Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 60 (2011) 173–175
Fait clinique
Hémangiome caverneux de l’oreillette droite Cavernous haemangioma of the right atrium M. Para a,∗ , O. Lairez b , C. Guilbeau-Frugier c , B. Marcheix a a
Service de chirurgie cardiovasculaire A, hôpital Rangueil, 1, avenue Jean-Poulhès, 31400 Toulouse, France b Service de cardiologie, hôpital Rangueil, 1, avenue Jean-Poulhès, 31400 Toulouse, France c Service d’anatomopathologie et d’histologie-cytologie, hôpital Rangueil, 1, avenue Jean-Poulhès, 31400 Toulouse, France Rec¸u le 14 f´evrier 2010 ; accepté le 24 d´ecembre 2010 Disponible sur Internet le 18 janvier 2011
Résumé Les hémangiomes cardiaques sont des tumeurs primitives bénignes extrêmement rares. Nous rapportons le cas d’une patiente de 67 ans présentant un hémangiome de l’oreillette droite. Cette tumeur a été découverte par échocardiographie devant la survenue d’accidents vasculaires cérébraux. L’imagerie par résonance magnétique a permis de préciser les caractéristiques morphologiques de la tumeur. Celle-ci a bénéficié d’une résection chirurgicale complète par atriotomie droite. Il s’agissait d’une masse arrondie et mobile, pédiculée et implantée à la partie inférieure du septum interauriculaire. L’analyse histopathologique a révélé un hémangiome de type caverneux. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Hémangiome ; Tumeur cardiaque ; Masse intra-auriculaire
Abstract Cardiac haemangiomas are rare benign primitive tumors. We are reporting the case of a 67-year-old woman presenting with a haemangioma of the right atrium. This tumor was discovered by echocardiography because of cerebral strokes. The magnetic resonance imaging determined the characteristics of the tumor. It was completely resected through a right atrial approach. This was a round mobile mass, pediculed and implanted at the inferior area of the interatrial septum. The histopathological analysis revealed a cavernous haemangioma. © 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Haemangioma; Cardiac tumor; Intra-atrial mass
1. Introduction Les tumeurs primitives du cœur sont peu fréquentes et la plupart d’entre-elles sont bénignes. Les masses intracardiaques peuvent être asymptomatiques mais certaines entraînent des complications notamment emboliques. Nous rapportons le cas d’une tumeur cardiaque rare révélée par un déficit neurologique. 2. Cas clinique Il s’agissait d’une femme de 67 ans, sans facteur de risque cardiovasculaire ni antécédent particulier, en dehors d’une ∗
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (M. Para).
0003-3928/$ – see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.ancard.2010.12.023
hémochromatose. Elle avait récemment présenté deux accidents vasculaires cérébraux ischémiques, dont elle gardait des séquelles visuelles gauches, et décrivait par ailleurs quelques malaises lipothymiques. L’examen clinique était normal. Une échocardiographie transthoracique et transœsophagienne, réalisée à visée étiologique, retrouvait une masse ovale, hétérogène, modérément hyperéchogène, avec un aspect de coque, mesurant 17 × 14 mm, située à la jonction entre veine cave inférieure et oreillette droite, au niveau du réseau de BuddChiari. L’imagerie par résonance magnétique myocardique (Fig. 1) révélait une masse, mesurant 22 × 19 mm, située à la partie inférieure de l’oreillette droite, juste en regard de l’abouchement de la veine cave inférieure. Elle était pédiculée, avec une base d’implantation étroite à la partie inférieure du septum interauriculaire, et semblait très mobile. La lésion était bien
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Fig. 1. Imagerie par résonance magnétique en coupes axiales. a : pondération T1 ; b : pondération T2 : masse intra-auriculaire droite en hyposignal ; c et d : T2 avec saturation de graisse : hyposignal majoritaire avec une petite composante centrale d’allure nodulaire ; e, f et g : T1 avec gadolinium : prise de contraste progressive et extrêmement tardive entraînant un petit hypersignal intralésionnel et témoignant de la nature vasculaire de la tumeur.
limitée, strictement endocavitaire, et n’envahissait pas le septum ni la veine cave. Sur les séquences pondérées en T2, elle apparaissait en hyposignal et, en T1, en isosignal au muscle. Après injection de gadolinium, on observait un rehaussement progressif et tardif témoignant de la nature « tumorale » de cette formation. Les cavités cardiaques et le myocarde étaient normaux. La chirurgie s’est déroulée sous circulation extracorporelle, par sternotomie médiane. Elle a consisté en une atriotomie droite, de l’auricule à la veine cave inférieure, permettant la résection en bloc de la masse avec son pédicule d’insertion. Il s’agissait d’une tumeur rouge foncé, arrondie, d’allure kystique, de 3 cm de diamètre, appendue à la partie inférieure du septum interauriculaire juste sous la fosse ovale. À l’examen anatomopathologique, la lésion était constituée de cavités à paroi fibreuse, renfermant quelques foyers myxoïdes
et tapissées par des cellules endothéliales focalement hyperplasiques. La lumière d’une cavité était comblée par un thrombus d’hématies et de fibrine, avec quelques foyers hyalins et quelques calcifications. La base d’implantation était le siège d’importants remaniements fibreux. L’étude immunohistochimique révélait une forte positivité de l’anticorps anti-CD34 et la calrétinine était négative, faisant conclure à un hémangiome cardiaque de type caverneux. Les suites opératoires ont été simples et la patiente a quitté l’hôpital au septième jour postopératoire. 3. Discussion Les néoplasies du cœur sont rares. Parmi elles, les hémangiomes sont des tumeurs bénignes représentant moins de 5 % des tumeurs cardiaques primitives [1].
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Nous rapportons le cas d’un hémangiome de l’oreillette droite chez une femme de 67 ans, compliqué d’accident vasculaire cérébral. Les hémangiomes sont des tumeurs vasculaires développées à partir d’une prolifération bénigne de cellules endothéliales, habituellement retrouvées au niveau de la peau, des tissus souscutanés, des muqueuses, du foie ou du cerveau. Ils touchent tous les âges et un peu plus souvent la femme. Ils peuvent impliquer n’importe qu’elle partie du cœur, plus fréquemment les cavités droites, et être subendocardiques, intramyocardiques ou péricardiques, en particulier au niveau de la couche épicardique [2]. Histologiquement, on peut les classer en trois types : le type caverneux composé de vaisseaux multiples et dilatés, le type capillaire avec de plus petits vaisseaux et le type artérioveineux fait d’artères et de veines dysplasiques [3]. Une combinaison des types caverneux et capillaire est fréquemment rapportée. La présentation clinique varie selon la taille, la localisation et l’extension de la tumeur : dyspnée d’effort, douleur thoracique, arythmie, épanchement péricardique, péricardite, insuffisance cardiaque congestive, obstruction à l’éjection ou compression des structures cardiaques, épisode thromboembolique, ischémie myocardique, mort subite [4]. Les formes avec extension extracardiaque sont le plus souvent asymptomatiques et découvertes fortuitement. Ici, la survenue d’un accident neurologique, en l’absence de foramen ovale perméable, peut résulter d’une masse envahissant le septum interauriculaire et embolisant du côté gauche. Les progrès récents dans les techniques d’imagerie non invasive ont facilité le diagnostic et la prise en charge de telles lésions. L’échocardiographie, la tomodensitométrie et l’imagerie par résonance magnétique, notamment, informent sur la taille, la localisation et la mobilité de la masse et précisent ses limites [5]. Le cathétérisme cardiaque révèle souvent une caractéristique « tumeur blush » soulignant la nature vasculaire de la tumeur. L’utilisation du contraste aide à la distinguer des masses cardiaques non vascularisées. En effet, le diagnostic différentiel de lésions de masse dans le cœur inclut thrombus, myxome, lipome, fibrome, kyste et autres tumeurs malignes telles que l’angiosarcome [3].
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L’histoire naturelle des hémangiomes cardiaques est imprévisible [4]. Ils peuvent involuer, arrêter de croître ou proliférer indéfiniment. Le pronostic à long terme est favorable pour les formes résécables. Il existe cependant un risque de tamponnade, de tachycardie ventriculaire, de progression locale ou de dissémination systémique. La nature incertaine de la tumeur implique généralement sa résection chirurgicale complète sous circulation extracorporelle, entraînant normalement l’arrêt des symptômes. Il est impossible d’exclure une récurrence néoplasique tardive et les patients nécessitent un suivi échographique régulier [1]. 4. Conclusion Les hémangiomes cardiaques sont donc des tumeurs bénignes rares mais potentiellement graves. Seule l’excision chirurgicale complète apporte un traitement curatif et affirme le diagnostic. Notre patiente reste asymptomatique quatre mois après l’intervention. Conflit d’intérêt Les auteurs n’ont pas de conflit d’intérêt. Références [1] Colli A, Budillon AM, DeCicco G, Agostinelli A, Nicolini F, Tzialtas D, et al. Recurrence of right ventricular hemangioma. J Thorac Cardiovasc Surg 2003;126:881–3. [2] Matsumoto Y, Watanabe G, Endo M, Sasaki H. Surgical treatment of a cavernous hemangioma of the left atrial roof. Eur J Cardiothorac Surg 2001;20:633–5. [3] Garcia Zanati S, Hueb JC, Cogni AL, Gorete Teixeira de Morais M, de Almeida Prado Franceschi LE, Morceli M, et al. Cardiac hemangioma of the right atrium. Eur J Echocardiogr 2008;9(1):52–3. [4] Sata N, Moriyama Y, Hamada N, Horinouchi T, Miyahara K. Recurrent pericardial tamponade from atrial hemangioma. Ann Thorac Surg 2004;78:1472–5. [5] Roser M, Hamdam A, Komoda T, Kriatselis C, Stawowy P, Meyer R, et al. Left ventricular cardiac hemangioma presenting with atypical chest pain. Circulation 2008;117:2958–60.