Rev Rhum [E´d Fr] 2002 ; 69 : 835-41 © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1169833002003848/SSU
Hydatidose osseuse Aïcha Ladjouze Rezig* Service de rhumatologie, établissement hospitalo-universitaire spécialisé de l’appareil locomoteur de Ben Aknoun, route des Deux-Bassins, 16330 Alger, Algérie
kyste hydatique osseux / parasitose / Afrique bone hydatid cyst / parasitosis / Africa
GÉNÉRALITÉS À côté des parasites saprophytes de l’homme il existe un grand nombre de parasitoses qu’il contracte à partir d’animaux. Plus d’un tiers de la population mondiale est soumise au risque parasitaire. Les régions intertropicales sont les plus exposées, les maladies parasitaires existant à l’état endémique ; cet état est favorisé par le mode de vie traditionnel et le sous développement. Dans les pays industrialisés, les parasitoses existent sous le mode sporadique ou épidémique et sont favorisées par les voyages dans les régions tropicales, l’immunodépression (Sida, greffes d’organes, traitement) et les progrès dans le domaine des transports aériens qui permettent de véhiculer les parasites d’une région à une autre [1]. Plusieurs centaines de millions d’hommes sont parasités et présentent des manifestations cliniques diverses surtout digestives, pulmonaires, oculaires, urinaires, cutanéomuqueuses rarement ostéoarticulaires. Les atteintes osseuses sont rares et limitées à très peu de parasites dont les plus connus sont le Tænia echinococcus et les mycétomes. Nous nous limiterons à l’échinococcose osseuse, les mycoses étant traitées dans un autre chapitre.
longue : l’infestation peut se faire dans l’enfance et c’est à l’âge adulte que l’affection est découverte. De plus c’est une affection qui est souvent méconnue, ce qui entraîne un long délai diagnostique et une prise en charge thérapeutique difficile. Il n’y a pas de signes cliniques spécifiques et de bilan biologique précis. Les progrès de l’imagerie permettent une meilleure description de la lésion et une connaissance de l’extension régionale plus précise. C’est une affection redoutable sur le plan fonctionnel quelle que soit la localisation car l’exérèse chirurgicale, aussi large soit elle, est souvent incomplète. Historique
ATTEINTES OSSEUSES DE L’ÉCHINOCOCCOSE
L’échinococcose est mentionnée depuis la haute antiquité par Hippocrate, mais c’est Batsch qui, en 1786, décrivit le parasite Echinococcus granulosus. En 1801 Cullerier fit la première description d’échinococcose osseuse. C’est von Siebold en 1853 qui démontra que le cestode adulte pouvait être obtenu en faisant absorber du matériel hydatique à un chien. En 1907 Cranwell décrivit les lésions radiologiques de l’échinococcose osseuse. De 1925 à 1950 Félix Devé consacra des centaines d’études sur le sujet et un ouvrage [2].
L’échinococcose osseuse est rare : sa fréquence varie de 1 à 2 %. Elle est caractérisée par une latence clinique
Étiologie
*Correspondance et tirés à part.
Fréquence Elle varie selon les auteurs de 0,5 à 5,9 % [2].
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Sexe Les deux sexes peuvent être intéressés avec une légère prédominance masculine. Age Les manifestations cliniques ne s’observent qu’à l’âge adulte entre 20 et 50 ans. Situation géographique L’échinococcose sévit dans les régions rurales et d’élevage : Amérique du Sud, Bassin méditerranéen, Proche et Moyen Orient, Afrique de l’Est, Nouvelle Zélande, elle est en régression en Australie, à Chypre et en Sardaigne [2, 3]. Mode de transmission [2-4] Le parasite responsable de l’échinococcose osseuse est le Taenia echinococcus variété Echinococcus granulosus. Ce parasite vit à l’état adulte dans l’intestin du chien qui est l’hôte définitif. Ce petit cestode de 3 à 6 mm de long à croissance lente, n’est composé que de quelques anneaux produits par un scolex muni d’une double couronne de crochets et de quatre ventouses. Le dernier segment formé en six semaines est rempli d’œufs dont la partie interne ou embryophore est libérée par destruction de l’anneau. Le chien héberge en général un très grand nombre de cestodes. Les embryophores éliminés avec les fèces du chien dans la nature peuvent résister plusieurs mois dans le sol. Absorbés par un herbivore (hôte intermédiaire habituel) ils libèrent dans l’intestin un embryon hexacanthe qui se localise dans un organe de ces herbivores contaminant le chien à leur tour. L’homme est infesté par les aliments souillés par les excréta du chien ou en portant la main à la bouche après avoir caressé un chien. La consommation de viande saignante de mouton parasité est sans danger pour l’homme puisque les protoscolex sont digérés. Chez l’homme l’œuf du parasite est ingéré, sa capsule est digérée et l’embryon est libéré dans la lumière intestinale. La migration s’opère par le système veineux porte vers le foie qui capte le parasite dans 60 à 70 % des cas. S’il arrive à franchir le filtre hépatique il est habituellement retenu par les capillaires pulmonaires dans 20 à 25 % des cas. Si les deux filtres hépatique et pulmonaire sont franchis le parasite peut se fixer sur d’autres organes comme le rein, le cerveau, le cœur, le péritoine, les muscles, les articulations et rarement les os. Dans cet organe l’embryon évolue en 12 à 18 mois pour constituer le kyste hydatique.
Anatomopathologie Le kyste hydatique osseux est toujours primitif. Son mode d’expression anatomique diffère de celui des autres localisations car la consistance dure de l’os ne permet pas la constitution d’un véritable kyste. Il n’y a pas de limites nettes. La lésion est constituée de multiples vésicules sans membrane, de taille variable selon leur âge disséminées dans les espaces médullaires de l’os et au contact de l’os compact [2, 5, 6]. Ces microvésicules réalisent dans certains cas la forme multidiverticulaire infiltrante diffuse qui peut fragiliser la charpente osseuse et constituer des cavités avec collections sérohématiques. La forme uniloculaire s’observe lorsqu’il existe une cavité préformée. Les vésicules en grossissant provoquent la formation de séquestres osseux (par compression et obturation des vaisseaux nourriciers), de cavités kystiques dans le tissu péri-osseux et de fracture par rupture de la corticale. Il n’y pas de réaction périostée, les parties molles sont parfois envahies. Lorsque l’atteinte siège au niveau d’une épiphyse, les microvésicules peuvent gagner l’articulation voisine et faire irruption dans la cavité articulaire. La morphologie générale de l’os est en général conservée. Les complications anatomiques sont : l’ostéite infectieuse qui réalise une forme condensante et limite la propagation des parasites, l’abcès ossifluent hydatique de siège péri-osseux qui peut migrer lentement dans la cuisse, la jambe ou le bras ou, au rachis dorsolombaire, en empruntant les voies antérieure, postérieure ou intracanalaire. Il est formé d’un liquide puriforme, aseptique. La paroi de l’abcès peut se fissurer ou se calcifier. Clinique Signes révélateurs Après plusieurs années d’évolution latente, les signes cliniques d’appel sont peu caractéristiques et orientent rarement vers l’affection en cause : il peut s’agit de douleur, d’une tuméfaction, de fractures ou de signes de compression [2, 4, 6-8]. La douleur est souvent le premier signe révélateur. Il s’agit d’une douleur banale modérée, plutôt intermittente. Son existence traduit déjà l’ancienneté de l’affection et peut être la survenue de complications. Le siège de la douleur correspond en général au siège de la lésion. Au rachis la douleur précède toujours les complications neurologiques La tuméfaction traduit une extension vers les parties molles des lésions parasitaires. Il peut s’agir soit de
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vésicules hydatiques ou d’abcès ossifluents froids, à tendance lentement progressive. Ces abcès peuvent migrer, comprimer les organes (pelviens, thoraciques), des nerfs et des vaisseaux de voisinage ; ils peuvent se fistuliser et se surinfecter. Les fractures spontanées ou à l’occasion d’un traumatisme mineur sont un mode fréquent de révélation de la maladie : il peut s’agir d’un tassement vertébral ou d’une fracture d’un os long (fémur, humérus). Les fractures peuvent être multiples, récidiver et mal consolider. Les complications sont l’apanage des atteintes vertébrales et s’observent dans 70 % des cas. Il peut s’agir de radiculalgie par rétrécissement d’un trou de conjugaison ou de compression médullaire, de syndrome de la queue de cheval lorsque l’abcès est intracanalaire. Examen clinique L’examen clinique est pauvre. L’état général du patient est conservé, il n’y a pas de fièvre. Une discrète boiterie à la marche est observée lorsque la parasitose siège aux membres inférieurs ou au bassin. La pression de la région concernée peut déclencher une douleur. Il n’y a pas de déformation visible, ni de raideur segmentaire du rachis intéressé. Un abcès froid paravertébral doit être minutieusement recherché. L’examen neurologique peut mettre en évidence des signes d’irritation radiculaire ou pyramidale. Aspects topographiques des lésions Tous les os peuvent être intéressés mais il existe une prédominance des atteintes vertébrales, de l’os iliaque et du fémur (75 % selon Devé) [2, 8, 9, 10-12]. Atteinte vertébrale Considérée comme la plus fréquente selon la majorité des auteurs (42 % par Devé, 45 % par Froment) elle siégerait plus volontiers à l’étage dorsal, l’atteinte cervicale est plus rare mais de pronostic plus réservé. Atteinte du bassin L’atteinte pelvienne concerne l’os iliaque dans 16,4 % (16 % pour Froment, 14,4 % pour Devé). Cette localisation est de mauvais pronostic fonctionnel par l’extension à l’articulation coxofémorale et plus rarement au sacrum. Des abcès peuvent se propager dans la région sacrococcygiènne ou la cuisse et être responsable de compression de nerfs réalisant des tableaux de névralgie crurale, de sciatique ou de troubles sphinctériens.
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Atteinte des os longs La fréquence de cette atteinte est de l’ordre de 30 % (33 % pour Froment 30 % pour Devé). Le fémur est la localisation privilégiée de l’échinococcose osseuse l’atteinte de l’humérus et du tibia est plus rare [13]. Le siège électif des lésions se fait au niveau de la métaphyse et de l’épiphyse avec extension vers la diaphyse ou vers l’articulation voisine dans les cas évolués. Le mode de révélation clinique de cette localisation est variable d’un sujet à l’autre : il peut s’agir d’une douleur banale localisée, d’une tuméfaction dure adhérente au plan profond, d’un abcès froid pseudotuberculeux, d’une fracture pathologique. Les autres atteintes L’atteinte du crâne est retrouvée dans 3 à 4 % des cas. Trente-deux cas d’atteintes costales ont été rapportés par Panahi [14]. La fréquence est 4,8 à 1,21 %. Des localisations plus rares ont été observées au sternum, à l’omoplate et des cas exceptionnels rapportés au niveau de la mastoïde, de la clavicule et des os courts (métatarsien, phalange). Imagerie Radiologie conventionnelle Caractères communs à toutes les localisations L’examen radiologique est l’élément essentiel dans l’exploration de l’échinococcose osseuse. Il peut être révélateur lorsque la lésion est encore asymptomatique. Les lésions sont caractéristiques sans être pathognomoniques. L’os touché n’est pas modifié morphologiquement. Cet examen permet de localiser la lésion, d’apprécier son étendue et sa diffusion régionale. L’aspect lacunaire multigéodique, aréolaire en nid d’abeille, infiltrant la pièce osseuse sans réaction periostée est le plus caractéristique de l’origine hydatique d’une lésion osseuse. La condensation perilésionnelle ne se voit qu’en cas de surinfection. Il n’y a pas de limite nette entre la lésion et la région saine [6, 8, 11, 12, 15]. Lésions rachidiennes (figure 1) Elles siègent préférentiellement au rachis dorsal (D4–D11) ou lombaire. Au début, la lésion touche une partie du corps vertébral réalisant une image lacunaire, vacuolaire avec aspect boursouflé ou en nid d’abeille, sans limite nette, siégeant au niveau central ou latéral. L’arc postérieur, les apophyses transverses et épineuses peuvent être touchées d’une manière unilatérale du même côté que l’atteinte somatique. La morphologie globale de la vertèbre peut être discrètement modifiée et
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Figure 2. Radiographie du bassin d’un patient âgé de 60 ans ; lésion soufflée avec de discrètes calcifications intralésionnelles et extension à la coxofémorale.
Lésions pelviennes (figure 2) La lésion initiale siège sur l’aile iliaque et comporte de multiples lacunes de taille variable, de formes ovalaire ou arrondie séparées par des liserés fins contenant parfois des séquestres ; elles peuvent réaliser des macro géodes par confluence. À un stade évolué l’envahissement se fait vers le cotyle, la tête fémorale réalisant une luxation de la coxofémorale ou une protrusion acétabulaire. L’extension vers la sacro-iliaque et la branche ischiopubienne est plus rare. Cette atteinte peut être associée à une localisation vertébrale. Figure 1. Image radiographique d’un kyste hydatique de L2 avec aspect soufflé de l’apophyse transverse et déformation discrète de la vertèbre chez une patiente de 20 ans opérée d’un kyste hydatique des parties molles du bras il y a huit ans confirmé par l’anatomopathologie.
les disques intervertébraux sus et sous–jacents ne sont pas atteints. À un stade plus évolué les lacunes et les microvésicules vont éroder les corticales et entraîner un affaissement des plateaux vertébraux réalisant des tassements cunéiformes ou en galette des vertèbres. Elles érodent le mur postérieur, envahissent le canal médullaire et les trous de conjugaison donnant des images assez typiques : aspect de pédicule boursouflé, vertèbre asymétrique et augmentation de l’espace interpédiculaire. Les abcès ossifluents se présentent sous forme d’ombre para vertébrale unilatérale polycyclique à l’étage dorsal ou de refoulement du psoas au niveau lombaire.
Atteinte des os longs (figure 3) Les lésions peuvent revêtir rarement un aspect monoou paucilacunaire réalisant une image lacunaire de grande taille, de forme ovalaire parfois polycyclique de tonalité homogène pouvant éroder la corticale sans la rompre. La forme multilacunaire est plus fréquente ; elle est plus volontiers de siège épiphysaire ou métaphysaire et se traduit par une image infiltrante avec de multiples lacunes volumineuses, de forme ovalaire ou arrondie groupées en amas. Le foyer est mal limité sans réaction périostée. La corticale est érodée de dedans en dehors revêtant un aspect festonné ; elle reste longtemps conservée avant de se rompre. L’interligne articulaire adjacent peut être remanié, l’aspect morphologique global de l’os est respecté. La forme polykystique peut revêtir l’aspect d’une tumeur bénigne. Elle siège sur la diaphyse qu’elle souffle, avec amincissement de la corticale et respect de la morphologie de l’os. La lésion est constituée de nombreuses lacunes de tailles variables, groupées en un seul foyer
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sante, différentes de l’image d’usure de la voûte crânienne par un kyste hydatique du cerveau ou seule la table interne est érodée. Tomodensitométrie (TDM) (figure 4) La TDM permet une analyse plus précise des lésions. C’est elle qui peut affirmer le contenu hydrique des géodes, de préciser l’étendue de l’atteinte, l’extension régionale, l’absence de rehaussement après injection de produit de contraste et de mettre en évidence les abcès ossifluents extraosseux dans toutes les localisations. La TDM couplée à la myélographie permet de visualiser une compression éventuelle du sac dural, de la moelle épinière et des racines nerveuses. Au bassin la TDM permet de mieux préciser les lésions, leurs rapports avec le pelvis, de mettre en évidence l’abcès endo- ou exopelvien et les ruptures corticales. Une atteinte de la sacro-iliaque et de la coxofémorale peut être mise en évidence même lorsque la radiographie est normale. Cet examen est indispensable pour l’évaluation des possibilités chirurgicales. Il est utile dans les suites opératoires pour détecter d’éventuelles lésions résiduelles et les récidives [8, 15].
Figure 3. Patiente de 36 ans, aspect radiographique d’un kyste hydatique du tibia avant l’intervention chirurgicale. Images multigéodiques refoulant la corticale réalisant un aspect festonné.
L’IRM (figure 5) L’IRM constitue l’examen de choix pour l’exploration des lésions rachidiennes permettant de déterminer leur extension en hauteur et leurs rapports avec les structures neurologiques. Elle permet de détecter les lésions des trous de conjugaison, de la gouttière costovertébrale (hyposignal en T1 et hyper signal en T2), une lyse pédiculaire, une extension endocanalaire. Pour les autres localisations elle met en évidence des images lytiques non spécifiques avec des cloisons de refend, parfois des calcifications.
avec contours polycycliques, les lacunes peuvent être irrégulières, entourées d’un liseré de condensation et réaction periostée lors de surinfection. Autres localisations L’atteinte costale, qui peut être observée seule ou associée à une atteinte dorsale, intéresse la tête, le col ou la partie proximale du corps de la côte. La lésion est de type lacunaire, de forme ovalaire parallèle à l’axe de la côte ou de type lytique. Crâne Les incidences tangentielles du crâne montrent que la lésion intéresse les tables interne et externe réalisant des images lacunaires polycycliques sans réaction conden-
Figure 4. TDM de la lésion ostéolytique développée au dépend du pédicule et de l’apophyse articulaire droite avec refoulement de la corticale et hypertrophie des segments osseux. Lésion expansive mesurant 18 × 26 mm.
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Figure 5. IRM du rachis de la même patiente que sur la figure 4 ; processus kystique intéressant le trou de conjugaison droit, L1–L2 s’étendant à la gouttière costovertébrale en hyposignal en T1 et en hypersignal en T2, ovoïde de 30 mm de grand axe. Ce processus élargit le trou de conjugaison, lyse le pédicule de L2, l’articulaire et érode le pédicule de L1 sans extension endocanalaire. Anomalie de signal du corps de L2 en hypersignal en T1 et T2 en région droite et médiane.
La scintigraphie montre une hyperfixation de la région atteinte ; son intérêt réside dans la détection d’une autre localisation méconnue, asymptomatique. L’échographie est justifiée pour explorer la cavité abdominopelvienne à la recherche d’autres localisations surtout hépatiques et au siège de la lésion osseuse l’atteinte des parties molles (abcès, vésicules hydatiques). Biologie La vitesse de sédimentation est souvent normale ; dans quelques cas elle peut être augmentée. La numération formule sanguine peut montrer une hyperéosinophilie, cependant inconstante : elle est supérieure à 5 % dans 33 % des cas pour certains auteurs (selon Nasseh [16] elle serait de 4–15 % dans 80 % des cas). L’hémogramme n’apporte de renseignements sur la nature parasitaire de l’échinococcose osseuse (hyperéosinophilie) que si les antigènes parasitaires sont au contact de l’organisme notamment en cas de fissuration [17]. Les réactions sérologiques sont souvent négatives dans la localisation osseuse [18]. La recherche d’IgE spécifiques, le test de dégranulation des basophiles essaient de pallier aux insuffisances des techniques usuelles. En immunoélectrophorèse et autres analyses spécifiques on insiste sur la valeur de la découverte de l’arc 5 spécifique [19]. L’arc 5, qui apparaît de façon précoce et relativement constante dans l’hydatidose humaine traduit la présence d’anticorps précipitants spécifiques de l’antigène hydatique. Il est nécessaire de coupler à ces techniques une réaction
quantitative (Elisa, immunofluorescence, hémmaglutination passive). Après exérèse chirurgicale de la lésion hydatique les anticorps retrouvés avant traitement disparaissent en quelques mois à quelques années. L’intradermoréaction de Casoni est actuellement abandonnée à cause des erreurs possibles. La ponction d’un abcès ossifluent peut ramener un liquide clair eau de roche ou trouble purulent de couleur rouge sombre ou verdâtre. La trépanoponction peut ramener des vésicules et des débris de membrane et permet de confirmer le diagnostic. Ces gestes comportent cependant un risque de dissémination des lésions. Diagnostic Diagnostic positif Il est toujours difficile d’affirmer l’échinococcose sur une lésion osseuse découverte par la radiologie et précisée par la tomodensitométrie [20]. Le diagnostic doit être évoqué devant la conservation de l’état général, l’absence de fièvre, de douleur, la notion d’antécédent de kyste hydatique ou de résidence dans une région endémique. Le diagnostic de certitude est affirmé par l’étude histologique de la lésion, mais il est difficile de mettre en évidence des signes caractéristiques lorsque la lésion est surinfectée. Diagnostic différentiel Plusieurs affections sont évoquées devant une image lytique : tuberculose, ostéite infectieuse à germe banal, plasmocytome solitaire, tumeur bénigne, kyste anévrysmal, dysplasie fibreuse, tumeur à cellule géante ou tumeur maligne. Traitement Médical Les imidazoles sont utilisés depuis 30 ans ; leurs résultats sont décevants. L’albendazole (Zentelt) qui est le plus récent peut être utilisé à la dose de 600 à 700 mg/j pendant un mois ; son effet est inconstant sur l’évolution des lésions. Chirurgical La chirurgie est à envisager et à discuter en fonction de la localisation de la lésion, de l’âge du patient et des risques de rupture. Le chirurgien doit tuer les protoscolex intrakystiques avec le formol et de l’eau oxygénée avant d’ouvrir le kyste. La résection doit être la plus large possible pour éviter la récidive et la propagation des lésions ; la technique chirurgicale dépend de la localisation.
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Au bassin L’exérèse large entraînant une mutilation importante amène certains chirurgiens à faire des curetages successifs, le pronostic est souvent très réservé lorsque l’atteinte est étendue. Lorsque la lésion est limitée à l’os iliaque son ablation peut conduire à une guérison ou une rémission longue. Au rachis Il s’agit d’une chirurgie palliative, visant à décomprimer la moelle et les racines nerveuses en procédant à une exérèse des arcs postérieurs avec mise en place des greffons ; en antérieur une corporectomie est réalisée avec pose de greffon à partir de l’os iliaque. Aux os longs L’exérèse totale ou partielle de l’os est souvent nécessaire dans les formes localisées avec remplacement par un greffon osseux ou du ciment. Les formes diffuses et étendues aux articulations adjacentes nécessitent une désarticulation voire une amputation. CONCLUSION Le kyste hydatique osseux demeure une affection rare et de mauvais pronostic. Les atteintes vertébrales et pelviennes sont les plus sévères. La latence clinique, l’absence de stigmate biologique, de signes radiologiques ou tomodensitométriques spécifiques sont responsables du long délai diagnostique aboutissant à une extension maligne des lésions et à des complications justifiant un traitement chirurgical très délabrant n’entraînant jamais de guérison mais uniquement des rémissions plus ou moins longues. RE´FE´RENCES 1 Dupouy-Camet J. Classification et mode de transmission des parasites. Encycl Méd Chir Maladies infectieuses. Elsevier Paris. 81000-D-10.
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