sont également mutés dans le glaucome à début adulte, de très loin le plus fréquent. [Note : la nomenclature est la suivante : GLC1 pour les glaucomes à angle ouvert ; GLC3 pour les glaucomes congénitaux ; au sein de chaque groupe, les locus sont ensuite désignés par des lettres dans l’ordre où ils sont cartographiés]. Le gène GLC1A, également appelé TIGR et désormais désigné sous le terme de MYOCILIN, a été mis en cause d’abord dans les formes familiales dominantes de glaucome à début juvénile. Il a été secondairement reconnu comme responsable de formes familiales mixtes à début juvénile et adulte et surtout de formes sporadiques. De façon remarquable, presque toutes les mutations de ce gène sont situées dans son troisième et dernier exon. Celui-ci code un nouveau domaine protéique de 260 acides aminés conservé à travers l’évolution depuis les mammifères jusqu’aux nématodes en passant par les amphibiens. Ce nouveau domaine a été nommé « domaine d’homologie avec l’olfactomédine », l’olfactomédine – une protéine de la matrice extracellulaire de l’épithélium olfactif – étant le premier membre décrit de cette nouvelle famille. Son rôle fonctionnel reste à élucider. Étant donné sa conservation phylogénique et la concentration des mutations à son niveau, ce rôle doit être important. Du point de vue de la génétique épidémiologique, les mutations de TIGR/MYOC caractérisées dans la population française pourraient être classées en trois groupes : – Les mutations récurrentes non associées à un effet fondateur : ce groupe comprend actuellement une seule

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mutation, P370L. Cette mutation a été identifiée dans toutes les ethnies (caucasiens, noirs, asiatiques). Elle détermine un glaucome très sévère à début juvénile (vers l’âge de dix ans) complètement pénétrant, d’évolution rapidement sévère, résistant au traitement mais répondant bien au traitement chirurgical. – Les mutations récurrentes associées à un effet fondateur : ce groupe comprend également une seule mutation, G368X. Retrouvée chez 2–3 % de l’ensemble des patients caucasiens et noirs, mais pas chez les patients asiatiques, cette mutation est la plus fréquente des mutations de TIGR/MYOC. Elle est associée à un glaucome de sévérité variable, à début adulte jeune ou tardif. Sa pénétrance est incomplète. La sévérité semble en fait varier d’une population à l’autre. Elle est faible aux USA, ce qui a fait même douter du caractère pathogène de la mutation. Elle est marquée en France. Il reste à déterminer si le fondateur est le même dans les populations française et anglosaxonne. – Les mutations propres à la population Française. Audelà des mutations précédentes, il existe en effet une grande diversité de mutations décrites. Leur caractère pathogène reste à démontrer lorsqu’elles sont retrouvées chez des patients isolés. Certaines de ces mutations sont aussi transmises au sein de grandes familles, ce qui permet de les distinguer sans peine de polymorphismes rares. Le cas de trois mutations, N480K, I499F et K423E, apparues respectivement dans le nord et l’ouest de la France, et au Québec, et qui sont retrouvées chez plusieurs dizaines de patients, sera discuté plus en détail. Le gène CYP1B1 a été initialement associé au glaucome primitif congénital (GCP). Il s’agit d’une maladie rare à transmission autosomique récessive. Elle est caractérisée par une élévation très importante de la pression intraoculaire à la naissance ou dans les premiers mois de la vie entraînant buphtalmie et œdème cornéen. Là encore, un diagnostic et un traitement précoces sont essentiels pour préserver le pronostic visuel. Le mécanisme d’action de CYP1B1 au niveau de l’œil est encore inconnu. Sur une série de 15 patients atteints de GCP, 8 (53 %) ont été retrouvés porteurs de 11 mutations différentes du gène CYP1B1 altérant la région codante. Chez trois seulement de ces patients, les mutations étaient à l’état homozygote. Ces patients étaient originaires d’Algérie, sans pourtant être issus de mariages consanguins. Quatre des patients d’ascendance française étaient hétérozygotes composites. Une dernière patiente était hétérozygote simple. Partant de l’observation que dans deux familles, l’un au moins des parents des patients présentait un glaucome à début adulte, et donc que les mutations de CYP1B1 pouvaient être pénétrantes à l’état hétérozygote, nous avons commencé de rechercher ces mutations chez des patients atteints de POAG de façon systématique. Quatre patients porteurs d’une mutation hétérozygote de CYP1B1 ont été ainsi identifiés. Cette étude est en cours et permettra ainsi

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de préciser l’impact du gène CYP1B1 sur le glaucome adulte. De même, la caractérisation des haplotypes associés à ces mutations grâce à des polymorphismes devrait permettre de mieux comprendre les mécanismes d’apparition de ces mutations (occurrence de novo ou effet fondateur). En conclusion, l’étude de ces deux gènes, TIGR/ MYOCILIN et CYP1B1, réitère la constatation que l’analyse de phénotypes rares mais dont le contrôle génétique est simple facilite souvent la compréhension de phénotypes fréquents mais dont le contrôle génétique est complexe. Bien qu’une minorité de patients glaucomateux adultes soit concernée pour le moment par des mutations de ces gènes, leur nombre absolu (∼ 50 000 pour chaque gène en France) est d’ores et déjà considérable, étant donné la prévalence importante du glaucome dans la population générale. L’analyse des mécanismes d’apparition de ces mutations, de leur répartition géographique, et de leur pénétrance dans différentes populations, devraient faciliter l’élaboration de stratégies efficaces de dépistage des porteurs sains et permettre de mieux prévenir le handicap visuel qui peut en résulter.

REMERCIEMENTS J’exprime toute ma reconnaissance à mes collaborateurs, le Dr Françoise Valtot (hôpital Saint-Joseph, Paris), le Dr Antoine Brézin (hôpital Cochin), le Prof. Alain Béchetoille, le Dr Josseline Kaplan (INSERM U393) et à l’INSERM U25, Evelyne Colomb, Bruno Copin, Lucienne Gomez.

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