Hypercholestérolémies, des recommandations à la pratique

Hypercholestérolémies, des recommandations à la pratique

Presse Med 2004; 33: 1129-31 PA © 2004, Masson, Paris R T E N A I R E S Symposium d’après J. Dallongeville, J. Ferrières, H. Schuster, M. Farnier...

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Presse Med 2004; 33: 1129-31

PA

© 2004, Masson, Paris

R T E N A I R E S

Symposium

d’après J. Dallongeville, J. Ferrières, H. Schuster, M. Farnier, C. Lepen

Hypercholestérolémies, des recommandations à la pratique

Résumé Symposium du Laboratoire AstraZeneca lors des Journées Européennes de Cardiologie 2004, avec le concours de J. Dallongeville, INSERM U508, Institut Pasteur, Lille (France), J. Ferrières, Service de cardiologie B, CHU Rangueil, Toulouse (France), H. Schuster, INFOGEN, Berlin (Allemagne), M. Farnier, Point Médical, Dijon (France), C. Lepen, Paris (France).

Le LDL C, cible thérapeutique principale Le LDL C joue un rôle majeur dans l’altération de l’endothélium vasculaire et du muscle lisse sousjacent. Il représente la cible thérapeutique principale dans la prévention des maladies cardiovasculaires, mais il faut aussi tenir compte, pour le choix du traitement, du risque cardiovasculaire global. L’évaluation de ce dernier peut se faire à l’aide de l’équation Score consistant à additionner les facteurs de risque pour prédire la probabilité de survenue d’événements cardiovasculaires. Les seuils de LDL C justifiant la prescription d’un hypolipémiant varient en fonction du risque cardiovasculaire global. Un contrôle de l’atteinte des objectifs thérapeutiques L’étude Spot, portant sur 2410 patients, avec des objectifs de LDL C différents selon le nombre de facteurs de risque, a été lancée afin de vérifier, au bout de 5 ans, l’atteinte de ces objectifs et/ou élucider les obstacles qui s’y opposent. La rosuvastatine est un nouvel inhibiteur puissant de la HMG-CoA réductase qui pourrait, comme le montrent les résultats de 2 études publiées, représenter une alternative intéressante pour satisfaire aux normes de plus en plus exigeantes proposées pour le LDL C dans les récentes recommandations et pour réduire le pourcentage insuffisant de patients contrôlés. Questions non résolues Si l’efficacité des statines pour ralentir les processus d’athérosclérose et prévenir la morbimortalité cardiovasculaire est bien démontrée, plusieurs questions restent non résolues. C’est le cas du niveau souhaitable d’abaissement du LDL C, du rôle potentiel des statines chez les patients ayant une insuffisance cardiaque ou une insuffisance rénale évoluée, de l’efficacité des statines chez les patients ayant un LDL C peu élevé et une protéine C réactive augmentée.

Des mises à jour des recommandations concernant la prévention des maladies cardiovasculaires sont publiées régulièrement, prenant en compte les dernières avancées de la recherche clinique en la matière. Les plus e récentes, qu’elles soient françaises (Anaes 2000), américaines (NCEP III 2001), européennes (3 Joint Task Force 2003 de l’ESC) ou internationales (IAS 2003), placent toujours, en leur centre, le contrôle des LDL C (Low Density Lipoprotein Cholesterol) comme meilleur indicateur d’efficacité dans cette prévention.

Justification du contrôle des LDL C Les LDL C qui peuvent être modifiées par oxydation, glycation, agrégation, association avec des protéoglycanes ou incorporation aux complexes immuns,apparaissent comme une cause majeure d’atteinte de l’endothélium vasculaire et du muscle lisse sous-jacent. Une méta-analyse de 58 essais cliniques randomisés récapitulant l’impact, sur la morbi-mortalité cardiovasculaire, de l’abaissement du LDL25 septembre 2004 • tome 33 • n°16

C, a évalué la réduction du risque à 20 % pour une diminution de 0,5 mmol/L du LDLC,30 % pour une diminution de 1 mmol/L et 50 % pour une diminution de 1,6 mmol/L. Cet impact de la diminution du LDL C ne varie pas en fonction des traitements utilisés. Le LDL C reste donc bien la cible thérapeutique principale dans la prévention des maladies cardiovasculaires mais les choix thérapeutiques doivent être faits en fonction du risque cardiovasculaire global et non pas sur une simple mesure du

LDL C. Les décisions de traitement passent d’abord par l’évaluation du risque cardiovasculaire individuel qui permet d’envisager des seuils thérapeutiques. Parmi les facteurs de risque usuels, l’âge,le sexe et les antécédents familiaux sont des facteurs non modifiables qui viennent renforcer les facteurs de risque propres à l’individu dont, essentiellement, le tabagisme, l’HTA et le diabète. L’évaluation du risque cardiovasculaire global peut se faire à l’aide de l’équation Score, utilisée par les insLa Presse Médicale - 1129

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Symposium tances européennes; elle consiste à additionner les facteurs de risque pour prédire la probabilité de survenue d’événements cardiovasculaires: risque élevé (≥ 3 facteurs de risque), moyen (≥ 2 facteurs de risque), faible (0 à 1 facteur de risque). L’évaluation, selon les recommandations américaines (NCEP-ATP III), prend d’abord en compte les pathologies propres à l’individu (pathologie vasculaire ou diabète étant évalués comme un risque supérieur à 20 %) et, ensuite, les facteurs de risque usuels. Pour les sujets qui ont plus de 2 facteurs de risque,le score de Framingham évalue le risque d’accident cardiovasculaire à 10 ans. 1 L’étude Prime a chiffré le risque relatif (RR) de survenue d’événements coronaires, en fonction des valeurs de ces différents facteurs de risque: • RR de 2,2 pour un LDL C > 1,6 g/L par rapport à un LDL C < 1,3 g/L; • RR de 2,1 pour une PA > 140/90 mmHg par rapport à une PA < 120/80; • RR de 1,9 pour un HDL C < 0,35 g/L par rapport à un HDL C plus élevé; • RR de 2,2 pour le tabagisme par rapport à l’absence totale de tabagisme; • RR de 4,6 pour un score de Framingham > 25 % vs un score < 10 %. Quant aux seuils de LDL C justifiant la prescription d’un hypolipémiant, ils varient, dans toutes les recommandations, en fonction du risque global des patients: LDL C inférieur à 1,3, voire 1 g/L pour les patients à haut risque, inférieur à 1,6 ou 1,3 g/L pour les patients à risque moyen, inférieur à 1,9 ou 1,6 g/L pour les patients à risque faible.

Prise en charge des dyslipidémies en France L’inefficacité de la prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaires, à l’aide d’antihypertenseurs 1130 - La Presse Médicale

et/ou d’hypolipémiants, a un coût journalier minimal estimé à environ 300000 euros. L’adhésion aux recommandations de prévention secondaire par les hypolipémiants n’est pas optimale mais elle semble progresser d’année en année. Quant à l’adhésion aux recommandations de prévention primaire, elle apparaît encore assez aléatoire. Une enquête nationale de l’Assurance maladie, effectuée en mars 2002, a ainsi recensé 89 % de traitements hypolipémiants utilisés en prévention primaire, dont 33,1 % pour un niveau de LDL C élevé, 33,1 % pour un niveau de LDL C non déterminé et 33,8 % pour un niveau de LDL C inférieur au seuil d’instauration. La prescription des hypolipémiants, 2 selon l’étude Euroaspire , a augmenté de 42 à 68 % entre les années 1995 et 2000, et particulièrement la prescription des statines qui, en 1999, atteignait un taux de plus de 55 %. Mais les succès de ces traitements, 3 selon l’étude Odyssee , sont assez modestes avec 94 % de valeurs de LDL C inférieures à 2,20 g/L, 83 % inférieures à 1,90 et 55 % inférieures à 1,60… Une étude de “Suivi des Pratiques ver s les Objectifs Thérapeutiques”, l’étude Spot, a donc été réalisée avec le soutien du laboratoire AstraZeneca, sous le contrôle des Observatoires régionaux de la santé, pour déterminer les facteurs prédictifs d’atteinte de ces objectifs chez les patients. Des bilans lipidiques et, en particulier, la détermination du LDL C, ont été effectués chez les 2 410 patients inclus dans l’étude, dont l’âge moyen est de 63 ans, l’index de masse corporelle (IMC) de 27 ± 2 5 kg/m et le dosage du LDL C égal à 1,26 g/L en moyenne. Les patients, traités à 71,7 % par des statines et à 28,1 % par des

fibrates, en prévention secondaire (19,6 %) et en prévention primaire (80,4 %). Cette étude se propose d’analyser l’atteinte des objectifs de LDL-C en fonction du nombre de facteur s de risque selon l’Afssaps et les recommandations américaines, afin de vérifier l’atteinte de ces objectifs et/ou élucider les obstacles qui s’y opposent.

Apports de la rosuvastatine La rosuvastatine est un nouvel inhibiteur puissant de la HMG-CoA réductase qui pourrait aider à atteindre les taux de LDL C ciblés, auxquels parviennent moins de la 4 moitié des patients. Une étude randomisée en double aveugle comparant son efficacité et sa tolérance à celles de la pravastatine et de la simvastatine, chez des patients ayant une hypercholestérolémie avec augmentation des LDL C,lui accorde,en effet,une efficacité significativement supérieure sur la réduction des taux de LDL C. Après une phase diététique de 6 semaines observée par 1 893 patients, 477 d’entre eux ayant un LDL C compris entre 1,60 et 2,50 g/L ont été inclus dans l’étude et répartis entre 4 groupes de traitement qui étaient initialement:5 mg/j de rosuvastatine, 10 mg/j de rosuvastatine,20 mg/j de pravastatine ou 20 mg/j de simvastatine, pour une durée de 12 semaines. Pendant les 40 semaines suivantes, les posologies quotidiennes de statines ont été doublées progressivement par les investigateurs si les objectifs de LDL C fixés par le NCEP-ATP II n’étaient pas atteints. À S12,avant l’augmentation des posologies,les pourcentages de réduction du LDL C étaient respectivement de 39,1 et 47,4 % pour les groupes 5 mg et 10 mg de rosuvastatine,donc significativement différent (p < 0,05) des taux de réduction obtenus par les 2 25 septembre 2004 • tome 33 • n°16

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autres statines (respectivement 26,5 et 34,6 %). Un nombre plus important de patients a pu conserver la posologie initiale dans les groupes traités par rosuvastatine et,après augmentation des posologies,respectivement, 88 et 87,5 % des patients de chacun des groupes rosuvastatine avaient atteint les objectifs de LDL C fixés versus 60 % et 72,5 % dans les 2 autres groupes. On a noté également une augmentation significative des taux de HDL C sous rosuvastatine. La tolérance de ces différentes statines s’est montrée satisfaisante tout au long de l’étude. Une autre étude clinique, Mer5 cury 1 - “Measuring Effective Reductions in Cholesterol Using Rosuvastatin therapY” -, comparant la rosuvastatine à la dose de 10 mg/j à l’atorvastatine (10 et 20 mg/j), à la simvastatine 20 mg/j et à la pravastatine 40 mg/j, rapporte des résultats de même ordre, avec 80 % des patients atteignant les objectifs américains du NCEP-ATP III de LDL-C dans le groupe rosuvastatine versus 63 et 74 %, en fonction de la dose, dans les groupes atorvastatine.L’augmentation du taux de HDL-C s’est montrée aussi plus significative sous rosuvastatine que sous atorvastatine. Compte tenu des normes de plus en plus exigeantes de LDL-C proposées dans les récentes recommandations et du pourcentage insuffisant de patients contrôlés, aussi bien aux États-Unis qu’en Europe, le traitement par la rosuvastatine semble

donc représenter une alternative intéressante. Les différences de structure des statines sont ainsi probablement à prendre en compte dans les décisions thérapeutiques puisqu’elles déterminent l’affinité du médicament pour le site actif de l’enzyme, son taux de pénétration intra-hépatique, sa disponibilité systémique et ses voies et mode de métabolisation et d’élimination.

Nouvelles voies de recherche L’efficacité des statines pour ralentir les processus d’athérosclérose et prévenir la morbi-mortalité coronaire, aussi bien en prévention secondaire qu’en prévention primaire, n’est donc plus à démontrer. Cependant, certaines questions restent non résolues, telles que le niveau souhaitable d’abaissement du LDL-C par les statines, leur rôle potentiel chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque ou d’insuffisance rénale évoluée, leur efficacité en prévention primaire chez des patients à LDL C peu élevé et à protéine C réactive (CRP) élevée. Certaines réponses existent, telle la démonstration que les statines peuvent prévenir l’incidence des défaillances cardiaques au cours de la maladie coronaire, mais qu’en est-il chez les patients ayant déjà une insuffisance cardiaque ? Certaines données font état d’une association forte et indépendante entre

le bilan lipidique des patients et leur survie. On sait, d’autre part, que les statines inhibent la synthèse de l’ubiquinone, antioxydant qui augmente la capacité d’exercice dans l’insuffisance cardiaque. Plusieurs études ont été ainsi initiées pour tenter de répondre à la question du bien-fondé de l’utilisation des statines dans l’insuffisance cardiaque, telle l’étude Corona. Il existe également un lien entre le bilan lipidique et le risque de mortalité dans l’insuffisance rénale, les statines étant a priori bénéfiques dans cette indication, bien qu’il n’existe pas de preuve du bénéfice des statines chez ces patients. Là encore, 3 études ont été initiées pour tenter d’apporter des réponses, dont l’étude Aurora avec la rosuvastatine. Enfin, une dernière question concerne la pertinence de l’élévation de la CRP comme marqueur d’inflammation systémique et prédicteur de risque coronaire, dans un contexte de LDL-C normal, soulevant aussi la question de l’intérêt de son dosage en routine, en complément du bilan lipidique. En fait, il semble que les populations ayant un LDL-C bas et une CRP élevée aient des risques comparables à celles ayant un LDL-C élevé. C'est ce que tente d'élucider l'étude Jupi6 ter avec la rosuvastatine . ■ Compte rendu rédigé par Marie Solignac

Références 1 The PRIME Investigators. Multicenter, dose-rangings study of efegatran sulfate vs heparin with thrombolysis for acute myocardial infarction: The Promotion of Reperfusion In Myocardial Infarction Evolution (PRIME) trial. Am Heart J 2002; 143: 95-105. 2 EUROASPIRE II Study Group. Lifestyle and risk factor management and use of drug therapies in coronary patients from 15 countries; principal results from EUROASPIRE II Euro Heart Survey Programme. Eur Heart J 2001; 22: 554-72. 3 Ferrieres J, Elbaz M, Maupas E, Carrie D, Puel J. [Inadequate management of dyslipidaemic patients in France. Results of the Odyssee study]. Arch Mal Coeur Vaiss 2004; 97: 187-93. 4 Brown WV, Bays HE, Hassman DR et al. Efficacy and safety of rosuvastatin compared with pravastatin and simvastatin in patients with hypercholesterolemia: a randomized, double-blind, 52-week trial. Am Heart J 2002; 144: 1036-43. 5 Schuster H, Barter PJ, Stender S et al. Effects of switching statins on achievement of lipid goals: measuring Effective Reductions in Cholesterol Using Rosuvastatin Therapy (MERCURY I) study. Am Heart J 2004; 147: E18. 6 Ridker PM, JUPITER Study Group. Rosuvastatin in the primary prevention of cardiovascular disease among patients with low levels of low-density lipoprotein cholesterol and elevated high-sensitivity C-reactive protein: rationale and design of the JUPITER trial. Circulation 2003; 108: 2292-7. 25 septembre 2004 • tome 33 • n°16

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