Haltes de chasse du Châtelperronien de la Péninsule Ibérique : Labeko Koba et Ekain (Pays Basque Péninsulaire)

Haltes de chasse du Châtelperronien de la Péninsule Ibérique : Labeko Koba et Ekain (Pays Basque Péninsulaire)

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com L’anthropologie 116 (2012) 532–549 www.em-consulte.com Article original Haltes de chasse du Châtelper...

1MB Sizes 0 Downloads 9 Views

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

L’anthropologie 116 (2012) 532–549 www.em-consulte.com

Article original

Haltes de chasse du Châtelperronien de la Péninsule Ibérique : Labeko Koba et Ekain (Pays Basque Péninsulaire) Hunting camps during the Chatelperronian in the Iberian Peninsula: Labeko Koba and Ekain (Peninsular Basque country) Joseba Rios-Garaizar a,*, Alvaro Arrizabalaga b,c, Aritza Villaluenga b,c a

Centro Nacional de Investigación sobre la Evolución Humana (CENIEH), Paseo Sierra de Atapuerca s/n, 09002 Burgos, Espagne b Universidad del País Vasco-Euskal Herriko Unibertsitatea (UPV-EHU), Departamento de Geografía, Prehistoria y Arqueología, Calle Tomás y Valiente s/n 01006, Vitoria-Gasteiz, Álava-Araba, Espagne c Société des Sciences Aranzadi, Zorroagagaina 11, 20014 Donostia-San Sebastián, Gipuzkoa, Espagne Disponible sur Internet le 21 novembre 2012

Résumé Cet article a pour but de présenter deux niveaux possédant des indices d’occupation éphémère du Châtelperronien : Labeko Koba IX et Ekain X. Pour chacun des deux niveaux, la présence de carnivores est importante, et pour cela les interactions entre humains, herbivores et carnivores ont été évaluées d’un point de vue taphonomique. De cette manière, nous pourrons déchiffrer le rôle joué par chacun d’eux sur les accumulations des restes de faune. D’autre part, l’industrie lithique a été analysée en adoptant différents points de vue : la matière première, les systèmes de fabrication, la typologie et l’utilisation. Ces informations ont été utilisées pour caractériser le système de gestion employé et préciser les activités réalisées sur chacun des sites. Les résultats combinés des analyses industrielles et taphonomiques nous permettent d’évaluer les deux occupations comme des haltes de chasse. À partir de cette lecture, nous pouvons proposer des interprétations sur les stratégies de gestion du territoire pendant le Châtelperronien et sur les implications de ces stratégies dans la compréhension de la transition du Paléolithique Moyen au Paléolithique Supérieur et le remplacement des peuples néandertaliens de Cantabrie orientale et du Sud-Ouest de la France. # 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Châtelperronien ; Archéozoologie ; Industrie lithique ; Halte de Chasse ; Territoire ; Transition Paléolithique Moyen-Supérieur

* Auteur correspondant. Adresses e-mail: [email protected] (J. Rios-Garaizar), [email protected] (A. Arrizabalaga), [email protected] (A. Villaluenga). 0003-5521/$ – see front matter # 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.anthro.2012.10.001

J. Rios-Garaizar et al. / L’anthropologie 116 (2012) 532–549

533

Abstract In this paper, we present two sites with evidences of ephemeral occupations dating to the Chatelperronian: Labeko Koba IX and Ekain X. In both levels carnivore presence is abundant. For this reason the interactions between humans, carnivores and herbivores are investigated from a taphonomic point of view in order to clarify the origin of faunal accumulation. Lithic industry is also analyzed from different perspectives: raw material acquisition, fabrication system, typology and use. These data have been used to characterize lithic provisioning strategies and to precise the range of activities performed in the site. The combination of thaponomic and industrial data suggest that both sites served as hunting camps. Starting from this interpretation we can assess the territory management strategies practiced during the Chatelperronian and the implication of this in the understanding of the Middle to Upper Paleolithic Transition and the replacement of Neanderthal populations in eastern Cantabrian region and Sud-Ouest of France. # 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Chatelperronian; Archeozoology; Lithic industry; Hunting Camp; Territory; Middle to Upper Paleolithic Transition

1. Introduction Les haltes de chasse constituent probablement l’un des thèmes les plus fréquemment traités dans les études du Paléolithique de ces dernières années. Cela vient de la convergence entre des thématiques très attractives telles que la caractérisation fonctionnelle des sites, l’étude technotypologique des séries, l’exploitation du milieu biotique, la recherche de l’intervention humaine sur le registre faunistique, etc. De plus, dans un contexte de transition entre le Paléolithique Moyen et le Paléolithique Supérieur, la présence de ce type d’occupation implique autant l’existence de stratégies de chasse complexes qu’une gestion logistique du territoire, qui s’associent généralement à un comportement moderne. La définition de halte de chasse reste complexe. Par opposition aux autres types d’occupations, comme les campements résidentiels ou les ateliers de taille, les haltes de chasse sont des occupations très brèves, liés aux activités de chasse, comme l’observation des proies ou la préparation des armes (Binford, 1978). D’un point de vue archéologique leur visibilité est faible et peut être confondue avec d’autres types de stations. L’importance des témoignages tels que la position stratégique, la présence significative de déchets de réparation des armes ou la rareté d’autres types d’activités peuvent aider à l’identification de la fonction du site. Cependant, il faut signaler que les réalités archéologiques sont complexes et d’autres activités occasionnelles, en plus de celles directement liées à la chasse, peuvent être représentés. Dans une perspective régionale qui comprend ce que l’on appelle le « carrefour basque » (Arrizabalaga, 2007), les implantations du Châtelperronien (Arrizabalaga et Iriarte, 2010) sont caractérisées par des occupations discrètes de grotte au Nord et au Sud des Pyrénées (Altuna et Merino, 1984 ; Arrizabalaga et Altuna, 2000 ; Buisson et Delporte, 1990 ; Maíllo, 2005), par des établissements en plein air vers la région de Bayonne (Chauchat et Thibault, 1968 ; Bachellerie, 2011) et par une occupation de grotte sur la marge nord des Pyrénées (Sáenz de Buruaga, 1991). Cette caractérisation semble indiquer une organisation du territoire différente de celle décrite pour la fin du Paléolithique Moyen, pour laquelle on observe une grande mobilité résidentielle (Rios-Garaizar, 2009) et de celles du Proto-aurignacien Ancien, où l’on reconnaît d’importantes occupations de grotte de référence (Arrizabalaga et Altuna, 2000 ; Normand et al., 2007 ; Bon, 2000) (Fig. 1).

534

J. Rios-Garaizar et al. / L’anthropologie 116 (2012) 532–549

Fig. 1. Localisation des principaux sites du Châtelperronien du Golfe de Gascogne : 1 : Cueva Morín ; 2 : Labeko Koba ; 3 : Ekain ; 4 : Bidart ; 5 : Le Basté ; 6 : Gatzarria ; 7 : Brassempouy. Location of the main Chatelperronian sites around the Bay of Biscay: 1: Cueva Morín; 2: Labeko Koba; 3: Ekain; 4: Bidart; 5: Le Basté; 6: Gatzarria; 7: Brassempouy.

Pour cette étude, nous procéderons à une lecture transversale de deux niveaux similaires (Labeko Koba IX et Ekain Xa) de par leur chronologie (Châtelperronien), leur caractérisation (registre matériel faible) et leur proximité dans l’espace. Cette information nous permettra d’évaluer les stratégies d’occupation du territoire et de subsistance du Châtelperronien cantabropyrénéen. Pour cela, nous allons analyser les ensembles industriels à partir de plusieurs points de vue, qui concernent aussi bien la structure physique – matière première, les modes de fabrication, la morphologie des objets et les modes de configuration de l’outillage retouché ainsi que la fonction des outils lithiques. Cette analyse nous offrira des éléments qui permettront une caractérisation de la conformation des ensembles industriels et de la fonction des occupations. En plus des ensembles industriels, nous allons étudier les complexes archéozoologiques de chaque niveau. L’étude de la composition taxonomique et taphonomique nous permettra de compléter le regard que nous avons sur la fonction de chacun des sites (Arrizabalaga et al., 2010). 2. Labeko Koba IX Le site de Labeko Koba (Arrasate-Mondragón, Guipuscoa), connu depuis 1971 et aujourd’hui disparu, fut intégralement fouillé en urgence sous la direction d’Alvaro Arrizabalaga (1987–1988).

J. Rios-Garaizar et al. / L’anthropologie 116 (2012) 532–549

535

En 2000, cette fouille a fait l’objet d’un compte rendu dans lequel de nombreux aspects ont été étudiés de manière détaillée (Arrizabalaga et Altuna, 2000). La morphologie de la cavité de Labeko Koba était particulière. Elle se trouvait sur un coteau de pente prononcée et l’accès à l’intérieur de la grotte se situait à l’endroit le plus élevé du plafond, ce qui faisait que son ouverture passait inaperçue à moins d’être situé à faible distance. De plus, le profil intérieur de la paroi descendait de manière échelonnée jusqu’au fond, tandis que la paroi opposée était en surplomb. Sa configuration même faisait que la grotte était un piège naturel, en particulier pour les herbivores. À la base de la séquence fertile, juste au-dessus du niveau X stérile, se trouve un épais niveau IX (qui pouvait atteindre deux mètres de puissance en certains points). Approximativement à la côte – 370, nous avons découvert un plancher stalagmitique qui permettait de diviser cet épais horizon en deux sous-niveaux. L’inférieur, avec une faune principalement tempérée, comprenait aussi des restes d’industrie lithique et osseuse, qui furent attribués au Châtelperronien. Le sous-niveau supérieur ne comprenait que des restes de faune. Les datations disponibles jusqu’à aujourd’hui étaient 34,215  1,265 BP (Ua-3324) pour le sous-niveau IX inférieur et 29,750  740 BP (Ua3325) pour le sous-niveau IX supérieur. Ces dates doivent être nuancées grâce aux nouvelles analyses réalisées par ultrafiltration, qui fournissent des résultats plus anciens (Arrizabalaga et Iriarte, 2010), comme par exemple la datation publiée par Stuart et al. (2004) d’un reste de bois de Megaloceros giganteus du sous-niveaux IX supérieur, de 42,200 2,400 BP (OxA-10104) (Fig. 2).

Fig. 2. Stratigraphie de Labeko Koba (Arrizabalaga et Iriarte, 2010). Labeko Koba stratigraphy (Arrizabalaga et Iriarte, 2010).

536

J. Rios-Garaizar et al. / L’anthropologie 116 (2012) 532–549

2.1. Faune Le niveau IX supérieur (IX sup.) de Labeko Koba présente une faune d’appétences froides. On remarque la présence de quatre taxons : Rangifer tarandus, Megaloceros giganteus, Coelodonta antiquitatis et Mammuthus primigenius. Il s’agit de taxons peu courants sur la corniche cantabrique et qui sont indicatifs d’une rigueur climatique du milieu à cette période. De même, la quantité des restes appartenant à sept individus de Coelodonta antiquitatis (NR : 92, ce qui représente 8 % de l’ensemble) indique la présence constante de cette espèce dans l’environnement du site (Tableau 1). D’autre part, le niveau IX inférieur (IX inf.), dans lequel est rassemblée la totalité de l’industrie lithique, et les cônes de détritus supérieur (D. sup.) et inférieur (D. inf.) présentent des ensembles de faunes eurythermes (Tableau 1). La présence de Rangifer tarandus (NR : 1) et de Coelodonta antiquitatis (NR : 3) est très ponctuelle. Cependant les taxons les plus abondants (Cervus elaphus, Equus ferus et Bos/Bison) n’ont pas de condition climatique aussi définie, et sont capables de supporter des climats plus rigoureux (Tableau 1). La taphocénose de ces niveaux est complexe. Dans les niveaux analysés, on trouve des restes d’animaux pratiquement complets, les cerfs en particulier. Leurs restes ont été consommés à divers degrés par différents carnivores : des loups, des renards, des ours et des hyènes. De plus, nous avons localisé un grand nombre de coprolithes d’hyènes et des restes d’espèces peu fréquentes dans le registre paléontologique ibérique, comme par exemple un maxillaire et des fragments de défense d’un jeune Mammuthus primigenius, cinq bois de mue de Megaloceros giganteus, tous de morphologie très similaire, et des os longs très rongés dans leur épiphyse de Coelodonta antiquitatis. Ces restes, dont certains présentent des traces de morsures, indiquent des apports ponctuels de l’extérieur produit par des hyènes. Il existe cependant un doute dans le

Tableau 1 Distribution taxonomique des niveaux IX (sous-niveaux IX inférieur et IX supérieur) et du Cône de Détritus (su-niveaux D. inférieur et D. supérieur). Taxonomic distribution of level IX (sub levels IX inferior and IX superior) and Debris Cone (sub levels D inferior and D superior). D. inférieur

D. supérieur

IX inferieur

IX supérieur

Taxon

NR

MNE

%

NR

MNE

%

NR

MNE

%

NR

MNE

Cervus elap. Megaloceros Rangifer tar. Capreolus c. Sus scrofa Bovini Rupicapra Equus ferus Coelodonta Mammuthus Canis lupus Vulpes vul. Ursus spel. Crocuta cr.

15 – – – – 6 – 33 – – – – 1 8

1 – – – – 1 – 3 – – – – 1 1

23,8 – – – – 9,6 – 52,4 – – – – 1,6 12,7

31 – 1 – – 3 – 8 3 – – – – 10

2 – 1 – – 1 – 1 1 – – – – 1

55,4 – 1,8 – – 5,4 – 14,3 5,4 – – – – 17,9

792 – 14 – – 143 – 210 – – – 2 3 55

16 – 2 – – 5 – 6 – – – 1 2 4

65 – 1,1 – – 11,7 – 17,2 – – – 0,2 0,3 4,5

367 5 13 4 1 206 7 305 92 8 1 3 14 117

8 4 2 1 1 5 1 8 7 1 1 1 3 12

Total

63

7

100

56

7

100

1319

36

100

1143

55

% 32,1 0,4 1,1 0,3 0,1 18 0,6 26,7 8 0,7 0,1 0,3 1,2 10,2 100

J. Rios-Garaizar et al. / L’anthropologie 116 (2012) 532–549

537

cas des bois de Megaloceros giganteus, qui, en raison de leur morphologie et de leur similitude, pourrait correspondre à des éléments apportés par des humains. D’autre part, il faut souligner l’absence de restes juvéniles d’hyènes (NR : 10, MNE : 2). L’exemplaire le plus jeune avait plus de neuf mois, ce qui en fait un subadulte qui commence à collaborer à la chasse et à la défense du territoire. De plus, l’ensemble archéozoologique luimême est caractérisé par des os peu fracturés, donc beaucoup d’entre eux sont identifiables, et présentent des preuves d’activités d’hyènes (Cruz-Uribe, 1991 ; Fosse, 1997). Toutes ces caractéristiques ne correspondent pas à une tanière employée pendant des périodes prolongées, mais bien à un repaire ou à un simple point d’accès ponctuel aux charognes (Kruuk, 1972 ; Holekamp et al., 1997). Ce comportement coïncide avec des observations actuelles qui ont montré l’existence sur un territoire de quelques repaires occupés à plusieurs moments tout au long de l’année, mais à chaque fois pour une courte durée (Kruuk, 1972 ; Guadelli, 1989). En plus de l’action des carnivores, on a pu aussi constater une activité anthropique sur des restes osseux. C’est ainsi que l’on voit apparaître des fragments portant des traces de percussion, des marques de découpe et des fragments de diaphyse présentant des signes de combustion. Ce type de preuve se constate uniquement sur trois taxons : Cervus elaphus, Equus ferus et Bos/ Bison. Pour ces deux dernières espèces, le modèle de représentation est dominé par des os longs, où se concentrent les traces d’activités anthropiques. Cela suggère un modèle de transport différentiel des parties les plus nutritives des animaux chassés. Si nous comparons chaque sous-niveau du niveau IX, nous pouvons observer des différences importantes du point de vue taxonomique et taphonomique (Fig. 3). Dans le sous-niveau supérieur, la présence de restes d’hyènes et d’autres carnivores est manifestement plus grande que dans le sous-niveau inférieur (respectivement 11,8 % et 5 %). De la même manière, la

Fig. 3. Distribution taxonomique des sous-niveaux supérieur et inférieur niveau IX de Labeko Koba. Taxonomic distribution of Labeko Koba level IX upper and lower sub levels.

538

J. Rios-Garaizar et al. / L’anthropologie 116 (2012) 532–549

présence de coprolithes, d’animaux apportés par les hyènes et d’os présentant des marques de carnivores est plus élevée dans le sous-niveau supérieur. Dans ce sous-niveau, les os qui ont des traces d’activité anthropique sont très rares (six os seulement, comparés aux 29 os de la partie inférieure). Dans la partie inférieure, même si l’incidence des carnivores est mineure, une bonne partie de l’ensemble faunistique, particulièrement du cerf, ne présente pas de trace d’activité anthropique. Toutes ces données impliquent que nous avons affaire à une taphocénose complexe et mixte. D’une part, nous remarquons l’action des carnivores, particulièrement des hyènes qui utilisent la grotte comme un repaire ou un lieu de charognage occasionnel. D’autre part, il y a les herbivores (les cerfs en particulier) qui tombent et meurent sur place. Certains d’entre eux seront postérieurement charognés par les hyènes et peut être partiellement utilisés par les hommes. Pour finir, et particulièrement dans le cas du sous-niveau IX inférieur, nous possédons des preuves de transport et de consommation de la faune (plus spécialement d’aurochs/bison et de cheval) par des humains. 2.2. Industrie Lithique L’industrie lithique se concentre dans la partie inférieure du niveau (Arrizabalaga, 2000a, 2000b). L’ensemble est composé d’un total de 81 restes lithiques, 12 d’entre eux sont retouchés et les 69 restants ne portent pas de retouche. On pourrait augmenter l’effectif de cet ensemble en y ajoutant une série de restes récupérés dans le cône de détritus en 1973 et en 1987, parmi lesquels il faut signaler la présence d’un racloir débité à partir d’un nodule ferrugineux, un fragment distal de pointe de Châtelperron, cinq éclats de calcaire et de silex et une chute de burin. La connexion entre le niveau IX inférieur et le cône de détritus a été démontrée par le remontage de cette reprise avec un burin trouvé dans ce dernier. Pour ce qui est des matières premières du niveau IX de Labeko Koba, on peut observer que le silex représente 85 % du total des matières lithiques (Tarriño, 2006). Les types de silex employés sont fondamentalement des variétés de silex du Crétacé Supérieur (Flysch) dont les affleurements se situent à plusieurs endroits sur la côte entre Bilbao et Bayonne, situés à une distance minimum de 30 kms. Les variétés paléogènes et néogènes (Urbasa et Treviño) situées au sud de la ligne de partage des eaux, à plus de 30 km de distance, sont aussi présentes, mais dans une proportion bien plus petite. Le reste des matières est composé de roches d’origine locale, de nodules ferrugineux et de calcaire silicifié. Seulement 11 restes lithiques de ce niveau sont intacts et susceptibles de recevoir une analyse typométrique. L’indice de laminarité typométrique est de 72,7 %, ce qui devrait être nuancé si l’on prend en compte le volume réduit de l’échantillon analysé. Même s’il s’agit d’un pourcentage indicatif, il faut signaler l’importance numérique de véritables supports laminaires de l’ensemble. D’un point de vue technologique, l’ensemble se distingue aussi par sa grande laminarité. Pratiquement tous les restes peuvent être intégrés dans une stratégie de production de supports laminaires (Rios-Garaizar, 2008). On note dans ce sens, un format relativement standardisé de largeurs environnant les 15 mm, avec des sections trapézoïdales aplanies, dans lequel on remarque une incidence spéciale de la bipolarité et une préparation spécifique des talons facettés. Ce type de production laminaire semble caractéristique du Châtelperronien (Pelegrin, 1995 ; Grigoletto et al., 2008) et peut être lié à la nécessité d’obtenir des supports de profil rectiligne spécialement appropriés pour la fabrication de pointes à dos. En plus de cette production de lame relativement larges, il y a des évidences d’une production de supports plus étroits (< 10 mm).

J. Rios-Garaizar et al. / L’anthropologie 116 (2012) 532–549

539

D’autre part, on remarque l’absence presque totale de supports sur éclat et la présence de nodules ferrugineux apportés et utilisés sur le site. Malgré la quantité importante d’éclats d’aménagement et de percuteurs, l’absence de petits débris de taille et de remontages nous amène à penser que l’activité de taille sur place s’est produite de manière très occasionnelle. La proportion de supports retouchés est assez élevée, donnée sur laquelle il faut ajouter le fait que la majorité des supports récupérés sont directement fonctionnels et, comme nous le verrons plus loin, une bonne partie des supports non retouchés présente des traces d’utilisation. Les quatorze outils retouchés qui s’accumulent à ce niveau sont insuffisants pour pouvoir envisager une étude exhaustive faite dans une perspective modale et morphologique. Une classification empirique présente le spectre suivant : un burin dièdre multiple, trois pointes caractéristiques de Châtelperron, une autre pointe plus douteuse (à la limite d’une troncature oblique), une troncature oblique, une lame à retouche latérale, un fragment de lame robuste à retouche simple, deux racloirs et trois petites lamelles à dos. La configuration de cette collection permet une attribution chrono-culturelle assez précise, à partir de ce que l’on appelle les types caractéristiques. La présence de plusieurs éléments à dos courbe (de type Châtelperron) et de divers éléments de substrat indique une attribution culturelle au Châtelperronien. Avec un effectif si limité, il ne semble pas convenable d’avancer dans l’étude de la séquence structurale de cette distribution, même si l’on doit considérer comme significatif le fait que le mode abrupte se situe de manière notable devant le mode simple et celui-ci, à son tour, devant le burin. Il s’agit d’une composition cohérente avec une attribution au Châtelperronien. Cette appréciation a été renforcée en vérifiant la disposition de l’échantillon, en étant attentif aux groupes typologiques, avec un ensemble ou dominent les groupes PD et R (quatre effectifs chacun) suivis de LD (3) puis de T, B et Bc (un exemplaire chacun). Récemment, 35 restes lithiques de silex taillés et sept nodules ferrugineux provenant du niveau IX inférieur – ce qui constitue 51 % des restes lithiques récupérés dans ce sous-niveau (Rios-Garaizar, 2008) – ont été analysés d’un point de vue fonctionnel. L’état de conservation est suffisamment bon pour pouvoir aborder cette étude fonctionnelle. Les altérations macroscopiques sont rares. Il existe un certain degré d’altération microscopique d’origine chimique (désilicification et glossy aspect), ainsi qu’une légère altération de type mécanique (abrasion, brigth spots). De plus, certaines pièces portent des concrétions fixées sur leur surface. L’analyse tracéologique à grossissements élevés a démontré que 51,4 % des pièces lithiques taillées analysées conservent des traces d’utilisation. Des 18 pièces qui portent des traces, six d’entre elles (17 % du total), présentent plus d’une zone active, nous donnant un résultat total de 24 zones actives. De plus, deux des sept galets de limonite analysés présentent des traces macroscopiques d’utilisation. Si nous prenons en compte les pièces modifiées par retouche, nous observons que deux tiers des outils retouchés conservent des traces d’usage, alors que dans le cas des pièces non retouchées, ce pourcentage n’est plus que de 40 %. Un tiers des outils retouchés montre plus d’une zone active, alors que seulement un outil brut en présente deux. Les activités identifiées sont variées : actions de coupe et de grattage de différentes matières comme la peau, les bois de cervidés, ou des matières organiques dures (probablement des os), mais aussi des activités liées à la chasse et au traitement de carcasses d’animaux (Tableau 2). Si l’on prend seulement en compte les matières travaillées, on observe que les activités de manipulation de matières organiques dures (os) et demi-dures (bois de cervidés) sont les plus importantes face aux autres activités telles que le travail de la peau, l’usage en tant que pointe de projectile ou pour un travail boucherie. Cependant, il faut considérer le fait qu’un tiers des zones

540

J. Rios-Garaizar et al. / L’anthropologie 116 (2012) 532–549

actives identifiées ont été utilisées pour travailler des matières dont la nature n’a pu être déterminée, même pas en termes de dureté relative. Ces résultats mettent en relief le fait que les activités réalisées sur place sont de faible intensité, ce qui soutient l’idée d’une occupation éphémère. Cependant, il y a des preuves que la chasse (pointes de Châtelperron, sagaie) et le traitement des carcasses d’animaux (boucherie, fracture d’os), ont eu une certaine importance. Le reste des activités réalisées (mis à part quelques cas ponctuels où on peut parler d’une certaine intensité de travail) est de courte durée et de faible intensité et correspond plus avec des travaux de maintenance de l’outillage. On ne peut pas parler non plus d’activités extractives intenses, exceptés les travaux de percussion réalisés avec les galets de limonite. 2.3. Discussion Les résultats de l’analyse de l’ensemble lithique et faunistique de Labeko Koba permettent d’obtenir certaines conclusions importantes pour la configuration de la fonction du site. En premier lieu, il faut noter que l’ensemble est technologiquement et typologiquement cohérent avec le technocomplexe Châtelperronien. Les stratégies de mobilité conclues grâce aux origines des matières premières utilisées et de la manière avec laquelle elles ont été apportées sur le site, indiquent que les occupants de Labeko Koba géraient de grands territoires comprenant la plaine d’Alava au Sud, les vallées cantabriques et la bande côtière au Nord. La taille de l’ensemble lithique et ses caractéristiques (faible activité de taille, exportation de nucléus, abandon d’outils usagés) suggèrent que les restes localisés sont une partie de l’ensemble des outils transportés par un groupe réduit, dont les membres en déplacement peuvent difficilement être considérés comme résidents. L’ensemble faunistique, de son côté, indique que l’apport de carcasses se fait de manière partielle et a un caractère très ponctuel. Si nous ajoutons à cela le côté peu commode de l’emplacement, l’absence de structure de type foyer, et l’intense activité des carnivores, nous devons déduire qu’il s’agit bien d’une occupation éphémère. L’analyse fonctionnelle nous a permis de voir que les activités réalisées par les êtres humains sont variées et en aucun cas intenses. Les activités liées à la chasse, telles que la réparation ou la substitution des armes, ou le traitement de carcasses d’animaux, semblent avoir une incidence plus élevée que les autres. Le caractère éphémère de l’occupation, la grande mobilité du groupe et la nature cynégétique d’une grande partie des activités réalisées, suggèrent que Labeko Koba fonctionna comme halte de chasse. 3. Ekain X La grotte d’Ekain se trouve sur le flanc oriental de la colline du même nom, sur le cours moyen du fleuve Urola, proche du centre-ville de Zestoa (Guipuscoa). Le réseau de galeries qui communiquent entre-elles et que nous connaissons sous le nom d’Ekain semble assez inextricable. Le gisement se trouve exclusivement à l’entrée de la cavité, dans le vestibule et dans une galerie disposée sur la gauche (d’une surface d’environ treize mètres de long et d’un mètre et demi de large et orientée nord-est). Le reste des galeries a un intérêt archéologique centré sur son emploi comme support des représentations artistiques. Le site fut découvert en 1969 et, jusqu’en 1975, il fut fouillé premièrement sous la direction de de Barandiarán puis sous la direction de Altuna (Altuna et Merino, 1984). Le vestibule d’Ekain présente une séquence stratigraphique de plus de quatre mètres de profondeur (Fig. 4). Dans la partie supérieure nous avons localisé de riches niveaux

J. Rios-Garaizar et al. / L’anthropologie 116 (2012) 532–549

541

Fig. 4. Stratigraphie géologique macroscopique du remplissage d’Ekain. En rouge foncé les couches correspondants au sous-niveau Xa. Macroscopic geologic stratigraphy from Ekain deposit. In dark red are represented the layers corresponding to sub level Xa. Adaptée à partir de’Altuna et Merino, 1984.

Post-paléolithique et de la fin du Paléolithique Supérieur. À partir du niveau VIII, les occupations humaines deviennent plus ponctuelles, elles s’intercalent avec des épisodes d’abandon et d’utilisation de la cavité par des ours des cavernes. Le niveau X se situe au-dessus du niveau stérile (XII) et d’un niveau paléontologique (XI) et au-dessous d’un sous-niveau IXb daté à > 30,600 BP (I-11,056) attribué récemment à l’Aurignacien probablement ancien (RiosGaraizar, 2011). Le sous-niveau Xb a été fouillé sur une surface d’environ 9 m2 et le sous-niveau Xa sur 12 m2. Dans le compte rendu, on peut lire la description d’un niveau de 80 cm d’épaisseur

542

J. Rios-Garaizar et al. / L’anthropologie 116 (2012) 532–549

divisé en deux parties (Xa et Xb) par des critères sédimentologiques. Le sous-niveau inférieur (Xb) est une brèche compacte faite de blocs calcaires, de concrétions et d’argile, un peu moins dense dans le sous-niveau supérieur malgré des blocs abondants, des galets de calcaire et des fragments de stalactites (Altuna et Merino, 1984). Le sous-niveau inférieur présente seulement des restes paléontologiques alors que la présence humaine du sous-niveau Xa est peu intense et se réduit à quelques restes lithiques et à des os présentant des traces d’intervention anthropique. 3.1. Faune Bien que le sous-niveau Xb n’ait fourni aucun instrument lithique, la faune de ce sous-niveau offre un intérêt particulier pour comprendre les différentes phases d’occupation du site d’Ekain. La surface de fouille était très réduite et seuls les restes déterminables ont été récupérés. Cela explique la petite taille de l’échantillon, limité à 121 restes (Tableau 2, Fig. 5). Dans ce même sous-niveau, les carnivores sont plus abondants (63,63 %) que les herbivores (36,35 %). Une grande partie de l’ensemble est composée par des restes d’Ursus spelaeus (48,76 %), suivis par des restes de Canis lupus (11,57 %). Parmi les herbivores, on note la présence de Rupicapra pyrenaca (20,66 %) suivis par Cervus elaphus (13,22 %). La présence abondante de scores pits et des punctures sur les restes des herbivores, particulièrement sur les restes de chamois et de cerf, indique que ces restes furent majoritairement apportés par des canidés, et plus spécialement par des loups. Dans ce sous-niveau, l’activité humaine se limite à un seul élément : un tibia de Bison priscus avec une fracture longitudinale de la diaphyse (Sala et al., 2010). Bien que cela soit quantitativement insignifiant, il est intéressant de remarquer que les deux seuls restes de cette espèce de tout le niveau X d’Ekain présentent des traces d’activité humaine. Dans la composition faunistique du sous-niveau Xa, le taxon le plus représenté est l’U. spelaeus avec 97,94 % des restes identifiés (Tableau 2, Fig. 5) (Villaluenga et al., sous presse). Parmi ces derniers, il faut souligner la présence élevée de femelles et d’individus juvéniles, Tableau 2 Distribution taxonomique des su-niveaux Xa et Xb de la grotte d’Ekain. Taxonomic distribution of Ekain sub levels Xa and Xb. Xb

Xa Taxon

NR

%

MNE

NR

%

MNE

Cervus elaphus Capreolus capreolus Bovini sp. Rupicapra pyren U. spelaeus U. arctos Vulpes vulpes Canis lupus Martes martes Crocuta crocuta Panthera pardus

3 – 2 11 2245 4 7 11 – 6 3

0,13 – 0,08 0,47 97,94 0,17 0,30 0,47 – 0,26 0,13

1 – 1 2 Sub 49/Ad 43 1 1 1 – 1 1

16 1 2 25 59 – 2 14 2 – –

13,22 0,82 1,65 20,66 48,76 – 1,65 11,57 1,65 – –

1 1 1 Sub 1/ad 1 Neo 1/sub 4/ad 2 – 2 2 1 – –

Déterminable Non déterminable

2292 793



101 –

121 0



16 –

Total

3083





121





J. Rios-Garaizar et al. / L’anthropologie 116 (2012) 532–549

543

Fig. 5. Distribution taxonomique de sous-niveaux Xa et Xb d’Ekain. Taxonomic distribution of Ekain sub levels Xa and Xb.

constituant un exemple clair de grotte dans laquelle les femelles venaient pour mettre bas et élever leur petits (Kurtén, 1976). Parmi l’ensemble réduit d’herbivores et de restes non déterminables, il existe une double origine : un apport anthropique et un autre fait par des carnivores, probablement des loups et des renards. Les indices d’activité des deux espèces, punctures, scores, pits, et fragments partiellement détruits, se concentrent spécialement sur les restes de Rupicapra pyrenaica. Les preuves d’activité anthropique se concentrent sur le matériel non identifiable. Il existe un ensemble intéressant de fragments portant des stries de découpe (cut marks) et beaucoup d’os fracturés dans le but d’obtenir la moelle osseuse. Cette dernière activité fut assez intense, ce qui fait que le degré de fracturation de la faune est très élevée, rendant très difficile l’identification anatomique et taxonomique. L’objectif de cette activité semble lié à l’extraction de la moelle osseuse, très riche en graisse et en vitamines (Yravedra, 2006). Il y a aussi des fragments portant des traces de combustion qui rendent évidente la présence de foyers, peut-être dans un autre endroit de la grotte, et l’utilisation possible de l’os comme combustible, ce qui expliquerait aussi sa fracturation intentionnelle (Yravedra et al., 2005). 3.2. Industrie lithique Comme le sous-niveau Xb ne présente aucune preuve d’industrie lithique, les seuls restes disponibles pour pouvoir évaluer sommairement ce niveau sont ceux récupérés dans le sousniveau Xa. On compte un total de 11 preuves, six retouchées et cinq sans retouche. Tous les restes récupérés dans le niveau X ont été élaborés en silex, excepté une pièce réalisée en lydienne. Parmi les types de silex identifiés, on note particulièrement des variétés d’Urbasa (42 kms au sud) et du Flysch (> 30 kms).

544

J. Rios-Garaizar et al. / L’anthropologie 116 (2012) 532–549

Un des supports non retouché ainsi que deux supports retouchés sont intacts et en condition d’être mesurés. La pièce qui n’est pas retouchée est un éclat de très petite taille alors que les deux pièces retouchées sont d’un module de petites lames. Bien que l’échantillon soit restreint, il semble pouvoir indiquer une préférence pour des modules grands et plus allongés afin d’élaborer les outils. D’un point de vue technologique, l’information est faible, mais il faut signaler la présence de lames de taille moyenne (12 mm de large) de profil droit, section trapézoïdale aplanie, avec des négatifs bipolaires. Parmi ces supports, nous remarquons le peu de préparation spécifique de la plateforme de percussion par facettage, observé sur un seul exemple, alors que l’on note plus généralement une préparation par abrasion des corniches et l’utilisation d’une percussion minérale molle qui provoque la formation des talons linéaires. Parmi les sous-produits de fabrication, nous remarquons un fragment distal de lame outrepassée. Il existe aussi quelques

Fig. 6. 1 : Pointe de Châtelperron ; 2 : lame à bord abattu ; 3 : fragment de lame avec un bord abattu (possible fragment de pointe de Châtelperron) ; 4 : microgravette ; 5 : fragment distal de lamelle outrepassée avec une plateforme de percussion opposée. 1: Chatelperron point; 2: backed blade; 3: backed blade fragment (possible Chatelperron point fragment); 4: microgravette; 5: distal fragment of an overshot blade with opposed striking platform.

J. Rios-Garaizar et al. / L’anthropologie 116 (2012) 532–549

545

supports laminaires plus étroits qui pourraient correspondre à des systèmes de fabrication des lamelles. Du point de vue des typologies empiriques, la composition de ce niveau est très hétérogène avec deux exemplaires de pointe de Châtelperron (une complète et un autre fragmentée-Fig. 6 : 1, 3), une microgravette (Fig. 6 : 4), une lame à bord abattu (Fig. 6 : 2), une lame à dos marginale, une lame à retouche simple latérale et une lamelle Dufour (Arrizabalaga, 1995). L’analyse modale révèle une prédominance du mode de retouche abrupte (quatre exemplaires, qui s’élèvent à cinq si l’on ajoute la tendance simple ou semi-abrupte), avec un contrepoids unique sur un élément de retouche simple. Il existe aussi une importante homogénéité au niveau du groupe (3LD, 2PD et un R) comme pour la délinéation de la retouche (continue pour les six exemplaires). L’analyse fonctionnelle montre des traces d’utilisation comme projectile pour la pointe complète, le fragment de pointe et la microgravette. De plus, il existe un fragment de lamelle brute portant une fracture burinante qui semble correspondre à un impact. La lame à bord abattu, qui peut être interprétée comme une pointe de Châtelperron fracturée pendant la configuration du dos, montre des écaillures bifaciales sur le fil opposé au dos. Les caractéristiques de l’ensemble lithique du niveau Xa d’Ekain correspondent à une occupation très éphémère pour laquelle les activités identifiées sont liées à la réparation/ substitution de pointes. 3.3. Discussion L’occupation Châtelperronienne d’Ekain se concentre au niveau Xa. Les caractéristiques de ce sous-niveau semblent indiquer que la grotte fut utilisée comme tanière par les ours des cavernes et occasionnellement visitée par des humains qui profitèrent du lieu pour réparer/ substituer des armes, faire du feu et consommer leur gibier. L’analyse de l’industrie lithique a aussi permis de vérifier, grâce à la détermination de la provenance de la matière première, qu’il s’agissait d’une population à grande mobilité couvrant de vastes territoires. Ces caractéristiques nous mènent à penser que nous avons affaire à une halte de chasse dans le sens stricte du terme. 4. Discussion générale et conclusion Les niveaux châtelperroniens de Labeko Koba et d’Ekain partagent un grand nombre de caractères communs. Les deux niveaux se trouvent à la base de séquences dilatées, avec des occupations au Paléolithique Supérieur et représentent la première preuve de présence humaine dans chacune des grottes. Cependant, la position de chaque site dans le paysage est différente. Labeko Koba avait une situation stratégique, à partir de laquelle on pouvait contrôler une grande vallée, et était située dans une zone de passage des troupeaux au cours de leurs déplacements migratoires entre la côte et la Plaine d’Alava. Ekain se trouve à basse altitude, près de la côte, dans une vallée subsidiaire de l’Urola, avec une faible visibilité et peu de contrôle sur le territoire. Pour chaque cas, les êtres humains semblent partager l’espace avec de grands carnivores, des hyènes pour Labeko Koba et des ours des cavernes pour Ekain. Ceci conditionne sans doute l’interprétation du registre faunistique et pour élucider le poids de l’apport anthropique sur les ensembles de faune, une approche taphonomique détaillée a été nécessaire. Les différents comportements éthologiques d’ours et d’hyènes ont provoqué le fait que les compositions de chaque ensemble soient très variées. À Labeko Koba, on observe un apport de faune ponctuel de la part des hyènes et un charognage des animaux attrapés dans la grotte. Les hyènes ont utilisé la grotte de manière occasionnelle et répétitive comme repaire ou point de charognage, mais en

546

J. Rios-Garaizar et al. / L’anthropologie 116 (2012) 532–549

aucun cas comme tanière. À Ekain, le peu de faune d’herbivores retrouvée a été introduite par des canidés, et non pas par des êtres humains, alors que les ours ont utilisé cet espace seulement dans le but d’élever leurs petits. L’apport anthropique sur l’ensemble de la faune est faible. Dans le cas de Labeko Koba, il semble qu’il se concentre sur les bovidés et les chevaux. Ces animaux sont transportés de manière ponctuelle et partielle sur le site et leurs restes présentent des traces d’exploitation peu intenses. À Ekain, le haut degré d’intensité de l’exploitation, autant pour l’extraction de la moelle que pour l’obtention de combustible, fait qu’une grande partie de la faune n’est pas déterminable. Pour les deux sites, les ensembles lithiques sont très réduits. L’utilisation de roches locales est limitée, et l’outillage lithique est fabriqué avec des matériaux exogènes. La composition des ensembles, avec une proportion élevée d’outils retouchés et un manque de restes de taille, de nucléus etc., indique que les restes abandonnés sur chaque site font partie des outils transportés par un groupe pendant ses déplacements sur le territoire. La lecture technologique des supports a montré que les systèmes de fabrication présentent des caractères propres à ceux décrits pour les industries châtelperroniennes du Sud-Ouest de la France et du Nord de la Péninsule Ibérique (Maíllo, 2005 ; Grigoletto et al., 2008 ; Roussel, 2011 ; Bachellerie, 2011). Les activités réalisées sur chaque site incluent une action limitée sur les carcasses d’animaux pour obtenir de la viande dans le cas de Labeko Koba, et de la moelle et des fragments d’os pour Ekain. Le reste des activités semblent être lié, dans chacun des cas, avec la réparation et la substitution des armes de chasse et ponctuellement des autres outils. Ces caractéristiques semblent définir des occupations éphémères qui peuvent être interprétées comme des haltes de chasse occupées par des groupes, petits probablement, à grande mobilité. Ce contexte décrit un système de gestion territoriale de type logistique, dans lequel des sites tels que Labeko Koba et Ekain sont reliés avec d’autres occupations plus permanentes. Un autre site semblable serait Brassempouy, situé à l’Est du département des Landes, dans lequel a été récupéré un ensemble Châtelperronien réduit avec, en particulier, 13 pointes de Châtelperron (Buisson et Delporte, 1990). En plus de ces occupations de grotte du type halte de chasse, il existe dans la zone des Pyrénées occidentales des sites en plein air (comme Le Basté et Bidart) où prédominent des activités de taille sur des matières premières locales, orientées vers la fabrication et l’exportation de pointes de Châtelperron (Chauchat et Thibault, 1968 ; Bachellerie, 2011). Sur des sites semblables tels que Vieux Coutels à Bergerac, d’autres types d’activité ont été identifiées, en plus de la fabrication de pointes, de caractère plus domestique (Grigoletto et al., 2008). Il reste, pour finir, des sites en grotte tels que Gatzarria pour lesquels, même s’il existe des preuves d’une occupation plus stable, comme l’absence presque totale de carnivores (Lavaud, 1980) ou la consommation majoritaire de matières premières locales (Sáenz de Buruaga, 1991), on ne peut pas parler de sites d’agrégation capables d’articuler un territoire aussi grand et complexe avec des stations logistiques (comme les haltes de chasse ou les ateliers en plein air mentionnés antérieurement). L’absence de ce type d’occupations permanentes dans le registre archéologique de la Cantabrie orientale peut être due à différents facteurs parmi lesquels il est important de signaler des problèmes dérivés de la propre expérience archéologique ou de la gestion patrimoniale tels que le manque de séquences fouillées en profondeur ou la destruction possible des sites archéologiques. Cependant, il ne semble pas que dans un environnement riche en séquences du Paléolithique Supérieur initial et du Moustérien, ce type d’arguments puissent expliquer à eux seuls une telle absence. D’autres facteurs de type historique, qui pourraient expliquer aussi cette absence, seraient reliés à l’amplitude des territoires exploités et à une faible pression démographique. Il faut aussi signaler que ce type d’organisation semble marquer une claire

J. Rios-Garaizar et al. / L’anthropologie 116 (2012) 532–549

547

différence avec les occupations de la fin du Moustérien (Rios-Garaizar, 2009), non seulement pour les caractéristiques de la production lithique (significativement plus laminaires) et de l’outillage, mais aussi pour le système d’articulation du territoire qui est déduit de l’existence de haltes de chasse comme celles décrites ici, ce qui suggère une organisation logistique complexe. Ce type de réflexion nous a mené en d’autres occasions à nous interroger sur la filiation des protagonistes (Arrizabalaga et Iriarte, 2010 ; Arrizabalaga, 2009) même si depuis les dernières années il y a une opinion générale parmi les paléolithiciens sur l’attribution des industries châtelperroniennes aux néandertaliens. Cette question peut nous mener à une impasse qui ne pourrait se résoudre que grâce à la localisation de fossiles caractéristiques d’une espèce associée indubitablement à des industries châtelperroniennes. Du point de vue archéologique, nous pouvons nous demander si les énormes différences qui existent entre les ensembles de la fin de Paléolithique Moyen et les ensembles Châtelperroniens décrits ici, suggèrent l’absence d’une continuité locale et indiquent une extinction régionale des groupes de néandertaliens et une substitution par d’autres groupes humains. Cette idée serait renforcée par la faible pression démographique déduite de l’interprétation des ensembles châtelperroniens, par l’absence d’une continuité culturelle et par l’abondance de carnivores (compétition directe pour les proies et les espaces) pour les ensembles postérieurs à 40 000 BP qui contrastent fortement avec la présence occasionnelle de ces mêmes carnivores dans des ensembles de la fin de Paléolithique Moyen (Castaños, 2005). Démontrer que les groupes qui ont remplacé les néandertaliens locaux furent des êtres humains modernes ou bien d’autres groupes de néandertaliens, est une question qui pourra difficilement être tranchée et argumentée. D’autre part, il est difficile d’évaluer les continuités et les ruptures à l’échelle régionale, entre le Châtelperronien et le Proto-aurignacien. Du point de vue de la production lithique, il existe des différences évidentes, bien que l’analyse de quelques ensembles tels qu’Isturitz, semble signaler une gestion territoriale similaire. On peut dire la même chose à propos de l’Aurignacien ancien. Dans ce cas, la ressemblance entre le modèle interprété à partir du niveau IXb (Rios-Garaizar, 2011) et la proposition que nous avons faite pour le Xa d’Ekain, s’avère paradigmatique. Les ensembles de Labeko Koba et d’Ekain s’avèrent peu significatifs en ce qui concerne leurs manifestations industrielles et offrent peu d’éléments pour établir la définition culturelle des châtelperroniens. Cependant, l’analyse combinée des effectifs industriels et de la faune a fourni des données précieuses pour comprendre les formes d’organisation territoriale de cette période, ce qui a ensuite permis de combler des lacunes sur le Châtelperronien d’une région clé, et de mesurer la complexité des stratégies de mobilité en relation avec les périodes précédentes et postérieures. Remerciements Le texte a été traduit de l’espagnol par Pauline Buthaud. A. Villaluenga a réalisé ce travail avec une bourse pré-doctorale du Gouvernement Basque. Ce travail a été partiellement financé par le Grupo de Investigación Consolidado en Préhistoire de l’Université du Pays Basque-UPVEHU (IT-288-07) et les projets HAR2010-22013 et CTP10-R03 du Ministère Espagnole de Science et de la Communauté de Travail des Pyrénées. Que soient également remerciés les lecteurs dont les commentaires ont servi pour améliorer ce travail. Références Altuna, J., Merino, J.M., 1984. El yacimiento prehistórico de la Cueva de Ekain (Deba, Guipuzcoa). Sociedad de Estudios Vascos, San Sebastián.

548

J. Rios-Garaizar et al. / L’anthropologie 116 (2012) 532–549

Arrizabalaga, A., 1995. La industria lítica del Paleolítico Superior Inicial en el Oriente Cantábrico.Thèse de doctorat, Universidad del País Vasco, Vitoria-Gasteiz. Arrizabalaga, A., 2000a. El yacimiento arqueológico de Labeko Koba (Arrasate, País Vasco). Entorno. Crónica de las investigaciones. Estratigrafía y estructuras. Cronología absoluta. In: Arrizabalaga, A., Altuna, J. (Eds.), Labeko Koba (País Vasco). Hienas y Humanos en los albores del Paleolítico Superior. Sociedad de Ciencias Aranzadi-Aranzadi Zientzia Elkartea, Donostia-San Sebastián, pp. 15–72. Arrizabalaga, A., 2000b. Los tecnocomplejos líticos del yacimiento arqueológico de Labeko Koba (Arrasate, País Vasco). In: Arrizabalaga, A., Altuna, J. (Eds.), Labeko Koba (País Vasco). Hienas y Humanos en los albores del Paleolítico Superior. Sociedad de Ciencias Aranzadi-Aranzadi Zientzia Elkartea, Donostia-San Sebastián, pp. 193–343. Arrizabalaga, A., 2007. Frontières naturelles, administratives et épistémologiques. L’unité d’analyse dans l’archéologie du Paléolithique (dans le cas basque). In: Cazals, N., González Urquijo, J.E., Terradas, X. (Eds.), Frontières naturelles et frontières culturelles dans les Pyrénées préhistoriques. Fronteras naturales y fronteras culturales en los Pirineos prehistóricos. PUbliCan-Ediciones de la Universidad de Cantabria, Santander, pp. 27–37. Arrizabalaga, A., 2009. The Middle to Upper Paleolithic Transition on the Basque Crossroads : Main Sites. Key Issues. Mitteilungen der Gesellschaft für Urgeschichte 18, 39–70. Arrizabalaga, A., Iriarte, M.J., Villaluenga, A., 2010. Labeko Koba y Lezetxiki (País Vasco). Dos yacimientos una problemática común. Zona Arqueológica 13, 322–335. Arrizabalaga, A., Altuna, J., 2000. Labeko Koba (País Vasco). Hienas y Humanos en los albores del Paleolítico superior. Sociedad de Ciencias Aranzadi-Aranzadi Zientzia Elkartea, Donostia-San Sebastián. Arrizabalaga, A., Iriarte, M.J., 2010. El Paleolítico superior inicial en el siglo XXI. Dos décadas de avances en la encrucijada vasca. In: Mangado, X. (Ed.), El Paleolítico Superior peninsular. Novedades del siglo XXI. Universitat de Barcelona, Barcelona, pp. 311–335. Bachellerie, F., 2011. Quelle unité pour le Châtelperronien ? Apport de l’analyse taphonomique et techno-économique des industries lithiques de trois gisements aquitains de plein air : le Basté, Bidart (Pyrénées-Atlantiques) et Canaule II (Dordogne). Thèse de doctorat, Université Bordeaux I, Bordeaux. Binford, L.R., 1978. Dimensional analysis of behavior and site structure : learning from an Eskimo hunting stand. American Antiquity 43, 330–361. Bon, F., 2000. L’Aurignacien entre Mer et Océan. Réflexion sur l’unité des phases anciennes de l’Aurignacien dans le sud de la France. Société Préhistorique Française, Paris. Buisson, D., Delporte, H., 1990. Existence du Castelperronien à Brassempouy (Landes). In: Farizy, C. (Ed.), Paléolithique moyen récent et Paléolithique supérieur ancien en Europe. A.P.R.A.I.F., Nemours, pp. 189–193. Castaños, P., 2005. Revisión actualizada de las faunas de macromamíferos del Würm antiguo en la Región Cantábrica. In: Montes Barquín, R., Lasheras Corruchaga, J.A. (Eds.), Actas de la Reunión científica : Neandertales Cantábricos. Estado de la cuestión. Ministerio de Cultura, Madrid, pp. 201–207. Chauchat, C., Thibault, C., 1968. La station de plein air du Basté à Saint-Pierre d’Irube (Basses Pyrénées). Géologie. Étude Archéologique préliminaire. Bulletin de la Societé Préhistorique Française 65, 195–318. Cruz-Uribe, K., 1991. Distinguishing hyena from hominid bone accumulations. Journal of Field Archaeology 18, 467–486. Fosse, P., 1997. Variabilité des assemblages osseux créés par l’Hyène des cavernes. Paléo 9, 15–54. Grigoletto, F., Ortega, I., Rios-Garaizar, J., Bourguignon, L., 2008. Le Châtelperronien des Vieux Coutets (Creysse, Dordogne). Premiers éléments de réflexion. In: Jaubert, J., Bordes, J.-G., Ortega, I. (Eds.), Les sociétés du Paléolithique dans un Grand Sud-ouest de la France : nouveaux gisements, nouveaux résultats, nouvelles méthodes. Société Préhistorique Française, Paris, pp. 245–259. Guadelli, J.L., 1989. Étude taphonomique du repaire d’hyènes de Camiac (Gironde, France). Éléments de comparaison entre un site naturel et un gisement préhistorique. Bulletin de l’Association Française pour l’Étude du Quaternaire 2, 91–100. Holekamp, K.E., Smale, L., Berg, R., Cooper, S.M., 1997. Hunting rates and hunting success in the spotted hyena (Crocuta crocuta). Journal of Zoology 242, 1–15. Kruuk, H., 1972. The spotted hyena: A study of predation and social behavior. University of Chicago Press, Chicago. Kurtén, B., 1976. The cave bear story. Life and death of a vanished animal. Columbia University Press, New York. Lavaud F, 1980. Les faunes Paléolithiques du Würm II et III dans le Sud-Ouest et le Centre-Ouest de la France. Thèse de doctorat, Université de Poitiers, Poitiers. Maíllo, J.M., 2005. La producción laminar en el Chatelperroniense de Cueva Morín: modalidades, intenciones y objetivos. Trabajos de Prehistoria 62, 47–64. Normand, C., de Beaune, S.A., Costamagno, S., Diot, M.F., Henry-Gambier, D., Goutas, N., Laroulandie, V., Lenoble, A., O’Farrell, M., Rendu, W., Rios-Garaizar, J., Schwab, C., Tarriño, A., Texier, P.J., White, R., 2007. Nouvelles données

J. Rios-Garaizar et al. / L’anthropologie 116 (2012) 532–549

549

sur la séquence aurignacienne de la grotte d’Isturitz (communes d’Isturitz et de Saint-Martin–d’Arberoue, PyrénéesAtlantiques). In: Evin, J. (Ed.), Un siècle de construction du discours scientifique en Préhistoire, vol III : ‘‘Aux conceptions d’aujourd’hui’’. Société Préhistorique Française, Paris, pp. 277–293. Pelegrin, J., 1995. Technologie lithique : le Châtelperronien de Roc-de-Combe (Lot) et de la Côte (Dordogne). CNRS, Paris. Rios-Garaizar, J., 2008. Nivel IX (Chatelperroniense) de Labeko Koba (Arrasate-Gipuzkoa): gestión de la industria lítica y función del sitio. Munibe (Antropologia-Arkeologia) 59, 25–46. Rios-Garaizar, J., 2009. Variabilidad tecnológica en el Paleolítico Medio de los Pirineos Occidentales: una expresión de las dinámicas históricas de las sociedades neandertales. Treballs d’Arqueologia 14, 172–195. Rios-Garaizar, J., 2011. El nivel IXb de Ekain (Deba Gipuzkoa): Una ocupación efímera del Auriñaciense Antiguo. Munibe (Antropologia-Arkeologia) 62, 87–100. Roussel, M., 2011. Normes et variations de la production lithique durant le châtelperronien : la séquence de la GrandeRoche-de-la-Plématrie à Quinçay (Vienne). Thèse de doctorat, Université Paris Ouest Nanterre -La Défense, Paris. Sáenz de Buruaga, A., 1991. El Paleolítico superior de la cueva de Gatzarria (Zuberoa, País Vasco). Servicio Editorial Universidad del País Vasco, Vitoria-Gasteiz. Sala, M.T.N., Pantoja, A., Arsuaga, J.L., Algaba, M., 2010. Presencia de bisonte (Bison priscus Bojanus, 1827) y uro (Bos primigenius Bonajus, 1827) en las cuevas del Buho y de la Zarzamora (Segovia, España). Munibe (ArkeologiaAntropologia) 61, 43–55. Stuart, A.J., Kosintsev, P.A., Higham, T.F.G., Lister, A.M., 2004. Pleistocene to Holocene extinction dynamics in giant deer and woolly mammoth. Nature 431, 684–689. Tarriño, A., 2006. El sílex en la cuenca Vasco-Cantábrica y Pirineo Navarro. Monografias del Mueso Nacional y Centro de Investigación de Altamira. Ministerio de Cultura, Madrid. Villaluenga A, Arrizabalaga A, Ríos-Garaizar J, sous presse. Taphonomic analysis of two chatelperronian series: Lower IX layer of Labeko Koba and X level of Ekain (Basque Country, Spain), Journal of Taphonomy. Yravedra, J., 2006. Acumulaciones biológicas en yacimientos arqueológicos: Amalda VII y Esquilleu III-IV. Trabajos de Prehistoria 63, 55–78. Yravedra, J., Baena, J., Arrizabalaga, A., Iriarte, M.J., 2005. El empleo de material óseo como combustible durante el Paleolítico medio y superior en el Cantábrico. Observaciones experimentales. In: Montes Barquín, R., Lasheras Corruchaga, J.A. (Eds.), Actas de la Reunión científica: Neandertales Cantábricos. Estado de la cuestión. Ministerio de Cultura, Madrid, pp. 369–383.