Handicap: prise en charge ou accompagnement?

Handicap: prise en charge ou accompagnement?

Archives de ptdiatrie 10 Suppl. 1 (2003) 64s-70s www.elsevier.com/locate/arcped Table ronde : Prise en charge du handicap Handicap : prise en ch...

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Archives

de ptdiatrie

10 Suppl.

1 (2003)

64s-70s www.elsevier.com/locate/arcped

Table ronde : Prise en charge du handicap

Handicap : prise en charge ou accompagnement ? Handicap: management or supportive care? C. Epelbaum * Fondation Valle’e, 7, rue Benserade, 94250 place du Markhal-de-Luttre-de-Tassigny,

Tout handicap de l’enfant represente un veritable traumatisme a deux niveaux : - un traumatisme direct, essentiel, que le pediatre peut aider la famille a metaboliser : il s’agit de la crainte de la mort, de la douleur, et des restrictions que le handicap provoquera dans la vie de l’enfant ; - un traumatisme secondaire, qui intervient en quelque sorte dans un apres-coup et depend, lui, bien plus de l’histoire familiale, celle-ci precedant meme l’apparition du handicap. C’est alors comme si ce handicap reactualisait des blessures passees dans la vie de tout le monde. Les prises en charge proposees dans le cadre du suivi medical se doivent de prendre en compte la possibilite d’apparition de ce traumatisme secondaire, touchant l’enfant et sa famille. En cela, le pedopsychiatre peut Ctre un Clement important de l’accompagnement des familles. Bien entendu, tout enfant est un ttre >: psyche et soma ne peuvent &tre dissocies chez lui, ce qui necessite que le somaticien et le pedopsychiatre travaillent avec des strategies, des buts communs, et une philosophie partagee. Chacun a ses outils, chacun a ses mots, mais l’abord de l’enfant et de sa famille garde, grace a cette cohesion des medecins, une coherence indispensable au bon fonctionnement de tous les soins proposes. L’accompagnement

des parents

Les reactions parentales au handicap d’un enfant peuvent &tre trbs diverses en fonction bien entendu du type de

Gentilly et universite’ Paris 75116 Paris, France

handicap, de l’organe touch& mais aussi du type de relations parent-enfant preexistant au handicap [l]. 11 est bien evident que, quand le handicap apparait extremement prtcocement (maladie congenitale), l’enfant se construit avec lui d’emblee. Les interactions precoces sont alors fortement teintees des difftcultes que ce handicap introduit (hypotonie, deficit). Dans tous les cas, un certain nombre de reactions parentales peuvent &tre au premier plan, Angoisse

L’angoisse peut &tre extremement forte, notamment quand l’enfant est trbs jeune, et lorsque le pronostic vital a Cte engage un temps. Elle apparait Cgalement intense lorsque le handicap est tres lourd ou bien quand la maladie introduit un statut social particulier (Cpilepsie). Par ailleurs, le poids des separations dues aux hospitalisations et aux interventions p&se aussi lourd dans la balance. Cette angoisse, si elle n’est pas rep&e, peut aboutir a une permissivite excessive des parents, qui craignent d’aggraver la maladie de l’enfant et son handicap en le contrariant, ce qui peut aboutir a la mise en place de pathologies de la personnalite de l’enfant a type de c [2]. Dans certains cas, l’enfant lui-mCme est pris dans une spirale anxieuse avec ses parents. On voit bien ici l’importance d’un travail avec le pedopsychiatre lorsque cette composante apparait au premier plan. R&actions

* Correspondance. Adresse e-mail 0 2003 fiditions

; [email protected] scientifiques

et mkdicales

SAS. TOW droits

dipressives

Les reactions depressives sont frequentes, voire incontournables. Cependant, si la guidance ptdiatrique peut tout

(C. Epelbaum). Elsevier

IX,

rt%ervCs.

B fait aider les parents a depasser une phase (cmaturative B dans laquelle la depression a sa place, dans certains cas, it appardt bien de reels troubles depressifs qui doivent &tre pris en charge par le pedopsychiatre. Le risque est sinon que l’enfant se construise en personnalite as i5 ce qui correspond a I’idee qu’il doit reparer ses parents, et &tre toujours comme ceux-ci veulent qu’il soit. Ces personnalites sont extremement fragiles et peuvent decompenser a certains moments (evolution de la maladie, operations difticiles). AgressivitP Des parents anxieux peuvent devenir rapidement agressifs. Cette agressivite est souvent dirigee vers le medecin et l’equipe soignante. Cependant, elle s’adresse Cgalement a I’enfant, si Cloigne de l’enfant imaginaire, de l’enfant parfait dont les parents ont t&C. Cet enfant les soumet en effet au regard ntgatif des autres qui, parfois dans la rue, renvoient aux parents leur incapacite parentale (face a un enfant autiste, certains voisins diront aux parents qu’ils ne savent pas I’tlever). Enfin, cette agressivite est Cgalement due a l’impression ressentie par beaucoup de parents d’etre en Cchec face h leurs propres parents. En effet, devenir parent reste l’etape ultime de resolution du conflit cedipien et, lorsqu’un enfant nait, handicape, c’est un peu comme si ses parents avaient I’impression de ne pas etre a la hauteur des leurs. Pour peu que les grands-parents n’aient pas une position rassurante, securisante, pour leurs propres enfants, les chases se passent alors tres mal, et les parents, blesses par leur enfant handicap& ressentent souvent de facon inconsciente vis-hvis de lui une grande agressivitt. Parfois, le handicap de l’enfant peut reactiver aussi des angoisses de mort chez les parents. Parfois encore, leur enfant leur semble N rapt6 s par la technicite mtdicale, les laissant dtpossedts de leur role de parents. Tout cela abouti Cgalement a (de faqon souvent masquee, tres souvent inconsciente, a I’enfant cause de toutes ces blessures. CulpahilitP Cette agressivite provoque aussi de la culpabilitt. les parents ne supportant pas leurs mouvements agressifs visa-vis d’un enfant (>,non <(metabolises >>.

Prise en charge de I’enfant L’enfant Gagit ri son handicap hien entendu de son cige

rn

,fonction

Plus il est jeune, plus les chases sont saris doute difticiles. puisqu’il n’a pas encore acces a un langage Clabore et qu’il reste extremement dependant de ses parents, notamment dans des periodes cl& du developpement. II peut &tre extremement bless6 par son impossibilite d’acccder a des sortes Gd’organisateurs B du developpement, comme la marche ou le langage. Les parents eux-m&mes peuvent &tre tres blesses par la non-accession de leur enfant a certains comportements socialement valorisants pour eux. Le cercle vicieux peut alors rapidement s’enclencher et. la aussi, il est tres important de travailler, en dehors des prises en charge (psychomotricite, kinesitherapie, orthophonie), le ressenti de chacun face aux Cchecs ou face au deuil de certaines capacitts qui ne naitront jamais chez I’enfant. A l’adolescence. le handicap entrave parfois les processus maturatifs. En effet, I’adolescent, bless6 par son corps. honteux de lui-m&ne, peut refuser d’entrer dans les processus de separation - individuation propre a cette periode. Les parents eux aussi, inquiets, peuvent I’aider (
Lorsque le handicap est tres visible, l’attaque narcissique est souvent tres durement ressentie. 11 faudra done &tre d’autant plus vigilant quant a I’installation de mecanismes psychiques couteux, tels le retrait, l’inhibition, la mise en place de vtritables dependances enfant-parent. Par ailleurs. la modification de I’image corporelle, qui peut &tre entrainee par des handicaps lourds, peut aussi entraver certains processus d’autonomisation. L’enfant se sent fragile. toujours en insecurite, et ne peut done faire confiance a son corps a aucun moment. I1 aura done d’autant plus besoin de rester c(colle a ses parents B. Pour tout cela encore, le travail psychique accompagnant le travail corporel est ici essentiel.

Plus la maladie est grave, plus elle entraine un risque vital, plus elle touche un organe de la vie de relation, plus les chosessont difficiles. I1 faudra bien entendu &tre tres vigilant visa-vis de ce type de situation et proposer un soutien psychologique aux parents comme aux enfants dans ces cas.

M.A. Maspoli

66s

/Archives

de pe’diatrie

Et la fratrie ? Le handicap d’un enfant provoque une exacerbation de la rivalitt fraternelle, alors mCme que les parents demandent souvent aux freres ou aux sosurs d’etre plus vigilants avec l’enfant handicap6 Pourtant, les f&es et scours d’enfants handicap& ressentent souvent une impression d’abandon. Leurs parents sont captes par l’autre, aussi bien psychiquement que physiquement. 11 semble essentiel que le mtdecin somaticien puisse, a un moment ou a un autre, proposer aux parents de parler de la fratrie, ce qui permet un rep&age precoce des difftcultes de celle-ci, et lui proposer une Ccoute specifique.

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d’un enfant handicap6 n’est pas seulement faite de techniques proposees, juxtapostes les unes aux autres, mais doit s’integrer dans une demarche coherente qui considere l’enfant comme un sujet global (lien psyche-soma). La possibilite de travailler dans le cadre d’une demarche veritablement transdisciplinaire entre le pediatre et le PCdopsychiatre semble essentielle pour garantir a l’enfant et a sa famille des actions non seulement effkaces mais veritablement synergiques.

Rkfbrences [l]

Epelbaum FranGaise

C, Ferrari P. Les parents 1991;5:309-18.

d’enfants

Conclusion

[2]

Le handicap de l’enfant touche toute la famille et peut desorganiser des equilibres qui pourtant Ctaient bien solides avant son apparition. C’est pour cela que la prise en charge

Epelbaum C, Bufeme R, Mises R, Quemada N. Pathologies narcissiques, anaclitiques, limites de l’enfance : de la psychopathologic a la nosographie. Annales Medico-Psychologiques 1994;152:73-5.

[3]

Epelbaum C. Adolescence Ped 1998;5:1122-31.

et maladie

handicap&.

: du corps

Psychiatric

a la parole.

Arch

fiducation( s) prkoce( s) : le r81e d’orientation du pkdiatre Early education for parents of disabled children: a guidance role for paediatricians M.-A. Maspoli * CAMSP

du centre hospitalier

de Versailles,

Bien souvent sideres par le choc traumatique de l’annonce du handicap de leur enfant, nC ou a naitre, les parents n’ont aucune question a poser dans un premier temps. Les demandes d’informations viendront plus tard, et il ne leur sera pas toujours facile de retoumer vers l’annonceur, porteur de la mauvaise parole qu’ils voudraient tant effacer. 11s s’adresseront alors a leur pediatre, leur medecin de famille, dont le role sera de les orienter au mieux dans cet itineraire inconnu et imprevu que, lui-meme, ne connait pas toujours bien.

Le.9 parents s’inquititent

78000 Versailles,

France

reference de <>a imiter ou a critiquer. La premiere education precoce est celle des parents eux-m&mes. Qui, mieux que d’autres parents, pourra la leur assurer ? Dans beaucoup d’endroits se creent des Cquipes de professionnels et de parents qui accueillent conjointement les couples recemment confront& au handicap. Les associations de familles de personnes handicapees (il en existe beaucoup, sptcifiques a un type de handicap ou non) peuvent assurer ce role, mais beaucoup de couples craignent de rencontrer des parents proselytes et/au trop combatifs. Le premier contact doit &tre prepare et son objectif clairement exprime.

pour eux-m&mes

Sauront-ils Ctre de bons parents pour cet enfant-la ? Sauront-ils l’aimer et le guider dans la vie ? Trouveront-ils les mots pour parler de lui a leurs autres enfants, a leurs amis, a leur famille ? 11s n’ont habituellement aucune

* Correspondance.

50, rue Berthier;

Les parents s’inquiltent

pour leur enfant

Les parents souhaitent apporter a leur enfant tous les soins susceptibles d’ameliorer son &at. Ma1 conseilles, ils sont une proie facile pour les charlatans. Les informations qu’ils trouveront sur intemet sont dangereuses si elles ne