Imagerie des atteintes ORL et cérébrales de la granulomatose de Wegener

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vascularites nécrosantes systémiques associées aux anca

Dossier thématique

Mise au point

Presse Med. 2007; 36: 913–21 © 2007 Elsevier Masson SAS Tous droits réservés.

Imagerie des atteintes ORL et cérébrales de la granulomatose de Wegener Stéphane Silvera, Olivier Vignaux, Paul Legmann

Service de radiologie A, Hôpital Cochin, Paris (75)

Correspondance :

■ Key points

■ Points essentiels

Sinonasal and cerebral imaging findings in Wegener’s granulomatosis

L’étage nasosinusien nécessite la réalisation d’une tomodensitométrie du massif facial en fenêtre parenchymateuse et en fenêtre osseuse. Les anomalies rencontrées sont : l’épaississement de la muqueuse, le comblement complet, le niveau air-liquide, la destruction osseuse (principalement le septum nasal) et l’ostéosclérose. L’IRM orbitaire permet de préciser l’extension de la granulomatose. L’infiltration par contiguïté dans l’orbite est en hyposignal T2 et hyposignal T1, rehaussée après injection de gadolinium. Les anomalies observées sur l’IRM cérébrale sont l’épaississement linéaire et diffus de la dure-mère, rehaussé après injection, l’épaississement localisé de la dure-mère en regard d’une lésion orbitaire, nasale ou sinusienne. La glande pituitaire et sa tige peuvent également être atteintes au cours de la maladie de Wegener. L’ensemble des signes radiologiques ORL et cérébraux de cette granulomatose sont non spécifiques. Combinés avec une forte suspicion clinique et au dosage des c-ANCA, ils permettent de poser le diagnostique de maladie de Wegener.

Sinonasal CT must be studied with both soft tissue and bone algorithms. Sinonasal findings in Wegener’s granulomatosis are mucosal thickening, subtotal opacification, air-fluid level, bony destruction (mainly of the nasal septum), and sclerosing osteitis. Orbital MRI helps to define the extent of the disease. Contiguous granulomatous infiltration of the orbit appears dark (hypointense signals) on both T2-weighted-and T1-weighted images, but is enhanced after gadolinium administration. Cerebral MRI findings include diffuse linear dural thickening, enhanced by injection, and local dural thickening contiguous with orbital, nasal and paranasal disease. The remote granulomatous lesions in brain parenchyma are the least common form of central nervous system lesion. The pituitary gland and infundibulum can also be involved in Wegener’s granulomatosis. These imaging findings of Wegener’s granulomatosis are nonspecific. They should be combined with clinical examination and c-ANCA tests to confirm the diagnosis.

tome 36 > n°5 > mai 2007 > cahier 2 doi: 10.1016/j.lpm.2007.01.033

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Disponible sur internet le : 26 mars 2007

Stéphane Silvera, Service de radiologie A, Hôpital Cochin, 27 rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris. Tél. : 01 58 41 24 61 [email protected]

Silvera S, Vignaux O, Legmann P

L

a maladie de Wegener est une vascularite granulomateuse associée à un titrage élevé d’auto-anticorps dirigés contre le cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (c-ANCA). Son expression radiologique est, au même titre que son aspect clinique, polymorphique. Son appréhension en imagerie fait intervenir de multiples sphères : thoracique, cardiaque, ORL et neuroradiologique. Le rôle du radiologue est de dégager des arguments forts qui, associés à la clinique et au titrage des ANCA, permettront d’aboutir au diagnostic. Les objectifs de cette mise au point sont de rappeler selon le site exploré l’imagerie la plus adaptée et de décrire les lésions sinusiennes, orbitaires, labyrinthiques et cérébrales (méninge, parenchyme cérébral et hypophyse) de la maladie de Wegener.

Imagerie de l’atteinte ORL Atteinte sinusienne L’expression clinique de l’atteinte nasosinusienne de la maladie de Wegener est polymorphique et est présente chez 70 % des patients au moment du diagnostic [1]. Le patient a généralement une rhinite et une épistaxis. Cette absence de spécificité est très souvent à l’origine d’un retard de prise en charge et d’un pronostic péjoratif [2]. L’imagerie est un des éléments qui permet de réduire ce délai, d’instaurer un traitement adapté, afin d’améliorer le pronostic du patient [3].

L’examen de première intention pour observer l’atteinte nasosinusienne est la tomodensitométrie (TDM) du massif facial, sans injection de produit de contraste, avec reconstruction dans les 3 plans en fenêtres osseuses et parties molles. Son objectif est triple : • rechercher les anomalies tomodensitométriques évocatrices de la maladie ; • écarter les principaux diagnostics différentiels ; • préciser l’extension locorégionale d’éventuels granulomes. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est proposée quand la symptomatologie ORL est atypique, par exemple en cas de névralgie du trijumeau associée à une sinusite chronique ou bien pour préciser l’extension locorégionale d’une lésion granulomateuse. En TDM, 3 types de lésions sont observées : une hypertrophie de la muqueuse sinusienne, un épaississement osseux et/ou une lyse des cloisons osseuses (figures 1 et 2). Les 2 premières anomalies sont liées à une périostite chronique secondaire à une infiltration granulomateuse chronique et une vascularite de la muqueuse nasale [4] ; la dernière anomalie est la conséquence de l’occlusion des artères de petits et moyens calibres [5]. L’épaississement des muqueuses sinusiennes est bilatéral, régulier, rarement nodulaire et intéresse préférentiellement les sinus maxillaires et les cellules ethmoïdales [1, 2, 6-9]. On observe aussi bien un comblement complet du sinus que des niveaux air-liquide. Dans ce dernier cas, la TDM montre un aspect de sinusite aiguë traduisant le plus souvent une surin-

F ig u r e 1 Patiente de 59 ans, absence d’antécédent chirurgical ; TDM des sinus, en coupes coronales (A) et axiales (B) et en fenêtre osseuse

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Comblement complet des 2 sinus maxillaires associé à un épaississement osseux de leur paroi (flèches courbes). Le septum est le siège de multiples perforations (flèches, figure A) avec une lyse complète des cloisons nasosinusiennes (têtes de flèches).

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Imagerie des atteintes ORL et cérébrales de la granulomatose de Wegener

F ig u r e 2 Patient de 38 ans, absence d’antécédent chirurgical ; TDM des sinus, en coupes coronales (A) et axiales (B) et en fenêtre osseuse Présence d’une formation tissulaire isodense dans l’antre gauche (étoile), présence également d’un comblement partiel des cellules ethmoïdales antérieures et postérieures (têtes de flèches). On retrouve une lyse punctiforme des cloisons nasosinusiennes (flèches en pointillées, figure A) et du septum nasal (flèche, figure A) sans zone d’ostéosclérose.

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F ig u r e 3 IRM cérébrale, séquence axiale pondérée T2 Hypersignal T2 de l’ensemble des cellules mastoïdiennes gauches, correspondant à une mastoïdite (tête de flèche). Hypersignal T2 au sein du sinus sphénoïdal (flèche).

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fection à Staphylococcus aureus. Les cellules mastoïdiennes peuvent également être comblées dans 40 % des cas (figure 3). L’épaississement muqueux seul ne peut être différencié d’une sinusite chronique, en revanche son association avec une érosion des parois osseuses est évocatrice d’une granulomatose [1]. L’exploration du cadre osseux est réalisée préférentiellement à l’aide de la TDM. Dans l’étude de Lhormann et al. [7], la lyse osseuse de la pyramide nasale et des sinus était observée respectivement chez 57 et 54 % des patients, contre seulement 8 % des patients (cavités sinusiennes et nasales confondues) en IRM dans l’étude de Muhle et al. [10]. L’érosion est soit punctiforme (sur le trajet des artères) soit massive avec une destruction complète de la cavité nasosinusienne dans les formes évoluées. Les sites électifs sont classiquement le septum nasal, le mur internasosinusien, les cornets et la lame papyracée. Les sinus détruits sont par ordre de fréquence les sinus maxillaires, les cellules ethmoïdales, les sinus sphénoïdaux et les sinus frontaux. Enfin, le dernier signe tomodensitométrique est l’image d’ostéite sclérosante visualisée sous la forme d’une densification de l’os et d’appositions périostées. L’IRM est peu contributive au diagnostic de l’atteinte nasosinusienne de la maladie de Wegener (figure 4). On distingue le simple épaississement muqueux, en hypersignal T2 de par son caractère œdémateux, du granulome, en hyposignal T2 de par sa composition principalement cellulaire [6, 10-12]. En revanche, l’IRM prend toute son importance dans le bilan d’extension locorégional et complète le bilan réalisé à la TDM.

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F igu r e 4 IRM orbitaire Séquences coronales pondérées T2 (A) et T1 avec injection de gadolinium et saturation de la graisse (B). Reconstruction TDM en coronal, en fenêtre osseuse (C) et passant par le même plan de coupe que les figures A et B. En IRM, le patient a une masse intraorbitaire gauche, extraconique, dans le cadran inféro-interne (flèches des figures A et B). Cette masse est en hyposignal T2 et hypersignal T1 après injection de gadolinium. Le scanner n’objective qu’un épaississement tissulaire isodense tête de flèche (figure C), au contact des muscles droit interne et droit inférieur. La TDM révèle une érosion de la lame papyracée gauche, non visible sur l’IRM (flèche de la figure C). L’ostéosclérose des parois du sinus maxillaire gauche (flèche courbe) et du labyrinthe ethmoïdal gauche (flèche ouverte) est visualisée sur les 3 figures. À noter l’effondrement du cornet moyen (tête de flèche) sur les figures A et B. L’épaississement muqueux est en hypersignal T2 et hypersignal T1 après injection (étoile).

L’extension intéresse tout particulièrement les tissus prémaxillaires, la fosse ptérygopalatine, la fosse infratemporale, la cavité buccale (risque de fistule nasobuccale) et l’orbite. L’extension vers la fosse ptérygopalatine est exceptionnelle (espace entre la paroi postérieure du sinus maxillaire et la face antérieure des processus ptérygoïdes) [13]. Au sein de cet espace, le nerf maxillaire, branche du nerf trijumeau, peut être envahi et responsable de névralgie. On observe au scanner un comblement de cet espace en regard d’une érosion de la paroi postérieure du sinus maxillaire. L’atteinte est précisée en IRM sous la forme d’une lésion granulomateuse rehaussée après injection. D’autres localisations plus rares ont été décrites, telles que l’extension vers la trompe auditive (trompe d’Eustache), responsable d’une surdité [14]. Les diagnostics différentiels à écarter, au vu de l’anamnèse et des prélèvements des secrétions nasosinusiennes, sont les traumatismes (accidentels ou iatrogéniques), les intoxications (cocaïne [15]) et les infections (bactériennes ou fungiques, notamment l’aspergillose). On distingue par la suite les lésions de type inflammatoire (sarcoïdose, lupus, syndrome de Churg et Strauss) des lésions tumorales, et notamment le lymphome malin non hodgkinien. Plusieurs articles ont tenté de différencier ces lésions en imagerie, scanner et/ou IRM. La destruction osseuse et l’extension locorégionale massive apparaissent plus spécifiques du groupe tumoral [1, 16].

Signes radiologiques de l’atteinte orbitaire

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Les manifestations orbitaires et oculaires au cours de la granulomatose de Wegener sont fréquentes, intéressant 50 % des

patients [17]. On distingue les lésions directement liées à l’atteinte vasculaire (conjonctivite, sclérite, épisclérite, névrite optique, ischémie aiguë de l’artère centrale de la rétine) des lésions granulomateuses [18]. Ces masses orbitaires ont fait l’objet de nombreuses publications en imagerie en raison de l’apport majeur de l’IRM [10, 17, 19-21]. Dans l’étude de Muhle et al., parmi 62 patients ayant une atteinte ORL, 8 patients avaient un envahissement granulomateux intraorbitaire visible en IRM [10]. Ces masses intraorbitaires sont souvent unilatérales (86 %), contiguës avec une atteinte nasosinusienne (69 %). Ces masses sont à point de départ extraconal et ont une extension intraconale fréquente (88-100 %). À la TDM, on observe une masse homogène, intraorbitaire, avec pour point de départ le labyrinthe ethmoïdal, le sinus maxillaire ou la cavité nasale. Sans injection, elle est isodense au muscle orbitaire et se rehausse faiblement après injection [17]. Ce même processus tissulaire apparaît en IRM en hyposignal T2, hyposignal T1, rehaussé de façon homogène après injection de gadolinium (figures 5 et 6). L’imagerie précise l’importance de l’exophtalmie, l’atteinte éventuelle des glandes lacrymales et l’infiltration du nerf optique. Ce dernier pourra être soit englobé par le granulome, soit déplacé, ou encore à distance. Parmi les masses à cheval sur l’orbite et les cavités aériennes environnantes en hyposignal T2, 3 grands groupes de diagnostics différentiels sont à évoquer : tumoral, inflammatoire et infectieux. Dans le groupe tumoral, on distingue le lymphome malin non hodgkinien en isosignal T1, avec un signal variable en T2 [22, 23], la métastase de mélanome et la lésion inflammatoire orbitaire non spécifique (anciennement appelée pseudo-tumeur inflammatoire) après échec tome 36 > n°5 > mai 2007 > cahier 2

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thérapeutique et passage à la chronicité [23]. Dans le groupe inflammatoire, la sarcoïdose peut dans cette forme exceptionnelle ressembler à une lésion de granulomatose de Wegener [24]. Néanmoins, l’aspect le plus classique d’une sarcoïdose orbitaire est une atteinte bilatérale des glandes lacrymales.

Signes radiologiques de l’atteinte labyrinthique La labyrinthite reste exceptionnelle. Les diagnostics différentiels sont les causes bactériennes, virales, autoimmunes et la sarcoïdose. En IRM, la cochlée et le vestibule sont en hyposignal T2 (le liquide endolymphatique est remplacé par les lésions granulomateuses), en isosignal T1 rehaussé après injection de gadolinium [25].

Imagerie de l’atteinte du système nerveux central Les signes cliniques neurologiques de la maladie de Wegener sont rapportés selon la littérature chez 22 à 54 % des patients [26]. Ils répondent le plus souvent à une atteinte neurologique périphérique alors que l’atteinte du système nerveux central est observée chez seulement 7 à 11 % des patients [26]. Trois mécanismes sont à l’origine de l’atteinte du système nerveux central [27]. Le plus fréquent est l’envahissement par contiguïté du tissu granulomateux à partir des fosses nasales ou des sinus de la face. La formation à distance d’un granulome au sein des méninges, du parenchyme cérébral ou de l’hypophyse est plus rare. Enfin, la vascularite peut concerner

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Imagerie des atteintes ORL et cérébrales de la granulomatose de Wegener

F ig u r e 5 IRM orbitaire Séquences axiales Flair (A), pondérées T1 sans injection (B) et avec injection de gadolinium sans saturation de la graisse (C). Masse intraorbitaire, extraconique, en hyposignal Flair, isosignal T1 et fortement rehaussée après injection de gadolinium.

F ig u r e 6 IRM orbitaire chez une patiente de 39 ans avec tuméfaction orbitaire gauche (antécédent d’énucléation)

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Séquences axiales pondérées T2 (A), T1 sans injection (B) et avec injection de gadolinium avec saturation de la graisse (C). Masse intraorbitaire extra et intraconique, en hyposignal T2, isosignal T1 et fortement rehaussée après injection de gadolinium (têtes de flèches). Noter un comblement liquidien d’une cellule ethmoïdale postérieure droite en hypersignal T2 et hyposignal T1 (flèches).

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autant le parenchyme cérébral que le cordon médullaire. On évalue que 30 % des lésions neurologiques centrales rencontrées répondent à une combinaison de ces 3 mécanismes [26]. L’exploration du cerveau reste l’apanage de l’IRM, en permettant dans un même temps une analyse du parenchyme cérébral sur les séquences Flair (séquence pondérée T2 avec annulation de l’eau circulante) et T1, du système vasculaire sur la séquence 3D Time Of Flight (TOF), et des méninges (acquisition soit T1 avec injection de gadolinium en coronal et axial, soit avec une acquisition volumique pondérée T1 de l’ensemble du cerveau).

Atteinte méningée au cours de la maladie de Wegener L’atteinte des enveloppes méningées se décline sous 3 formes : un épaississement diffus (figure 7) ou localisé de la dure-mère et exceptionnellement un rehaussement en imagerie de la pie-mère. Parmi les 19 patients de l’étude de Murphy et al. [27] suspectés cliniquement d’une atteinte neurologique centrale et explorés en IRM, 10 avaient un épaississement de la dure-mère et un seul un épaississement de la pie-mère. La localisation dure-mérienne diffuse se traduit en imagerie par

un rehaussement et un épaississement continu, linéaire, bilatéral et symétrique, avec une atteinte inconstante de la tente du cervelet sur les séquences T1 après injection de gadolinium [6, 12, 27]. Parmi les principaux diagnostics différentiels à évoquer, on retient les lésions primitives (lymphome méningé), secondaires (métastases) [28, 29], la méningite infectieuse (notamment la tuberculose), la neurosyphilis et la pachyméningite hypertrophiante cérébrale. Cette dernière entité, même rare, présente aussi un épaississement nodulaire ou diffus rehaussé après injection [6]. Cependant, à la différence de la granulomatose de Wegener, cet épaississement est beaucoup plus marqué dans la pachyméningite hypertrophiante cérébrale et, surtout en raison de sa composition fibreuse, l’épaississement apparaît en net hyposignal T2. L’épaississement de la dure-mère, focal, nodulaire ou en plaque est localisé le plus souvent en regard d’une lésion soit sinusienne, soit orbitaire, ou encore mastoïdienne. Même s’il semble que l’atteinte de l’enveloppe méningée soit une extension par contiguïté, on n’observe que très rarement l’invasion directe du granulome en IRM. Les principaux diagnostics différentiels à évoquer face à un épaississement

F ig u r e 7 IRM cérébrale

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Séquences axiales (A) et coronales T1 (B) après injection de gadolinium. Épaississement et rehaussement continu de la dure-mère qui constitue les parois du sinus sagittal supérieur (flèches de la figure A). Ces mêmes anomalies sont visibles sur la figure B, le sinus sagittal est atteint (flèche) mais également les sinus latéraux (têtes de flèches noires). Quel que soit le cas, le rehaussement est strictement dure-mérien car il ne suit pas les circonvolutions cérébrales à la différence d’une atteinte de la pie-mère, rare dans la maladie de Wegener. Courtoisie, Dr Pagnoux C.

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nodulaire de la dure-mère sont le méningiome en plaque, une métastase et le lymphome dural. Quel que soit le type d’épaississement méningé, diffus ou nodulaire, on observe un hypersignal cortico-sous-cortical en T2 (ou Flair). Même si elles ont été exceptionnellement décrites dans la granulomatose de Wegener, les anomalies de la pie-mère restent caractéristiques de la neurosarcoïdose, avec un rehaussement après injection de gadolinium qui suit les circonvolutions cérébrales [30]. Parfois une masse granulomateuse extra-axiale sarcoïdosique peut simuler une localisation dure-mérienne de la maladie de Wegener [31].

Localisation parenchymateuse cérébrale au cours de la maladie de Wegener

Atteinte hypophysaire Après l’épaississement méningé et les lésions de vascularite, l’atteinte hypophysaire est le troisième site électif cérébral de cette granulomatose. Elle se traduit par un diabète insipide et/ou plus rarement par une hyperprolactinémie de tome 36 > n°5 > mai 2007 > cahier 2

F ig u r e 8 IRM cérébrale, séquence Flair Multiples hypersignaux non spécifiques localisés dans la substance blanche profonde et sous-corticale.

déconnexion. L’étiopathogénie de l’atteinte hypophysaire est la formation au sein de la glande ou de la tige d’un granulome ; l’extension directe via le sinus sphénoïdal est rare. L’IRM est de nouveau l’examen de référence, mais avec un protocole différent. En effet, l’examen vise à mieux explorer la selle turcique et notamment la post-hypophyse et la tige pituitaire. Pour cela des coupes fines coronales et sagittales T1 sans et avec injection de gadolinium sont réalisées. En sagittal T1 sans injection, on observe la disparition de l’hypersignal T1 de la post-hypophyse. La tige pituitaire peut être épaissie et fortement rehaussée après injection. L’antéhypophyse est parfois élargie, elle peut être rehaussée de façon homogène ou en laissant place au centre à une zone en hyposignal après injection [35-37]. Ces anomalies régressent généralement après traitement. Les diagnostics différentiels sont déclinés en 3 volets. Face à un épaississement de la tige pituitaire, à un élargissement de l’antéhypophyse et à une perte de l’hypersignal T1 de la neurohypophyse, le principal diagnostic est l’hypophysite lymphocytaire. Celle-ci concerne la femme enceinte ou au décours de l’accouchement, et atteint exceptionnellement

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Parce que les veines et les artères de moyens et de petits calibres sont concernées par la vascularite, le spectre des lésions observables en IRM est très large. En allant de la rupture de paroi à l’occlusion de la lumière, le patient peut présenter une hémorragie sous-arachnoïdienne, un hématome intracérébral, un accident ischémique artériel cérébral, une thrombose veineuse. Cependant, même si l’IRM est très sensible, ces lésions ne sont en rien spécifiques d’une vascularite. L’apport diagnostique de l’angiographie conventionnelle numérisée est faible. Quand celle-ci est réalisée, elle est le plus souvent normale, probablement en raison de la taille des vaisseaux concernés. Quelques rares cas ont été rapportés de sténose voire d’occlusion vasculaire [32, 33], mais en raison de sa faible rentabilité cet examen n’est pas réalisé dans cette indication. L’angiographie par résonance magnétique (ARM) n’est pas une alternative à l’angiographie classique pour les mêmes raisons. En revanche, elle est systématiquement réalisée au cours de l’IRM cérébrale afin d’écarter les autres causes d’hémorragie sous-arachnoïdienne ou d’accident ischémique artériel cérébral (artériolosclérose). De multiples hypersignaux punctiformes Flair et T2 sont également décrits en IRM (figure 8). Ces hypersignaux sont localisés autant dans le tronc cérébral, la substance blanche profonde et sous-corticale, et au sein des noyaux gris centraux. Ces lésions ne sont pas non plus spécifiques [6, 12, 27]. Elles sont rencontrées au cours d’une multitude d’autres pathologies et notamment chez le sujet âgé. Néanmoins, plusieurs de ces lésions semblent être des séquelles de micro-infarctus. Le granulome intracérébral est l’aspect IRM le plus rare de la maladie de Wegener [34]. Il est soit à proximité d’un épaississement dural, soit à distance dans la substance blanche profonde. Il est en hypersignal Flair et T2, en isosignal T1 rehaussé soit de façon homogène soit en cocarde.

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l’homme. L’épaississement seul de la tige avec ou non une perte de l’hypersignal de la post-hypophyse évoque une hypohysite granulomateuse. Ses principales causes sont la sarcoïdose, la tuberculose et l’histiocytose X [38-40]. Enfin, le seul élargissement de l’antéhypophyse avec une zone centrale non rehaussée doit faire évoquer l’adénome hypophysaire. Cependant dans ce cas précis, on n’observe jamais de disparition de l’hypersignal T1 de la neuro-hypophyse.

Conclusion La maladie de Wegener est une granulomatose sévère et potentiellement mortelle. Malgré l’absence de critère radiolo-

gique spécifique, la coexistence des signes ORL avec une atteinte orbitaire ou cérébrale permet d’aboutir au diagnostic. Concernant la sphère ORL, la TDM est l’examen de première intention, il est évocateur quand on trouve l’association d’épaississement muqueux, de lyses osseuses punctiformes, notamment sur septum nasal et d’appositions périostées. À l’étage encéphalique et orbitaire, l’IRM est la clef du diagnostic en montrant typiquement l’association de ces lésions sinusiennes avec un épaississement dure-mérien et/ou une masse intraorbitaire en hyposignal T2. Conflits d’intérêts : aucun

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vascularites nécrosantes systémiques associées aux anca

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Imagerie des atteintes ORL et cérébrales de la granulomatose de Wegener