J. Le Sein, 2004, t. 14, n° 4, pp. 307-312 © Masson, Paris, 2004
CAS CLINIQUE
IMAGERIE DU LYMPHOME MAMMAIRE À propos de 4 cas Breast lymphoma imaging: about four cases
L. JROUNDI, M. FIKRI, F. BARKOUCHI, I. CHAMI, N. BOUJIDA, D. BACADI Service de Radiologie, Institut National d’Oncologie INO, Rabat, Maroc.
RÉSUMÉ
SUMMARY
La localisation mammaire des lymphomes est très rare. L’atteinte secondaire est plus fréquente que la forme primitive. Les auteurs rapportent quatre observations de lymphome mammaire dont un primitif et trois secondaires à une maladie de Hodgkin connue, dans le but de déterminer les différents aspects radiologiques, en distinguant les formes primitives des secondaires. L’imagerie repose sur la mammographie et l’échographie et plus récemment sur l’IRM.
The breast is an uncommon site of development of malignant lymphomas. Secondary disease is more common than the primitive form. We report four cases of breast lymphoma, one was primary and the others were secondary to Hodgkin’s disease. The objective was to determine the radiological features in the primary and secondary forms of breast lymphoma.
Mots-clés : lymphome, glande mammaire, mammographie, échographie, IRM.
Key words: lymphoma, breast, mammography, ultrasonography, MRI.
Le lymphome du sein, qu’il soit primitif ou secondaire est très rare, il représente moins de 0,5 % de l’ensemble des tumeurs malignes de la glande mammaire [1-5]. L’imagerie repose sur la mammographie couplée à l’échographie et plus récemment sur l’imagerie par résonance magnétique, qui tend à prendre une place importante dans l’exploration de la pathologie tumorale de la glande mammaire.
val sur les quatre quadrants sans microcalcifications. Elle est responsable d’une grosse ulcération en regard, d’un épaississement du revêtement cutané et d’un aspect dense du tissu sous-cutané, ainsi qu’une rétraction mamelonnaire. L’échographie mammaire retrouve des masses hypoéchogènes bien limitées polylobées sans atténuation postérieure (figure 1b) et sans adénopathie axillaire. La biopsie avec étude anatomo-pathologique a conclu à un lymphome mammaire primitif diffus malin de grade intermédiaire.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Observation 2
INTRODUCTION
Observation 1 Jeune femme de 28 ans, présentant depuis 9 mois une tuméfaction mammaire droite. L’examen clinique retrouve un sein augmenté de taille et une masse prenant tout le sein avec inflammation et rétraction cutanée. La mammographie montre un sein dense (figure 1a) avec une opacité dont la limite postérieure seule est individualisable, développée à cheTirés à part : L. JROUNDI, n° 14, immeuble 67, rue melouya, Agdal, Rabat, Maroc. E-mail :
[email protected]
Jeune femme de 20 ans qui présente un nodule du quadrant supéro-externe droit. L’étude mammographique retrouve une opacité nodulaire bien limitée du quadrant supéro-externe du sein droit (figure 2a). L’échographie retrouve une masse hypoéchogène, homogène sans atténuation postérieure évoquant un adénofibrome à grand axe horizontal mais à limites assez irrégulières (figure 2b). L’étude anatomo-pathologique après tumérectomie a conclu à un lymphome malin non Hodgkinien. Le bilan complémentaire a retrouvé une pleurésie, un épanchement péricardique et une splénomégalie.
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Observation 3 Jeune fille de 16 ans, traitée pour maladie de Hodgkin, qui présente un nodule du quadrant supéro-externe du sein droit de 2 cm de diamètre avec adénopathie axillaire homolatérale. La mammographie retrouve un aspect dense des plages mammaires avec opacité du quadrant supéro-externe droit, sans microcalcifications (figure 3a). L’échographie met en évidence des formations nodulaires (figure 3b) hypoéchogènes dis-
crètement hétérogènes, associées à un magma d’adénopathies dans le prolongement axillaire (figure 3c). L’examen anatomopathologique a révélé une localisation lymphomateuse secondaire au niveau du sein. Observation 4 Patiente de 37 ans, traitée pour maladie de Hodgkin qui présente à la mammographie des nodules
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FIG. 1. — a) Mammographie de profil montrant un sein dense avec présence d’une masse prenant les quatre quadrants, associée à une rétraction mamelonnaire ; b) échographie mammaire montrant des masses hypoéchogènes polylobées, sans atténuation postérieure. FIG. 1. — a) Lateral mammography showing a high density breast with a tumor involving the four quadrants associated with a nipple retraction; b) Breast ultrasound with large hypoechoic multilobulated tumors without posterior attenuation.
a b
FIG. 2. — a) Mammographie de profil montrant une masse bien limitée du quadrant supéro-externe ; b) échographie mammaire révélant une masse hypoéchogène de grand axe horizontal et à limites irrégulières. FIG. 2. — a) Lateral mammography showing a well limited tumor of the superior external quadrant; b) breast ultrasound reveals a large hypoechoic mass with a long horizontal axis and multilobulated irregular limits.
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a b
FIG. 3. — a) Mammographie de face : masse bien limitée du quadrant supéro-externe droit ; b) échographie mammaire montrant une masse hypoéchogène, bien limitée, associée à des adénopathies axillaires multiples. FIG. 3. — a) Face mammography: well limited mass of the right superior external quadrant; b) breast echography showing well limited a hypoechogenic tumor associated with multiple invaded axillar nodes.
a
b c
FIG. 4. — a) Mammographie de profil montrant un aspect dense du sein avec présence de plusieurs masses éparses de taille variable ; b-c) échographie axillaire : volumineuse adénopathie à limites irrégulières. FIG. 4. — a) Lateral mammography showing a dense breast with multiple masses of variable size; b-c) axillar ultrasound: huge node with irregular limits.
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mammaires droits disséminés et de tailles différentes (figure 4a). L’échographie retrouve des masses multiples bien limitées, intéressant tous les quadrants, de taille variable (figures 4b et c) associées à des adénopathies axillaires. L’examen anatomopathologique a confirmé la localisation lymphomateuse secondaire au niveau du sein.
DISCUSSION Le sein est une localisation peu commune pour le développement de lymphomes malins, en raison de la faible proportion de tissu lymphoïde à ce niveau [2]. Cette atteinte représente 2 % des LMNH extra ganglionnaires [1, 6] et moins de 0,5 % de toutes les tumeurs malignes du sein [2, 7, 8]. Il existe approximativement 300 cas rapportés dans la littérature [6]. L’âge moyen de survenue du lymphome primitif est identique à celui de l’adénocarcinome, il se situe aux alentours de la cinquantaine [1], l’âge de nos patientes est nettement inférieur. L’homme est exceptionnellement touché. Le lymphome primitif du sein correspond presque toujours à un LMNH. Il répond aux critères classiques décrits par Wiseman et Liao [2, 9] qui incluent une preuve histologique sous forme d’un infiltrat lymphomateux au niveau du tissu mammaire normal, l’absence de dissémination lymphomateuse au moment du diagnostic et la présence d’adénopathies axillaires ipsilatérales concomitantes à la lésion primitive. Le lymphome secondaire rentre dans le cadre d’une atteinte lymphomateuse extra mammaire déjà étiquetée. Il est légèrement plus fréquent que le lymphome primitif [4, 5, 7, 10] et est probablement de diagnostic plus facile étant donné qu’il survient dans un contexte clinique évocateur [2] comme cela a été le cas pour nos trois observations. La symptomatologie des lymphomes mammaires peut mimer celle d’un carcinome et poser des problèmes de diagnostic différentiel. Une masse solitaire indolore est la plus fréquente des manifestations cliniques, la douleur est présente dans 25 % des cas [2]. L’atteinte cutanée est souvent associée à une atteinte parenchymateuse diffuse, ainsi qu’à un haut grade de malignité [2]. La rétraction ou la décharge mamelonnaire et la rétraction cutanée sont exceptionnelles [2] et ont été retrouvées dans notre première observation. La bilatéralité a été rapportée comme occasionnelle, mais elle est souvent observée dans les formes secondaires. Le lymphome mammaire bilatéral est considéré comme une entité clinique spécifique, affectant surtout les femmes enceintes ou en post-partum, avec une augmentation du vo-
lume mammaire, une évolution rapide et un mauvais pronostic [2]. Les signes radiologiques du lymphome primitif du sein ne sont pas pathognomoniques et le diagnostic ne peut être posé sur les seules données mammographiques. En revanche, il existe des différences radiologiques significatives entre le lymphome et le carcinome du sein [2]. Le lymphome primitif mesure souvent 2 à 3 cm au moment du diagnostic. Une atteinte droite prédominante inexpliquée contrastant avec la prédominance du côté gauche pour le carcinome est classiquement décrite [2, 4, 6]. Toutes nos patientes présentaient une atteinte du sein droit, ce qui concorde avec les données de la littérature. La réaction fibrotique ou desmoplastique avec distorsion architecturale souvent retrouvée, entourant le carcinome du sein, n’est pas démontrée dans le cas des masses lymphomateuses. Les calcifications présentes dans plus de la moitié des carcinomes, ne sont pas retrouvées dans le lymphome [2, 4, 11, 12], aucun foyer de microcalcifications n’a été retrouvé dans nos mammographies. À la mammographie, une masse isolée est l’aspect le plus retrouvé (58,3 % des cas), ce qui est le cas de nos deux premières patientes. La plupart des masses ont des limites irrégulières (50 % des cas). Une masse partiellement bien délimitée est rencontrée dans 37,5 % des cas et enfin, un aspect de tumeur bénigne, bien délimitée est retrouvé dans 12,5 % des cas [2]. Un autre aspect moins fréquent, observé dans 33 % des cas de la série de Sabaté et Gomez [2] est celui d’une atteinte diffuse entraînant une augmentation de la densité parenchymateuse avec ou sans atteinte cutanée, comme nous avons constaté chez nos deux dernières observations. Cette forme se voit surtout dans les cas de lymphomes de haut grade. Il existe une association confirmée entre l’atteinte parenchymateuse diffuse à la mammographie et les types histologiques de haut grade [2]. La réaction fibrotique ou desmoplastique avec distorsion architecturale souvent retrouvée, entourant le carcinome du sein, n’a pas été démontrée dans le cas des masses lymphomateuses. Les calcifications, présentes dans plus de la moitié des carcinomes, ne sont pas retrouvées dans le lymphome [2, 4, 11, 12], aucun foyer de microcalcifications n’a été retrouvé dans nos mammographies. L’atteinte lymphomateuse secondaire est plus commune, 46,6 % des atteintes métastatiques proviennent des types intermédiaires et 33,3 % des hauts grades de malignité [2]. Comme pour le lymphome primitif, une masse nodulaire est l’aspect le plus fréquemment retrouvé, dans 68,7 % selon Sabaté et Gomez [2], qui retrouvent contrairement à l’atteinte primitive, que la majorité des masses observées dans le
Imagerie du lymphome mammaire
lymphome secondaire sont bien délimitées dans 54,5 % des cas ou partiellement bien définies dans 27,2 % des cas et seules 18,1 % des lésions sont mal limitées. En plus, dans la localisation lymphomateuse secondaire, les masses sont de diamètre inférieur que celles observées dans le lymphome primitif. Ceci peut être expliqué par le fait que la durée des symptômes est plus courte chez les patientes ayant une atteinte lymphomateuse connue. L’atteinte diffuse qui augmente la densité parenchymateuse est retrouvée dans 31,2 % des cas et, comme décrit dans la forme primitive, est en rapport avec un type histologique de haut grade. Il faut savoir qu’aucun critère mammographique ne permet de distinguer entre l’atteinte primitive et secondaire [2, 13]. La mammographie est utile pour la surveillance en révélant des récidives locales après chirurgie dans les formes primitives et la réponse thérapeutique après chimiothérapie dans les formes primitives et secondaires [2]. Le rôle de l’échographie dans le diagnostic du lymphome mammaire est de confirmer la présence d’une masse solide, qui n’est pas spécifique. Un large spectre d’aspects échographiques, allant de la lésion bien limitée à la lésion mal limitée, focale ou diffuse, de lésion hypoéchogène à hyperéchogène, a été décrit [2, 3]. Il a été suggéré que les masses lymphomateuses sont souvent hypoéchogènes voire anéchogènes plus ou moins bien limitées [2]. Dans les cas où la mammographie ne retrouve pas d’anomalies, alors qu’il existe un nodule palpé cliniquement, l’échographie peut être très utile en mettant en évidence la masse lymphomateuse et en permettant un suivi post-thérapeutique [4]. L’aspect IRM du lymphome mammaire est celui d’une lésion mal limitée, non spiculée, hypointense en T1, isointense au parenchyme glandulaire en T2 avec présence d’un halo hyperintense. Le rehaussement est rapide et important dans les séquences dynamiques [3, 14]. L’IRM est supérieure à la mammographie et à l’échographie dans la mise en évidence de la masse et de l’atteinte cutanée. Les aspects IRM ne sont pas pathognomoniques [3, 5] et ceux retrouvés peuvent se voir aussi bien dans le lymphome primitif que secondaire [3]. Le rehaussement rapide peut aider à exclure une tumeur bénigne et peut indiquer une atteinte secondaire en cas de lymphome extra mammaire connu. La réponse thérapeutique peut être suivie par IRM qui est plus performante que les autres méthodes [3, 5]. Dans le cas du lymphome primitif, l’examen cytologique ne permet pas l’identification histologique des lésions pour deux raisons, la rareté du lymphome primitif et les caractéristiques cytologiques des cellules tumorales. Dans les lymphomes de bas grade, les cellules malignes peuvent
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être prises pour un carcinome de type lobulaire [2]. La biopsie est essentielle pour poser le diagnostic [1, 3]. Le traitement du lymphome primitif repose sur la chirurgie conservatrice à visée diagnostique, la mastectomie constitue une mutilation inutile. Le traitement adjuvant reste fonction du bilan d’extension et du type histologique, il repose sur une chimiothérapie associée à une radiothérapie [1]. L’histoire naturelle du lymphome primitif du sein apparaît différente des autres LMNH extra ganglionnaires dans d’autres sites à cause de sa rapidité de progression et de son mauvais pronostic [1, 2]. Le stade clinique et le grade histologique représentent les plus importants des facteurs pronostiques [2]. Dans la série de Sabaté et Gomez, la survie à 5 ans des patientes ayant un lymphome primitif est de 90 % [2].
CONCLUSION Le lymphome mammaire doit être discuté devant l’apparition rapide d’une masse volumineuse circonscrite ou bien devant un sein inflammatoire d’expression radiologique non spécifique le diagnostic reste histologique. Les masses dans le lymphome primitif ont tendance à avoir des limites moins nettes et des diamètres plus importants que celles observées dans les formes secondaires.
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