J Radiol 2009;90:888-904 © 2009. Éditions Françaises de Radiologie. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
formation médicale continue
le point sur…
Imagerie du foie opéré I Huynh-Charlier (1), J Taboury (2), P Charlier (3), JC Vaillant (2), P Grenier (1) et O Lucidarme (1)
Abstract
Résumé
Imaging of the postsurgical liver J Radiol 2009;90:888-904
L’aspect normal du foie opéré et l’aspect des complications éventuelles, spécifiques aux divers types de résections hépatiques effectués (hépatectomies partielles, fenestrations de kystes, radiofréquence), doivent être bien connus des radiologues, afin de dépister et prendre en charge le plus tôt possible les complications post-thérapeutiques. L’imagerie du foie en période post-opératoire précoce a pour but de dépister les complications vasculaires, biliaires et extra-hépatiques, et repose essentiellement sur l’écho-Doppler et le scanner.
The appearance of the normal postsurgical liver and of potential complications specific to the type of liver resection performed (partial hepatectomy, cyst fenestration, RF ablation) must be well known by radiologists for early detection and treatment of postoperative complications. Early postoperative imaging of the liver aims at detecting vascular, biliary and extrahepatic complications and relies mainly on Doppler US and CT. Key words: Liver, surgery. Liver, postoperative. Liver, iatrogeny. Radiofrequency, iatrogeny. Radiofrequency, US. Radiofrequency, CT.
Introduction Les lésions hépatiques, solides ou kystiques, malignes ou bénignes, peuvent requérir un traitement chirurgical, comme une hépatectomie partielle, une fenestration (pour les kystes) ou une thermoablation. L’imagerie, en particulier l’écho-Doppler et le scanner, tient une place essentielle dans la surveillance post-opératoire. La résonance magnétique (IRM) aide parfois à mieux caractériser certaines lésions, comme les collections post-opératoires atypiques. L’aspect du foie opéré est spécifique du type de traitement chirurgical réalisé. Il est important que le radiologue connaisse les différentes techniques chirurgicales employées, afin de mieux analyser l’aspect post-opératoire normal et compliqué du foie.
Les hépatectomies partielles
1. Définitions La chirurgie hépatique est fondée sur la segmentation du parenchyme hépatique ; elle est dite réglée (ou typique) lorsqu’elle respecte les critères anatomiques, c’est-à-dire lorsqu’elle se limite à l’ensemble du parenchyme hépatique situé en aval d’un pédicule glissonien, et dite non réglée (ou atypique) lorsqu’elle laisse en place du parenchyme partiellement dévascularisé ou dépourvu de drainage biliaire (1). Le caractère réglé d’une résection hépatique diminue le risque d’hémorragie per-opératoire et de fistule biliaire post-opératoire. C’est pourquoi les résections non réglées sont généralement de petite taille, grossièrement cunéiformes à base périphérique (wedge-resections). (1) Service de Radiologie Polyvalente, CHU Pitié-Salpêtrière, Paris, France. (2) Service de Chirurgie Digestive et Hépato-bilio-pancréatique, CHU Pitié-Salpêtrière, Paris, France. (3) Service de Médecine Légale et d’Anatomie/Cytologie Pathologiques, CHU Raymond Poincaré, Garches, France. Correspondance : I Huynh-Charlier E-mail :
[email protected]
Mots-clés : Foie, chirurgie. Foie, post-opératoire. Foie, iatrogénie. Radiofréquence, iatrogénie. Radiofréquence, techniques d’exploration.
Une hépatectomie réglée peut être nommée selon le nombre de segments contigus qu’elle enlève (2) : l’hépatectomie droite enlève les segments V à VIII, la lobectomie droite enlève les segments IV à VIII, l’hépatectomie gauche enlève les segments II à IV, la lobectomie gauche enlève les segments II et III (fig. 1). Une résection hépatique est dite mineure ou limitée si elle enlève au plus deux segments, comme par exemple une sous-segmentectomie, une segmentectomie ou une bi-segmentectomie. Elle est dite majeure si elle enlève trois ou quatre segments, élargie si elle enlève cinq segments, superélargie si elle enlève six segments.
2. Données techniques générales 2.1. Bilan pré-opératoire La conduite générale des hépatectomies comprend, dans la phase pré-opératoire, une étude complète des lésions et de l’anatomie vasculaire réelle du foie. Celle-ci est au mieux réalisée par les examens morphologiques : échographie pré- voire per-opératoire, scanner, IRM. En effet, l’imagerie permet de guider la résection sur la visualisation directe des structures intra-hépatiques et donc sur l’anatomie réelle, et non plus, comme dans le passé, sur des repères décrits à la surface du foie, c’est-à-dire sur une anatomie théorique, schématique et donc relative. De plus, le scanner volumique permet d’estimer le volume de parenchyme hépatique résiduel après chirurgie. Le volume hépatique total, le volume lésionnel total, le volume hépatique fonctionnel (différence entre le volume hépatique total et le volume lésionnel) ainsi que le volume hépatique restant après chirurgie peuvent être estimés à partir de l’anatomie vasculaire réelle. Le volume hépatique restant minimal compatible avec la survie est de l’ordre de 30 % du volume hépatique fonctionnel (ou 5 % du poids du patient) pour un foie sain (3). Il est égal ou supérieur à 50 % du volume hépatique fonctionnel pour un foie cirrhotique : 50 % pour les patients Child A, 75 % pour les patients Child B et 82 % pour les patients Child C (2). Si le volume hépatique restant estimé est inférieur à ces limites, il sera réalisé au préalable une embolisation portale sélective afin d’obtenir une hypertrophie compensatrice du futur
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Fig. 1 : a b c d e
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Schémas des principaux types d’hépatectomie. Lobectomie droite. Hépatectomie droite. Hépatectomie gauche. Lobectomie gauche. Tumorectomies. Wedge resection (astérisque).
foie restant, ou bien l’intervention sera récusée. L’embolisation portale sélective peut être associée à une chimioembolisation, pour contrôler la croissance tumorale hépatique. L’imagerie préopératoire permet enfin de dépister des signes prédictifs de mauvaise régénération hépatique, tels qu’une importante stéatose ou des signes d’hépatopathie chronique ou de fibrose.
2.2. Techniques chirurgicales La connaissance des techniques opératoires hépatiques permet de mieux comprendre les aspects post-opératoires rencontrés en imagerie. Les résections hépatiques nécessitent une mobilisation du foie par section de ses attaches ligamentaires (ligament falciforme, ligament rond, ligaments triangulaires droit et gauche) (4). L’hépatectomie peut se faire de dehors en dedans ou de dedans en dehors, autrement dit par section parenchymateuse première ou après section vasculaire première (2). Le principe de la première technique est de débuter l’hépatectomie en incisant le parenchyme le long de la projection d’une frontière vasculaire théorique, puis les éléments glissoniens sont découverts et sectionnés dans le foie, et la section de la veine hépatique (VH) est effectuée en fin de résection dans la tranche de section parenchymateuse. Cette technique a l’avantage d’être rapide ; elle permet aussi une exérèse à la demande du parenchyme hépatique, adaptée à la localisation de la lésion. Elle présente cependant l’inconvénient d’être fondée sur une estimation empirique des limites de drainage vasculaire et biliaire inter-segmentaire, ce qui peut conduire à laisser en place des petites bandes de parenchyme dévascularisé ou non drainé. Cette technique nécessite par ailleurs, du fait de l’absence de contrôle premier des pédicules vasculaires, un J Radiol 2009;90
clampage continu ou intermittent du pédicule hépatique tout le long de la résection pour minimiser les risques hémorragiques. Il existe donc des risques d’ischémie post-opératoire si l’intervention est longue. Le principe de la deuxième technique est de débuter par la dissection du pédicule hépatique jusqu’au hile. Les pédicules glissoniens sont ensuite isolés et sectionnés après éventuel test par clampage avec délimitation de l’ischémie ou injection d’un colorant comme le bleu de méthylène dans la branche porte correspondante par ponction directe, afin de bien identifier les frontières anatomiques. La VH est ensuite sectionnée et la transsection parenchymateuse est réalisée. Cette deuxième technique, par le contrôle vasculaire premier, permet de limiter l’ischémie du foie restant, en tenant compte cette fois-ci de la distribution vasculaire exacte. Elle permet donc de réduire l’hémorragie lors de la section parenchymateuse mais sa durée est plus longue que la technique du dehors en dedans. Elle permet aussi, dans un contexte oncologique, de débuter le geste par un curage pédiculaire. Pour les deux techniques, on peut associer un contrôle échographique per-opératoire. Dans les deux cas, la transsection hépatique est effectuée centimètre par centimètre par écrasement à la pince (Kellyclasie) ou destruction par ultrasons (Cavitron) des hépatocytes, afin d’identifier et d’isoler les pédicules biliaires, artériels et portes. Selon leur taille, ceux-ci sont liés au fil ou clipés (fig. 2a). Récemment, une méthode de transsection par coagulation tissulaire par radiofréquence (Tissuelink®, Salient Surgical Technologies, Dover, NH USA) a été développée. Cette dernière technique entraîne une brûlure de la tranche de section qui peut être visible en imagerie post-opératoire.
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Une cholécystectomie est généralement associée à l’hépatectomie. Un drainage péritonéal est souvent laissé en place, de même qu’un drainage biliaire externe (transcystique).
3. Aspect postopératoire normal C’est le domaine de l’échographie car il n’y a pas d’indication à réaliser un scanner ou une IRM en l’absence de complication. Un contrôle échographique systématique est souvent indiqué en cas d’hépatectomie majeure afin de contrôler le débit portal restant. La tranche de section est identifiée par la présence de multiples ponctuations hyperéchogènes qui correspondent aux petits clips laissés sur les pédicules vasculaires et biliaires sectionnés (fig. 2b). Les clips chirurgicaux sont hyperdenses au scanner et ne présentent aucun signal en IRM (fig. 2c). Dans les cas où le chirurgien n’a employé que du fil ou le Tissuelink®, les ponctuations hyperéchogènes sont absentes. Au sein du parenchyme hépatique restant, il peut apparaître, le long de la marge de résection, une bande hypoéchogène, hypodense et qui peut être en hypersignal T2 dans 20 % des cas en IRM (fig. 3) (5). Elle correspond à une accumulation de bile et de sang, à une infiltration fibreuse et à une transformation graisseuse liées au traumatisme local. Cette bande va régresser spontanément avec le temps (6). Dans le cas particulier de l’utilisation du
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Tissuelink®, une bande hypoéchogène, hypodense, centimétrique ou supra-centimétrique (1,3 cm en moyenne) (7) vient s’interposer entre la tranche de résection et le parenchyme hépatique sain. Cette bande peut apparaître nodulaire selon le placement des électrodes de radiofréquence. Son épaisseur diminue avec le temps (dans un délai de 4 mois) mais ne disparaît pas. En périphérie du foie restant, on observe quasiment toujours, en post-opératoire immédiat, un épanchement pleural droit, un pneumopéritoine, une petite collection liquidienne limitée à la zone réséquée, plus ou moins associée à des bulles d’air postopératoires, sans caractère pathologique jusqu’au deuxième mois post-opératoire, en l’absence de fièvre (fig. 4) (8). La régénération hépatique permet une restauration de la fonction hépatocellulaire en 2 à 3 semaines si le foie est sain. Morphologiquement, l’hypertrophie hépatique est perceptible quelques jours après l’intervention et se prolonge durant plusieurs mois. Sur le plan anatomopathologique, on observe, dès le septième jour, des signes de régénération cellulaire, à savoir des figures mitotiques, une néogénèse vasculaire et canalaire biliaire (9). Dans les premiers jours, la prolifération des hépatocytes peut être plus rapide que la néogénèse vasculaire, à l’origine d’une pauvreté portale en imagerie (fig. 5). L’aspect post-opératoire du foie dépend des segments réséqués, du type de résection et du degré de régénération hépatique (8, 10).
a b c
Fig. 2 : a b c
Aspect des clips chirurgicaux laissés sur la tranche de section hépatique. Photographie per-opératoire des clips chirurgicaux laissés sur les pédicules vasculo-biliaires (flèches). Coupe échographique transversale d’une tranche de section après hépatectomie gauche, montrant les clips (flèches) sous la forme de spots hyperéchogènes. Aspect en IRM après hépatectomie droite conservant une languette de segment VIII sur une coupe axiale pondérée T1 après suppression du signal de la graisse et injection de gadolinium. Les clips chirurgicaux génèrent des artefacts métalliques en hyposignal franc (flèches).
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Fig. 3 : a b
Aspect normal de la marge de résection après hépatectomie droite. Coupe axiale échographique montrant une bande hypoéchogène (astérisque) le long de la tranche de section hépatique, qui est matérialisée par des clips hyperéchogènes (flèches). Coupe axiale tomodensitométrique en contraste spontané, montrant une bande hypodense (astérisque) le long de la tranche de section hépatique, qui est matérialisée par des clips hyperdenses (flèches).
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Fig. 4 : a
b
c
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Aspect normal postopératoire immédiat et 1 mois après segmentectomie VI. Coupe axiale tomodensitométrique en contraste spontané, montrant en post-opératoire précoce, dans le cadre d’une suspicion d’embolie pulmonaire, une collection mixte, liquidienne et gazeuse, limitée à la zone de résection (flèche). Coupe axiale tomodensitométrique après injection de produit de contraste iodé au temps portal, montrant la disparition des bulles d’air au sein de la collection, 1 mois après l’hépatectomie (flèche) et l’absence de rehaussement inflammatoire périphérique de la collection. Coupe axiale échographique montrant la collection liquidienne pure, limitée à la zone de résection hépatique (flèche), 1 mois après l’hépatectomie.
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jacent est sain, ce qui peut conduire à une incurvation des structures vasculaires (fig. 5). Ce foie gauche prend une forme ovale, avec un allongement dans les sens transversal et crâniocaudal, et ses contours s’arrondissent. À l’opposé, il reste le plus souvent de petite taille en cas de cirrhose. Une hypertrophie modérée du segment I s’installe. On note également un déplacement de la scissure du ligament rond vers la droite, un déplacement de la veine cave inférieure vers l’arrière au contact du fascia pré-rénal droit, une ascension du rein droit, du côlon droit et des anses grêles au sein de l’hypochondre droit (fig. 6).
Après hépatectomie droite, la tranche de section passe le long du bord droit du segment IV. Ce dernier est entier si la VH médiane est conservée. En cas de résection de la VH médiane, la bande de segment IV drainée par cette veine est également réséquée et dans ce cas, seule une portion plus ou moins large de parenchyme du segment IV reste visible. La branche portale droite est liée à son origine et, du fait de la bascule du foie gauche vers la droite, la veine porte s’horizontalise et bascule vers l’arrière en formant une boucle harmonieuse à la naissance de la branche portale gauche. Le foie gauche restant est le siège d’une hypertrophie rapide lorsque le parenchyme sous-
a b
Fig. 5 : a b
Aspect échographique précoce du foie gauche restant après hépatectomie droite élargie au segment IV. L’intense régénération hépatique est à l’origine d’un aspect très incurvé de la VH gauche vers la droite (flèche) et d’une pauvreté portale transitoire. Coupe récurrente du lobe gauche passant par le plan de la VH gauche. Coupe sagittale.
a b
Fig. 6 : a b
Aspect tomodensitométrique postopératoire tardif après hépatectomie droite en coupes axiales. Arrondissement des contours hépatiques, hypertrophie du lobe gauche (LG) et des segments I (sgt I) et IV (sgt IV) restants, avec ascension des anses grêles (G) et du rein droit (RD) dans l’hypochondre droit. La branche portale droite est liée à son origine (flèche).
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Après résection hépatique non réglée (ce qui peut être le cas des transsections hépatiques du dehors en dedans, sans contrôle vasculaire premier), une portion du parenchyme restant risque de connaître des troubles de perfusion portale, de drainage veineux ou de drainage biliaire. Dans ce cas, on peut observer des différences d’échogénicité, des prises de contraste artérielles et/ou une stéatose dans le territoire hépatique concerné, ainsi qu’une dilatation biliaire sous segmentaire (fig. 9). Avec le temps, les territoires hypoperfusés ou mal drainés s’atrophient. Après sous-segmentectomie (ou wedge-resection), on peut observer une rétraction périphérique cicatricielle, correspondant à la marge de résection ; parfois, les clips métalliques chirurgicaux visibles à la surface du foie sont le seul stigmate post-opératoire (fig. 10 et 11).
Après lobectomie droite, les modifications morphologiques sont identiques à celles observées après hépatectomie droite, mais le segment IV a disparu et la branche portale du segment IV en aval du récessus de Rex est liée (fig. 7). Après hépatectomie gauche, la tranche de section passe dans le plan de la VH médiane qui est habituellement conservée. La branche portale gauche est liée à son origine. On observe généralement une hypertrophie du foie droit si le foie sous-jacent est sain. Ses contours s’arrondissent et il prend une forme ronde, avec un allongement dans les sens transversal et crânio-caudal. On note également une hypertrophie modérée du segment I. Il peut exister un déplacement de la veine porte et du pédicule hépatique vers la gauche ainsi qu’un déplacement de l’estomac et du colon transverse au sein de la loge de résection. Après lobectomie gauche, le segment IV reste présent et la branche portale gauche reste visible le long de la tranche de section. Les branches des segments II et III sont liées. Avec le temps, la branche portale gauche devient grêle, puisqu’elle ne perfuse plus que le segment IV. On peut également observer un arrondissement des contours hépatiques et une hypertrophie du segment IV (fig. 8).
4. Aspect des complications post-opératoires L’imagerie, en période post-opératoire précoce, est indiquée en cas de fièvre inexpliquée, de douleurs abdominales, d’ictère ou de déglobulisation. Elle est également demandée devant un facteur de mauvais pronostic post-opératoire, figuré par la règle
Fig. 7 :
Aspect tomodensitométrique postopératoire tardif après lobectomie droite, en coupe axiale. Il n’y a pas de segment IV à droite de la branche portale gauche. La branche portale du segment IV et la branche portale droite sont liées à leur origine (flèches). Le lobe gauche (LG) est hypertrophié, de forme ovale. L’estomac (E) a basculé à droite du foie restant et le côlon droit (CD) est ascensionné dans l’hypochondre droit.
a b
Fig. 8 : a b
Aspect tomodensitométrique postopératoire tardif en coupes axiales, après lobectomie gauche pour métastases de léiomyosarcome. La branche portale gauche est conservée et visible le long de la tranche de section (flèche). Une récidive métastatique de léiomyosarcome est visible dans le segment VII (astérisque). Le segment IV est hypertrophié (sgt IV). Deux autres récidives métastatiques de léiomyosarcome sont visibles dans les segments V et VI (astérisques).
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Fig. 10 :
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Aspect échographique, en coupe transversale, d’une résection en wedge (tumorectomie) du segment IV pour tumeur bénigne. Mise en évidence d’un vide triangulaire occupé par du matériel graisseux hyperéchogène (astérisque) et de spots hyperéchogènes (flèche), correspondant aux clips laissés sur les pédicules vasculo-biliaires, le long de la tranche de section.
des 50/50 : lorsqu’au 5e jour post-opératoire, le taux de prothrombine est inférieur à 50 % et que le taux de bilirubine plasmatique est supérieur à 50 micromoles par litre, le taux de mortalité post-opératoire peut dépasser 50 % (11), ce qui doit faire rechercher une cause infectieuse, fonctionnelle ou vasculaire, sur un écho-Doppler et/ou un scanner abdominal. Le rôle de l’imagerie consiste principalement en la détection et la prise en charge des collections post-opératoires, ainsi que des complications vasculaires (8, 10). L’échographie couplée au Doppler est le premier examen de choix, car réalisable au lit du patient en réanimation. Le scanner permet de compléter les données de l’échographie lorsque celle-ci n’est pas exhaustive ;
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Fig. 9 :
Aspect échographique, en coupe transversale, d’une dilatation biliaire (double flèche), dans la languette de segment VIII restant, contre la tranche de section (simple flèche) après hépatectomie droite. La VH médiane est colorée en Doppler couleur (VSH).
Fig. 11 :
Aspect échographique, en coupe transversale, d’une soussegmentectomie II. La tranche de section est matérialisée par les clips hyperéchogènes laissés sur les pédicules vasculo-biliaires et a un aspect d’encoche (flèche).
il permet parfois de mieux caractériser une collection liquidienne et de localiser un éventuel saignement actif. Le protocole doit donc inclure une acquisition en contraste spontané (recherche d’un hématome ou d’un hémopéritoine) ainsi qu’une acquisition après injection de produit de contraste, aux temps artériel (recherche d’un saignement actif) et portal (recherche d’abcès et de thrombose veineuse). L’IRM reste peu ou pas utilisée, car elle est difficilement accessible à un patient hospitalisé en réanimation, offre une moins bonne résolution spatiale, ce d’autant que l’examen est artéfacté par les drains et clips chirurgicaux, ainsi que par les mouvements respiratoires du patient. J Radiol 2009;90
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4.1. Les collections Les complications locales sont essentiellement liées à la fuite d’un vaisseau ou d’un canal biliaire le long de la tranche de section. Cette fuite, si elle ne se tarit pas rapidement, conduit à la formation de volumineuses collections dans la loge d’hépatectomie ou à distance, dont le contenu est hématique, bilieux ou mixte. En cas de curage ganglionnaire pédiculaire, des lymphocèles peuvent également apparaître. Ces collections peuvent être à l’origine de douleurs, de dyspnée et bien sûr peuvent se surinfecter. L’aspect échographique de la collection ne permet pas de caractériser sa nature. En effet, un aspect hétérogène ou multi-cloisonné de la collection peut être observé en cas d’hématome, d’abcès, de sérome, de bilome ou de lymphocèle. Néanmoins, un hématome présente souvent un contenu échogène hétérogène, alors qu’un bilome est souvent une collection à contours nets, strictement anéchogène, ou de densité liquidienne homogène, sans image de cloison (fig. 12). L’estomac peut parfois être à l’origine d’images pièges, mimant une collection au contact d’une tranche d’hépatectomie ou de lobectomie gauche (fig. 13). Le scanner ou l’IRM peuvent être utiles en montrant une hyperdensité spontanée ou un hypersignal T1 dans les cas de collections hématiques, et une prise de contraste périphérique, parfois associée à une importante quantité de gaz au sein de la formation, dans les cas de collections abcédées. La prise en charge de ces collections dépend du contexte clinique. En cas de bonne tolérance, sans syndrome septique, une simple surveillance peut être effectuée, en attendant l’arrêt spontané de la fuite. En cas de mauvaise tolérance ou de surinfection, une ponction-drainage sous contrôle échographique ou tomodensitométrique est réalisée. Le plus souvent, la fuite se tarit dans les 15 jours qui suivent l’intervention, sauf s’il existe un obstacle sur les voies biliaires, qui devra alors être recherché et traité.
4.2. Les complications vasculaires Elles sont représentées principalement par la thrombose portale et par le syndrome de Budd Chiari aigu, qui peut survenir après hépatectomie droite, par plicature du tronc commun des VH
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médiane et gauche, du fait d’une bascule trop importante du foie gauche restant vers la droite (fig. 14) (10). Plus rarement, elles peuvent être la conséquence d’un traumatisme iatrogène (ligature, brûlure) d’un pédicule glissonien (branche portale ou artère). Le diagnostic de thrombose portale repose essentiellement sur les données de l’écho-Doppler qui montre un contenu échogène de la veine porte ou de ses branches restantes, et/ou l’absence de flux enregistrable. Le diagnostic peut aussi être posé en scanner ou en IRM devant l’absence de rehaussement des vaisseaux concernés ou du parenchyme hépatique d’aval. Le diagnostic de syndrome de Budd Chiari repose également sur les données de l’échoDoppler, indiqué devant une altération de la fonction hépatique et une production trop abondante d’ascite. On observe alors une démodulation spectrale des VH restantes (qui restent perméables au stade aigu, malgré la plicature) et un ralentissement du flux portal.
La chirurgie des kystes
1. Données techniques générales La chirurgie des formations kystiques peut consister en une résection du dôme saillant ou fenestration, ou en une hépatectomie partielle. La périkystectomie n’a aujourd’hui plus d’indication, du fait du risque de lésion traumatique des vaisseaux qui entourent le kyste. Les kystes parasitaires constituent une indication opératoire dans la majorité des cas. En particulier, les kystes hydatiques doivent être opérés sauf en cas de kystes anciens entièrement calcifiés (type V selon la classification de Gharbi). Le contenu des kystes est aspiré puis un traitement antiparasitaire est injecté dans la cavité kystique ouverte et réaspiré. Les kystes sont ensuite largement ouverts (fenestration), après protection de la cavité péritonéale par des champs imbibés de sérum physiologique hypertonique. Les membranes proligères sont réséquées. Les kystes congénitaux, représentés par les kystes biliaires simples et la polykystose hépatique, peuvent également faire l’objet d’une fenestration dans la cavité péritonéale, par large excision de la paroi kystique à la surface du foie, lorsqu’ils sont symptomatiques (fig. 15). Les kystes superficiels sont fenestrés par résection du dôme saillant. Les kystes profonds peuvent être fenestrés au travers de kystes superficiels, dans les cas de polykystose ou de multikystose, par effondrement des cloisons interkystiques (fig. 16). Parfois est associée une cautérisation ou une coagulation à l’Argon, afin de diminuer la production de liquide par la paroi épithéliale du kyste (12). Les kystes fenestrés peuvent ensuite être comblés par de l’épiploon. Un drain est souvent laissé en place.
2. Aspect post-opératoire normal
Fig. 12 :
Aspect tomodensitométrique d’un bilome après soussegmentectomie VI. Le bilome (astérisque) apparaît sous la forme d’une collection liquidienne homogène, sans image de cloisons, en regard de la tranche de section hépatique, matérialisée par des clips chirurgicaux hyperdenses (flèche). (fournie par le Pr Marc Zins, Hôpital St Joseph, Paris).
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Comme après une hépatectomie partielle, on observe souvent une ascite transitoire en période post-opératoire précoce, de même qu’un épanchement pleural. Après fenestration, les kystes disparaissent complètement ou s’affaissent partiellement, laissant place à des formations liquidiennes plus petites, à parois irrégulières (fig. 17). Lorsque des adhérences se forment au contact du dôme réséqué, une possible obstruction de la fenêtre conduit à la persistance de kystes moins volumineux (13). Enfin,
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Fig. 13 : a-b
Fig. 14 :
Aspect échographique après hépatectomie gauche. En début d’examen (a) l’estomac (astérisque) en réplétion est plaqué contre la loge de résection, identifiée par la présence de clips hyperéchogènes (flèches), réalisant une fausse image de collection. En fin d’examen (b), l’estomac (astérisque) s’est partiellement vidé.
Coupe échographique récurrente montrant une importante incurvation des VH gauche et médiane après hépatectomie droite, secondaire à une bascule marquée du foie gauche restant vers la droite (VCI : veine cave inférieure, VSH G : veine hépatique gauche, VSH M : veine hépatique médiane).
on peut observer une structure graisseuse en regard des cavités kystiques ouvertes, en cas d’épiplooplastie.
Fig. 15 :
Photographie per-opératoire d’un volumineux kyste fenestré. La cavité kystique (astérisque) est largement ouverte dans la cavité péritonéale et ses bords sont suturés (flèches).
La radiofréquence
1. Données techniques générales 3. Aspect des complications post-opératoires Après résection d’une formation kystique, la complication la plus fréquente est un bilome ou une fistule biliaire. Des complications infectieuses surviennent dans environ 4 % des cas (14). La persistance d’une ascite est secondaire à l’incapacité du péritoine à absorber plus de 900 ml de liquide par jour (15).
Les patients atteints de lésions hépatiques néoplasiques, et non éligibles à une résection hépatique, peuvent bénéficier d’alternatives thérapeutiques comme la thermo-ablation, comprenant en premier lieu la radio-fréquence, mais aussi la cryothérapie et la photocoagulation au laser. La radiofréquence peut être pratiquée en percutané, écho- ou scano-guidée, ou en per-opératoire, par J Radiol 2009;90
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a b
Fig. 16 :
Photographie préopératoire (a) et postopératoire (b) de multiples kystes fenestrés dans le même temps. (fournie par le Dr Olivier Farges, Hôpital Beaujon, Clichy).
laparoscopie ou laparatomie et peut alors être associée à une résection chirurgicale. Elle est fondée sur la nécrose par thermocoagulation des lésions cibles, au moyen d’aiguilles-électrodes introduites dans le tissu tumoral et délivrant un courant alternatif à haute fréquence. Ce courant électrique induit une agitation ionique, laquelle induit par friction entre les particules un échauffement tissulaire. Le but est d’exposer les cellules tumorales à une température supérieure à 60 °C, qui provoque de façon quasi immédiate une dénaturation cellulaire irréversible. Il faut détruire la tumeur, mais aussi une couronne de tissu hépatique sain d’au moins 5 mm, afin d’obtenir des « marges de sécurité ». On peut y associer une embolisation ou une occlusion par ballonnet de l’artère qui alimente la lésion, afin de réduire le flux artériel localement et de favoriser la nécrose tumorale, voire un clampage artériel lorsque la procédure se fait à ventre ouvert (16). L’échographie est la technique d’imagerie de choix pour guider la mise en place des aiguilles-électrodes dans les lésions cibles, en raison de son caractère en « temps réel », des possibilités d’angulation du trajet de ponction dans toutes les directions de l’espace et de son accessibilité, tant pour le traitement percutané que peropératoire.
2. Aspect normal après traitement par radiofréquence 2.1. Aspect échographique En per- et post-procédure immédiate, les remaniements induits par la radio-fréquence correspondent à une zone très hyperéchogène, qui ne présage pas forcément de la réussite du traitement. En effet, cette modification d’échostructure est due à la libération de gaz (principalement du CO2) sous l’effet de la chaleur, et non pas à l’apparition de nécrose tissulaire, qui apparaîtra, à distance, hypo-échogène hétérogène, difficile à délimiter par rapport au parenchyme hépatique sain adjacent. Après injection de produit de contraste, la cicatrice est mieux individualisée, complètement avasculaire, avec des limites nettes. La cicatrice de traitement doit être plus grande que la tumeur initiale car elle doit comprendre la marge de foie sain péri-lésionnel. J Radiol 2009;90
2.2. Aspect en imagerie en coupes Au scanner, la nécrose induite par la radiofréquence apparaît sous la forme d’une zone spontanément hypodense, dont les limites doivent être nettes par rapport au foie sain et dont la forme dépend du placement des électrodes et de la proximité avec les gros vaisseaux (les gros vaisseaux, par leur flux rapide, limitent l’effet d’échauffement tissulaire et donc la nécrose tissulaire) (16). Il peut exister une zone centrale spontanément hyperdense, qui correspond à une zone de plus grande dissociation cellulaire (17) et qui disparaît spontanément en quelques semaines ou mois (fig. 18a). Il peut également exister des petites bulles gazeuses au sein de la cicatrice, produites durant la thermo-coagulation, qui disparaissent en l’espace d’un mois (18). Rarement, on peut observer une rétraction de la capsule hépatique et des calcifications sur le site de radiofréquence (18). En cas de résidu tumoral, on observe une prise de contraste et/ou une hyperdensité en périphérie de la nécrose. En IRM, la nécrose lésionnelle apparaît en hypersignal T1 et hyposignal T2, contrairement au résidu tumoral qui apparaît en hyposignal T1 et hypersignal T2 (19). Après injection de produit de contraste, en scanner et IRM, la cicatrice apparaît avasculaire, mais il peut exister une discrète prise de contraste périphérique, régulière, pouvant persister plusieurs mois et qui correspond à une congestion et/ou à du tissu de granulation (16). Avec le temps, la cicatrice reste stable ou diminue lentement de taille.
3. Aspect des complications de la radiofréquence Les complications précoces sont de trois types : vasculaires, biliaires et extra-hépatiques (18, 20).
3.1. Les complications vasculaires Elles comprennent la thrombose portale, la thrombose veineuse hépatique, l’infarctus hépatique, l’hématome sous capsulaire, l’hémopéritoine et le pseudo-anévrysme artériel. La thrombose portale concerne les vaisseaux de petit calibre à flux lent, mais les vaisseaux de grand calibre, lorsque le flux portal
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Fig. 17 :
Aspect tomodensitométrique avant (a) et après (b) fenestration de kystes. Après fenestration, les kystes disparaissent complètement ou s’affaissent partiellement, laissant place à des formations liquidiennes plus petites, à parois irrégulières (astérisques). (fournie par le Dr Olivier Farges, Hôpital Beaujon, Clichy).
Fig. 18 :
Aspect tomodensitométrique post-opératoire d’un carcinome hépatocellulaire, situé à la jonction des segments II et IV et traité par radiofréquence. Coupe axiale en contraste spontané. La cicatrice de traitement apparaît hypodense (flèche), avec des limites relativement nettes par rapport au foie sain, et un centre spontanément dense (astérisque), correspondant à une zone de plus grande dissociation cellulaire. Coupe axiale après injection de produit de contraste iodé au temps portal. La zone traitée apparaît nettement hypodense. On note une discrète dilatation de petits canaux biliaires (flèches) visibles en périphérie de la cicatrice de radiofréquence (astérisque).
a b a b
est ralenti (contexte de cirrhose hépatique, de thrombose portale préexistante, de traumatisme vasculaire par les électrodes), peuvent également être touchés. L’écho-Doppler montre un thrombus portal échogène, associé à l’absence ou à un ralentissement du flux portal. Le scanner et l’IRM montrent un thrombus dans la lumière de la veine porte, associé à un rehaussement segmentaire du parenchyme hépatique, au temps artériel, dans le territoire vascularisé par la veine porte thrombosée, secondaire à l’hyperartérialisation compensatrice. En cas de thrombose veineuse hépatique, l’imagerie montre l’absence de flux (écho-Doppler) ou de rehaussement (scanner,
IRM) de la VH thrombosée, associée à une congestion dans le territoire normalement drainé, se traduisant par un rehaussement moindre au temps artériel. L’infarctus hépatique se traduit par une plage de faible rehaussement en scanner et IRM, qui s’étend à la capsule hépatique, parfois associée à des hypodensités branchées de type aérique, semblant correspondre à une aéroportie (20). L’hématome sous-capsulaire et l’hémopéritoine sont secondaires au traumatisme induit par la mise en place des électrodes et sont favorisés par les troubles de la coagulation. L’hématome sous-capsulaire se traduit par une collection biconvexe ou en croissant, spontanément hyperdense. J Radiol 2009;90
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Le pseudo-anévrysme artériel est une complication rare, résultant d’un traumatisme direct par les électrodes ou secondaire à un abcès hépatique.
3.2. Les complications biliaires Elles comprennent la sténose biliaire, le bilome, l’abcès hépatique et l’hémobilie. Les sténoses biliaires thermo-induites s’accompagnent d’une dilatation biliaire en amont qui peut progresser durant plusieurs mois (fig. 18b), s’associer à un bilome et à une atrophie du parenchyme hépatique. Les canaux biliaires périphériques sont plus vulnérables à la thermoablation mais leur sténose reste souvent infra-clinique. Les canaux biliaires proximaux sont théoriquement protégés par le flux portal qui diminue l’échauffement tissulaire mais leur sténose est plus délétère. Le bilome peut aussi être secondaire à une fuite de bile survenant après perforation biliaire sur le site de radiofréquence et régresse généralement en 4 mois, sans conséquence clinique (18). L’abcès hépatique est une des complications majeures de la radiofréquence et survient dans près de 2 % des cas (21). Il est favorisé par la colonisation bactérienne de l’arbre biliaire et par l’existence d’un diabète ; il est pratiquement constant si le patient présente une anastomose bilio-digestive qui contre-indique, pour cette raison, la radiofréquence. En échographie, il apparaît sous la forme d’une collection hétérogène contenant des débris et des bulles d’air échogènes. En scanner, il réalise une collection hypodense contenant des bulles d’air et présentant un rehaussement périphérique après injection de contraste (fig. 19). L’hémobilie se traduit au scanner par un contenu spontanément hyperdense de l’arbre biliaire, parfois associé à la présence de caillots dans la vésicule biliaire.
3.3. Les complications extra-hépatiques Elles comprennent les lésions traumatiques des organes adjacents à la lésion cible hépatique, notamment du tractus gastro-
Fig. 19 :
Aspect tomodensitométrique en coupe axiale, après injection de produit de contraste iodé au temps portal, chez un patient opéré d’une hépatectomie droite élargie au segment IV pour un cholangiocarcinome avec récidive tumorale dans le segment II, traitée par radiofréquence. Le patient est fébrile et la cicatrice de traitement (astérisque) apparaît sous la forme d’une collection liquidienne hypodense, contenant des bulles d’air (simple flèche) et présentant une prise de contraste en couronne (double flèche). Il s’agissait d’une surinfection de la zone traitée.
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intestinal et de la vésicule biliaire, ainsi que les épanchements pleuraux et l’ensemencement tumoral. Les lésions thermoinduites du tractus gastro-intestinal sont essentiellement la perforation digestive, suspectée devant un épaississement de la paroi digestive, une infiltration de la graisse adjacente, un pneumopéritoine, une ascite et éventuellement un abcès secondaire intra- ou extra-hépatique. Celles de la vésicule biliaire sont essentiellement la cholécystite, suspectée devant un épaississement de la paroi vésiculaire et une infiltration de la graisse adjacente. Les épanchements pleuraux gazeux et hématiques sont liés au traitement de lésions superficielles proches du diaphragme. L’ensemencement tumoral est favorisé par le nombre de ponctions et de repositionnements des électrodes, ainsi que par la localisation sous-capsulaire et le caractère indifférencié de la tumeur.
Conclusion Les aspects post-opératoires du foie sont variés et variables dans le temps. Une bonne connaissance des gestes chirurgicaux possibles rend l’interprétation des images de foie opéré aisée. Il est même souvent possible de déduire le type d’intervention pratiquée (clampage premier du pédicule, utilisation du Tissuelink®, etc.) à partir des images observées. Les complications sont en général facilement identifiées en écho-Doppler et au scanner. L’aspect normal et pathologique après radiofréquence doit être connu de tout radiologue. Points à retenir • Après chirurgie, le volume hépatique restant doit représenter au moins 30 % du volume hépatique fonctionnel pour un foie sain et au moins 50 % pour un foie cirrhotique. • Une résection hépatique est dite réglée lorsqu’elle se limite à l’ensemble du parenchyme hépatique situé en aval d’un pédicule glissonien. • Après résection hépatique non réglée, une portion du parenchyme restant risque de connaître des troubles de perfusion portale, de drainage veineux ou de drainage biliaire. • L’identification des veines hépatiques et des branches portales restantes permet d’identifier quels segments et sous-segments du foie ont été enlevés. • Une petite collection liquidienne limitée à la zone réséquée peut être visible de façon physiologique, en post-opératoire précoce, parfois associée à des bulles d’air. • Les complications post-opératoires sont représentées par les collections, surinfectées ou non (liées à la fuite d’un vaisseau ou d’un canal biliaire le long de la tranche de section), par la thrombose portale et par le syndrome de Budd Chiari aigu. • La chirurgie des kystes bénins consiste en une fenestration dans la cavité péritonéale par large excision de la paroi kystique à la surface du foie. • Après fenestration, les kystes disparaissent complètement ou s’affaissent partiellement, laissant place à des formations liquidiennes plus petites, à parois irrégulières. • Après radiofréquence, la cicatrice de traitement est hypoéchogène, hypodense, en hypersignal T1 et hyposignal T2, avasculaire après injection de contraste, parfois associée à une discrète prise de contraste périphérique régulière, pouvant persister plusieurs mois. • La cicatrice de radiofréquence reste stable ou diminue lentement de taille avec le temps. • Les complications post-radiofréquence sont vasculaires (thrombose veineuse, infarctus hépatique, hématome, pseudoanévrysme artériel), biliaires (sténose biliaire, bilome, hémobilie, abcès) et extra-hépatiques (perforation digestive et cholécystite thermo-induite).
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Cas cliniques
Cas clinique n° 1, histoire de la maladie
Questions
Ce scanner a été réalisé, chez cette patiente de 68 ans, un mois après une intervention pour métastases hépatiques d’un cancer colique gauche. Il persiste des métastases hépatiques droites (astérisques). Ce scanner a été demandé pour faire le bilan volumétrique avant ré-intervention chirurgicale (fig. 1-3).
1) Quelles résections hépatiques ont-elles été réalisées ? 2) L’aspect des loges de résection est-il normal ou faut-il évoquer des complications ?
Fig. 1 :
Fig. 2 :
Fig. 3 :
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1) Il y a deux loges de résection (cibles) individualisées par des clips hyperdenses : • une loge de résection haut située, délimitée à droite par la VH droite et la branche portale du segment VIII, et à gauche par la VH médiane (fig. 4 et 5) : il s’agit donc d’une sous-segmentectomie VIII ;
• une loge de résection délimitée à droite par la branche portale gauche (fig. 5) et à gauche par l’estomac : il s’agit donc d’une lobectomie gauche. 2) Il est normal, en post-opératoire précoce, de trouver des collections liquidiennes limitées aux loges de résection. La présence de bulles d’air (fig. 6, flèche) n’est pas pathologique jusqu’au deuxième mois post-opératoire, en l’absence de fièvre.
Fig. 4 :
Fig. 5 :
Réponses
Fig. 6 :
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Cas clinique n° 2, histoire de la maladie
Questions
Cette patiente est transférée en réanimation pour choc et cytolyse après bi-segmentectomie IV-V. Dans ses antécédents, on note une cholécystectomie il y a 3 mois, compliquée d’une plaie des voies biliaires sur un canal droit accessoire abouché dans le lit vésiculaire, ayant nécessité la mise en place d’une endoprothèse en plastique. L’examen anatomopathologique de la pièce opératoire rapporte la présence d’un adénocarcinome du corps vésiculaire. La patiente est donc réopérée il y a une semaine pour une bisegmentectomie IV-V. Le lendemain de l’intervention survient un choc hémodynamique sévère, qui nécessite la mise en route d’une réanimation lourde. Les drains laissés en place ramènent un liquide séro-hématique. Le bilan biologique montre l’installation, sur 3 jours, d’une importante cytolyse à 20 fois la normale, associée à une cholestase ictérique. Les hémocultures sont positives à streptocoque D. Le scanner réalisé à l’arrivée de la patiente est le suivant (fig. 1-3).
1) Quel diagnostic évoquez-vous cliniquement, et sur quels arguments ? 2) Quel est votre diagnostic sur le scanner ?
Fig. 1 :
Fig. 2 :
Fig. 3 :
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Réponses 1) La cytolyse évoque un infarctus hépatique, les hémocultures une surinfection ; l’ensemble explique le choc. 2) Il s’agit d’une ligature complète du pédicule portal et artériel droit, à l’origine d’un infarctus surinfecté du foie droit. La surinfection a été favorisée par la présence d’une prothèse dans les voies biliaires, consécutive à la première plaie sur les voies biliaires. La flèche à double tête (fig. 4) matérialise le plan de la VH médiane et la ligne courbe (fig. 5 et 6) limite la zone d’exérèse, qui est située de part et d’autre du plan de la VH médiane. On observe, en lieu et place du foie droit, en dehors de la zone opérée, une large plage dévascularisée (flèches blanches), avec des bulles d’air. La veine porte (fig. 6, astérisque) reste perméable mais la branche droite est invisible. Un tel infarctus n’est possible que si l’ensemble du pédicule droit, incluant la branche portale droite et l’artère, a été lié. En effet, une ligature portale seule (ou une embolisation) est bien tolérée, avec des modifications biologiques modestes (1)
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et une ligature accidentelle de la branche droite de l’artère hépatique est le plus souvent asymptomatique, en raison de suppléances par la plaque hilaire (2). Le compte rendu opératoire rapportait : « au cours de la transsection parenchymateuse droite, une hémorragie au déclampage a nécessité un traitement par de larges points en X de Vicryl® 0 et la pose de clips ». Ce sont ces clips que l’on retrouve sur le pédicule droit (fig. 7, cercle). La patiente a finalement été reprise au bloc opératoire pour une hépatectomie droite.
Références 1.
2.
De Baere T, Roche A, Elias D, Lasser P, Lagrange C, Bousson V. Preoperative portal vein embolization for extension of hepatectomy indications. Hepatology 1996;24:1386-91. Halasz NA. Cholecystectomy and hepatic artery injuries. Arch Surg 1991;126:137-8.
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Fig. 5 :
Fig. 6 :
Fig. 7 :
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