Actu Kiné
profession. Je ne parle pas d’une quelconque stature honorifique ou de défense corporative, mais bien d’incitation à penser. Car ces agitateurs de fond enrichissaient, par leur différence et leurs perpétuelles remises en questions, nos esprits, nos schémas et tranquillités, poussant ainsi toujours plus loin les conceptions qui fondent notre art. Tous ceux des générations suivantes qui aiment la profession doivent désormais se sentir concernés par cet héritage à poursuivre. Michel Gedda, Directeur Général A-3PM (IFMK et IFE de Berck-sur-Mer) Directeur de Publication de La Lettre du Cadre de Santé Kinésithérapeute
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uel choc à l’annonce du décès d’Éric Viel ! Mais que de choses laissées en héritage : – Bois-Larris, école des cadres qu’il a dirigé pendant de très nombreuses années et qui a formé des centaines de cadres ; que d’anecdotes pourrions nous rapporter à son sujet mais aussi que de sueurs – il nous a beaucoup appris comme pédagogue mais aussi comme directeur de centaines de mémoires. Son sens de la dérision restera gravé dans les murs de ce temple perdu au milieu de la forêt de Chantilly au même titre que des prénoms indissociables, Arlette, Muriel, Henri, Claude, Josette ou Gérard ; – une extraordinaire vision de l’avenir et une anticipation qu’il résumait par cette introduction d’un édito « il y a plus dangereux que le changement, c’est le refus de changer » [1] ; – une incroyable ouverture sur le monde qu’il caractérisait de « complexe et de nouveau » [2] : monde anglo-saxon, Kabat aurait il été diffusé en France sans lui ? Monde du concept : le diagnostic kinésithérapique, la kinésithérapie basée sur les preuves, n’a-t-il pas été le président de la première 12
Kinesither Rev 2008;(82):4-17
conférence de consensus dans le domaine de la kinésithérapie dès 1994 ? – une fantastique quête théorique et pratique de l’information : l’utilisation avant gardiste de l’informatique, l’intérêt des banques de données et la mise en pratique pour la rééducation avec Redatel qui utilisait les moyens modernes de l’époque comme le minitel ; – un écrivain de talent aux multiples livres, vous en avez forcément au moins un dans votre bibliothèque, aux très nombreux articles mais aux éditos sulfureux qui avaient la caractéristique du parler vrai et de l’anticipation comme en témoigne cette phrase datant de 2001 « Les confrères ont longtemps gardé la tête dans le sable, avec l’espoir que la vague de qualité, d’évaluation et de niveau de preuve passerait sans les éclabousser » [3] ; – les annales de la kinésithérapie, qu’il dirigea pendant 30 ans. Ayant fait partie du comité de lecture pendant de nombreuses années, j’ai découvert un homme pour qui le travail d’équipe était sacré et se remettant éternellement en question suivant une citation de Goethe « ce n’est pas le doute qui rend fou, mais la certitude » [4]. Nous perdons un grand homme plein d’humilité et de professionnalisme qui s’est beaucoup battu pour la kinésithérapie, qui nous a beaucoup appris et surtout beaucoup légué. À nous de faire fructifier cet héritage. [1]
Viel E. Inventeur d’avenir. Ann Kinésithér 2001;8:337 (accès libre sur http://www.emconsulte.com/article/74219).
[2]
Viel E. Monde complexe, monde nouveau. Ann Kinésithér 1998;25;2:49 (accès libre sur http://www.emconsulte.com/article/74219).
[3]
Viel E. Une profession rénovée, à l’âge de l’Information. Ann Kinésithér 2001;28;1 (accès libre sur http://www.emconsulte.com/article/74219)
[4]
Viel E. Le diagnostic
kinésithérapique Collection le point en rééducation. Masson, Paris, 1998.
Pascal Gouilly, Rédacteur en chef adjoint de Kinésithétrapie, la revue, Kinésithérapeute CHR Metz Thionville
C’est la première impression qui compte
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raîchement diplômé et allant à Bois-Larris pour préparer une étude sur la marche, j’allais rencontrer pour la première fois l’un des auteurs de l’ouvrage sur le sujet [1]. J’avais beaucoup entendu parler d’Éric Viel, j’avais lu ses éditoriaux et ses articles des Annales de Kinésithérapie, auxquelles je m’étais abonné dès ma première année, et j’imaginais qu’il devait tout savoir. Il devait me montrer comment fonctionnait la plateforme de marche Kistler qui lui avait servi pour son livre ; quel honneur d’utiliser ce matériel. Pourtant, après une bonne heure, rien à faire, la plateforme ne marchait pas ! Il partit chercher le téléphone du fabricant et me dit : « Appelez-les, prenez-la, et allez la réparer chez eux ». J’étais venu discuter d’un protocole et je repartais dans ma voiture avec la plateforme dans le coffre. Un autre exemple, lors de mon premier jour d’interne cadre à Bois-Larris, j’avais été nommé responsable de promotion et je me couchais le soir avec le trousseau de clés de l’école sur mon bureau et la responsabilité de recevoir et d’aider tous les intervenants qui viendraient nous faire cours. Il m’avait dit : « ici, vous apprendrez en faisant ». J’étais venu pour « entendre en spectateur » et je devais « faire et être acteur ». En fait, prendre des responsabilités pour être autonome. Je dois beaucoup à Éric Viel, il m’a expliqué le rôle d’un journal lors du lancement de ma première revue Kinéplus à la fin des années 1980. Il m’a amené à diverses réunions dont je n’ai compris qu’ensuite toute