Chasse et conservation de la faune sauvage en france

Chasse et conservation de la faune sauvage en france

Biological Conservation 23 (1982)217-241 CHASSE ET CONSERVATION DE LA FAUNE SAUVAGE EN FRANCE JEAN-PIERRE RAFFIN Laboratoire d'Eeologie gdnirale et...

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Biological Conservation 23 (1982)217-241

CHASSE ET CONSERVATION DE LA FAUNE SAUVAGE EN FRANCE

JEAN-PIERRE RAFFIN

Laboratoire d'Eeologie gdnirale et appliqude. UniversitdParis 7, 2 place Ju~sieu, 75251 Paris Cedex 05, France & JEAN-CLAUDE LEFEUVRE

Laboratoire d'Evolution des systdmes naturels et modifibs, Museum national d'Histoire naturelle. 38 rue Geoffroy Saint-Hilaire, 75231 Paris Cedex 05, France

ABSTRACT The number of licensed hunters in France is high compared with other countries and their activities create difficulties for the management and conservation of wildlife. Many species of small birds are killed for commercial gain (200--500,000 skylarks, 200--250,000 buntings and finches). Hunters are notoriously bad at identifyil~g wild birds and frequently kill protected species. The hunting of turtle doves continues, although it is illegal, and at the same time many other birds are killed. Hunting pressure on wildfowl in wetlands is particularly heavy. Two hundred thousand hunters exploit only 600,000 hectares of wetlands. The shooting season is very long, lasting from the last Sunday in July until the second Sunday in the following March. Two million ducks are shot every year by French hunters. About 10,000,000 ducks are reared each year in northern Europe and the USSR, so that French hunters are taking much more than their share. In the cold winters of 1978/79 and 1979/80, large numbers of birds moved south into France and in spite of appeals for moderation there was a massive slaughter by hunters. Persistent overshooting prevents the recovery of small game populations such as partridges and pheasants. There is also an indirect effect of hunting practices on wildlife by the introduction of exotic species and the destruction of so-called pests. Hunting pressures on wildlife are more and more resented by public opinion, which is showing increasing sympathy for the aims of nature conservation. 217 Biol. Conserv. 0006-3207/82/0023-0217/$02.75 © Applied Science Publishers Ltd, England, 1982

Printed in Great Britain

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JEAN-PIERRE RAFFIN, JEAN-CLAUDE LEFEUVRE INTRODUCTION

Pour ceux qui, scientifiques, protecteurs de la nature, se pr6occupent de la conservation de la faune sauvage en France et acceptent le principe de la chasse, la mani6re dont elle est pratiqu6e de nos jours pose de nombreux probl6mes. En France, les habitats de bien des 616ments de la faune sauvage ont, 1~ comme ailleurs, 6t6 profond6ment modifi6s et alt6r6s depuis la fin de la derni+re guerre mondiale, par une modification ou~une extension de certaines techniques agricoles (remembrements, ass~chements, drainages de zones humides, utilisation accrue de produits phyto-sanitaires, d'engrais, etc.), par les effets directs ou secondaires de l'urbanisation et de l'industrialisation (extension des agglom6rations, ph6nom6ne des r6sidences secondaires, augmentation de la viabilisation, etc.) ainsi qu'une utilisation ~tdes fins touristiques d'espaces jadis peu fr6quent6s (littoral, montagne, par exemple). Cette 6volution aux effects n6fastes, pour une bonne part de la faune (il existe n6anmoins quelques esp6ces qui en tirent partie comme le go61and argent6 Larus argentatus, ou l'6tourneau sansonnet Sturnus vulgaris) est aggrav6e par l'impact direct ou indirect de la chasse. Le nombre important des chasseurs, la longueur des p6riodes d'ouverture, la persistance de modes de chasse contraires ~i un pr616vement raisonn6 de la faune (chasse de nuit, chasse de printemps, chasse aux filets, etc.), viennent ajouter aux facteurs de r6gression pr6c6dement 6voqu6s. Cette activit6 de loisir qu'est la chasse ne peut dont laisser indiff+rents ceux qui sont concern6s par la conservation du patrimoine biologique, qu'il s'agisse de biologistes professionnels, de protecteurs de la nature ou tout simplement de ceux qui ne chassent pas. Brosselin (1980a) 6crivait ainsi fort justement: 'la faune sauvage n'est pas la propri6t6 des chasseurs, mais un patrimoine commun ~ tous les Franqais dont ils sont responsables et comptables vis4t-vis des g6n6rations futures'. L'objet des propos qui vont suivre est de pr6senter quels sont les principaux points qui rendent la chasse telle qu'elle est pratiqu6e actueUement par une majorit6 de chasseurs incompatible avec une politique de protection et de conservation de la faune sauvage. IMPACT DIRECT DE LA CHASSE

La nature des prbl~vements dans le temps et dans l'espace Cinq s6ries de donn~es introduiront cette approche de l'impact direct de la chasse sur le territoire fran~ais:

(1) (2)

l'6volution du nombre de permis de chasser depuis le d6but du XIXe (Fig. 1) la densit6 actuelle des chasseurs par rapport ~ celle d'autres pays europ6ens (Fig. 2)

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HUNTING AND CONSERVATION IN FRANCE

(3) (4) (5)

la r~partition des d~partements franqais par nombre d'hectares de terrains disponibles par permis de chasser (Fig. 3) d'apr~s Baledent (1973) le nombre de jours of1 la chasse aux Anatid~s est ouverte en France et dans d'autres pays (Fig. 4) d'apr~s Tamisier (1979) enfin, le tableau de chasse national tel qu'il ressort d'une enqu&e r~alis6e par l'Office National de la Chasse pour la saison 1974-1975 (Tableau I)

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Fig. 1. Evolution du nombre de permis de chasser en France depuis le d~but du XIX o sidle (d'apr~s Rapport annuel sur I'~tat de renvironnement. Minist~re de rEnvironnement et du Cadre de Vie, Paris, 1980). Ces donn6es montrent combien est lourde la pression de chasse en France. I1 faut noter que n'apparaissent pas dans le Tableau 1, les effectifs de petits passereaux dont la capture se pratique encore aux filets dans certains d6partements du SudOuest. Selon les chiffres fournis par Arrastia (1979) et Noblet (1981), il se tuerait annuellement entre 200 et 500,000 alouettes des champs Alauda arvensis; de 200 250,000 pinsons Fringilla coelebs et F. montifringilla, linottes Acanthis cannabina et verdiers Chloris chloris ainsi que 10,000 bruants ortolan Emberiza hortulana.

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JEAN-PIERRE RAFFIN~ JEAN-CLAUDE LEFEUVRE

11

21

31

41

SI

HONGRIE

ROUMANIE NORVEGE REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE D'ALLEMAGNE SUEDE YOUGOSLAV IE FINLANDE B ULGARIE IRLANDE LUXEMBOURG REPUBLIOUE FEDERALE D'ALLEMAGNE I AUTRICHE BELGIQUE [ TCHECOSLOVAQ UIE GRANDE-BRETAGNE PAYS-BAS ESPAGNE I PORTUGAL GRECE FRANC~J DANEMARK ITALIE I

I]

Fig. 2.

Densit6s respectives de chasseurs par kilom6tre carr6 dans divers pays europ6ens (1 = 1 chasseur k m - 2).

TABLEAU DE CHASSE

TABLEAU 1 NATIONAL--SAISON 1974-1975 (d'apr6s Office national de la chasse, 1976. Bulletin sp6cial no. 5. Etudes scientifiques et techniques)

Esp~ces

Quantit~ estim~e en millier ( X 10 a)

Erreur

Fourchette arestimation en millier ( X 10 3)

Canard col vert Anas platyrhynchos Autres canards Anas sp. Foulque macroule Fulica atra B6cassines Gallinago sp. Autres gibiers d'eau B6cass¢ Scolopax rusticola Palomb¢ Columba livia Tourterelle des bois Streptopelia turtur Grives Turdus sp. Caille des bi6s Coturnix coturnix Perdrix grise Perdix perdix Perdrix rouge Alectoris tufa Faisan Phasianus colchicus Li6vre Lepus europeus Lapin Oryctolagus cuniculus

1497 745 557 1393 920 1460 7952 1382 28873 1594 5527 2024 7543 3149 13261

_+51% _+64 % __ 76 % __ 52 % _+65 % _ 48 % _+28 % _+47 % _+27 % +_46 % _+24 % _+32 % + 27 % + 21% +23%

728-2270 265-1230 130-982 665-2120 325-1520 760-2160 5690-10206 730-2030 18790-32952 860-2325 4200-6850 1380-2670 5460-9621 2470-3825 10170-16351

H U N T I N G A N D C O N S E R V A T I O N IN F R A N C E

221

Fig. 3. R6partition des d6partements franqaispar nombre d'hectares de terrains disponiblespar permis de chasse (d'apr6s Bal&lent, 1973). 1, moins de 21 ha. Trop de chasseurs; 2, de 21 h 30 ha. Saturation; 3, de 31 h 50 ha. Equilibre; 4, au dessus de 50 ha. D6partementspouvant accueillirde nouveaux chasseurs. Linottes, pinsons et verdiers sont des esp6ces prot6g6es en France. L'usage des filets est en principe proscrit par la Convention Internationale de Paris sign6e par la France en 1902 et promulgu6e par d6cret le 12 d6cembre 1905. A c6t6 de ces esp6ces gibier (ou consid6r6es c o m m e telles par certains chasseurs), il faut ajouter que d'autres esp6ces, prot6g6es au titre de la r6glementation cyn6g&ique avant 1979 et de l'application de la loi sur la protection de la nature depuis, payent chaque ann6e tribut aux 'm6prises',/t l'inconscience ou vandalisme de certains porteurs de fusil. I1 est certes difficile de connaitre le chiffre exact des effectifs ainsi d6truits. Le tir des esp6ces prot6g6es 6tant d61ictuel, un pourcentage vraisemblablement non n6gligeable de tels cas 6chappe ~ robservation. Par suite d'une assez bonne couverture du territoire franqais par les ornithologistes c'est h propos des oiseaux que r o n dispose des informations les plus'

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REPUB~.IOUE FEDERA~.E

D'ALLEIvIAGNE l GRANDE-BRETAGNE I B ELGIQUE

FRANCE ITALIE YOUGOSLAVIE ISLANDE MALTE Fig. 4.

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Dur6es compar6es de la saison de chasse aux canards dans divers pays europ6ens (d'apr6s

Tamisier, 1979).

nombreuses. Celles-ci proviennent d'observations de terrains ou des registres des Centres de soins de la faune sauvage. En ce qui concerne le cas des rapaces diurnes et nocturnes int6gralement prot6g~s depuis 1972, il appara$t que le nombre d'oiseaux bless6s ou tu6s par coup de fusil et recueillis est de l'ordre de 500 chaque ann6e. La buse variable Buteo buteo, le faucon cr6cerelle Falco tinnunculus, et l'6pervier d'Europe Accipiter nisus sont les esp6ces les plus fr6quemment abattues. Quelques cas spectaculaires montrent le niveau des connaissances ornithologiques de certains chasseurs: (1) (2) (3) (4) (5)

Alouettes hausse-col Eremophila alpestris, hibou des marais Asioflammeus tir6s en baie du Mont Saint-Michel en 1976. Milan royal Milvus milvus, pris pour un aigle royal Aquilla chrysaetos; et abattu en 1977 en Seine maritime. Epervier d'Europe, circa6te Jean-le-blanc Circaetus gallicus, abattus lors de la chasse ~ila palombre Columba livia, dans les Pyr6n6es Orientales en 1978. Balbuzard p6cheur Pandion haliaetus, tir6 lors d'une chasse fi la palombe en 1979, dans l'Ard6che. Harle bi6vre Mergus merganser baptis6 'dr61e de canard', abattu dans l'Ille et Vilaine en 1979.

Les battues administratives autoris~es au printemps pour la destruction d'esp6ces jug6es nuisibles (pie Pica pica, corbeau freux Corvus frugilegus, corneille noire C. corone par exemple) donnent 6galement trop souvent lieu ~ des tirs d'esp6ces prot6g6es (Asio otus en particulier). L'on sait en effet que cette derni6re esp6ce occupe fr6quemment de vieux nids de pie ou de corneille noire. Lors de ces battues, des chasseurs tirent dans les nids sans identifier au pr6alable quel en est l'occupant.

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Les rapaces diurnes ou nocturnes ne sont pas les seules esp6ces prot6g6es a pfitir de la pratique de la chasse. Les Ard6id6s (h6ron cendr6 A rdea cinerea, h6ron pourpr~ A. purpurea) et les Gruiformes sont encore tir6s. En d6cembre 1978, 21 grues cendr6es Grus grus ont 6t6 abattues dans le seul d6partement de Charente maritime (les estimations reposant sur divers indices laissent supposer qu'en fait, fi cette p6riode, 80 fi 100 grues cendr+es ont 6t+ d6truites dans ce d6partement. Les cygnes (Cygnus olor, C. cygnus, C. bewickii) sont aussi une cible pour des chasseurs qui les confonderaient avec des oies sauvages. En 1964, devant une centaine de chasseurs et un garde-chasse f6d+ral, rest+ muet, un cygne est abattu dans les marais de Sougeal (Ille et Vilaine). En d6cembre 1978, 12 cygnes ont 6t6 tir6s dans la Marne, 3 dans les Deux-S6vres et 1 dans la Somme, etc. De telles pratiques peuvent m6me s'exercer au vu et au su de tous dans certaines r6gions particuli6rement 'ardentes' du point de vue cyn6g6tique. Les 'hirondelles' &aient r6guli6rement tir6es dans les marais de Redon (Ille-et-Vilaine). L'un des auteurs de ces lignes a personnellement observe, il y a quelques ann6es, en baie de Somme, des 'chasseurs' faire le coup de feu sur des linottes m61odieuses Carduelis cannabina et des iinottes ~i bec jaune C. flavirostris. Le garde de la r6serve ornithologique du Teich (d6partement des Landes) pouvait observer en janvier 1979 dans ou fi proximit6 de la r6serve de chasse du bassin d'Arcachon des tirs sur martinet noir Apus apus, H6ron cendr6 et aigrette garzette Egretta garzetta. En janvier 1980, le grand cormoran Phalacrocorax carbo et le tadorne de Belon Tadorna tadorna 6taient sur les m6mes lieux ~galement tir6s.

La chasse de printemps gt la tourterelle des bo& Streptopelia turtur dans le Sud-Ouest Revenant des zones d'hivernage sud saharien pour gagner l'Europe du nord ouest, la tourterelle des bois emprunte une voie de migration qui traverse plusieurs d6partements du Sud-Ouest de la France. Jusqu'en 1969, les chasseurs de la Gironde, b6n6ficiant d'une tol6rance des pouvoirs publics avaient obtenu que cette esp6ce soit class6e 'nuisible' et puisse ainsi &re tir6e en dehors de la p6riode de chasse. L'histoire de l'institution de cette tol+rance m6rite d'&re relat6e. Elle montre comment une pratique acceptable dans un certain contexte devient vite un fait acquis pr6judiciable et ditficile ~ remettre en cause. Au d6but du si6cle, seuls quelques paysans du M6doc capturaient a l'aide de filets rabattants (pantes) des tourterelles des bois lors de la migration de printemps. Cette pratique 6tait tol6r6e. Peu ~ peu, des chasseurs au fusil vinrent se joindre aux utilisateurs de filets. Cet usage local provoqua rapidement un afflux de chasseurs venus de plus loin. L'essor de cette chasse apr6s la premiere guerre mondiale causant des r6actions diverses de la part des soci6t6s de chasse locales, il devenait n6cessaire de la codifier. Selon Acheriteguy (1969), 'c'est Georges Mandel, d6put6-maire de Lesparre, qui lui trouva sa "charte" et qui--v6ritable trouvaille linguistique---sugg6ra de l'appeler

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"destruction" (comme pour les nuisibles). Puis, pour donner des apaisements aux Soci6t6s de chasse qui, plus tard, allaient se plaindre que--sous pr6texte de tourterelles--on leur matraquait le gibier de repeuplement (!), on inventa la notion de "postes fixes", auxquels on fixa m6me une hauteur minimale (trois m6tres). On s'y rendait--th6oriquement--le fusil dans l'6tui et on en descendait dans les m6mes conditions'. Comme il s'agissait de 'destruction', le gibier tu6 6tait alors enterr6 par les chasseurs eux-m6mes sous le contr61e de la gendarmerie. A dire vrai, les uns et les autres revenaient ult~rieurement d6terrer les tourterelles superficieilement enfouies pour se les partager . . . . Ces op6rations de 'destruction' prirent une ampleur accrue avec le d6veloppement de l'automobile. Chaque printemps voyait affluer un nombre de plus en plus grand de candidats/t la destruction. Les postes fixes, pylones sur lesquels s'installaient les chasseurs, se multipliaient. La derni6re guerre marqua un temps d'arr6t dans la pratique de cette chasse d6guis6e. Elle reprit de plus belle, les hostilit~s termin6es. Aux chasseurs utilisant les seuls pylones, s'ajout6rent des chasseurs/t pied de plus en plus nombreux. Comme l'6crit Acheriteguy (1969), au printemps tout 6tait tir6, les bondr6es apivores Pernis apivorus, les buses variables, les martinets noirs, les faucons, Falco tinnunculus, F. subbuteo, les huppes Upupa epops, les loriots Oriolus oriolus, etc. Une telle situation ne pouvait se perp6tuer sans provoquer de rives r6actions de la part des naturalistes. Aberrante du point de vue biologique comme le rappelle Dorst (1979b) cette chasse amena les naturalistes fi faire pression sur les autorit6s. En 1969, le Ministre de l'Agriculture abrogeait la mesure permettant la destruction de la tourterelle des bois au printemps. Ne pouvant plus pratiquer leur passe-temps, les chasseurs girondins eurent alors recours fi une disposition du Code rural qui autorise en tous temps la chasse dans un enclos attenant fi une habitation. Les pylones furent entour6s de cl6tures grillag6es et furent baptis&es 'habitations'. Cette astuce ne faisait n6anmoins pas l'affaire des chasseurs fi pied qui ne disposaient pas de pylones. Aussi apr6s de pressantes interventions de milieux cyn6g6tiques, le pr6fet de Gironde prenait en 1974, un arr&t6 classant ~i nouveau la tourterelle des bois comme esp~ce nuisible. Attaqu6 devant le Conseil d'Etat, par les associations de protection de la nature, cet arr6t6 6tait annul6 en 1975. La 'chasse' se poursuivit donc dans les enclos jusqu'fi ce que le Parlement adopte fi l'unanimit6 en juillet 1976 une loi sur la protection de la nature. Aux termes de run des articles de cette loi, le tir en enclos est limit6 au gibier/l poils et fi certains oiseaux d'61evage (faisan Phasianus colchicus, par exemple). Ce n'est pas pour autant que ce qui n'est plus maintenant qu'un braconnage a cessg. Les autorit6s locales ferment les yeux. Les associations de protection de la nature tentent d'obtenir les respect de la loi. L'action de la F6d~ration Fran~aise des Soci6t6s de Protection de Nature et d'autres associations obligea n6anmoins le Ministre/t faire preuve de plus de vigilance en envoyant sur le terrain des gardes chasse verbaliser les contrevenants. Mais ceux-ci n'ont

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pas 6t6 condamn6s devant les tribunaux sous pr&exte qu'il n'6tait pas 6tabli que les tourterelles, oiseaux migrateurs, 'fassent partie du patrimoine biologique national'. Yeatman (1971) avance comme hypoth6se ~t la diminution en France des populations occidentales de tourterelles des bois, les pr616vements excessifs mentionn6s ci-dessus. II est vraisemblable que les modifications des habitats (disparition de la structure bocag6re consecutive aux remembrements) interviennent aussi comme facteur limitant. L'on ne peut manquer d'6voquer ~i propos de la tourterelle des bois, le cas du pigeon migrateur nord-am6ricain Ectopistes rnigratorius. Comme le dit Dorst (1965, 1979b), cette esp6ce qui comptait dans la seconde moiti+ du XIXe si6cle plusieurs millions d'individus, a disparu en quelques d6cennies par suite de la chasse effr6n6e qui lui a 6t6 faite et de la destruction de certains des milieux qui lui 6taient n6cessaires. Est-ce l'avenir de la tourterelle des bois?

Les chasses traditionnelles Sous ce nom il faut entendre des pratlques, survivances de tr6s anciennes techniques de captures (pantes ou filets horizontaux, tendelles etc.), encore usit+es dans le Sud-Ouest, le Sud-Est et les Ardennes. Certaines se sont d'ailleurs modernis6es (utilisation de ressorts metalliques puissants, filets en nylon). En ce qu'ils sont souvent non s61ectifs et roccasion de captures massives, certains de ces modes de chasse rencontrent rhostilit6 de nombreux naturalistes et de chasseurs de r+gion ou ils ne sont pas utilis6s. Dans l'&at actuel des choses, l'on peut dire que: (1)

(2)

(3)

Les effectifs, tant des oiseaux captur6s que des populations aux d6pens desqueiles s'effectuent les pr61+vements sont mal connus. Les chiffres obtenus proviennenf d'estimation r6alis+es par des chasseurs partisans de ces modes de chasse. Les dynamiques de populations des esp6ces concern6es sont encore mal connues. Si pour la palombe, par exemple, il ne semble pas qu'il y ait d'inqui+tude ~ avoir, l'on peut en revanche se poser la question d'un maintien de la chasse au bruant ortolan (Emberiza hortulana). Cette esp6ce r6gresse en France (Yeatman, 1971, 1976). Ces modes de capture donnent lieu ~i des destructions d'autres esp/~ces de petits passereaux (Anon., 1967; Reiile, 1970) et de rapaces diurnes (Anon., 1967).

La chasse au gibier d'eau Selon Tamisier (1979, 1981) la chasse au gibier d'eau peut-&re caract6ris6e en France par ies 61ements suivants: (1)

Un effectif d'environ 200,000 chasseurs qui exploitent 600,000 ha de zones humides;

226 (2) (3)

(4)

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Une p6riode de chasse qui varie dans une fourchette allant de l'avant dernier dimanche de juillet au deuxi~me dimanche de mars de l'ann6e suivante. Une chasse qui peut 6tre pratiqu6e tousles jours en p6riode d'ouverture de l'aube au cr~puscule avec certaines tol6rances (chasse de nuit dans des d6partements c6tiers comme la Somme, la Vend6e, la Charente Maritime, l'Ille et Vilaine, etc.); Un pr616vement annuel total d'environ 2,000,000 de canards (Fig. 5). 0.2

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Nombre de canards tu6s par an dans divers pays europeens (d'apr6s Tamisier, 1981).

En France, comme en d'autres pays d'Europe occidentale, la surface des zones n6cessaires aux Anatid6s (hivernage, nidification, station lors des migrations) est en r6gression par suite de drainages, d'ass6chements, d'am6nagements fi des fins industrielles ou touristiques. Le facteur chasse vient donc accro]tre les conditions d6favorables qui sont faites aux Anatid6s. Pour Atkinson-Willes (1976), Tamisier et al. (1976) et Tamisier (1979) les populations hivernantes d'Europe occidentale et d'Afrique occidentale, populations nichant dans le nord de l'Europe et de l'Union sovi6tique, ont un effectif total de l'ordre de 10,000,000 d'individus. I1 pourrait sembler n6cessaire de tenir compte du gibier de repeuplement essentiellement constitu6 de canards col vert Anas platyrhynchos: le chiffre de la population estim6e de canards col vert produits par les 61evages, apparait bien faible par rapport aux pr616vements. L'Oftice National de la Chasse attribuait ainsi un effectif de 320,000 canards pour l'ann~e 1969 (dossier statistique du minist6re de la Qualit6 de la Vie, 1974). Scion Tamisier (1979), si tousles pays europ6ens pr61evaient proportionellement autant de gibier d'eau que la France, la pression annuelle serait de 40,000,000 de canards, soit quatre fois reffectif total des populations hivernantes!

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Outre rimportance du pr616vement en France, interviennent les modes de chasse usit6es et la longueur des p6riodes d'ouverture. Tamisier (1972, 1976), Roux et al. (1978) ont, entre autres, montr+ comment s'organisaient les rythmes d'activit6 de canards (alimentation en majeure partie nocturne, sommeil diurne, toilette, nage et parade) et quelles 6taient les variations saisonni6res de ces rythmes. (1)

(2)

(3) (4)

En phase de pr6hivernage (juillet, aofit et septembre) les populations sont compos6es fi 75 ~ de jeunes qui ont des besoins 6nerg6tiques 61ev6s (migration, mue). Les nuits 6tant courtes, les animaux doivent se d6placer de jour et sont d'autant plus vuln6rables qu'ils sont pour la plupart inexp6riment+s. En d+but d'hivernage (septembre, octobre et novembre) les d6penses 6nerg6tiques sont moindres. Les p6riodes d'inactivit6 alimentaire sont plus nombreuses. La vuln6rabilit+ aux d6rangements et ~i la chasse diminue. En hivernage (d6cembre et janvier). Les d6penses ~nerg6tiques s'accroissent avec le froid. Les activit6s pr6nuptiales d6butent. En fin d'hivernage (f6vrier et mars), les activit6s pr6nuptiales, la preparation de la migration ou la migration elle-mfme provoquent une demande ~nerg~tique ~levbe. La vuln~rabilit~ s'accroit (n6cessit6 imperative d'une alimentation diurne).

On peut constater qu'en France l'impact de la chasse (pr616vement mais aussi d6rangement diurne et nocturne) s'exerce sur deux p6riodes off les canards devraient b6n6ficier d'une tranquilit6 accrue: le pr6hivernage et la fin de l'hivernage. La chasse de nuit parce qu'eUe intervient au moment off les canards s'alimentent est un facteur de trouble notable. Comme le rappelle Dorst (1979a) c'est un 'vbritable non-sens'. I1 est frappant de constater fi cet 6gard l'instabilit6 des populations et la sousexploitation des milieux humides dans les territoires off se pratique la chasse de nuit. Par ailleurs, l'un des probl6mes de la pratique de la chasse au gibier d'eau est celui de la d6termination des esp6ces. (1) (2)

la chasse de nuit permet toutes les confusions la diversit6 des esp6ces est plus grande que dans les milieux terrestres (d'ofi risques d'erreurs plus importants). Un m6me genre peut &re repr6sent6 par plusieurs esp6ces voisines, certaines gibier, d'autres prot6g6es.

Les modalit6s actueUes de la chasse au gibier d'eau ne correspondent pas ~tce que devrait 6tre une gestion rationnelle de la faune. Les recents travaux de Tamisier (1981) et Fouquet et al. (1981) en fournissent une bonne d6monstration. Ils montrent bien qu'une bonne gestion du gibier d'eau impliquerait une ouverture de la chasse au plus t6t fi la fin aofit. En 1981, il est prevu de l'ouvrir le 18 juillet. L a chasse au petit gibier

Ann+es apr+s ann+es, les chasseurs se plaignent de la rar6faction du petit gibier (perdrix, par exemple). N6anmoins, ils continuent...~i chasser. Birkan (1977),

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analysant les tableaux de gibier abattu sur un territoire de chasse pr6s de Provins, montre quelle est la r6gression de la perdrix grise, Perdixperdix. Avant la derni6re guerre, la moyenne des tableaux annuels 6tait de 3500 perdrix grises tu6es entre 1933 et 1938, elle n'6tait plus que de 1340 entre 1954 et 1960, et de 280 entre 1967 et 1971. A l'ouverture de la saison de chasse 1980, l'Office national de la chasse constatait que pour la perdrix grise, les chasseurs devaient s'imposer de ne pas chasser l'esp6ce dans de nombreux territoires. I1 importait de diminuer les pr616vements de t6tras lyres Lyrurus tetrix et d'adapter aux conditions locales lax chasse 5. la perdrix rouge, Alectoris rufa. Une r~cente analyse de Garrigues (1981) portant sur 104 r6gions agricoles r6parties dans 19 d6partements du Bassin parisien, montre que sur 73 d'entre elles la chasse 5. la perdrix grise devrait 6tre suspendue si l'on veut voir se reconstituer les effectifs de cette esp6ce. I1 est certain que la cause principale de la r6gression d'une partie du petit gibier n'est pas la chasse. Mais continuer d'exercer des pr616vements sur des esp~ces ou des populations en d6clin n'est pas la meilleure mani6re d'oeuvrer pour leur conservation.

Le probldme des vagues de from Lors des hivers 1978-79 et 1979-80, deux vagues de froid ont atteint l'Europe occidentale et particuli6rement la France. A la fin de l'ann6e 1978, chasses par un front d'air froid venu de Sib6rie, de nombreux migrateurs hivernant normalement au Danemark, aux Pays-Bas ou en Grande-Bretagne gagn6rent en masse la France. Ce fut le branle bas de combat chez les chasseurs. Les migrateurs pay6rent un lourd tribut. Malgr~ un appel 5. la moderation lanc~ en janvier 1979 par le Comit6 ChasseNature (organisme cr66 fi l'6gide de l'Union nationale des pr6sidents de F6d6rations d6partementales des chasseurs pour mieux faire connaitre la chasse et presenter ses adeptes comme des protecteurs de la nature) de tr~s nombreux exc~s ont 6t6 commis. Etendues d'eau et sols gel6s sur une bonne part de la France recouverte de neige rendaient les conditions de survie d'oiseaux souvent d6ja 6puis6s tr~s al6atoires. Chass6s de leurs sites d'hivernage, les migrateurs devaient en plus affronter une pression de chasse importante. Oies, cygnes, canards (dont certaines esp~ces peu communes en France comme le harle piette Mergus albellus, ou le garrot 5. oeil d'or Bucephala 'clangula) b6casses, b6cassines, grives ou alouettes, tout &ait bon pour les porteurs de fusil. I1 n'est pas possible de relever ici tousles 'abus' observ6s 5. cette p6riode (Anon., 1979). Une telle 'exploitation' des esp6ces migratrices a provoqu6 des diff6rences d'appr6ciation au sein des milieux cyn6g&iques. A c6t~ d'appels 5. la mod&ation (cf. ci-dessus) on a pu lire des d6clarations d'une tout autre nature. F6vrier (1979) affirmait ainsi: 'Nous sommes des chasseurs de migrateurs. I1 est normal que nous chassions ceux-ci au moment de leur passage. II est normal que nous profitions de l'arriv6e des oiseaux que nous ne verrions jamais sans coup de froid'. En janvier 1980, une nouvelle vague de froid, d'extension plus limit6e, atteignait 5.

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nouveau la France. Les Anatid6s furent moins touch6s que l'ann6e pr6c6dente. En revanche, les grives, les pluviers, et vanneaux furent s6rieusement atteints (Brosselin, 1980b). Les observations effectuSes ~ roccasion de ces deux vagues de froid ou lots d'6v6nements plus anciens (Pellerin, 1963) montrent que le comportement de nombreux chasseurs franqais n'est pas adapt6 ~ de tels accidents climatiques: (1)

(2)

Dans les zones atteintes directement par le froid, les chasseurs n'h6sitent pas 'massacrer' un gibier affaibli. En 1964, certains 'chasseurs' n'h6sitaient pas faucher darts les marais de Sougeal (Ille et Vilaine) les foulques Fulica atra dont les pattes 6taient prises par la glace. Dans les zones exemptes des effets directs du froid qui voient rarriv6e massive de nombreux migrateurs, les chasseurs ont l'impression d'assister une manne providentielle dont il faut profiter au maximum alors qu'il ne s'agit que d'un rassemblement temporaire et conjoncturel. N6anmoins, la pression de chasse augmente sensiblement. En 1980, les armuriers de certaines villes du Languedoc-Roussillon se sont trouv6s e n . . . rupture de stocks de cartouches.

IMPACT INDIRECT DE LA CHASSE

Les effets de la chasse sur la faune sauvage ne se limitent pas aux pr$16vements effectu6s aux d~pens des esp6ces gibier et des espbces prot6g~es par suite d"erreurs' de d6termination. L'61evage et les lachers de gibier, l'introduction d'esp6ces exotiques, les destructions de pr6dateurs, une certaine manipulation de la faune, une organisation de la chasse ne tenant pas compte des autres categories de citoyens sont redevables ~ la pratique actuelle de la chasse.

EleL,age et lachers de gibier--lntroduction a~espgces exotiques L'augmentation presque parall61e des modifications de milieux defavorables ~t de nombreuses esp6ces, et de l'effectif des chasseurs (Fig. 1) s'est traduit de mani~re pr6visible par une baisse du cheptel disponible. Certaines esp6ces, grands mammif&es comme le cerf Cervus elaphus, le chevreuil Capreolus capreolus, ou le sanglier Sus scrofa ont n~anmoins, localement ou sur l'ensemble du territoire b6n6fici6 des changements de milieu. Mais elles ne repr6sentent pas le fond du gibier chass~ en France. La chasse en France reste pour ressentiel tourn6e vers le petit gibier. Le lapin de garenne Oryctolagus cuniculus, qui formait avant les ann6es 1950, le gibier de base de la chasse populaire, a 6t6 d6cim6 par la myxomatose. L'introduction volontaire en 1952, de lapins contamin6s par le virus de cette maladie fut ~ l'origine d'une 6pid~mie qui se propagea dans toute rEurope occidentale. Accueillie avec plaisir par de nombreux sylviculteurs et agriculteurs, cette ~pid6mie

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fut un d6sastre pour la chasse, directement en privant de nombreux chasseurs de leur gibier favori et indirectement sur d'autres esp6ces. En effet, faute de lapins la plupart des chasseurs se report~rent sur d'autres gibiers (perdrix, par exemple)jusqu'alors moins chassis. En d6finitive, le petit gibier r6gressa et il s'en est suivie une politique d'61evage et de repeuplement destin6e fi pallier aux insuttisances en gibier naturel. A c6t6 d'une production de gibier vivant dans des conditions de semi libert6 proche du gibier sauvage qui pourrait 6tre tol6rable, il faut constater qu'il existe une production de type °industriel' (canard col-vert Anas platyrhynchos, faisan de chasse, par exemple) fournissant une volaille de tir qui n'a qu'un lointain rapport avec du gibier. Les animaux ainsi produits sont relfich6s quelques jours, voire quelques heures avant la chasse et ne sont pas en mesure de repeupler les zones de lacher s'ils 6chappent au fusil. Par ailleurs, compte tenu des risques d'ordre sanitaire ou g6n6tique induits par ces pratiques, il y a lieu de rester prudent sur leur l~gitimit6. Le recours fi du gibier d'importation a 6galement 6t6 lanc6, sans grand succ~s si ce n'est pour la sant6 financi6re des importateurs. Ainsi la campagne d'importation de gibier vivant du ler octobre 1972 au 31 mars 1973 a-t-elle cofit6 24,454,000 F dont les 3/4 ont ~t6 consacr6s au gibier ~i poil. Les introductions d'espbces 'identiques' ~ celles de notre faune mais provenant d'aires g6ographiques diff&entes ont donn6 lieu aux m~mes 6checs. Des ~tudes compar6es sur le plan biologique, ~cologique et morphoiogique, voire ethologique expliqueraient peut &re en partie ces insucc6s. I1 y a quand m~me quelque difference entre un li6vre de Pologne adulte, Lepus europeus, atteignant 5 fi 6 kg et un li6vre franqais dont le poids d6passe rarement 3.5 kg. I1 semble par ailleurs que, dans beaucoup de cas, ces importations aient contribu~ en d6clenchant localement des 6pid6mies (tular6mie, pseudo-tuberculose pour ie li6vre) ~i prbcipiter la disparition des races locales (Lefeuvre et al., sous presse). La perdrix chukkar Perdri.¥ chukar, les colins de Virginie Colinus rirginianus, et de Californie Lophortyx caliJornia ont 6t6, un temps, pr6sent~s comme des 'gibiers miracle' susceptibles de remplacer les perdrix autochtones aux populations d6clinantes. Entre 1960 et 1970, pr6s de 200,000 colins de Virginie ont ~t6 lgtch6s dans 67 d6partements en France. En 1975, il ne restait que trois populations dont la plus importante comportait environ un miilier de couples (Geroudet, 1978). Quant aux tentatives d'introduction du colin de Californie, elles se sont sold6es par un 6chec complet. Les lachers importants de perdrix chukkar, effectu6s dans le sud de la France fi partir de souches asiatiques ~lev6es en parc n'ont pas donn~ les r6sultats escompt~s. Comme le fait remarquer G6roudet (1978) 'il est absurde d'importer grands frais des Choukars d'origine incertaine, n6~es captives, qui ne peuvent qu'apporter des troubles g6n6tiques et des maladies aux espbces autochtones'. L'on aurait dont pu penser que leqon serait tir6e de ces 6checs et que les chasseurs s'attacheraient plut6t fi la pr6servation du gibier autochtone. Tel n'est pas toujours le cas. Ainsi en novembre 1980, une association de chasseurs du Sud-Ouest de la

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France a proc6d6 ~ un lacher de pintades sauvages, Numida meleagris. La F6d6ration d6partementale des chasseurs du Finistere envisage q u a n t a elle, d'introduire la grouse Lagopus scoticus, en Bretagne. Dans le secteur off est envisage cette introduction, il ne reste qu'une zone de lande ~i callune Calluna vulgaris d'environ 50 ha. Compte tenu de l'6tat de la vegetation, ce type de lande ne peut accueillir qu'un couple de grouse pour 80 ha. De plus, les techniques d'am6lioration cyn6g6tiques utilis6es sur sol lourd et humide, en Ecosse, par exemple (brfilage biennal de la callune de fat;on h favoriser la repousse des jeunes plantes dont se nourrissent les grouses), ne sont pas possible dans ce secteur de Bretagne dot6 d'un sol 16ger reposant sur la roche m6re. Malgr+ de telles objections, cette F6d+ration poursuit son projet.., pour le prestige? Le cas du sylvilagus, Sylvilagusfloridanus, montre 6galement le manque de sbrieux qui pr6vaut dans ces op6rations d'introduction cyn6g6tique. Apr6s la disparition du lapin de garenne, des suites de la myxomatose, les chasseurs du Midi et du SudOuest ont cherch6 un gibier de remplacement. Le sylvilagus, genre nord et sud-americain, naturellement immunis6 contre ie virus de la myxomatose mais susceptible d'en &re le vecteur et de la transmettre aux lapins du genre Oryctolagus (Dorst, 1965) fut choisi. De tr6s nombreux lachers ont 6t6 r+alisbs depuis une dizaine d'annbes dans le Sud de la France avant m6me qu'une 6tude ~ipprofondie sur les transmissions possibles de maladies/t la faune locale, le comportement de l'esp6ce vis fi vis des autres lagomorphes et l'impact sur la flore du sylvilagus, n'ait 6te entreprise. Bien qu'actuellement l'importation, l'6levage, le transport et les lachers d'individus de cette esp6ce soient interdits en France tant que l'innocuit~ de l'op6ration n'aura pas 6t6 d+montrbe, des chasseurs du Midi et du Sud Ouest continuent de tenter d'acclimater l'esp6ce sur leurs territoires de chasse.

Destruction des prbdateurs Depuis longtemps la plupart des chasseurs acceptent mal l'existence d'esp6ces qui leur apparaissent comme de redoutables comp+titeurs. Les pr6dateurs, oiseaux ou mammif6res sont toujours robjet d'une vindicte irrationnelle et tenace dont les effets sont loin d'btre n+gligeables. Bozec (1965) rapporte ainsi qu'entre le 1 juin 1963 et ie 17juin 1964, il a 6t+ tu6 dans le seul d6partement du Morbihan; 2956 renards Vulpes t,ulpes, 1662 belettes Mustela nivalis, 572 fouines Martes foina, et putois Mattes putorius, 413 blaireaux Melesmeles, 1853 buses et'6perviers', Accipiternisus, 10,917 'corbeaux', et 8610 pies. I1 faut ajouter, pour les oiseaux, la destruction des nids et des oeufs qu'ils contenaient soit 275 de 'corbeaux', 279 de pies, 130 de geais, Garrulus glandarius, 13 d'6perviers, et 4 de buses. Les rapaces sont d6sormais prot6g6s, ce qui provoque d'ailleurs l'hostilit+ des chasseurs aux mesures de sauvegarde. Cette vindicte apparait d'autant plus incompr6hensible que l'on connait le r6gime alimentaire de la plupart des pr6dateurs. Ainsi la proie essentielle de la buse variable est le campagnol des champs Microtus art, alis, et il est exceptionnel que cet oiseau s'attaque aux esp~ces gibier ou

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domestiques. 'De plus, certains cas de predation de la buse sur des esp6ces gibier sont dus fi des erreurs de gestion cyn6g6tique (cas de lachers d'animaux trop jeunes ou inadapt6s au milieu)' (Bayle & de Ruffray, 1980). N+anmoins depuis que cette esp+ce b6n+ficie d'une protection 16gale en France, il n'est pas d'ann+e o~ ron entende tel ou tel responsable cyn6g6tique se plaindre de 'pullulation', de 'proliferation de buses', de gros d+gfits au gibier, etc., d6clarations accompagn6es de demande de destruction. Iien va de m6me des mammif+res carnivores. L'on sait que le chat sauvage Fells sylvestris se nourrit de petits rongeurs des genres Apodemus et Microtus (Condb et al., 1972; Saint-Girons, 1973; Schauenberg, 198 l). Cependant, il se trouve encore des chasseurs pour avancer que l'esp/~ce pullule depuis qu'elle est prot6gee et commet des d6gfits importants sur le gibier. Les Must61id6s, martre Mattes mattes, fouine, belette, etc., sont l'objet de la m6me hostilit6 des chasseurs. A cet 6gard, rattitude de l'organisation nationale des chasseurs franqais est tout fait caract6ristique. L'Union nationale des pr6sidents de f+derations d6partementales des chasseurs a, en effet, intent6 en 1979, un recours aupr6s du Conseil d'Etat pour faire annuler les arr6t6s prot6geant la plupart des mammif6res de la faune franqaise, y compris les petits carnivores. Les arguments invoqu6s par les chasseurs 6taient que la loutre Lutra lutra, la martre, la fouine, le chat sauvage, voire le h6risson Erinaceus europeus, sont des pr6dateurs 'qui sont connus pour 6tre cause de d+gfits au gibier', que leur protection 6quivaut 'a 16gitimer les d6pr6dations importantes, dans certains d6partements, sur le gibier et ses couv+es', que la protection de ces esp6ces 'est de nature fi creer une rupture de cycle et compromettre l'6quilibre actuel, lequel permet de contenir les ravages des pr6dateurs et d'assurer une protection correcte des gibiers, notamment d'+levage' (Le Bret, 1979). Il est par ailleurs 6vident pour les chasseurs que les destructions de pr6dateurs largement autoris6es auparavant 'r6pondaient ~t une v6ritable op6ration de service public' (Le Bret, 1979). Il est bon de pr6ciser que le Conseil d'Etat, bien qu'il ait en f+vrier 1981 annul6 les arr6t6s attaqu6s, n'a pas retenu ces arguments et ne s'est prononc6 que sur un vice de forme (omission de recueillir ravis d'un organisme consultatif). L'Union nationale des presidents de f6d6rations d6partementales des chasseurs et le Comit6 d'information Chasse-Nature ont publiquement regrett+ que n'aient pas 6t6 pris en compte les arguments de fonds 'qui seuls int~ressent les chasseurs' (communiqu6 de presse du 17 mars 1981). Cette attitude est incompr+hensible. On connait le r6gime alimentaire de ces petits must61id6s. I1 comporte de 60 fi 80 ~o de petits rongeurs (Apodemus sp., Microtus sp. et Arvicola sp.) redout6s des agriculteurs pour les d+gfits qu'ils commettent aux cultures ou aux herbages. Le blaireau consomme pour l'essentiel des lombrics, des v6g6taux et des micromammif~res (Mouches, 1981). Une certaine manipulation de la faune A diff~rentes reprises lors de rencontres scientifiques internationales (Colloque

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sur rutilisation et la conservation de la Biosph6re, UNESCO, Paris, 1968; IIIe Assises internationales de l'Environnement, Paris, 1980), fi l'occasion de programmes internationaux (Strat6gie mondiale de Conservation, UICN, 1980) ou de rapports nationaux, de nombreux biologistes ont insist6 sur la n6cessit(~ de maintenir le potentiel g(~n6tique des esp6ces sauvages. Gros et al. (1979) r6sument parfaitement le but assign6 aux mesures de conservation- 'prot6ger la flore et la faune sauvages, leur (~volution ou leur adaptation spontan6e, contre des s6lections g~n6tiques de plus en plus sophistiqu(~es en vue de performances ponctuelles, mais aux d6pens de la perte de qualit6s naturelles--potentielles ou exprim(~es'. Les textes d'application de la loi sur la protection de la nature ont tenu compte de cette n6cessit(~ en d&erminant que 'sont consid6r6es comme esp6ces animales non domestiques ceiles qui n'ont pas subi de modification par s6lection de la part de rhomme'. I1 n'emp6che que sous la pression des milieux cyn6g6tiques, le concept de tir de sblection au grand gibier, cher aux amateurs de trophbes, tend ~i s'&endre pour des raisons diverses (obtention de beaux trophies, r6gulation de population) par le biais des plans de chasse. On peut distinguer deux cas: celui des territoires de chasse ot~ doit &re trouv6 un 6quilibre agro-sylvo-cyn6g~tique et celui des zones protegees (r6serves naturelles, parcs nationaux). Dans le premier cas, l'on peut admettre que s'6tablisse un plan de tir avec comme objectif le maintien d'un sex-ratio voisin de 1/1 pour des animaux comme le cerf, le chevreuil, le mouflon Or,is aries, ou le chamois Rupicapra rupicapra. Un tel sex-ratio ne correspond certes pas fi ce que l'on connait de la structure des populations d'ongul6s sauvages (Andersen, 1953; Pfeffer, 1967; Spinage, 1970; Schloeth, 1972; Jarman & Jarman, 1973; Dajoz, 1974) oti l'on constate un exc6dent de femelles. I1 semble n6anmoins n6cessaire fi la coexistence de ragriculture, de la sylviculture et de la chasse. I1 en va tout autrement des zones proteges o/l, comme dans ies parcs nationaux, l'on cherche fi laisser libre cours fi toutes les forces de la nature, sans modification de main d'homme. Les ph6nom6nes naturels rendent vains les criteres d'6valuation de celui-ci: esp6ces "nuisibles" ou "utiles", par exemple, ou "calamit6s" ou encore "catastrophes naturelles" n'ont qu'un sens convenu et il ne peut donc 6tre question de privil6gier une espece particuliere en employant des m6thodes dirigistes' ( . . . ) 'Dans son principe, le parc national semble &re l'antith6se de rutilisation normale du territoire' (Wotschikowsky, 1977). Or, on constate qu'en France, le concept de s61ection tend a s'introduire dans la gestion de la faune sauvage de certains parcs nationaux soit ouvertement ('tirs de s~lection pour 6liminer des animaux malades, mal form,s ou en surnombre', dans le parc national des Ecrins c r ~ en 1973) soit indirectement ('6limination des animaux malades, malform~s ou en surnombre', dans le parc national du Mercantour cr6(~en 1979 ainsi que dans le projet du parc national de l'Ari6ge). Dans le cas du parc national des Ecrins, des tirs de s61ection au Chamois ont 6t6 mis en place pour contenter des chasseurs locaux (en fait nombre d'entre eux ne

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sont pas des r6sidents permanents dans les zones de montagne concern~es par le parc mais sont des chasseurs citadins). Cette politique s'est d6velopp6e dans ce parc national ~i la suite des 6v6nements suivants: Autour du parc la pression de chasse est excessive (Keck, 1977; Roucher, 1977; Meunier, 1980) comme d'ailleurs autour de la r~serve nationale de chasse des Bauges (Magnani & Havet, 1980). Constatant apr6s examen des animaux abattus qu'il s'agissait surtout d'individus jeunes (m~les en majorit6) les responsables du parc des Ecrins ont craint qu'/t terme ces pr616vements ne conduisent / t u n vieillissement pr6judiciable et fi un d6s6quilibre en faveur des femelles de la structure des populations de la zone parc. Pour rem6dier ~ cette situation, il a +t6 propos6 des plans de chasse concernant la zone p6riph6rique et la zone parc, c'est/~ dire la totalit6 d'une population de chamois pour un secteur donn6. L'un des objectifs de ces plans de chasse est d'instaurer un sex-ratio de 1 : 1.2 fi l'aide de tirs de s+lection r6alis6s dans le. parc lui-m6me. Ces pratiques appellent plusieurs !r6flexions:

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I1 est normal que des classes pionni6res quittent le domaine natal et essaiment. C'est un ph6nom6ne naturel observ6 chez d'autres ongul6s (Strandgaard, 1979). I1 est en revanche anormal que les chasseurs exercent une pression excessive sur cette fraction de la population. Ils emp6chent ainsi le repeuplement de territoires favorables au chamois. La solution qui semble la plus rationelle est de laisser s'implanter ces populations pionni6res et d'exploiter ensuite l'int6r& du capital qu'elles repr6sentent. Les travaux portant sur l'analyse des structures de populations des ongul~s (cf. ante) montrent fr6quemment un d~s6quilibre du sex-ratio en faveur des femelles. Ce d6s6quilibre peut m6me conduire ~ la supr6matie absolue des femelles pour certaines classes d'gtge. C'est le cas du kob defassa Kobus defassa ugandae (Spinage, 1970). R. Schloeth (comm. pers.), directeur du parc national suisse des Grisons, a 6tabli le sex-ratio du chamois de 1960/t 1979, sur une population dont l'~volution des effectifs est connue depuis 1918 (Schloeth, 1972). On constate que le sex-ratio est en moyenne de 1 : 2.17 et que la population des chamois dans la zone parc est rest6e relativement stable au cours de ces soixante derni6res ann6es. I1 semblerait plus coherent avec l'objectif d'un parc national de laisser s'6tablir une dynamique de population la plus proche possible des conditions naturelles.

Si pour des raisons psychologiques, il est n6cessaire d'autoriser un certain pr616vement au profit des chasseurs locaux, la chasse faisant partie int6grante du mode de vie des populations montagnardes, il semble qu'il vaudrait mieux fonder les modalit6s de ces pr616vements sur des concepts scientifiques. Ceux-ci demandent que

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l'on s'abstienne d'intervenir dans un premier temps. A titre de comparaison, il faut savoir que l'on a attendu, au Canada, avant d'autoriser le tir d'elans Alces alces americana dans les parcs nationaux 25 ans dans le parc de la Verandrye, 34 ans dans celui des Laurentides et 77 ans dans celui du Mont Tremblant (Bouchard & Moisan, 1974). Dans le parc national des Ecrins, les tirs de s61ection ont d6but6 5 ans apr6s la cr6ation. I1 faut reconnaitre que ces tirs, soumis fi rapprobation du Comit6 scientifique du parc ne donnent lieu qu'fi des pr616vements tr6s minimes (environ 1 ~ de l'effectif total des chamois de la zone centrale du parc). Les r6serves que l'on peut 6mettre/t l'6gard des modalit6s de cette s6lection s'inscrivent dans une perspective fi long terme. Dans la mesure off les pratiques instaur6es dans ce parc sont susceptibles de s'etendre fi d'autres territoires prot6g+s, et fi d'autres esp+ces sous la pression des milieux cynbg6tiques, il semble pr6f6rable d'attirer rattention sur les inconv+nients qu'elles comportent. Si demain, cette exp+rience encore localis6e, qui du strict point de vue cyn6g6tique peut pr6senter des c6t6s positifs, venait fi se g6n+raliser on voit mal o/1 ron pourrait trouver sur le territoire franqais des zones off les especes sauvages pourraient 'survivre dans un milieu naturel, expos6es fi tous les hasards ou incertitudes de rexistence fi l'6tat sauvage' afin que soit 'sauvegard6 le fonds g6n6tique' qu'elles repr6sentent (Cain et al., 1970). Droit de chasse et droit de non-chasse Le Parlement franqais a vot+ le 10 juillet 1964 une loi relative ~i rorganisation des associations communales et intercommunales de chasse agr6+es. Cette loi visait essentiellement/l assurer 'une meilleure organisation technique de la chasse pour permettre aux chasseurs un meilleur exercice de ce sport'. Elle avait pour but de supprimer entre autres, le syst6me des enclaves qui genaient la chasse en fragmentant les territoires en zones chass6es ou non au gr6 des propri6taires ou d6tenteurs de droits de chasse. Ce texte, du strict point de vue cyn~g~tique, a certes 6t~ une am61ioration. I1 a, en revanche, aux yeux de ceux qui ne chassent pas un grave inconvenient. Lorsqu'une association communale ou intercommunale de chasse est constitu6e, tout propri6taire de moins de 20 ha d'un seul tenant, de moins de 3 ha pour un marais en eau, de moins de 1 ha pour un 6tang isol6, de moins de 100ha en zone de montagne au dessus de la limite foresti6re.., ne peut s'opposer fi ce que ron chasse chez lui, m6me s'il n'est pas chasseur . . . . En d'autres termes, cette loi faite par des chasseurs, pour des chasseurs ne reconnait au citoyen franqais qu'un seul droit, s'il est petit propri6taire terrien, celui de chasser et de laisser chasser chez lui quelle que soit son opinion sur la pratique de ce loisir. Ce v6ritable d6ni de justice, interdit, dans les faits, fi toute personne d'assurer la protection de la faune gibier (ou de celle qui peut 6tre perturb6e par l'exercice de la chasse) s'il n'est pas dot6 par la fortune de moyens

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importants. C'est lfi un point de friction non n6gligeable dans les rapports entre chasseurs et non-chasseurs. Des associations de protection de la nature, comme la Soci6t6 nationale de protection de la nature ont fi plusieurs reprises, tent6 mais en vain que soit reconnu ~i l'6gal du droit de chasse, un droit de non-chasse ou droit de gite. Jusqu'/t pr6sent seul l'int6r& des chasseurs a pr6valu.

CONCLUSION

Ce rapide panorama montre certains des points qui opposent en France chasse et conservation de la nature. Est-ce ~ dire que l'une et l'autre sont incompatibles ? qu'il n'y a pas de terrain d'entente? Dans la mesure off l'une et l'autre n6cessitent la sauvegarde de milieux favorables fi la vie de la faune sauvage il peut, il doit exister un terrain d'accord pour lutter contre toutes les causes de d6gradation des milieux (ass6chements, drainages de zones humides, pratiques culturales inad6quates, exc6s de l'urbanisation, de la fr6quentation de zones fragiles, etc). I1 ne faut n~anmoins pas cacher qu'il existera toujours une diff6rence fondamentale d'esprit et d'attitude entre ceux qui par l'acte de chasse s'approprient une part d'un patrimoine commun et ceux qui en pr6f6rent l'observation laissant ainsi l'animal disponible pour d'autres amateurs de vie sauvage. La grande majorit6 des protecteurs de la nature admet actuellement le principe de la chasse sous r6serve que sa pratique soit conforme fi certaines exigences (Constant & Lefeuvre, 1979). Celles-ci ont 6t6 pr6sent6es en particuler, par la F6d6ration Franqaise des Soci6t6s de Protection de la Nature qui rassemble ressentiel des groupements pr6occup6s par la conservation de la flore et de la faune sauvages et de leurs habitats. Aux yeux des protecteurs de la nature, il serait n6cessaire: (1)

Que les structures de gestion de la faune sauvage comprennent h tousles niveaux, des chasseurs, des non-chasseurs et des scientifiques, repr6sent~s ~t 6galit6. Actuellement, deux organismes consultatifs ~ l'6chelon national r6pondent en partie ~t cette demande: Le Conseil national de protection de la nature cr66 en 1946, r6nov6 en 1977. I1 est concern6 par la pr6servation et le d6veloppement de la flore et de la faune sauvages, l'am61ioration de la protection des espaces naturels et le maintien des 6quilibres biologiques auxquels ils participent, notamment en mati6re de parcs nationaux, parcs naturels et r6serves naturelles. Ace titre, il a pour mission de donner au ministre charg6 de la protection de la nature des avis sur les objectifs pr~c~demment cit6s et d'~tudier les mesures 16gislatives et r6glementaires et les travaux scientifiques aff6rents ~i ces objets.

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I1 comporte, entre autres, des repr6sentants d'associations de protection de la nature, des personnalit6s scientifiques, des repr6sentants de divers minist6res, collectivit6s, et int6r6ts professionnels (agriculture) et un repr6sentant des associations de chasseurs. Le Conseil national de la chasse et de la faune sauvage institu6 en 1972. I1 donne au ministre charg6 de la chasse son avis sur les moyens propres/l pr6server la faune sauvage, d6velopper le capital cyn6g6tique dans le respect des 6quilibres biologiques afin d'am61iorer les conditions d'exercice de la chasse et d'6tudier les mesures 16gislatives et r6glementaires aff6rentes fi ces objets. I1 est constitu6, entre autres, de repr6sentants d'associations de chasseurs, de personnalit6s qualifi6es en raison de leurs comp6tences cyn6g6tiques, de deux reprbsentants d'associations de protection de la nature, et de repr6sentants de divers minist6res, collectivit6s et int6r6ts professionnets (agriculture, sylviculture, etc.) ainsi que de deux repr6sentants d'organismes scientifiques sp6cialis~s dans les questions concernant la chasse. Que la d61ivrance du permis de chasser soit subordonn6e/l un contr61e des connaissances biologiques sur la faune sauvage darts son ensemble, contr61e obligatoire pour tousles chasseurs. Depuis 1976, il existe maintenant un examen pr6alable fi la d61ivrance du permis de chasser. La premiere ann6e le taux de r6ussite a 6t6 de 98.60 ~o, ce qui a laiss6 planer quelque doute sur le s6rieux de r6preuve. La situation s'est am61ior6e. En 1980, le taux de r6ussite 6tait de 69.53 ~. I1 reste que le niveau des connaissances semble encore faible (Dal Molin, 1980). Par ailleurs, cet examen ne concerne que les nouveaux chasseurs. Le lot des chasseurs qui exerqaient avant 1976 n'est pas touch6 par ces mesures qui ne peuvent donc freiner les mauvaises habitudes. Que les prbl6vements ne soient possibles qu'en fonction d'6tudes et inventaires permanents sur le niveau de population des esp6ces de gibier. L'instauration du plan de chasse au grand gibier qui s'est g6n6ralis6 pour la saison de chasse 1979-80 marque une am61ioration sensible sur la situation ant6rieure. Le cas du petit gibier terrestre ou aquatique reste en revanche tr6s pr6occupant comme on ra vu pr6c6demment a p r o p o s de certaines esp6ces. I1 importe que la suspension de la chasse puisse 6tre institu6e pour permettre la restauration d'un cheptel autochtone de gibiers comme les perdrix ou le li6vre. Que la chasse ne soit pratiqu6e que darts la mesure off elle respecte les imperatifs 6cologiques des esp6ces gibier et des bioc6noses. Les exemples de la chasse au gibier d'eau, de la chasse de printemps fi la tourterelle, de la destruction des pr6dateurs, etc., montrent que ces conditions sont loin d'6tre remplies. Que ies propri6taires non-chasseurs aient la possibilit6 d'interdire la chasse

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chez eux, s'ils ne sont pas chasseurs et que le droit de gite soit reconnu ~tl'6gai du droit de chasse. Cela suppose une refonte de la loi Verdeille sur les associations communales et intercommunales de chasse agr66es. Nul signe d'6volution favorable en ce sens n'apparait actuellement. Que dans les budgets cyn6g6tiques, priorit~ soit donn6e fi la conservation ou la restauration des milieux favorables fi la faune sauvage. I1 vaut mieux assurer la p6rennit6 d'un cheptel autochtone plut6t que de repeupler, grands frais, avec un gibier artificiel. Des efforts sont certes tent6s mais pour des raisons de facilit6 la solution des lachers est encore trop souvent pr6f6r6es aux mesures d'autodiscipline des chasseurs. Que soit enfin distingu6e la chasse des op6rations de limitation des esp6ces dont l'augmentation des populations ou l'~tat sanitaire peut poser des probl6mes fi certaines activit~s humaines. Les chasseurs se posent fr6quemment comme les remplaqants des pr6dateurs disparus (du Boisrouvray et al., 1980). L'on peut constater que pour des esp6ces gibier comme l'6tourneau sansonnet, ou le renard, leur action est particuli6rement inefficace.

I1 est un dernier point qui irrite particuli6rement les non-chasseurs, c'est l'affirmation selon laquelle 'les chasseurs paient' donc ils ont le droit de pr+lever sur la faune sauvage. Une 6tude r6alis~e fi partir du tableau de chasse national 1974-75 (Tableau l) montre que le montant de la valeur du pr6l/~vement r6alis+ est en fait plus de trois fois sup+rieur au budget de fonctionnement de l'Office National de la chasse (Raffin, 1978). Cet Office, qui assure la garderie, les 6tudes techniques et les indemnisations pour d+gfits dos au gibier, est financ6 par les chasseurs. Pour connaltre la valeur du pr61+vement effectu+ aux d6pens de la faune sauvage, il suffisait fi premiere vue de multiplier les effectifs estim6s par la valeur v+nale de ces cliff,rents gibiers fi l'6poque. Certaines esp+ces faisant l'objet de repeuplement, un tel calcul global pouvait donc 6tre fauss~. Aussi, seules ont +t6 retenues des esp6ces migratrices (Columba livia, Turdus sp., Scolopax rusticola) et une esp6ce s+dentaire dont on connaissait avec suffisamment de pr6cision reffectif des lachers de repeuplement, le li+vre. En retenant le chiffre le plus bas de la fourchette d'estimation de l'Office national de la chasse (Tableau l) et les valeurs de 4 F pour une grive, 8 F pour une palombe, 30 F pour un li6vre et 40 F pour une b6casse (prix relev+s sur des march+s de la r6gion parisienne durant la saison de chasse 1974-75) l'on s'aperqoit que la valeur totale du pr616vement pour ces seules esp6ces est de 213,530,000 F alors que les d6penses de fonctionnement de l'Office national de la chasse y compris les op6rations en capital 6taient pour l'6poque de 67,655,798 F. L'on voit ainsi que la contribution des chasseurs fi la gestion de la faune sauvage est loin de correspondre fi la valeur des pr616vements qu'ils effectuent aux d6pens

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d'un bien commun. I1 faut aussi souligner que le calcul ici pr6sent6 ne tient compte que de quelques esp6ces, ce qui augmente encore le d6calage entre l'effort financier consenti par les chasseurs et le coot subi par ia collectivit6. Les non-chasseurs, qu'ils soient ou non pr6occupbs de la conservation de la faune sauvage constatent que de nombreuses modalit6s de la chasse telles quelles sont pratiqu6es aujourd'hui en France ne sont plus tol6rables. C'est un sentiment partag~ par une partie croissante de l'opinion publique. Trois sondages r6alis6s en 1977 (hebdomadaire Le Pklerin 4 septembre 1977), en 1978 (Journal Le Quotidien de Paris, 23 f~vrier 1978) et 1980 (hebdomadaire La Vie 28 octobre 1980) montrent une augmentation de ceux qui n'approuvent pas la chasse d'aujourd'hui. En 1977, 1 6 ~ des personnes interrog6es 6taient r6solument hostiles fi toute chasse, 57 ~o demandaient une limitation plus stricte et 20 ~ estimaient la situation satisfaisante. En 1978, 47 ~ n'approuvaient pas la chasse telle qu'elle est organis6e en France, 24 ~o s'estimant satisfaits. En 1980, 32 ~ des personnes interrog6es btaient tout fi fait d'accord pour une suppression complete de la chasse, 18-2 ~o plut6t d'accord pour cette suppression (soit 50.2 ~o hostiles h la chasse), 18.3 ~o plut6t pas d'accord pour la suppression de la chasse et 22.3 ~ r6solument hostiles fi rarr6t de la chasse (soit 40.6 ~ partisans de la chasse). Une telle 6volution s'explique certainement par une sensibilisation plus grande de ropinion publique aux probl6mes de conservation de la nature. Mais il y a aussi, il faut bien le dire, les exc~s de la chasse elle-m~me. Si les responsables cyn~g~tiques ne peuvent obtenir de leurs mandants un profond changement de mentalit6 et d'attitude conduisant ~ l'abandon rapide de pratiques qui n'ont plus lieu d'6tre, il est craindre la constitution d'une majorit~ hostile fi la chasse conduisant fi une demande de suppression de la chasse. Il faut reconnaitre que de gros efforts sont faits par certains responsables qui restent n6anmoins minoritaires au sein de l'organisation de la chasse. L'on peut penser que si des changements radicaux ne sont pas introduits rapidement, la France se trouvera dans quelques ann6es dans la m6me situation que rItalie en 1980. Dans ce pays, diverses organisations ont obtenu plus de 850,000 signatures pour le lancement d'un r6f6rendum visant ~ l'interdiction de la chasse. Pour diff6rentes raisons, rorganisation d'un tel r6f6rendum a 6t~ rejet6e par le Conseil constitutionnel italien. Il est loin d'6tre 6vident, si une telle consultation avait eu lieu, que les partisans de la chasse aient pu l'emporter dans ce pays ot~ les exc6s des porteurs de fusil sont aussi l'objet de la r6probation d'une bonne part de ropinion publique. En effet, divers sondages r6alis6s en 1976 donnaient entre 53 ~o et 65 ~o de personnes interrog6es favorables fi l'abolition de la chasse. Si l'organisation de la chasse n'est pas modifi6e en France, il est vraisemblable qu'fi moyen terme la situation sera similaire. Est-ce cela que souhaitent les chasseurs ?

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