Hommage au Professeur Olivier Dizien

Hommage au Professeur Olivier Dizien

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Annales de re´adaptation et de mdecine physique 51 (2008) 1–2 http://france.elsevier.com/direct/ANNRMP/...

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Annales de re´adaptation et de mdecine physique 51 (2008) 1–2 http://france.elsevier.com/direct/ANNRMP/

E´ditorial

Hommage au Professeur Olivier Dizien Tribute to Professor Olivier Dizien

Le 1er juillet dernier Olivier est parti, deux jours apre`s une he´morragie ce´re´brale foudroyante. Deux jours d’ultime de´lai demande´ a` la mort, le temps que s’ope`re le don d’organes qu’il avait souhaite´. La mort a emporte´ Olivier un matin serein. 56 ans. Olivier est parti trop toˆt, beaucoup trop toˆt. Sa femme, ses enfants, ses collaborateurs, ses patients ont e´te´ plonge´s dans la tristesse, le de´sarroi, l’incompre´hension d’une telle brutalite´. Le journal « Le Monde » a publie´ dans son courrier des lecteurs, la lettre d’une de ses patientes sous le titre « il venait meˆme le dimanche ». Il e´tait la` pour chaque corps, pour chaque handicap dit-elle, ou encore, le de´crivant de´ambulant dans les couloirs de son service « il semait ses sautes d’humour et de´tournait le handicap tout en le regardant en face ». Car Olivier e´tait d’abord me´decin, me´decin de l’homme, du corps et de l’aˆme, convaincu que l’un et l’autre ne font qu’un. Toucher le corps pour atteindre l’aˆme et toucher l’aˆme pour soigner le corps e´tait profonde´ment sa manie`re d’eˆtre et le premier de ses enseignements aux jeunes si nombreux qu’il a forme´. Le me´decin humain, actif, un rien bricoleur qu’il e´tait, l’avait conduit a` faire un internat de chirurgie orthope´dique. Olivier e´tait ancien interne des hoˆpitaux de Paris, promotion 1975. Il aimait le me´tier de chirurgien orthope´dique, mais s’y sentait trop e´loigne´ de ses patients, de ce que l’on n’appelait pas encore leur projet de vie. Le colloque singulier entre le chirurgien et son patient, en dehors de cas simple et encore, ne peut suffire a` appre´hender toutes les facettes des enjeux d’une intervention. Olivier sera plus tard, a` l’origine des consultations me´dicochirurgicales avec le premier cercle des convaincus d’avance, Alain Maldjan, Bernard Tayon, JeanMichel Kirsch, puis Philippe Denormandie. Les titres de ses travaux de the`se, me´moire de DEA puis du diploˆme d’habilitation a` diriger les recherches qu’il obtint en 1990, illustrent bien son e´volution : « Bilan de l’enclouage des fractures diaphysaires du fe´mur ; foyer ouvert/foyer ferme´ a` propos de 230 cas », puis « Contribution aux repre´sentations sociales de la personnalite´ des personnes handicape´es physiques » et enfin « Contribution aux recherches sur les restructurations de l’identite´ apre`s acquisition d’un handicap ». Ses doutes sur la carrie`re de chirurgien l’avaient donc conduit a` finir son internat a` l’hoˆpital Raymond-Poincare´ de Garches aupre`s du Pr Jean-Pierre Held qui l’avait inte´resse´ a`

notre beau me´tier et lui ouvrait son service. Il y fit son dernier semestre d’interne tandis que je commenc¸ais le mien. Nous ne fuˆmes pas long a` nous de´couvrir plus d’un point commun, le premier e´tant sans doute notre expe´rience de la coope´ration qu’Olivier avait exerce´e au Rwanda. Apre`s une telle expe´rience, on ne peut exercer la me´decine avec le meˆme regard ni croire, si tant est qu’on l’ait cru, que la re´ponse aux souffrances d’un patient puisse toujours eˆtre contenue dans le simple dosage de tel anticorps ou dans le remplacement prothe´tique de tel organe de´ficient. C’est bien cela qui est derrie`re ce terme, un peu vague, d’approche globale de l’homme, approche dont la me´decine physique et de re´adaptation n’a pas le monopole, mais dont elle est un des fondements. Apre`s deux ans de clinicat, Olivier avait pris la responsabilite´ de l’unite´ de re´e´ducation orthope´dique de l’hoˆpital Broussais qui e´tait a` l’e´poque, une antenne du service du Pr Held. E´poque enthousiaste ou` nous refaisions le monde tous les soirs. Nous fıˆmes tous deux le diploˆme d’e´tudes approfondies « Sciences et techniques applique´es aux Handicaps », cre´e´ par Jean Pierre Didier a` Dijon et qui a joue´ un roˆle tre`s fort de structuration la MPR, vers les exigences modernes de la me´decine spe´cialise´e. Olivier prendra le 1er janvier 1988 ses fonctions de praticien hospitalier (on disait alors mono-appartenant) dans le service du Pr Held a` Garches, pavillon Netter, puis dans le pavillon Widal-I dont il prendra la responsabilite´ apre`s le de´ce`s, lui aussi trop pre´coce, de Ste´phane Panier qui l’avait anime´ pendant plus de dix ans. Dans ses bagages, Olivier avait e´galement un diploˆme universitaire de traumatologie du sport et un diploˆme universitaire de re´paration juridique du dommage corporel. Il sera nomme´ en 1991 professeur des universite´s en me´decine physique et de re´adaptation. Responsable de l’unite´ Widal-I, il y donna une impulsion forte a` l’exercice dynamique et rigoureux de la MPR. Aupre`s des blesse´s me´dullaires, des traumatise´s craˆniens et des poliomye´litiques, poliomye´lite dont il animera le re´seau Iˆle-de-France avec Isabelle Laffont. Le charisme d’Olivier n’est pas a` de´crire, combien sommesnous a` en avoir e´te´ subjugue´. Olivier avait la finesse de la se´miologie, la rigueur de l’analyse, une capacite´ de synthe`se et de de´cisions the´rapeutiques des plus carte´siens. Mais il avait

0168-6054/$ – see front matter # 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.annrmp.2007.10.005

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E´ditorial / Annales de re´adaptation et de mdecine physique 51 (2008) 1–2

aussi une puissance inouı¨e qui lui e´tait propre, la puissance que lui donnait une certaine de´rision de la vie et des rapports sociaux, rapports qu’il respectait par ailleurs me´ticuleusement et la certitude de la relativite´ des de´cisions et des enjeux. Il e´tait capable pour faire tomber les barrie`res, de s’asseoir par terre devant un patient, de faire la danse de l’Ibis sacre´ ou encore quelque autre pitrerie dont le rapport, hors du contexte, peut e´tonner mais dont l’efficacite´ quotidienne e´tait remarquable et bien souvent, jouissive. Les te´moignages de ses collaborateurs, infirmiers, agents hospitaliers, assistants sociaux, kine´sithe´rapeutes, ergothe´rapeutes, orthophonistes, lors de la soire´e d’hommage du 6 juillet dernier, ont montre´ a` quel point Olivier donnait au soin un sens profond, un sens philosophique. C’est dans cette atmosphe`re d’e´mulation intellectuelle et d’amour du patient et des soins qu’Olivier excellait dans son deuxie`me talent, celui d’enseignant. Olivier consacrait en effet plus de temps aux soins et a` l’enseignement qu’a` la recherche, l’une des trois missions du professeur d’universite´. Cela ne signifie pas pour autant qu’il s’en de´sinte´ressait, Olivier ne manquait pas d’ide´e en la matie`re. Il a inspire´ et encadre´ les travaux de ses collaborateurs et notamment, le de´veloppement de la plate-forme « Nouvelles technologies » par Isabelle Laffont. Cette comple´mentarite´ dans le travail d’e´quipe en fait la richesse. On la retrouve a` tous les niveaux de toute bonne entreprise, comme au sein de notre colle`ge ou` tous n’excellent pas de la meˆme fac¸on mais ou` tous, je l’espe`re nous concourons a` l’excellence de notre me´tier. Olivier e´tait un excellent professeur d’universite´, son savoir e´tait grand, sans cesse remis en cause, son sens pe´dagogique et son amour de la transmission e´taient infinis. Il avait cre´e´ a` Paris le DU d’appareillage avec les conseils de Jean-Marie Andre´ et la complicite´ de Linda Darmon. Il avait e´te´ coordonnateur du DES de me´decine physique et de re´adapta-

tion pour l’Iˆle-de-France pendant quatre ans. Ses talents d’enseignant et son sens du compagnonnage ont convaincu des ge´ne´rations d’internes de spe´cialite´ a` la MPR. Il cre´a pour l’Iˆlede-France le DU de me´decine de re´e´ducation dans lequel il s’investissait comple`tement pour l’enseignement, les terrains de stage et l’e´valuation. Il animait avec nos colle`gues marseillais, un module d’enseignement national du DES de MPR. Olivier de´fendait la me´decine physique et de re´adaptation dans tous ses aspects. Ses ide´es et son inte´reˆt pour l’enseignement ont toujours enrichi les se´minaires de re´flexion de notre Colle`ge des Enseignants. Nos colle`gues e´trangers, notamment de Tunisie, du Maroc, de Syrie ou du Se´ne´gal, ont aime´ l’inviter pour ses confe´rences. Enfin Olivier Dizien excellait encore dans un autre roˆle essentiel, celui de faire connaıˆtre les besoins de nos patients et ceux de la me´decine physique et de re´adaptation. Lorsqu’il s’exprimait dans les me´dias, il portait haut nos couleurs et contribuait tre`s profonde´ment a` la connaissance de notre roˆle dans la socie´te´. En dehors de tout le temps qu’Olivier consacrait a` ses patients et a` ses e´le`ves, ses passions e´taient sa femme, ses enfants, ses amis et le jardinage. Il y avait beaucoup de roses et de lys blancs ce 1er juillet 2007. N’oublions pas son message, ni dans le fond, ni dans la forme. A. Yelnik Service de me´decine physique et de re´adaptation, hoˆpital Fernand-Widal, 200, rue du Faubourg-Saint-Denis, 75010 Paris, France Adresse e-mail : [email protected] Rec¸u le 10 octobre 2007; accepte´ le 12 octobre 2007