Histiocytose langerhansienne multiviscérale associée à un syndrome d'interruption de la tige pituitaire

Histiocytose langerhansienne multiviscérale associée à un syndrome d'interruption de la tige pituitaire

Archives de pédiatrie 12 (2005) 564–567 http://france.elsevier.com/direct/ARCPED/ Fait clinique Histiocytose langerhansienne multiviscérale associée...

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Archives de pédiatrie 12 (2005) 564–567 http://france.elsevier.com/direct/ARCPED/

Fait clinique

Histiocytose langerhansienne multiviscérale associée à un syndrome d’interruption de la tige pituitaire Langerhans cell histiocytosis associated with pituitary stalk transection F. Saad a, M. Chadli-Chaieb a,*, L. Harzallah b, A. Maaroufi a, K. Ach a, L. Chaieb a a

Service d’endocrinologie-diabétologie, CHU Farhat Hached, avenue Ibn El Jazzar, 4000 Sousse, Tunisie Service de radiologie, CHU de Farhat-Hached, Sousse, Tunisie Reçu le 27 février 2004 ; accepté le 25 janvier 2005 Disponible sur internet le 02 mars 2005

Résumé La localisation hypothalamohypophysaire de l’histiocytose langerhansienne est responsable, le plus souvent, d’un diabète insipide et parfois d’un déficit en hormone de croissance. Elle se caractérise à l’imagerie par résonance magnétique par une perte de l’hypersignal de la post-hypophyse et par un épaississement de la tige pituitaire. Le syndrome d’interruption de la tige pituitaire est défini à l’imagerie par résonance magnétique par l’association d’une tige pituitaire non visible, d’une hypoplasie antéhypophysaire et d’une post-hypophyse ectopique. Ce syndrome est diagnostiqué en présence d’un hypopituitarisme isolé, le plus souvent un déficit en hormone de croissance, ou multiple, mais avec une fonction post-hypophysaire normale. Observation. – Nous rapportons l’observation d’un enfant âgé de six ans et cinq mois, porteur d’une histiocytose langerhansienne multiviscérale depuis l’âge de trois ans avec un diabète insipide central, admis pour exploration d’un retard de croissance. L’exploration hormonale objective un déficit en GH complet et un déficit corticotrope partiel. L’imagerie par résonance magnétique découvre un syndrome d’interruption de la tige pituitaire, associé à une malformation de la ligne médiane de type Chiari I. Conclusion. – Bien que certains éléments de l’histoire clinique de ce patient puissent plaider en faveur d’une origine malformative du syndrome d’interruption de la tige pituitaire, l’évolution fibrotique des tissus atteints par l’histiocytose pourrait également expliquer les lésions observées chez ce patient. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Clinical manifestations of hypothalamic-pituitary Langerhans’cell histiocytosis are commonly, diabetes insipidus and sometimes growth hormone deficiency. Their morphologic characteristics on magnetic resonance imaging are absence of posterior pituitary hyperintensity and thickening of the pituitary stalk. Pituitary stalk transection is characterized on magnetic resonance imaging by the absence of pituitary stalk visibility, hypoplasia of the anterior hypophysis and ectopic posterior pituitary hyperintense signal. This syndrome has been shown to be associated with either isolated growth hormone deficiency or multiple anterior pituitary hormone deficiency, but normal posterior pituitary function. Case report. – We report our experience with a six-year-old boy who had been treated for three years for a multisystem Langerhans’cell histiocytosis with diabetes insipidus and who was admitted because of short stature. Endocrinological examinations demonstrated a profound growth hormone deficiency and a partial central hypocorticism. Magnetic resonance imaging showed pituitary stalk transection and a midline anomaly of the brain (Arnold Chiari type I malformation). Conclusion. – Although, some events of his perinatal history lead to the hypothesis of a malformative origin, the progression of Langerhans’cell histiocytosis affected tissues to fibrosis, suggest that this disease is the cause of the patient’s hypothalamohypophyseal lesions. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (L. Chaieb). 0929-693X/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.arcped.2005.01.020

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Mots clés : Hypopituitarisme ; Syndrome d’interruption de la tige pituitaire ; Histiocytose langerhansienne Keywords: Hypopituitarism; Pituitary diseases; Histiocytosis, Langerhans-cell; Child

L’histiocytose langerhansienne et le syndrome d’interruption de la tige pituitaire sont deux causes de dysfonctionnement hypothalamohypophysaire, de pathogénie différente. L’histiocytose langerhansienne ou granulomatose à cellules de Langerhans, est une maladie proliférative des cellules de Langerhans ayant des manifestations cliniques multiples, incluant le diabète insipide. Elle s’accompagne d’un risque accru de séquelles, notamment endocriniennes, représentées par des déficits anté et post-hypophysaires. Le syndrome d’interruption de la tige pituitaire est caractérisé à l’imagerie par résonance magnétique (IRM) par l’absence de visibilité de la tige pituitaire, un hypersignal de la post-hypophyse en position ectopique et une hypoplasie de l’antéhypophyse. Il peut se manifester chez l’enfant par un déficit isolé en GH ou par des déficits antéhypophysaires multiples, mais avec une fonction post-hypophysaire normale [1]. Nous rapportons le cas d’un enfant porteur d’une histiocytose langerhansienne multiviscérale, chez qui l’IRM, réalisée dans le cadre de l’exploration morphologique d’un hypopituitarisme, découvre un syndrome d’interruption de la tige pituitaire. Cette observation soulève certaines interrogations : en présence des anomalies morphologiques de la région hypothalamohypophysaire, l’hypopituitarisme doit-il être mis sur le compte d’une localisation histiocytaire hypothalamohypophysaire ou du syndrome d’interruption de la tige pituitaire ? L’association de ces deux affections est-elle le simple fait du hasard, ou existe-il une relation de cause à effet ?

tre semaines, a permis une évolution favorable sur le plan tumoral. Un diabète insipide, diagnostiqué six mois plus tard, devant la survenue d’un syndrome polyuropolydipsique, a bien évolué sous desmopressine. À l’âge de six ans et cinq mois, il avait un retard staturopondéral à – 4 DS, un faciès poupin avec front bombé, un ictère cutanéoconjonctival et un abdomen proéminent (Fig. 1). L’examen notait des xanthomes multiples des articulations et des fesses, une hépatomégalie, une splénomégalie et une discrète circulation veineuse collatérale sans ascite. L’âge osseux était évalué à deux ans et six mois. Les examens biologiques montraient un syndrome inflammatoire biologique, une cytolyse, une cholestase, sans insuffisance hépatocellulaire et une hypercholestérolémie à 29,8 mmol/l. L’échographie abdominale signalait un foie d’hépatopathie chronique active avec des signes d’hypertension portale. La radiographie du crâne montrait une lacune osseuse au niveau de l’os frontal gauche. La radiographie du thorax ne montrait pas d’anomalie. La scintigraphie osseuse ne montrait pas de fixation anormale. L’exploration hormonale hypothalamohypophysaire objectivait une insuffisance corticotrope partielle et un déficit complet en GH. L’IRM hypothalamohypophysaire montrait une hypoplasie de l’antéhypophyse. La tige pituitaire et la post-hypophyse n’ont pas été vues, même après injection de Gadolinium. Il existait également une malformation de la ligne médiane de type Chiari 1, sans signe d’hydrocéphalie (Fig. 2). L’état du patient est actuellement stable après dix mois de recul.

1. Observation Un jeune garçon âgé de six ans et cinq mois, suivi pour histiocytose langerhansienne multiviscérale depuis l’âge de trois ans, est hospitalisé pour exploration d’un retard de croissance. Il est issu d’une grossesse compliquée d’hydramnios. Il est né à terme, en présentation céphalique, sans incident notable. Son poids de naissance était de 5150 g. Son développement psychomoteur était normal. Lors de sa première hospitalisation, à l’âge de trois ans, il avait une hépatomégalie, des lésions érythématopapuleuses du tronc et une tuméfaction osseuse de la région mastoïdienne droite. L’examen notait alors également, un retard staturopondéral à –3 DS avec un âge osseux de neuf mois. La biopsie otomastoïdienne avec examen immunohistochimique a permis de porter le diagnostic d’histiocytose langerhansienne, dont le caractère multiviscéral était attesté par les lésions cutanées, l’atteinte osseuse et l’atteinte hépatique représentée par une cirrhose hépatique micro- et macronodulaire, confirmée histologiquement. Une chimiothérapie selon le protocole HCL, associant vinblastine et prednisone pendant 12 semaines et VP16 pendant qua-

Fig. 1. Morphotype évocateur d’hypopituitarisme congénital. Abdomen distendu par une hépatomégalie.

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Fig. 2. A. Syndrome d’interruption de la tige pituitaire. B. Malformation d’Arnold-Chiari I.

2. Discussion L’histiocytose langerhansienne est une affection rare, liée à la prolifération et la dissémination de cellules histiocytaires pathologiques du système des cellules de Langerhans. Chez l’enfant, un pic de fréquence est observé entre un à trois ans . Le diagnostic de certitude, obtenu chez notre patient par l’examen immunohistochimique de fragments de biopsie mastoïdienne, est fondé sur la mise en évidence des cellules de Langerhans, marquées par l’anticorps anti-CD1a [2]. Un diabète insipide central est retrouvé dans 5 à 50 % de cas [3,4]. Il peut précéder les autres signes de la maladie ou apparaître en cours d’évolution, comme chez notre patient. L’insuffisance somatotrope est retrouvée dans 5 à 20 % des cas [3,4]. Le retard de croissance est souvent présent dès le diagnostic [5], comme chez notre patient. Cinquante pour cent des enfants ayant une atteinte multiviscérale développent une insuffisance somatotrope lors du suivi [3,5]. L’IRM montre habituellement, une perte de l’hypersignal physiologique de la post-hypophyse et un épaississement de la tige pituitaire qui se rehausse intensément après injection de produit de contraste [6]. La disparition de l’hypersignal de la post-hypophyse, constitue un signe cardinal du diabète insipide central, quelle qu’en soit la cause [6]. L’infiltration de la tige pituitaire est observée chez 70 à 80 % des patients ayant une histiocytose et un diabète insipide [3]. Par ailleurs, la diminution progressive de la taille de l’antéhypophyse serait associée à un risque accru de déficit hormonal antéhypophysaire [7]. Chez notre patient cependant, les anomalies morphologiques objectivées par l’IRM correspondaient à celles d’un syndrome d’interruption de la tige pituitaire. Le syndrome d’interruption de la tige pituitaire, décrit après l’introduction de l’imagerie par résonance magnétique, est défini par les anomalies morphologiques suivantes : une tige pituitaire non visible, une hypoplasie antéhypophysaire et une post-hypophyse de morphologie variable (hypersignal en place, ectopique ou absent) [8]. Sa physiopathologie précise reste à démontrer, mais on peut distinguer les formes traumatiques suspectées en cas d’antécédent de souffrance périnatale ou de trauma-

tisme crânien, et les formes malformatives à début probablement anténatal, associées à des anomalies de la ligne médiane [9]. Les manifestations endocriniennes associées à ces formes malformatives réalisent un tableau d’hypopituitarisme congénital [10]. Le nouveau-né est en général de taille normale, parfois hypoglycémique et ictérique. La courbe de croissance s’infléchit habituellement vers l’âge de deux–trois ans [10]. Chez notre patient, le retard statural a été noté dès l’âge de trois ans. Barbeau et al. [8], ne trouvent cependant pas de corrélation entre l’âge au diagnostic et l’hypothèse étiologique du syndrome d’interruption de la tige pituitaire. Le déficit complet ou incomplet en hormone de croissance est souvent inaugural. Le déficit hormonal antéhypophysaire devient secondairement multiple, imposant une réévaluation hormonale régulière [8]. Chez notre patient, l’origine malformative paraît plausible dans le contexte d’une grossesse avec hydramnios, d’une macrosomie et en présence d’une malformation de type Chari I. Il n’existe pas chez lui, d’élément en faveur d’une cause traumatique : pas de présentation de siège, ni d’anoxie ou de souffrance néonatale. Les anomalies de la ligne médiane (Chiari I ou canal basipharyngé, le plus souvent), sont retrouvées chez 20 % des enfants ayant une insuffisance somatotrope et s’associent dans 95 % des cas à une lésion morphologique de la région hypothalamohypophysaire [11]. Ainsi, chez notre patient, si le diabète insipide relève probablement de l’histiocytose langerhansienne, le déficit antéhypophysaire pourrait relever de l’une ou l’autre cause. L’histiocytose langerhansienne semble s’associer avec une fréquence accrue à des malformations congénitales. La fréquence des anomalies congénitales chez 39 patients porteurs d’histiocytose langerhansienne colligés sur 30 ans, a été évaluée à 23 % [12]. Son association au syndrome d’interruption de la tige pituitaire n’a pas, à notre connaissance, été décrite. Par ailleurs, au cours de l’histiocytose langerhansienne, la réduction, voire la normalisation d’une tige pituitaire préalablement épaissie a été rapportée chez les patients ayant un diabète insipide [7]. Ces variations pourraient représenter différents stades d’activité du processus inflammatoire de l’histiocytose. Les atteintes hépatique et pulmonaire de l’histiocytose langerhansienne évoluent généralement vers la fibrose. De plus, une invagination basilaire acquise a été considérée comme une séquelle probable d’une histiocytose langerhansienne multisystémique [13]. Une évolution du processus infiltratif hypothalamohypophysaire et cérébral vers l’atrophie serait donc susceptible de réaliser les anomalies observées chez notre patient.

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