Table ronde Drépanocytose
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www.sciencedirect.com Mots clés : drépanocytose, greffe, vasculopathie, diagnostic pré-implantatoire
Greffe dans la drépanocytose : résultats, perspectives Stem cell transplantation in sickle cell disease : results, perspectives F. Bernaudin* pour la SFGM-TC Hôpital de Jour Pédiatrie, Centre Hospitalier Intercommunal de Créteil, 40 avenue de Verdun, 94010 Créteil
L
a greffe de cellules souches hématopoïétiques est le seul traitement potentiellement curateur permettant d’espérer une disparition complète et définitive du risque de crises douloureuses et des symptômes liés à l’anémie, mais sa toxicité potentielle immédiate et à long terme l’a jusqu’à maintenant réservé aux enfants atteints de formes sévères et ayant un donneur géno-identique. Environ 250 patients drépanocytaires ont été allogreffés jusqu’à maintenant dans le monde [1-3]. La drépanocytose est une maladie génétique de l’hémoglobine liée à une mutation ponctuelle de la chaine β de transmission autosomale récessive, aboutissant au remplacement de l’hémoglobine A normale par l’hémoglobine S. La symptomatologie est liée à l’association : hémolyse-anémie et aux épisodes aigus de vaso-occlusion générateurs de crises douloureuses et responsables de l’asplénie fonctionnelle rendant compte du risque infectieux. Bien que liée à une mutation ponctuelle, son expressivité clinique est très variable dépendant de nombreux facteurs polygéniques. Deux phénotypes d’expressivité clinique se détachent : celui de prédominance vaso-occlusive avec la survenue de nombreuses crises vaso-occlusives (CVO) et/ou syndromes thoraciques (STA) pour lequel l’hydroxyurée a prouvé son efficacité et celui d’anémie/ hémolyse où le risque de vasculopathie cérébrale est important et pour lequel le programme transfusionnel est le traitement de choix. Le dépistage néonatal ciblé généralisé à tout le territoire français en 2000 permet la mise en route précoce, dès l’âge de 2 mois, des mesures préventives anti-pneumococciques et la détection de la vasculopathie cérébrale par DTC dès l’âge de 12-18 mois. Il s’agit de la maladie génétique la plus fréquemment dépistée à la naissance avec 358 syndromes drépanocytaires majeurs rapportés en 2005 par l’AFDPHE.
L’expérience française Le but de la greffe géno-identique est de remplacer de façon définitive les globules rouges SS par ceux du donneur sain HLA identique AA, AS ou βthal hétérozygote. La chance d’être HLA identique est de 1/4 entre chaque frère ou sœur. Malgré l’identité HLA, des différences mineures exposent au risque de réaction du greffon contre l’hôte : GVH (Graft vs Host) nécessitant le recours * Auteur correspondant. e-mail :
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à des traitements immunosuppresseurs fragilisant le malade et le rendant susceptible aux infections. Le dilemme de la greffe est d’exposer à un risque potentiel dans l’espoir d’une guérison et d’une meilleure qualité de vie. L’expérience française de greffe dans la drépanocytose portant sur 87 (40 filles, 47 garçons) enfants SS ou S β0 allogreffés entre novembre 1988 et décembre 2004 vient d’être rapportée [3,4]. L’âge moyen était de 9,5 ans (2 à 22 ans). L’indication de greffe était un antécédent d’AVC dans 36 cas, l’existence de sténoses artérielles cérébrales détectées par DTC et confirmées par artériographie ou ARM dans 6 cas, des vitesses restant pathologiques au DTC malgré un programme transfusionnel prolongé dans 2 cas. Treize ont été greffés pour anémie sévère avec retentissement cognitif et/ou présence d’AVC silencieux à l’IRM, 2 l’ont été du fait d’une allo-immunisation érythroïde sévère. Les 28 autres patients ont été greffés pour CVO et ou STA fréquents (3 ou plus par an). Sept d’entre eux avaient été traités initialement avec succès par hydroxyurée mais avaient présenté secondairement une récidive de CVO trop fréquentes et/ou la survenue d’ostéonécroses. Les donneurs étaient géno-identiques dans 83 cas et présentaient un antigène mismatch dans 4 cas. La source de cellules souches était la moelle osseuse dans 74 cas, le sang placentaire seul dans 10 cas, associé à la moelle dans 2 cas et des cellules souches périphériques (CSP) dans 1 cas présentant un phénotype U- avec alloimmunisation Les patients ont été préparés par programme transfusionnel ou échange de façon à abaisser le taux d’HbS en dessous de 30 % avant l’anesthésie pour la pose du cathéter central et la mise en route du conditionnement. Les premiers patients ont reçu l’association du Busulfan et de l’Endoxan® mais à partir de 1992, du sérum anti-lymphocytaire de lapin (Thymoglobuline) a été ajouté pour diminuer le risque de rejet. La prophylaxie de la GVH a fait appel à l’association ciclosporine (CSA) méthotrexate pour les greffes de moelle et à la CSA seule pour celles de sang placentaire. La prise de greffe a été observée dans 86 des 87 cas. Six rejets ont été observés de 5 à 100 mois post-greffe. L’incidence cumulative globale des rejets a été de 7 % à 5 ans mais l’adjonction de SAL a permis de réduire très significativement ce risque de 22,6 % à 2,9 % (p = 0,002). Avec un suivi médian de 6 ans, la mortalité liée à la greffe (TRM) a été de 6,9 %, et aucun décès n’est survenu au delà des 12 mois post-greffe : elle a concerné 6 patients, 1 seul est décédé en aplasie, 4 sont décédés d’infections en rapport avec une GVH sévère et 1 d’AVC hémorragique alors qu’il était sorti d’aplasie.
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Les facteurs significatifs de risque de décès ont été la date de greffe (avant ou après janvier 2000), l’âge (moins ou plus de 15 ans), et la survenue d’une GVH. Une GVH de grade ≥ II a été observée chez 17 patients (20 %). L’incidence cumulative de GVH chronique a été de 12,6 %. Les facteurs de risque ont été l’âge de plus de 15 ans et la greffe mismatch. Aucun patient greffé à partir de sang placentaire n’a développé de GVHA ≥ II ni de GVH chronique. En considérant comme évènements les décès (n = 6), la non-prise (n = 1) et les rejets (n = 6), la survie sans événement (EFS) a été de 86,1 %. En analyse univariée, les facteurs de risque significatifs ont été la date de greffe, l’existence d’une GVHA ≥ II et celle d’une GVH chronique alors qu’en analyse multivariée seule la date est restée significative avec une EFS à 5 ans de 95,3 % pour les patients greffés après janvier 2000. Les études de chimérisme ont montré que l’adjonction de SAL dans le conditionnement avait favorisé un chimérisme mixte (50-95 % de donneur) mais stable. La surveillance des différentes atteintes organiques en post-greffe a montré qu’une récupération au moins partielle de la fonction splénique était possible avec disparition des corps de Jolly chez 70 des 81 patients non splénectomisés et vivants à 2 ans post-greffe. Les 13 patients avec ostéonécroses pré-greffe ont été stabilisés. Le risque convulsif a été important puisque 16 patients (24 %) ont présenté des convulsions en post-greffe. Les facteurs de risque significatifs chez ces patients sous ciclosporine ont été l’adjonction des stéroïdes pour la survenue d’une GVH et l’hypertension alors que l’existence d’une vasculopathie cérébrale pré-greffe n’a pas influencé significativement ce risque. Chez 7 d’entre eux, les convulsions s’intégraient dans un tableau de leuco-encéphalopathie postérieure réversible avec cécité corticale, céphalées, troubles de conscience et lésions typiques en imagerie disparaissant sans laisser de séquelles après l’arrêt de la ciclosporine. Par contre, l’évolution post-greffe chez les patients avec vasculopathie cérébrale a été satisfaisante puisque parmi les 36 patients avec antécédent d’AVC, seuls 2 ont présenté une récidive précoce à J10 et J32 portant le risque de récidive à 5,6 %. Au delà du premier mois, l’évolution a été très satisfaisante puisque aucun AVC n’est survenu et la surveillance en IRM n’a objectivé aucune survenue de nouvelles lésions ischémiques chez les patients ayant une prise du greffon. Par contre l’évolution de l’artériopathie a été variable : les occlusions ont persisté et parmi les sténoses, 5 ont disparu, 16 sont restées inchangées et 2 ont progressé. Les vitesses artérielles au DTC ont été significativement réduites et chez 2 patients dont les vitesses restaient anormales malgré un programme transfusionnel très prolongé, une normalisation a été observée dès le 3e mois post-greffe. La croissance post-greffe a été normale avec une prise pondérale significative. Le développement pubertaire des garçons s’est déroulé normalement avec des taux de testostérone et de FSH-LH en rapport avec le stade pubertaire mais des spermogrammes n’ont pas encore été effectués. Par contre les filles pubères au moment de la greffe ont toutes développé une aménorrhée liée à une insuffisance ovarienne avec œstradiol bas et taux élevés de FSH-LH nécessitant un traitement hormonal substitutif. Parmi les 17 filles prépubères à la greffe mais ayant atteint un âge osseux de 13 ans, 12 ont eu besoin de traitement œstro-progestatif pour l’induction de puberté tandis que 5 ont eu un développement pubertaire spontané avec dosages hormonaux normaux. Les chances de puberté spontanée ont été significativement liées (p = 0,002) au plus jeune âge à la greffe (5,9 vs 10,1 ans). La situation actuelle des patients est la suivante : 81 patients sont vivants d’âge moyen de 16,2 ans (6,1-28 ans). Parmi les 6 patients
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ayant rejeté, 2 ont été regreffés avec succès tandis que les 4 autres en reconstitution autologue ont eu une amélioration significative en rapport avec la persistance très prolongée d’un taux d’HbF élevé en post-greffe. Ainsi, 77 sont « guéris » avec le même profil électrophorétique que leur donneur et l’absence d’anémie et 79 n’ont eu aucune manifestation de la maladie drépanocytaire en post-greffe. Les 2 patients avec GVH extensive (bronchiolite oblitérante pour l’un et digestive pour l’autre) en sont décédés à 12 mois post-greffe et parmi les 9 patients ayant eu des manifestations de GVH chronique, seuls 7 patients en gardent des signes modérés.
Discussion Les résultats globaux de cette série (86,1 % d’EFS) sont comparables à ceux des séries publiées par Vermylen et Walters respectivement de 82 et 84 % [1,2] mais l’EFS des 47 dernières greffes réalisées depuis janvier 2000 a été nettement améliorée puisque de 95,3 %. La mortalité globale de 6,9 % de cette série de 87 patients sévères est comparable à celle de la maladie elle-même de 6,5 % avant 18 ans [5] alors que la greffe a offert une qualité de vie incomparable. Même les patients ayant rejeté le greffon ont eu une qualité de vie améliorée en rapport avec un taux élevé d’HbF en post-greffe. Le conditionnement myéloablatif a été bien toléré puisque un seul décès en aplasie a été observé et aucune maladie vaso-occlusive. Les tentatives de conditionnements non myéloablatifs ayant entraîné un taux élevé de rejets [6], les conditionnements myéloablatifs doivent être maintenus chez l’enfant sans défaillance organique. La principale complication a été la GVH à l’origine de 4 décès. Ceci doit inciter à proposer la greffe précocement dans l’enfance et à recourir aux greffes de sangs placentaires qui exposent à un risque moindre de GVH : ceci implique de pouvoir offrir à toutes les familles de drépanocytaires, la cryopréservation des sangs placentaires de la fratrie à venir. Il est important par ailleurs que les couples puissent, s’ils le désirent, recourir au diagnostic pré-implantatoire avec double sélection HLA-maladie autorisé en France depuis la parution du décret d’application le 26 décembre 2006. Malgré une période immédiate post-greffe à haut risque convulsif, l’évolution ultérieure de la vasculopathie cérébrale a été très satisfaisante avec seulement un AIT et un AVC hémorragique et aucune apparition de nouvelle lésion ischémique chez les patients greffés avec succès : le risque de lésions ischémiques est ainsi beaucoup plus lié à la drépanocytose elle-même qu’à la présence sous-jacente de vasculopathie. La normalisation rapide des vitesses en post-greffe chez 2 patients qui avaient gardé des vitesses pathologiques sous programme transfusionnel est en faveur de la supériorité de la greffe et nous incite à proposer un protocole national de greffe précoce chez les enfants avec DTC pathologique. Le risque d’insuffisance ovarienne reste un problème majeur au décours des conditionnements myéloablatifs et incite à proposer la cryopréservation systématique d’un ovaire [7]. Les AVC laissent des lésions irréversibles compromettant les fonctions motrices et surtout cognitives [8] mais le DTC permet de détecter les patients à risque et de prévenir la survenue des AVC par mise en route du programme transfusionnel (STOP I) [9]. Il est désormais raisonnable et conseillé de proposer la greffe précocement dès la mise en évidence de sténoses et même simplement de vitesses pathologiques [10] puisque l’étude STOP II a montré que, même chez ceux ayant normalisé les vitesses et n’ayant pas de sténoses, il n’était pas sécuritaire d’interrompre le programme transfusionnel [11]. Ainsi, l’espoir de guérison de 95 % en situation
Greffe dans la drépanocytose : résultats, perspectives
géno-identique doit nous encourager à discuter très précocement de cette procédure avec les familles concernées et à recueillir systématiquement les sangs placentaires de la fratrie.
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